mercredi 23 décembre 2020

Mille nuances de blanc

 


Quatrième de couverture

Peu avant Noël, à Copenhague, un garçon groenlandais de six ans se tue en tomban du toit d'un immeuble. Accident, conclut la police. Ce n'est pas l'avis de Smilla Jaspersen. Elle connaît l'enfant. Et, surtout, elle « connaît » la neige.


Smilla Jaspersen est une jeune femme métisse danoise et groenlandaise. Elle est libre, indépendante et rebelle. Elle s'habille de manière toujours très chic et recherchée avec des vêtements d'excellente qualité respirant le luxe. Ce qui la rend d'autant plus surprenante et mystérieuse.

Smilla vit dans le même immeuble que Esajas et sa mère, elle accueille souvent le garçonnet chez elle quand la mère sombre dans les limbes de l'ivresse. Elle connaît bien l'enfant et son vertige aussi n'abonde-t-elle pas dans le sens de la police quand cette dernière conclut à un accident. Quand elle a observé la scène de l'accident, elle a su lire la neige : son enfance passée à Thulé, au Groenland, lui a appris à la langue de la neige, cette neige qui porte mille et un noms en groenlandais. C'est pourquoi les traces de pas sur le toit lui relatent une autre histoire que celle d'un banal accident.

Smilla ne veut pas en rester là : elle veut comprendre pourquoi Esajas est tombé, ce qui l'a poussé à grimper sur le toit et a provoqué la chute mortelle.


A mesure qu'elle avance dans son raisonnement et pose des questions, « on » cherche à entraver la progression de ses investigations et à l'intimider. Pourquoi ?

De questionnement en découverte, Smilla se rend compte que la mort du garçonnet est un élément, aux apparences anecdotiques, qui a perturbé les rouages bien huilés d'une organisation mêlant trafics en tout genre et recherches scientifiques secrètes.

Les enjeux sont énormes et provoquent une réaction en chaîne quand Smilla fouille dans les archives de la Compagnie danoise de Cryolithe et découvre qu'elle a couvert une expédition géologique au Groenland, en 1991, à Gela Alta. Une autre expédition avait eu lieu en 1966, infructueuse également. En remontant dans le temps, Smilla s'aperçoit que des chercheurs danois et norvégiens s'étaient joints à une expédition allemande au cours de la seconde guerre mondiale. Qu'est-ce qui peut attirer les regards sur cette région polaire, en dehors de la cryolithe, nécessaire minerai dans la fabrication de l'aluminium ?


Le Groenland est une terre hostile à la richesse minière indéniable ce qui attise la convoitise des grands groupes capitalistes prêts à tout pour s'emparer ce qui ce qui peut rapporter de l'argent au mépris des droits humains les plus élémentaires.

La course au profit ne prend pas en compte l'histoire, les traditions et encore moins l'équilibre écologique entre la glace, la neige, la faune, la flore et les hommes.

L'enquête de Smilla peut compromettre une expédition scientifique importante ce qui met en danger la vie de la jeune femme.

N'écoutant que son courage et son opiniâtreté, acquise dans une enfance groenlandaise, Smilla se fait embaucher comme femme de chambre sur le Kronos un petit cargo brise-glace paré pour se rendre dans le Grand Nord, là où les icebergs achèvent de dériver pour s'agglutiner en amas de glace d'une dangerosité extrême. Elle y trouvera des réponses.... glaçantes et effrayantes.


Peter Hoeg navigue entre le roman policier, roman noir et roman de science-fiction. Il n'épargne pas son lecteur avec des allers-retours entre le passé de Smilla, son présent, le passé du Groenland et sa modernité. Il orchestre le mystère avec maestria, distille la peur, tel un poison savamment dosé, tant chez Smilla que chez le lecteur.

Son héroïne doit puiser au fond d'elle-même courage et passion pour découvrir ce qui a provoqué la mort du jeune Esajas, elle lit les silences éloquents chez les autres, elle débusque un étrange parasite plus ravageur que le ver de Guinée ou le ver polaire. Mutation du parasite due à la proximité d'une météorite, objet de nombreuses convoitises ?

L'auteur excelle à mêler la critique envers la manière dont le Danemark a colonisé le Groenland, l'observation de la difficulté à tenir entre deux cultures aussi différentes que celle des Inuits et celle des Danois, à porter un regard acéré sur l'éternel conflit des relations homme-femme et à mettre en lumière le risque énorme à court ou moyen terme pour l'humanité d'un dérèglement dans l'équilibre subtil de l'écosystème du Groenland et des régions polaires, risque encouru par la course au profit d'un capitalisme à qui on a lâché la bride.

« Smilla et l'amour de la neige » est un hymne à ces régions hostiles où la vie dépend de la connaissance de la neige sous toutes ses formes. Une neige aux mille mots, aux mille nuances de blanc. Un monde cruel et envoûtant par sa beauté indicible.


Peter Hoeg offre un roman d'une beauté époustouflante, au rythme soutenu et à l'atmosphère délicieusement oppressante.

J'avais lu « La petite fille silencieuse » roman dans lequel l'eau tient un rôle essentiel, et « Le pouvoir de Susan », romans que j'avais hautement appréciés. « Smilla et l'amour de la neige » m'a enchantée au point que j'ai quitté, à regret, Smilla l'inclassable jeune femme aux mille et une facettes aussi intéressantes les unes que les autres.

Le must du must ? Le lire bien au chaud sous la couette ou confortablement installé(e) avec à portée de main un mug de thé brûlant.


Quelques avis

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2 commentaires:

eimelle a dit…

je l'ajoute à ma liste d'envies !

rachel a dit…

Oh oui tu donnes vraiment envie....ouii toute une confrontation de cultures entre le Danemark et le Groenland