dimanche 4 avril 2010

Quand un ego refuse la contradiction

Une affaire secoue la blogosphère: Cynthia a reçu des courriels peu amènes (injurieux même!) de la part de l'auteur de "Papoua". Pourquoi? Parce que Cynthia a eu le tort de ne pas avoir aimé le roman! Pourtant, elle a joué le jeu du partenariat jusqu'au bout: elle n'a abandonné sa lecture qu'à la page 200, ce qui est loin d'être un crime à l'aune des Droits du lecteur de Daniel Pennac.
Je dois avouer que cette affaire m'a choquée par la violence des propos écrits par l'auteur en question, Jean-Claude Derey (propos que l'on peut lire chez Cynthia): lors des partenariats avec les éditeurs, il faut s'attendre à lire des avis positifs comme négatifs au sujet d'un roman. En effet, la diversité des ressentis, des avis (il faudrait que Mr Derey sache enfin que l'ONU a déclaré 2010 année de la biodiversité) fait la richesse du paysage culturel: au risque d'un aphorisme déplorable, "il faut de tout pour faire un monde" et tant pis si cela ne va dans le sens que l'on espère.
Je rejoins Sylire qui souligne avec justesse que les critiques des blogolecteurs sont loin d'être empreintes de perfidie méchante, même lorsque le contenu n'a pas enthousiasmé. La liberté d'expression des blogolecteurs n'est pas muselable et heureusement....à bon entendeur....

La trêve pascale




En ce jour de résurrection du Christ, trois jours après la descente de la Croix, l'oeuf symbolise le renouveau mais aussi la venue des beaux jours et de la fécondité nourricière.
Je vous souhaite d'excellentes fêtes pascales et de très belles trouvailles chocolatées dans le jardin!


mercredi 31 mars 2010

Etre quelqu'un ou rien

Depuis deux bonnes semaines, je lis en classe les albums sélectionnés pour le final du Prix des incorruptibles; le premier fut "Bob, Bob le zèbre? Bob le singe...?", une histoire attendrissante au coeur de la savane.
Bob est un adorable éléphant qui a un énooorme problème: il voudrait être quelqu'un, lui qui n'est qu'un pauvre gros éléphant gris sans charisme ni humour, sans grâce ni élégance, sans caractère farouche ni humeur délirante. C'est que la savane regorge d'animaux en vue: la gazelle, ahhhh la gazelle et ses allures de sylphide, la girafe, elle est immense, c'est la plus grande de tous et cerise sur le gâteau, elle est très coquette! Il ne faut pas oublier le zèbre qui ne compte plus ses amis plus fidèles les uns que les autres, le zèbre véritable d'Artagnan de la savane (tous pour un, un pour tous!); ni le singe qui est impayable avec ses allures de grand comique prêt à faire rire toute la savane; et encore moins la hyène, certes méchante comme la gale, ignoble hypocrite à l'affût du moindre mauvais coup mais redoutable par la peur qu'elle engendre chez les autres! Comment voulez-vous que notre Bob ne soit pas rêveur après toutes ces observations: d'ailleurs, chaque soir il s'endort en rêvant d'être soit une hyène, un zèbre, une girafe, un singe ou une gazelle....jusqu'au jour où, n'en pouvant plus, il décide d'aller exposer ses malheurs au roi des animaux, le lion si sage et si posé. Ce dernier est bien embêté car il ne voit guère de solution satisfaisante: avez-vous déjà vu un éléphant au cou de girafe, zébré comme un zèbre, doté d'une tête de singe et juché sur des pattes de gazelle? Non, bien entendu...le lion non plus d'ailleurs. Il conseille donc à Bob d'aller dormir car la nuit est toujours bonne conseillère...ce que fait Bob qui s'endort en rêvant d'être...mais pas le temps d'imaginer quoi que ce soit: un bruit de craquement, une chaleur dense et une rougeur dans la nuit réveillent Bob en sursaut qui constate avec angoisse la progression rapide de l'incendie ravageur. Ni une ni deux, Bob s'occupe de mettre en place un pont de fortune pour permettre aux animaux de traverser le fleuve, puis il pompe, encore et encore jusqu'au bout de la nuit, l'eau avec sa trompe pour combattre le feu et ainsi sauver la savane et sa faune. Aussi, le lion, toujours très sage, a-t-il la ces douces paroles pour les oreilles de Bob: "Bob, tu voulais être quelqu'un? Tu es quelqu'un de bien!". Alors, au diable tous les malices du singe, le charisme du zèbre, l'élégance de la girafe, la grâce de la gazelle ou encore la méchanceté fascinante de la hyène: Bob est un éléphant qui compte dans la savane, il est son combattant du feu!
"Bob? Bob le zèbre? Bob le singe..." est un album qui montre combien l'estime de soi est essentielle pour une vie harmonieuse mais aussi qu'il est fondamental de comprendre que chacun possède l'étincelle qui fait de lui un être à part entière, un être unique, maillon important du vaste monde, même si en apparence on semble être insignifiant au regard de ceux qui se trouvent sous les feux de la rampe. Chaque être a son utilité, apporte quelque chose à l'édifice de la société et participe à l'harmonie de son environnement: l'individualité au service de la collectivité, le don de soi pour le bien-être d'autrui....une bien jolie valeur à faire passer aux jeunes générations pour une société moins individualiste et plus altruiste. En effet, le zèbre, le singe, la hyène, la gazelle et la girafe ne pensent qu'à eux, qu'à leur effet sur les autres et ainsi pensent être importants; or, que reste-t-il de leur arrogance lorsque le feu dévore la savane...fort peu de choses!
Les illustrations sont intéressantes, aux couleurs vives comme l'Afrique, et accompagnent fort à propos le texte. Une très belle histoire à lire sans modération!

L'avis de Ricochet  




(6/24)

mardi 30 mars 2010

Un possible envers des contes

Dans le colis Swapôconte envoyé par ma binômette Praline, il y avait, entre autres alléchants albums, un roman jeunesse, un polar, "Romain Gallo contre Charles Perrault" de Gérard Moncomble. Un titre intriguant dont je n'avais jamais entendu parlé: ma curiosité fut satisfaite ce week-end puisque Praline et moi en avons fait une lecture commune.

L'argument est amusant: comment regarder, avec un autre oeil, l'univers des contes traditionnels qui bercent les oreilles des petits et des grands depuis des générations? Gérard Moncomble a pris le parti d'une série d'enquêtes menées par l'impayable détective, Romain Gallo, un rien gouailleur, un tantinet cabotin, à l'allure d'un Marlowe carburant au pom-coca avec un zeste de nonchalance et d'humour, peut-être de cour de récréation, qui fait mouche et fait sourire! Bien entendu, notre Gallo est la bête noire d'un certain commissaire Charles Perrault, bouffi de son importance et empreint de suffisance alors que l'évidence est invisible pour lui.

C'est ainsi que six figures, légendaires - si j'ose dire -, de contes célèbres sont passées à la moulinette d'une lorgnette bien iconoclaste. Le Petit Chaperon Rouge trempe, à l'insu de son plein gré, dans une sordide histoire de dévoration sanglante pour couvrir une banale escroquerie à l'assurance; tandis que le pauvre loup, loin d'être un méchant loup, est condamné à perpétuité pour un "croquage" en série qu'il n'a pas commis, lui le boucher végétarien! L'appétit du numéraire décuple l'imagination d'un bûcheron sensible aux charmes d'une mère célibataire qui hélas ne sait pas qu'une galette peut saper les plus beaux châteaux en Espagne. Puis vient le tour de Barbe Bleue, accusé, à tort, de se débarasser de ses épouses; pourtant, l'affaire semblait claire: des poils de barbe, bleus, éparpillés sur le lieux des crimes, d'énormes empreintes (pas trop profondes), une jeune et splendide épouse, bref tout accuse le pauvre homme. Heureusement, notre Gallo, n'écoutant que ses intuitions et sachant observer son monde, parvient à éclairer la lanterne du commissaire, prompt à tomber dans le panneau le plus grossier, qui ne voyait pas (venir) que le chevalier servant de Mme Pot-Bouillon, répondant au doux nom de Sir Hanne, était l'amant de cette dernière qui ne pouvait espérer qu'une pauvre pension alimentaire...Mr Pot-Bouillon étant friand de chair fraîche mais au figuré (ah, les malheurs de l'inconstance!). Donc, une seule solution s'imposait à elle: se débarrasser de son encombrant époux volage.
Ensuite, notre Gallo a maille à partir avec un coiffeur très couru, doté d'un chat médium: un industriel soupçonnant son épouse d'adultère confie la filature de cette dernière à notre célèbre détective, sans peur et sans reproche, qui le mène dans un salon de coiffure so fashion où disparaît la belle. Ni une ni deux, Gallo trouve un étrange escalier et tombe en pleine séance d'hypnose. Le virtuose des coupes, Kid Carabas, tient sous sa coupe de belles et grandes fortunes grâce à son chat qui fait de lui le gourou des salons huppés de la ville. Bien entendu, le médium sera évincé et tout rentrera dans l'ordre.
Après, Cendrillon et la Belle au bois dormant ont leur image légèrement écornées: quand l'une est croqueuse de célibataires au bas de laine bien garni, l'autre est victime des ambitions démesurées de son père, scientifique aux principes bien vermoulus.
Pour finir, la cerise sur le gâteau: le Petit Poucet, sous les traits d'un nain psychopathe, parrain sans scrupules et sanguinaire. Un vrai régal cette ultime enquête! Entre les cailloux utilisés non seulement comme repères mais aussi comme boules destressantes, et les six frères obtus et gros bras, le pauvre Gallo se trouve maintes fois en très mauvaise posture. Il fallait y penser: transformer le gentil Petit Poucet en sombre hystérique à la gachette facile.
J'ai pris un immense plaisir à lire ces détournements de contes d'autant plus que l'auteur les implique dans des affaires criminelles modernes: détournement de fonds, danger des sectes et pouvoir des gourous sur les âmes en mal de croyance, marché douteux de drogues, meurtres passionnels, escroqueries à l'assurance. Le personnage du détective est amusant, attachant, joyeusement désabusé sur ses contemporains, comme tout bon détective, et prenant à coeur à regarder au-delà des simples apparences, lui dont l'officine est située en pleine ZUP dans un immeuble bien délabré,, même si cela lui coûte un séjour en prison!

Une très agréable parodie de contes traditionnels, connus et moins connus (Barbe Bleue) que l'on déguste tranquillement accompagné des souenirs de lectures d'enfance, d'après-midi passés en compagnie d'une Mamie (ce fut mon cas) racontant, sans se lasser, à ses petits-enfants l'éternel "Petit Chaperon rouge"!!!
Merci Praline pour cette plongée, aux saveurs contemporaines, dans une littérature qui m'a toujours enchantée.

Les avis de Lalivrophile   Praline  
 

dimanche 28 mars 2010

Dimanche poétique # 15

Je reprends le chemin poétique de ces dimanches si doux et si attendus, organisés par Celsmoon, avec un poète africain francophone (Sénégal), Birago Diop (1906-1989) (Merci Mirontaine pour ce recueil de poèmes africains, connus et inconnus).

Bal

Une volute bleue, une pensée exquise
Montent l'une sur l'autre en un accord secret
Et l'état rose tendre qu'un globe tamise
Noie un parfum de femme dans un lourd regret.

Le lent lamento langoureux du saxophone
Egrène de troubles et indistincts accords
Et son cri rauque, saccadé ou monotone,
Réveille parfois un désir qu'on croyait mort.

Arrête Jazz, tu scandes des sanglots, des larmes
Que les coeurs jaloux veulent garder seuls pour eux.
Arrêt ton bruit de ferraille. Ton vacarme
Semble une immense plainte où naît un aveu.

Les compagnons de voyage poétique de Celsmoon vous offrent ici leurs trouvailles.

Colis du Printemps

Bladelor a reconduit, quel bonheur, l'aventure du Swap au long cours; les contenus devaient être tous révélés le 21 mars dernier, en hommage au Printemps. Je fus la dernière à envoyer son colis en raison des caprices de la météo de février qui conduisirent le Trieux, qui coule au bout de mon jardin, à faire des siennes et à déborder largement hors de son lit (il a dépassé, à l'occasion, d'un bon mètre sa cote d'alerte, c'est dire!). Quel rapport avec le Swap...disons que lorsque sa maison est envahie par 70 cm d'eau, beaucoup de démarches sont à enclencher et mettez une dose de campagne électorales pour les Régionales agrémentée d'un additif "budget municipal" suivi du "budget communautaire" (j'assume les contraintes de mon modeste mandat d'élue), vous obtenez une chronologie qui file comme le vent. J'en profite pour remercier Bladelor et Mirontaine pour leur compréhension et leur patience.
Mais je m'égare et m'éloigne de ce qui est réellement important: le contenu du premier opus du Swap au long cours 2010.
Mirontaine et moi avions décidé de partir à la découverte de l'Afrique et ses milles et une couleurs et cette dernière a jailli, somptueuse, chaleureuse et colorée, du colis: un festival de couleurs, d'odeurs est entré dans la maison, apportant, fort à propos, d'agréables rayons de soleil....un peu de vie normale s'installait dans le salon et cela a fait un bien fou!
Le printemps arborait ses couleurs sur le colis:


Puis ce fut l'explosion colorée des multiples paquets recelant nombre de surprises (encore une fois, Mirontaine a su glaner mes points faibles et créer un bel ensemble):

Inutile de vous dire que les paquets furent ouverts délicatement tant les papiers étaient jolis (Mirontaine, comment sais-tu que j'aime leur offrir une seconde vie en classe lors des ateliers découpages? Mes petits élèves s'exercent donc aux subtilités du découpage en animant leur feuille de travail avec les papiers cadeau que je récupère...j'essaie de les motiver comme je peux pour un travail soigneux et une précision dans le découpage). De plus, faire attention à ne pas saccager les emballages prolonge le plaisir de l'attente (meuhhhh non, je ne suis pas maso!).
Enfin la découverte des attentions subtiles et chaleureuses de Mirontaine:



Entre le Rooibos, l'encens,le sachet de senteurs vanille/chocolat, les petits carnets, la bougie, le porte-photos et les lectures...j'ai de quoi voyager sereinement et en bonne compagnie! Mille et un mercis Mirontaine pour ces morceaux d'Afrique. Et chapeau Bladelor pour cette organisation toujours aussi efficace.

mercredi 24 mars 2010

Des pattes de velours pour sauver le monde

Vous saviez déjà que votre matou pouvait mener une double vie, mais saviez-vous qu'il pouvait avoir un destin extraordinaire, un jumeau sombre ou encore qu'il pouvait rejoindre la fameuse école des chats? C'est que qui arrive à Brin d'Osier, le chat de Minjun et Nayeong! Brin d'Osier a été invité à rejoindre l'école des chats par Boîte aux lettres, le chef de l'Assemblée Nocturne du quartier.
Après une période de jeûne et de solitude afin d'aguerrir son corps et son âme, Brin d'Osier part rejoindre l'école et assumer son destin, laissant derrière lui deux enfants qu'il aime au plus haut point et qui le lui rendent bien. A l'école des chats, il est affecté à la classe de Cristal et se lie d'amitié avec ses compères Mandragore et Mot-d'Amour. Il donne régulièrement de ses nouvelles à ses anciens petits maîtres, bien que cela ne soit pas bien vu à l'école. Une drôle d'école d'ailleurs où les chats qui ne s'amusent pas pendant la classe sont punis!. Les jours s'écoulent paisiblement entre escapades pour découvrir un nouveau territoire et les cours dispensés par des professeurs ronchons mais savants. Cette quiétude est rapidement assombrie par l'approche du jour d'Apophis au cours duquel les chats-ombres comptent bien en profiter pour rendre sa liberté au terrible Chat Noir et se venger des Hommes qui font tant souffrir la Terre par leur égoïsme et leur matérialisme. Dès lors, commence pour nos trois amis félins, secondés par Minjun, Nayeong et Sena (la petite autiste abritant la chatte-déesse de la Terre) une course contre la montre, une aventure des plus périlleuses, un parcours initiatique extraordinaire avec à la clef la sauvegarde du monde de la Lumière.

Les cinq tomes de "L'école des chats" déroulent les mythes et les légendes d'une Corée et d'un monde que l'on ne voudrait surtout pas oublier. Le Royaumes des Morts ouvrent ses portes dangereuses à Brin d'Osier et Minjun qui parcourent des terres désolées, guidés par des aides inattendus tels que le Chevalier Noir et l'Oiseau de Feu, tandis que dans le monde des vivants, les ordures ont un coup de folie et déambulent, anarchiquement, dans toute la ville: l'intensité dramatique atténuée par une dimension comique dont la gravité cachée délivre un message écologique et responsable.

Le lecteur est tenu en haleine par les rebondissements multiples, les moments de poésie, l'approche des légendes des cultures différentes possédant un tronc commun rappelant la grande force et l'immense fragilité de la Nature, par les péripéties amusantes, parfois drôlatiques et les illustrations magnifiant le texte.

J'ai aimé le message d'ouverture d'esprit, de tolérance et de respect envers la nature, mise à mal par les différentes activités humaines au cours des dernières décennies...il y a du Myazaki chez Kim Jin-Kyeong. Même si le dénouement est prévisible, comme dans tout conte initiatique, les personnages félins sont attachants et les enfants des faire-valoir de qualité (le monde de l'enfance est ouvert au merveilleux, à l'extraordinaire et à l'incroyable, ouverture disparue lorsque l'âge adulte donne une autre vision du monde).
Depuis le temps que je voulais lire ces aventures félines, je n'ai pas été déçue et ai vécu, le temps de la lecture, dans un monde où l'esprit des contes chuchotait mille et une histoires merveilleuses au creux de mon oreille. Un agréable retour aux sources du monde enfantin, là où tous les possibles peuvent devenir réels.

Romans traduits du coréen par Lim Yeong-Hee et Françoise Nagel.
Illustrations de Kim Jae-Hong
 
Les avis de Tiphanya    lecture sans frontières 

lundi 22 mars 2010

Histoire de sortir de mon silence...

Comme l'an passé, mes petits élèves, et la classe de GS, participent au fameux Prix des Incorruptibles. Comme l'an passé, la sélection est savoureuse et le choix s'annonce difficile (enfin vu du monde adulte car les enfants ne s'embarrassent pas futilités tortueuses et laissent parler leur spontanéité.)
Nous avons déjà lu deux albums: "Bob? Bob le singe?..." et "Le corbeau et les oisillons". Anecdote amusante et touchante: un des élève de GS (qui était dans ma classe l'en dernier) a repéré depuis le début de la présentation des ouvrages, un album qui lui a tapé dans l'oeil, "L'abécédaire à croquer"; vendredi après-midi, lors du décloisonnement, il a discrètement mis cet album sur le dessus de la pile....le message est passé, jeudi nous lirons "L'abécédaire à croquer"! Comment résister à de tels gestes d'amour envers les livres? Moi, je n'essaie même pas ;-)

Délicat, délicate, délicatesse

Nathalie et François se sont rencontrés dans la rue: le deuxième ayant eu le courage d'aborder la première pour lui offrir un verre. Une rencontre originale qui déroule le tapis d'une union où le bonheur se conjugue au présent et se vit intensément. Le bonheur, ce feu follet que parfois on a du mal à saisir et garder. Nathalie a achevé ses études et trouvé un travail dans une société suédoise, elle s'y plaît, elle y progresse et surtout elle a charmé au plus haut degré, à son insu, son patron qui ne pense plus qu'à elle. Mais lorsque l'on est une jeune mariée heureuse et comblée, on est bien loin de s'occuper des regards admiratifs d'un homme que l'on ne remarque même pas. Le monde de Nathalie tourne autour de sa vie de couple, dans le meilleur des mondes, jusqu'au jour où le drame entre dans son univers: François meurt, renversé par une voiture, alors qu'il faisait son jogging; en quelques secondes la vie de Nathalie bascule dans le sombre de la perte de l'être cher, la spirale de la solitude et de la dépression amorce sa ronde, plus rien n'a de sens, plus rien n'est important hormis la douleur de ne plus toucher celui qu'elle aime tant. Meurtrie dans son âme, Nathalie se traîne de langueur en langueur, épuisant son réservoir de larmes, pour réagir, au bout de plusieurs mois, et reprendre le chemin du bureau. Là, Charles, son chef de service, est à l'affût et tente de la séduire avec plus ou moins (moins que plus d'ailleurs) de délicatesse; entre les regards empreints de compassion des collègues et les regards appuyés de Charles, Nathalie a la sensation d'être une étrange personne. C'est sans compter avec l'employé suédois de service, au physique pas très engageant, à la maladresse touchante et à l'humour scandinave décalé: Markus, venu s'exiler en France puis fuir l'ennui d'Uppsala.

Les ingrédients d'une comédie légère, teintée d'une pointe de gravité, sont en place pour une lecture agréable malgré les clichés, les réactions attendues des uns des autres, les truismes et autres images que l'on a vues mille et une fois. Cependant, l'écriture de David Foenkinos est agréable, sa verve amusante et le sourire, voire le rire, n'est jamais loin. Nathalie et Markus sont des héros modernes et citadins (oserai-je dire très parisiens?) surmontant, très étonnés eux-mêmes par le tour que les évènements prennent, leurs angoisses et les difficultés semées par la vie. Sont-ils crédibles pour autant? Le trop-plein de situations et d'images éculées agace parfois et ternit le côté romanesque de l'histoire: à trop appuyer sur les évidences mène parfois à une narration drôlatique biffant le sérieux des personnages. L'auteur a-t-il construit son histoire sur ce postulat comique?
"La délicatesse" est une lecture distrayante, tombée à point nommé pour égayer mon actualité "inondation".


Les avis de evene   cuné   émeraude   amanda   BOB 

mercredi 10 mars 2010

Un jardin pour reverdir le monde

A chaque fois que je rends visite à ma libraire, elle a sur ses étagères des albums devant lesquels je ne peux passer sans m'arrêter ni résister. Il en fut ainsi cet après-midi. Oh, j'ai eu bonne conscience: la BCD de l'école a toujours besoin d'être alimentée et a à sa disposition trois carrés de jardin! Ni une, ni deux, "Le jardin voyageur" fut embarqué joyeusement.
Il était une fois une ville grise, triste, sans une once verdoyante, où tout le monde restait calfeutré chez soi, où personne ne sortait....sauf un jeune garçon, Liam, qui adore déambuler au grand air, même sous la pluie. Liam aime regarder autour de lui, se promener au gré de ses envies, aussi, un jour, découvre-t-il une entrée, très discrète, sous le pont de l'ancienne voie ferrée. N'écoutant que sa curiosité, il prend l'escalier et arrive au beau milieu des rails rouillés et délaissés: une surprise l'attend..."un îlot de fleurs sauvages", mal en point mais vaillant, dresse fièrement ses feuilles et pétales. Liam ne s'y connaît pas vraiment en jardinage mais il met tout en oeuvre pour faire revivre le petit coin de verdure de la voie ferrée. Chaque jour, les fleurs s'épanouissent jusqu'à ce que l'îlot décide de voyager: il essaime d'abord les fleurs sauvages, aventurières dans l'âme, puis les fleurs plus timides. Au fil des semaines, la voie ferrée se recouvre d'un joli tapis coloré aux vagabondages sautillants jusqu'à ce que l'hiver arrive et dépose son épais manteau de neige sur la ville grise et son ruban, secret, verdoyant. Liam ne peut plus rendre visite à son îlot vagabond et encore moins s'en occuper, qu'à cela ne tienne, il prépare activement le retour du printemps. Quand ce dernier pointe son nez, Liam retrouve son jardin qui sous ses habits d'hiver ne demande qu'à se réveiller et s'épanouir encore et encore.
Le jardin voyageur se prend à coloniser tout ce qu'il rencontre: des vieilles choses rouillées et abandonnées puis les murs et les panneaux de la ville. Liam s'inquiète un peu mais est très vite rassuré: les gens deviennent rapidement des jardiniers, heureux de pouvoir s'occuper des fleurs et arbustes du jardin vagabond à tel point que la ville devient un immense jardin redonnant vie aux murs et aux rues grises et vides.
"Le jardin voyageur" est un album où la poésie est à chaque page, à chaque mot: les illustrations sont très belles, très modernes avec un je ne sais quoi d'imaginaire permettant le voyage inattendu. Liam, aux doigts agiles et créatif, est le fil conducteur d'une renaissance, d'une réappropriation du milieu urbain par la nature, d'un nouveau regard des hommes sur leur environnement quotidien. Peter Brown emmène ses lecteurs dans un voyage au fil des saisons, dans un imaginaire qui réconcilie urbanisation et végétation: la ville ne pourra jamais vaincre la ténacité d'une nature toujours en éveil, toujours prête à reprendre un voyage interrompu par le désintérêt des hommes.
Ce joli récit montre combien l'harmonie et l'équilibre des relations avec la nature sont essentiels dans un monde urbanisé à outrance (Peter Brown vit à New York - à l'ouest de Manhattan se trouve une ancienne voie de chemin de fer aérien qui dès qu'elle fut laissée à l'abandon vit la nature revenir garnir les rails) afin de ne pas perdre ce fil ténu qui nous relie à la vie.

Traduit de l'anglais (USA) par Martine Desbureaux

Les avis de  lael  emmyne  gawou 



(5/24)

dimanche 7 mars 2010

Dimanche poétique # 14

Dimanche dernier ne fut pas poétique, aujourd'hui je me rattrape. N'y voyez aucune métaphore filée mais il y a des jours où le hasard est facétieux et ironique: j'ai choisi un poème de Théophile Gauthier (1811-1872), extrait du recueil "Emaux et Camées" (1852), évoquant le carnaval de Venise.

Carnaval

Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.

Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs.

Battant de l'aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l'oeil.

Le Docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sonx traînés;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.

Heurtant Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A Colombine Scaramouche
rend son éventail ou son gant.

Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu'un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.

Ah! fine barbe de dentelle,
Que fait voler un souffle pur,
Cet arpège m'a dit: C'est elle!
Malgré tes réseaux, j'en suis sûr,

Et j'ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l'affreux profil de carton,
Sa lèvre au fin duvet de pêche,
Et la mouche de son menton.


("Arlequin et Colombine"  Edgar Dugas)

Les compagnons de voyage poétique de Celsmoon offrent leurs trouvailles ici 

jeudi 4 mars 2010

Blog un tantinet sinistré

Voici la raison d'un silence inhabituel du blog Chatperlipopette:

Il est environ 19h15, la décrue a commencé vers 12h30, les marques foncées sur les maisons sont les traces de la hauteur de l'inondation
(Photographe: moi)

Le quartier de Ste-Croix (ainsi que deux autres quartiers), à Guingamp, où je réside, s'est retrouvé brutalement, suite aux intempéries du week-end dernier, transformé en piscine géante. Il n'y a que des dégâts matériels (les livres et papiers importants sont à l'étage) mais ce fut un choc pour mon mari de voir 70cm d'eau au RDC (ce spectacle m'a été épargné)....Et dire que la veille, autour d'un repas de famille, nous évoquions notre désir de visiter Venise.

Swapôconte!!!!

Enfin! J'édite mon billet du Swapôconte, organisé de main de maître par Emmyne! Ce qui est formidable avec les swaps, c'est que Noël peut arriver à tout moment dans l'année...et j'aime cela.
Pour le Swapôconte, ce fut Praline ma binômette; et cette dernière m'a honteusement gâtée: le déballage du colis fut un ravissement qui amusa beaucoup mon homme (qui en curieux assista à l'ouverture des paquets).
Une première piste contée par une très jolie sirène....

Puis une avalanche de beaux paquets....Hummm ces princesses Disney m'ont fait craquer, si si!!!

agrémentés de marques-page qui se feront un plaisir de rejoindre mes lectures en cours!

Des contes traditionnels connus et d'autres moins, un "polar" bien alléchant!

Des gourmandises et de quoi noter toutes mes envies de lecture glanées au fil des blogs!!!

Mille et un mercis Praline pour toutes ces petites merveilles: je n'avais pas le conte d'Andersen "La petite sirène" dont les illustrations sont vraiment très belles. Quant aux "Trois petits cochons"...je ne m'en lasse pas (il faut dire que ce fut LE conte préféré de mon petit frère et LE conte qu'aiment mes petits élèves!). De toute manière vous aurez bientôt des nouvelles de ces lectures féériques: la Bibli des P'tits chats ne désemplira pas.
Bien entendu, moult mercis et mille bravos à Emmyne qui m'a permis d'assouvir un de mes vices: farfouiller à la librairie et me plonger dans l'imaginaire et le merveilleux des contes!

mercredi 24 février 2010

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les dragons

Il y a quelques temps de cela, lors d'un de mes passages chez ma libraire, je suis tombée en arrêt sur un très bel album consacré aux dragons. Je n'ai pas hésité longtemps, non seulement parce que la couverture était irrésistible mais aussi, et surtout, parce que dans ma classe, où les garçons sont plus que majoritaires (21 garçons et 8 filles), les dragons font un tabac, sont les stars incontestées de l'imaginaire des loupiots. Et voilà comment "Dragons" a atterri dans mon cabas pour la plus grande joie de mes élèves.
"Dragons" ne raconte pas d'histoire, "Dragons" décrit, de façon très poétique, les différentes espèces de dragons. Il y a les dragons des étoiles, les dragons mangeurs de fleurs, les dragons féroces, les grands dragons, les dragons célestes, les dragons des mers, les dragons de feu, les dragons des neiges, les dragons des contes et enfin les dragons gardiens. Chaque type de dragon a ses caractéristiques propres, ses attributs, certains changent leur apparence selon leur cavalier, d'autres sont très protecteurs envers leur maître, d'autres encore sont tellement grands qu'on peut les confondre avec les montagnes ou les collines si bien que , le temps de leur long sommeil, des villes peuvent être construites sur leur dos. Certains dragons portent un sortilège, dédié au vent, autour de leur cou, pépite magique, graine d'imaginaire, d'autres se transmettent de génération en génération car ils vivent très longtemps, d'autres encore n'ont pas d'ailes mais volent grâce à leurs rêves faits d'amour et de merveilles, certains sont minisucules afin de pouvoir narrer contes et légendes des temps immémoriaux au creux des oreilles enfantines. Enfin, il y a les gardiens qui ne dorment qu'une fois les gens éveillés, anges gardiens faits d'écailles et de rêves doux et légers.
Bien entendu, un fait essentiel ouvre et ferme ce très bel imagier à l'usage des dragonniers en herbe: les oeufs de dragons, de tailles aussi différentes et de couleurs aussi variées que les dragons eux-mêmes! Ces oeufs peuvent être aussi bien déposés dans des nids en haut d'arbres, ou dans des fleurs, des grottes ou à même le sol!
Les textes sont très poétiques, suscitant immédiatement l'imaginaire de l'auditoire, la musique des mots est une douce mélopée, idéale pour un moment calme privilégié, à vivre au coeur de la dragonie. Le tout est servi par des illustrations absolument ma-gni-fi-ques: superbes aquarelles au souffle poétique indéniable. Le pinceau est doux et énergique à la fois, on vole avec le dragon, on parcourt le monde avec lui...il en devient presque réel: un rêve devenu réalité grâce à la magie de l'aquarelle.
Bref, un petit bijou, en grand format ce qui rehausse encore la beauté de l'objet-livre! A noter aussi que les princesses chevauchent aussi les dragons...l'imaginaire est ouvert aussi aux filles. Et, cerise sur le gâteau: la dernière double-page regroupe, somptueusement, tous les dragons évoqués et une question essentielle est posée "Et toi, qui est ton dragon?". J'avoue avoir été surprise par les réponses des enfants...leur dragon préféré est le dragon des neiges!!! Quant au mien? Le dragon des contes, évidemment!!
La dévoreuses d'album et de belles histoires magiques ne peut que remercier Jackie Morris et les éditions Gautier-Languereau pour ce sublime trésor, cette pépite qui devrait orner toutes les bonnes bibliothèques! Un voyage féérique dans un monde sans fin...celui des histoires que fredonnent nos mémoires.

"Mon dragon fredonne à mon oreille de douces mélodies et me murmure d'étranges récits, des contes de pays de pays lointains et de temps très anciens."
"Mon dragon des neiges vit dans un monde glacé. Son souffle scintille de flocons étoilés."
"Mon dragon est un dragon céleste, tous deux nous chevauchons le vent qui nous caresse."

Album adapté de l'anglais (GB) par Sophie Koechlin






(4/24)

mardi 23 février 2010

La femme dans le miroir

Adrien Gascoing est veuf depuis plusieurs mois et se remet lentement de cette douleur lancinante qui l'étouffe, tente d'oublier le vide qui le ronge. Lentement, il reprend ses habitudes de travail: les traductions des poèmes d'Hafez l'entraîne dans les méandres silencieux de la recherche et de la rêverie.
Comme il a décidé de revivre, Adrien ouvre sa porte à une amie du couple, Léna, restauratrice de tableaux, qui l'entraîne au restaurant puis dans une promenade digestive au cours de laquelle il ne se sent pas bien (le grand air après ces mois de réclusion lui fait tourner la tête). C'est ainsi que nos deux protagonistes se retrouvent dans l'atelier de Zéphyrin, galiériste spécialisé dans la peinture des XVIè et XVIIè siècles, où Adrien se requinque avec un thé au citron. Remis de ses émotions, il déambule dans l'atelier et s'arrête devant deux vanités hollandaises dont le portrait d'une femme, dont le visage se reflète dans un miroir, réalisé par Pieter Haussen, cette femme, d'une grande beauté, est Cornélia, l'épouse du peintre. Quelques temps plus tard, Adrien aperçoit une publicité conviant à une exposition d'antiquités dans une galerie d'art, la Galerie du Palais; sans trop savoir pourquoi, il s'y rend et, ô surprise, tombe en arrêt devant un tableau qui le laisse sans voix: un nu féminin peint par un obscur artiste suisse, Arnold Burckhardt, daté de 1925. Le détail qui interpelle Adrien est le modèle dont la ressemblance avec la Cornélia de la vanité de Pieter Haussen le trouble au plus haut point. Adrien l'achète, impulsivement, comme s'il pressentait que cette rencontre allait bouleverser son quotidien: comment se peut-il qu'une telle ressemblance, à trois siècles d'intervalle, puisse être fortuite? Adrien se persuade qu'il y a un mystère à découvrir et aidé, avec un rien de moquerie, par son amie Léna, il se lance dans une enquête peu banale. C'est ainsi qu'il rencontrera le fantôme d'un lettré autodidacte et thanatopracteur, Edouard Hérembourg, mari défunt de sa voisine de palier, lecteur assidu du Livre des morts et passionné de toutes les techniques d'embaumement (de l'Egypte ancienne à la Chine), puis fera la connaissance de Jean-Félicien Virouleau, auteur d'une thèse inattendue "Pieter Haussen: Memento Mori dans un monde où il y a tant à découvrir." Et si ces femmes n'en faisait qu'une? Si Cornélia était réapparue d'entre les morts pour devenir éternelle? Et si Pieter Haussen avait réussi là où Orphée avait échoué, c'est à dire faire revenir du Royaume des Ombres, sa Cornélia tant aimée?

Que dire de ce roman sinon qu'il est plaisant à lire, voire prenant à partir du moment où l'histoire se met vraiment en route. L'écriture est agréable, parfois poétique mais manque de conviction: les personnages sont un peu convenus, leur évolution attendue et j'ai éprouvé des difficultés à avoir de l'empathie pour eux. La balade est belle, entre explications sur les vanités qui firent florès au XVIIè, siècle des grandes aventures maritimes dans le sillage de la mythique Compagnie hollandaise des Indes orientales, et la course au déchiffrage des pigments utilisés par les artistes peintres selon leur époque. On apprécie les escapades au coeur de la poésie persane, le raffinement de cette langue fleurie et délicate....mais cela ne suffit pas à faire une lecture enthousiaste de ce roman. Pourtant il possède des ingrédients qui ont tout pour me plaire: l'évocation de la peinture flamande, la poésie persane et arabe, l'Egypte ancienne et les mythes tel que celui d'Orphée et Eurydice, hélas, la mayonnaise n'a pas pris.




Je remercie pour cette évasion Livr@ddict et les éditions Robert Laffont.

Les avis de pauline  belledenuit   krapette   poet24   caro   hécate  
Interview de l'auteur ici 


Femme à sa toilette 1633 (Jan Miense 1610-1668)

NB: le tableau de la couverture du roman est "Allégorie de la mort ou Vanité" de Trophine Bigot, XVIIè siècle

lundi 22 février 2010

Huis-clos sur rails

Valérie, alias Julia, vient de fêter ses quarante ans et pour marquer ce passage dans sa vie de femme, ses copines se sont cotisées pour lui offrir un incroyable cadeau: une séance de relooking! De caissière en supermarché, Valérie sort transformée en belle femme fatale dont les rondeurs sont mises en valeur par la magie d'une coupe, d'une couleur, de vêtements et d'accessoires....une chrysalide qui s'ouvre, un papillon qui prend son envol vers un ailleurs. Bien entendu, Djamel, son homme, lui a fait la tête: sa nouvelle apparence gomme les chaînes si confortables de la femme au foyer, mal fagotée, lasse et submergée par les tâches du quotidien. Tout cela se bouscule dans la tête de Valérie qui, le lendemain, sur le chemin du travail, décide de tout balancer et de profiter de cette aubaine: devenir Julia sans arrière-pensée,de lâcher les bouts et de changer de vie. Elle s'embarque dans le Corail pour Toulouse qui lui réservera bien des surprises!
Julia s'installe tranquillement dans un compartiment mais est très vite délogée de sa place par deux couples. Un des hommes, Vincent, semble inexorablement attirée par la féminité rayonnante qui se dégage de Julia tandis que très vite une des femmes, Muriel, paraît la prendre en grippe. Julia, ayant changé de place, se trouve assise face une vieille dame, Colette. Peu à peu, les ingrédients d'un huis-clos se mettent en place, à mesure que Julia croise Germinal, le contrôleur bègue et révolutionnaire, le groupe de choristes, le sourd et muet roumain, Jean-Pierre, le commercial dragueur, la femme de ce dernier, bafouée à longueur de temps, Nicolas, le jeune professeur d'université ambitieux et gorgé d'égoïsme et de mépris, et Aude, son épouse, aussi effacée qu'il est exubérant et sûr de lui...mais l'eau n'est jamais dormante!
Le voyage est un cortège de rencontres aussi improbables qu'amusantes: le train est le fil conducteur des occasions manquées que l'on regrette, les décisions toujours difficiles à prendre à la croisées des chemins, les choix à faire, la vie que l'on rêvait et qui se révèle être une suite de grisailles. Les apparences ne sont parfois bien trompeuses, c'est ce que souligne l'auteur avec l'histoire de Valérie devenant Julia (Roberts!!) pour s'offrir, le temps d'un voyage en train, une parenthèse voire une autre vie. Les stéréotypes sont au coeur des personnages principaux qui en deviennent prévisibles: Muriel, d'une minceur sans féminité, à la chevelure terne qui se clairsème, admirative devant le charisme de Nicolas (son ex amant) et castratrice vis à vis de son mari, Vincent, qui n'a pas l'heur d'être aussi brillant (en apparence) ni aussi carriériste que son ami Nicolas. Muriel déteste d'emblée Julia, déteste tout de suite son glamour et sa féminité triomphante, et devient une caricature de femme intellectuelle frustrée et amère, une femme que l'on n'aime pas malgré la souffrance qu'elle cache. Jean-Pierre, le dragueur éternellement rustre, symabole d'une "beaufitude" grasse et écoeurante, pauvre crooner sans classe et suintant d'autosatisfaction minable; cet homme, on sait tout de suite que le voyage ne se terminera pas vraiment bien pour lui, surtout lorsque Julia échange quelques mots avec son épouse. Nicolas, archétype de l'universitaire qui a tout pour lui, intelligence, charisme, charme, devient très vite agaçant: le mépris envers autrui suinte derrière ses propos aux apparences modernes et jeunes, son arrivisme ne peut être caché tant son égoïsme et son égocentrisme s'étalent au fil de ses interventions. Quant à Vincent, Caliméro universitaire, dont les recherches sur les bestiaires médiévaux sont la coquille, attendrit le lecteur par son côté discret et sa peur d'être vraiment lui-même; on espère le voir balancer leurs quatre vérité à sa femme et son meilleur ami, et surtout assouvir son désir de liberté.

Le Corail Paris-Toulouse emporte ses passagers dans la valse d'une autre vie, d'un autre destin que l'on se forge en écoutant enfin ses impulsions et ses envies. Il emporte aussi son lecteur dans une histoire certes plaisante mais surtout sans surprise et peu crédible. "Les poissons ne connaissent pas l'adultère" est un conte de fée moderne sans en posséder, hélas, la magie ni le merveilleux....dommage.

Lecture en partenariat avec Livr@ddict et les éditions JCLattès, que je remercie pour ce moment de détente!




Les avis de cathulu   evilys  soukee   amanda  chaplum   choco  malice 

dimanche 21 février 2010

Dimanche poétique # 13

Ce soir, je vous propose un haïku de Bashô, haïku saisissant d'humour et de facétie!

A un piment
ajouter des ailes:
une libellule rouge.

Les compagnons de voyage poétique de Celsmoon sont ICI  

jeudi 18 février 2010

Trois petits contes et puis s'en narrent!

Avec un jour de retard, la Bibli des p'tits chats propose une nouvelle lecture: "La vigne qui aimait un lierre et autres fables".
C'est le titre du livre qui m'a attirée lors de la dernière opération de "Masse critique": "La vigne qui aimait un lierre" a tout de suite mis en marche mon imagination, mis en effervescence mes souvenirs de légendes grecques et latines et chatouillé ma fibre de lectrice de conte. Je voulais abolument savoir le pourquoi du comment de cette histoire étrange de vigne amoureux d'un lierre.
C'est avec un immense plaisir que j'ai lu les trois contes de ce recueil: dès les premières lignes, je me suis trouvée immergée dans un univers médiéval aux senteurs de garrigues et d'oliviers, aux effluves salées d'une mer proche, aux fragances d'une montagne un tantinet sauvage. Puis, plus loin, ce fut l'ambiance d'une ville lors de la Renaissance italienne où le tintinabulement des mâts dans le port scande le temps qui passe. Enfin, les monts de l'Olympe retentirent des rires et interrogations des dieux, de tous les dieux, au cours d'un banquet réservant bien des surprises.
Les trois contes sont imprégnés des légendes, écrites ou orales, qui courent dans les mémoires collectives.
Ainsi, le conte "La vigne qui aimait un lierre" évoque-t-il l'amour qui perdure au-delà de la mort: le tanneur d'un village cathare devient veuf et est à un tel point inconsolable qu'il perd goût à tout ce qui l'entoure. Au fil du temps, ce dernier parvient à surmonter son chagrin et s'en va chercher femme dans le voisinage. Or, à chaque fois qu'une possible union peut se concrétiser, quelque chose la fait échouer; et fait extrordinaire, la vigne vierge plantée par la défunte épouse, croît à l'aune des recherches infructueuses comme pour le consoler de ne pas trouver l'âme soeur: la vigne vierge devient tellement luxuriante qu'elle colonise toute la maison jusqu'à en devenir l'élément essentiel. Puis, notre tanneur vieillissant s'alite pour ne plus se relever si bien qu'on le retrouve, ô prodige, métamorphosé en lierre et étroitement enlacé avec la vigne dont le visage ressemble à celui de Ludine, l'épouse disparue. "La vigne qui aimait un lierre" est un écho de la mythologie greco-latine et on en peut que se rappeler des métamorphoses des amants désespérés qui jalonnent les récits d'Ovide. L'amour au-delà de la mort, le gage de retrouver, dans l'au-delà, l'être cher que l'on n'oublie pas: la mémoire est le fil invisible qui tisse les souvenirs, ceux qui ont leur place dans le coeur des vivants.
"La cité des sots" est un conte amusant, métaphore du désir inepte de suivre la mode jusqu'au ridicule. Les habitants d'une ville italienne s'ingénient à avoir des idées plus idiotes que celles de leur doge. Ainsi lancent-ils la mode des aquariums qui envahissent peu à peu les moindres recoins des intérieurs et organisent la vie quotidienne de chacun...comme la mode devient vite une loi, personne ne peut y déroger et comme souvent, certains amassent des profits qu'ils désirent toujours plus importants. C'est pourquoi, des citoyens, "gavés d'or" et jamais repus, proposent un jour au doge de promulguer une loi stipulant le sacrifice, pour banqueter, desdits poissons. Ce qu'ils ne savaient pas c'est que les habitants, las des lois ineptes et surtout fatigués de payer pour respirer, décidèrent de se rebeller....et ce ne furent pas les poissons les premiers sacrifiés! "La cité des sots" apporte une inestimable pierre à la construction d'un bon sens qui lentement s'érode sous les assauts du marchandising et du marketing outranciers; et est un appel à la vigilance de chacun: trop suivre les diktats de la mode, trop en tirer parti peut s'avérer être dangereux...aussi, le plus simple ne serait-il pas de ne pas y succomber, même si cela signifie être en dehors du groupe?!
"Le dernier dieu" est le récit, conté, de la disparition des dieux, êtres suprêmes ayant oublié de penser au-delà de leur égoïsme et de leur égocentrisme tant ils sont accaparés par leur apparence, leur suffisance et leur sentiment d'importance. A ne recevoir qu'offrandes et hommages, les voilà délaissés, ne possédant plus l'oreille des hommes qui les oublient et les négligent. Comment remédier à la situation? En élisant un dieu parmi le Parnasse! Mais pour qui voter? L'orgueil, le mépris de l'autre s'en mêlent pour donner corps aux débats et attirer les foudres du Grand Cosmos: chacun est persuadé d'être le plus infaillible, le plus important et le plus craint! Or, si l'amour, la tempérance et la simplicité étaient l'essence même du message divin, est-il fondamental d'être "le plus" en tout? Clin d'oeil final: le dernier dieu, le petit Obonenbe, croque une délicieuse pomme, rescapée du divin banquet,...."Les hommes pouvaient revenir maintenant".

L'écriture, à la première personne, est le billet d'entrée immédiate dans l'univers du conte: le narrateur emmène, avec douce autorité, son lecteur, son auditeur, au coeur de ses histoires. La force suggestive des mots plonge l'imaginaire dans le dédale, organisé, des légendes et des époques, et laisse de petits cailloux pour retrouver son chemin grâce à la mémoire collective que chacun garde au fond de lui. Jean-Sébastien Blanck réussit à captiver par ses contes frais et pourtant graves, et à déposer, au creux des mains des lecteurs, des pépites permettant de regarder autrement le monde: aller au-delà des apparences, ne pas plier l'échine sous le fardeau de la peine et de la tristesse et ne s'en laisser trop conter pour ne pas être grugé. Le tout, servi par un style très agréable, très vif et coloré et surtout joliment illustré: l'image et le texte se complètent et s'interprêtent joyeusement.
"La vigne qui aimait un lierre" est un recueil de contes modernes aux judicieux accents d'autrefois....à mettre entre toutes les mains!

Je remercie Babelio et les charmantes éditions Alzabane pour ce très joli moment de lecture!