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vendredi 10 décembre 2021

Les deux gredins

 


Les deux gredins forment un couple de vieux grincheux, bêtes, sales et surtout méchants. Ils ne cessent de se jouer de mauvais tours, de s'asticoter, de se moquer ou de se gruger.

Compère Gredin aime déposer son œil de verre dans la boisson de Commère Gredin qui compose en représailles un plat de spaghettis aux asticots.

La barbe de Compère Gredin est dans un état de crasse insoutenable : on y trouve l'amoncellement des reliefs de ses repas depuis Mathusalem.

Mais le plus épouvantable est qu'ils maintiennent en captivité quatre singes qu'ils maltraitent et obligent à vivre la tête en bas et que chaque mercredi Compère Gredin dépose de la glu sur l'arbre du jardin pour capturer des volatiles pour les cuisiner en tourte aux oiseaux. Cet affreux les « cueille » avant de les occire.

Franchement, voudriez-vous de tels voisins ?


Avec humour, Roald Dahl écrit un conte dans lequel l'ogre barbu est un Compère Gredin qui aura la monnaie de sa pièce lorsque les singes se révolteront. Un conte dans lequel Commère Gredin est une Dame Tartine qui n'aime pas grand monde.

Le style de l'auteur est toujours aussi dynamique et imagé au point que certaines scènes sont à hurler de rire lorsqu'on les lit avec un regard d'enfant.

La morale de l'histoire punit les méchants et on lit la punition avec d'autant plus de délectation qu'ils sont, également, très crétins.


Une lecture savoureuse et divertissante agréablement illustrée par Quentin Blake.


Traduit de l'anglais par Marie Saint-Dizier.


Quelques avis :

Babelio  Sens critique Livraddict  

Lu dans le cadre



mercredi 8 décembre 2021

Le testament caché

 


« Le docteur Grene doit décider si la centenaire Roseanne Clear McNulty est apte à réintégrer la société alors qu'elle a passé la moitié de son existence dans l'hôpital psychiatrique de Roscommon. A force d'entretiens avec sa patiente et d'investigations dans les archives de la ville de Sligo, il prend conscience avec horreur des intrications de son passé avec celui de l'Irlande. »


L'histoire de Roseanne Clear McNulty est à l'image de la place des femmes dans une société patriarcale assujettie à la domination des dogmes de l'église catholique. Une femme qui dérange est nécessairement folle et doit être enfermée loin de la vie civile.

La guerre civile a accouché, après la Grande Guerre et un conflit de près de trois ans (1919-1921) d'une Irlande coupée en deux : celle du sud, l'Eire, et celle du Nord, Irlande du Nord, qui choisit de rester dans le giron anglais, dotée de son propre parlement.

Roseanne verra l'impact de l'Histoire de son pays, l'Irlande, bouleverser sa propre vie : un fait banal, la rencontre inopinée des années après l'événement du cimetière, dont son père est le gardien, alors qu'elle est encore une enfant, avec le frère du blessé qui arriva, avec ses compagnons d'armes, à bout de force, pour trouver asile.

La rencontre banale lors d'une promenade en solitaire de Roseanne devenue une belle jeune femme, mariée, provoque l'ire de son époux puis sa mise au ban de la société : elle est accusée de l'avoir trompé et comme un des « témoins » est un prêtre catholique, le Père Gaunt, la présomption d'innocence n'aura pas cours.

Roseanne ne comprend pas tout de suite la gravité de ce qui se trame autour d'elle, elle est innocente du crime qu'on lui incombe, elle la jeune femme protestante qui a épousé un musicien amteur catholique.

Elle sera installée loin de la ville, dans une cabane misérable, le temps que les démarches d'annulation du mariage aboutissent. L'isolement est supportable jusqu'au jour où elle croise le jeune frère de son mari, isolé également de sa famille. Ils se plaisent et s'abandonnent l'un à l'autre.

Roseanne se retrouve enceinte et de nouveau seule au monde. Elle vit la fin de sa grossesse dans l'angoisse et lorsque cette dernière n'est plus tenable, elle brave la distance entre sa cahute et la ville pour demander de l'aide à sa belle-mère, en tant que femme, et à son beau-père au nom de la charité chrétienne. Ce sera une fin de non recevoir et un retour douloureux chez elle. Le destin se joue, une fois de plus, d'elle quand elle perd les eaux et que le travail de l'enfantement l'oblige à s'arrêter près d'un môle en bord de mer. Quand elle revient à elle après avoir accouché, seule, son bébé a disparu.

Que s'est-il passé ? D'aucuns avanceront, notamment le prêtre catholique, que dans sa folie elle a tué son fils.

Roseanne est enfermée dans un asile psychiatrique de Roscommon : il n'est pas bon pour une femme irlandaise d'être enceinte hors mariage.

Plusieurs décennies ont passé, l'hôpital de Roscommon, dirigé par le docteur Grene, doit être détruit car insalubre. Grene doit décider qui de ses patients est apte à réintégré la vie hors les murs. Il enquête alors sur les circonstances qui ont amené à l'enfermement de Roseanne. Parallèlement, Roseanne écrit ses « mémoires » pour laisser une trace d'elle. Elle tente de reconstruire le déroulé de sa vie, de comprendre ce qu'elle a subi.


Sebastian Barry donne la parole aux deux personnages principaux, chacun portant un regard particulier sur l'autre.

Roseanne relie ses souvenirs plus ou moins fiables dans un cahier qu'elle cache sous une latte du plancher, Grene compulse les divers rapports concernant sa patiente. Ce dernier comprend, au fil de son enquête, combien sa propre vie est imbriquée dans l'histoire douloureuse irlandaise, qu'il y a des veilleurs autour de l'étrange et fascinante Roseanne.

« Le testament caché » est une plongée dans une Irlande déchirée capable d'être d'une monstruosité sans nom avec les destins individuels dont la marche de l'Histoire n'a cure.

Le pourquoi de l'internement de Roseanne est rapidement clair mais le qui, qui est à l'origine de cette ignominie, demeure mystérieux jusqu'au dénouement.

Un excellent roman qui m'a beaucoup touchée tant l'emprise de l'église catholique, par ses pratiques et son pouvoir, peut être dévastatrice et broyeuse de destin.


Traduit de l'anglais par Florence Levy-Paoloni


Quelques avis :

Babelio  Sens critique  Le Monde  Charlotte  Maeve  Les 2 bouquineuses

Lu dans le cadre




samedi 13 novembre 2021

Trilogie écossaise, le final.

 


Dernier opus de la trilogie écossaise, « Le braconnier du lac perdu » montre combien les liens entre les gens et les générations sont parfois inextricables … pour le meilleur et pour le pire.

 

Finlay Macleod vit chez Marsailie en attendant que la restauration de la maison de ses parents soit terminée.

Il n'est plus policier et doit trouver de quoi subvenir à ses besoins et à l'achat de matériaux pour la maison. Il est engagé par un gros propriétaire pour pourchasser les braconniers qui vident les lochs de leurs poissons. Dans le cadre de ses fonctions, il renoue avec un vieil ami de collège, John Angus Macaskill dit Whistler, ancien joueur de flûte celtique, promis à un avenir brillant qui préféra rester sur l'île. Aujourd'hui, il braconne, occasionnellement, pour se nourrir et sculpte des copies des célèbres figurines de Lewis pour gagner sa vie.

La tourbe jouera de nouveau un rôle important dans le roman, non seulement elle embaume et conserve les corps qui y sont enfouis, mais aussi elle peut provoquer la disparition d'un lac.

L'été a été anormalement sec et chaud à Lewis, île des Nouvelles Hébrides, la tourbe devenue trop sèche s'est fissurée au fond d'un lac de l'île, siphonnant l'eau emportée dans les abîmes de roches et de terre. Le lac asséché expose un avion qui reposait sur son fond depuis dix-sept ans. Fin et Whistler sont les premiers à le découvrir et à ouvrir la porte du cockpit pour se trouver en présence des restes d'un corps difficilement identifiable. Finlay remarque la réaction fugace de son vieil ami puis oublie, sur le moment, ce mouvement d'humeur.

Commence alors une étrange enquête véritable retour sur son passé de jeune adulte. Il y a un air de cercle bouclé dans ce roman qui dévoile une période de la vie de Finlay.

Que s’est-il passé, il y a dix-sept ans, alors que tout le monde pensait que Roddy , vieil ami de Finlay, à bord de son avion s’était abîmé en mer ? Les restes du cadavre retrouvé au fond du lac montrent qu’il y a eu mort violente et certainement meurtre.

Peter May orchestre le final de sa trilogie d’admirable manière au gré des descriptions magnifiques et majestueuses des paysages tourmentés de l’île de Lewis. Je sentais l’iode et le parfum miellé de la lande, j’entendais le vent siffler ou hurler selon son humeur, je voyais les nuages filer ou paresser dans le ciel septentrional, j’entendais les marées ronfler, les vagues se fracasser sur les falaises ou encore rouler en soupirant sur le sable en été.

Les liens entre les personnages, au charisme envoûtant, ne cessent d’être dévoilés, de se distendre puis se resserrer. L’amour n’est jamais loin de la haine, l’amitié souvent en duo avec la rancœur, la nostalgie danse à jamais dans les bras des souvenirs heureux ou douloureux. Finlay est la somme de tout cela, de ces sentiments dont un homme est fait et de l’environnement natal dont il est issu.

Les drames côtoient les fugaces instants de grâce, les aveux de l’attachement ressenti difficiles à exprimer.

Quand l’impensable se déroule sous le soleil espagnol de Malaga, l’espoir que tout se termine bien s’accroche, ténu, pour être balayé par une bourrasque écossaise.

Malgré tout, l’espoir vacille tel le flambeau passé par Whistler à Finlay …. Prendre soin de l’orpheline comme l’arrière-grand-père Macaskill avait pris soin du grand-père de Fin. La boucle est bouclée, les héros rejoignent leur quotidien au cœur d’une Ecosse insulaire aux âpres et durs accents dissimulant une chaleur que l’on diffuse auprès de ceux auxquels on tient.

Finlay pourra-t-il se reconstruire une vie heureuse ? La lectrice que je suis, l’espère de tout son cœur et continuera à faire vivre ce personnage si attachant au gré des souvenirs de cette lecture.

Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue

Quelques avis :


Babelio  Eva  Livraddict  Sens critique  Critiques libres  Charlotte

Lu dans le cadre



samedi 6 novembre 2021

Qui va à la chasse rencontre bien des ennuis

 


Deuxième opus des enquêtes de Hamish Macbeth, le flegmatique agent de police campagnard écossais, « Qui va à la chasse » explore un autre passe-temps de la gentry britannique : la chasse à la grouse.

Nous retrouvons non seulement Hamish mais aussi l'incroyable Priscilla Halburton-Smythe affublée d'un fiancé pour la plus grande joie de ses parents. Le fiancé est un auteur de théâtre londonien célèbre, Henry Whithering, un tantinet imbu de sa personne.

Pour célébrer les fiançailles, Mr et Mrs Halburton-Smythe, organisent des festivités dont une chasse à la grouse, gibier à plumes très prisé dans les Highlands.

Dans le parterre d'invités locaux nous retrouvons le détestable Capitaine Barlett, séducteur et buveur notoire ainsi qu'une brochette de personnes qui ne le portent pas dans leur cœur.

Au matin de la partie de chasse, Barlett est retrouvé sans vie, la poitrine déchirée par un tir à bout portant. Accident ou assassinat ?


Hamish inspecte les lieux, observe, doute avant de se faire évincer par Blair, l'inspecteur venu de la ville, qui campe sur la version de l'accident malheureux.

Sauf que... notre grand échalas d'Hamish Macbeth trouve rapidement les preuves qu'il n'en est rien au grand dam des hôtes et de leurs invités.


De fil en aiguille, Hamish rassemble les pièces du puzzle, sans en avoir l'air, en activant sa logique implacable et son réseau familial dispersé aux quatre coins du monde.

Quand les masques tombent, on relie une bonne partie des indices semés par l'auteure.


« Qui va à la chasse » apporte de l'épaisseur au personnage d'Hamish dont le côté benêt est loin d'être son vrai visage. Hamish est un jeune homme intelligent, empreint d'humour et d'autodérision, éternel amoureux transi de la jolie Priscilla, à l'éthique gentiment arrangeante, les scènes au restaurant « The laughing Trout » et l'aveu de la vente de deux grouses sont d'anthologie.

M.C Beaton sait faire vivre le village de Lochdubh et ses alentours, elle décrit si bien les paysages et les gens que j'avais l'impression d'y être. Elle sait également gentiment étriller la condescendance londonienne envers le milieu rural. La scène au cours de laquelle Henry Whithering provoque une gêne en exagérant son enthousiasme lors d'une visite dans une ferme est délicieusement acidulée.


« Qui va à la chasse » est un cosy mystery agréable à lire et a la saveur envoûtante des landes perdues, des laisses de mer et des ciels changeants.


Traduit de l'anglais par Marina Boraso


Quelques avis:

Babelio  Sens critique  L'heure de lire  Isabelle

Lu dans le cadre

 



jeudi 4 novembre 2021

Le Mois Celte 2021

  L'année dernière je rejoignais pour la première fois le Challenge du Mois Celte organisé par Cryssilda Collins. Cette année, je récidive de manière plus modeste.




Mon programme très allégé:

"Qui va à la chasse" 2ème enquête du drolatique Hamish Macbeth (M.C Beaton)

"Le braconnier du lac perdu" de Peter May

"Le testament caché" de Sebastian Barry

"Les deux gredins" de Roald Dahl

"One of us" mini série de la BBC se déroulant en Ecosse


Crédit photo: internet

samedi 28 novembre 2020

La lecture c'est la vie!


J'ai laissé passer quelques années avant de rouvrir un roman de Jasper Fforde. J'avais été enthousiasmée par la lecture de « L'affaire Jane Eyre », aussi avais-je un peu peur de ne pas être conquise par « Délivrez-moi ! ».

La crainte a disparu dès les premières lignes du roman et j'ai retrouvé, avec un réel plaisir, notre Thursday Next citoyenne, non plus britannique, mais galloise puisque le Royaume Uni ne l'est plus.

L'affreux et odieux Achéron Hadès est toujours enfermé dans sa prison littéraire, le monde de Thursday est toujours aussi décalé et empreint par la littérature.


Thursday est jeune mariée, heureuse en ménage avec Landen et toujours affublée de son dodo de compagnie. Cette fois, le dodo a une marotte : il couve un œuf. Ce n'est certes pas le nœud de l'intrigue, cependant le détail est récurrent et questionne le fait établi suivant : les espèces disparues recréées par la magie de la science ne peuvent se reproduire. Ainsi en est-il pour les Néanderthaliens. Cela vaudra-t-il pour les dodos ?


Thursday est appelée pour authentifier une pièce de Shakespeare exhumée d'une bibliothèque privée : « Cardenio » réapparaît. Or il est nécessaire de s'assurer de l'authenticité de la pièce disparue. Le service d'enquête de Thursday a pour mission de traquer les plagiats et les faux, de démasquer les faussaires de tout poil et de verbaliser les comédiens prenant un peu trop de liberté avec les textes de Shakespeare. Il est loin d'être aisé de ne pas se perdre dans le dédale des sectes issues des querelles au sujet de l'identité exacte de l'auteur Shakespeare : quand les « baconiens «  ou les « marlowiens » s'invitent sur la scène politique, ce peut être un vrai boulevard pour une personne mal intentionnée en quête de pouvoir absolu.

L'enquête, qui aurait pu, qui aurait du se dérouler selon une routine bien établie, dérape en une course-poursuite contre le Temps afin de sauver le monde d'une catastrophe imminente. Il s'agit, rien de moins, que d'éviter la fin du monde.

Notre détective de choc a à peine quinze jours pour trouver le moment M du petit fait F à l'origine de l'horreur à venir.

Il s'en passera des événements jusqu'au dénouement final ! Le Portail de la prose ? Disparu avec le départ en retraite, et plus exactement la fuite dans le Temps pour se réfugier à l'époque victorienne, de l'oncle Mycroft – j'ai toujours envie d'ajouter le -s car c'est tellement tentant!- Mais doit-on se laisser assujettir par des machines ou des programmes ? Que nenni, l'être humain est capable de prouesses libératoires s'il accepte de suivre un apprentissage pas comme les autres : apprendre à lire à voix haute.

Thursday rencontre, à point nommé par une coïncidence tellement extraordinaire qu'il doit y avoir anguille sous roche, une certaine Miss Havisham des « Grandes espérances », experte dans le voyage au cœur des livres.

C'est l'occasion de suivre l'enseignement de Miss Havisham, seule issue pour sauver le monde et retrouver son époux disparu, « éradiqué ».

Les lecteurs ont intérêt à s'accrocher car Miss Havisham les conduit tout droit dans une bibliothèque unique en son genre : non seulement elle abrite tous les livres écrits depuis la nuit des temps, mais aussi tous les livres en gestation, non terminés ou non édités. Son bibliothécaire n'est autre que le Chat du Chesterhire, enfin non puisque le Royaume Uni n'est plus uni mais il a un nom tellement ridicule qu'on ne veut pas s'en souvenir.


Jasper Fforde emporte le lecteur dans un tourbillon d'intrigues secondaires dont il se délecte avec bonheur, d'une chasse à l'Etre Suprême Maléfique à une fin du monde qui, heureusement, n'aura pas lieu grâce à une enchaînement de circonstances exubérant et jubilatoire.

Ce roman est aussi jubilatoire et protéiforme que « L'affaire Jane Eyre », jubilatoire n'est pas exagéré, loin s'en faut : on sourit, on rit, on déguste et on savoure de la première à la dernière page en suivant les démêlées de Thusday Next avec la Chronogarde, sa hiérarchie, son propriétaire ou encore avec la firme « Goliath », un géant de l'industrie qui se targue de contrôler l'être humain de sa naissance à sa mort au point que le mari de Thursday dit avec justesse au représentant de la firme « Croître pour croître est la philosophie du cancer » (p 88) sous entendant ainsi que le désir d'expansion sans fin de Goliath peut s'apparenter à la colonisation du cancer dans un organisme vivant.


« Délivrez-moi ! » est une uchronie loufoque à l'humour bienvenu en cette période de drôle de confinement qui nous interdit d'entrer dans une librairie pour humer les odeurs des livres, pour feuilleter leurs pages, pour déambuler le long des rayonnages avant de déposer, triomphalement, notre choix de lecture.

« Délivrez-moi » nous délivre des affres du quotidien et de la morosité ambiante. Il est à recommander et à lire sans modération.


Quelques extraits :

« Je m'approchais et posais les doigts sur les volumes immaculés. Ils étaient tièdes au toucher ; me penchant, je collai l'oreille contre leurs dos. J'entendis un bourdonnement lointain, le vrombissement de machines, des gens qui parlaient, un bruit de circulation, des mouettes, des rires, des vagues sur des rochers, le vent d'hiver dans les branchages, un tonnerre distant, une pluie battante, des enfants qui jouaient, le marteau d'un forgeron – un million de sons simultanés. Soudain, j'eus une révélation : les nuages se dissipèrent dans mon esprit et, en un éclair de lucidité, je compris la véritable nature des livres. Ce n'était pas simplement des mots assemblés sur une page pour créer une impression de réalité – chacun de ces volumes était la réalité. Ces livres-là ressemblaient à ceux ce que j'avais lus chez moi comme une photographie ressemble à son sujet. Ces livres étaient vivants ! » (p 157)


« Je repérai la première mention de Miss Havisham, trouvai le bon endroit pour commencer et me mis à lire tout haut, m'efforçant de faire vivre les mots. Car ils étaient bel et bien vivants. » (p 165)


Quelques avis :

Babelio   Sens Critique  Les pipelettes en parlent  A livre ouvert  L'herbefol  George Sand et moi  Lilly et ses livres


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mercredi 18 novembre 2020

Hissez les voiles et larguez les amarres!


Depuis le temps que je me promettais de lire, enfin, ce classique de la littérature jeunesse, le Mois Celte m'a permis de découvrir un beau roman d'aventure.

 

Le jeune Jim Hawkins aide ses parents à tenir l'auberge « L'Amiral Benbow » sur la côte anglaise. Un jour, un vieux loup de mer inquiétant, répondant au nom de Bill Bones, débarque pour prendre pension.

La scène d'arrivée de Bones est digne des premières pages de « L'auberge de la Jamaïque » : temps lugubre et inquiétant, silhouette sombre de l'auberge et apparence effrayante du loup de mer rappelant l'oncle du roman de Daphné du Maurier. Le lecteur sait qu'il y aura des moments sinistres et effrayants ce qui l'amène à s'y confronter rapidement.

Jim, notre jeune héros, est autant effrayé que fasciné par Bones, vieil aventurier, aux allures de pirate, ivrogne, braillard et colérique.

L'atmosphère s'alourdit quand un aveugle patibulaire vient rendre visite à Bones : Chien Noir, également pirate, est le messager de mauvais augure, il lui appose la « tache noire » .Les heures de Bones sont comptées. Une attaque d'apoplexie le terrasse alors qu'au même moment le père de Jim trépasse.

Cela commence à sentir le roussi pour Jim et sa mère qui partent quérir de l’aide au village voisin. C’est sans compter avec la peur des villageois qui n’osent affronter la bande de Chien Noir. Ils les dotent d’une pétoire et la promesse de leur envoyer le docteur Livesey et ses hommes.

De retour à l’auberge, voulant récupérer le montant de la pension due par Bones, Jim et sa mère trouvent dans la chambre le coffre du pirate, l’ouvrent et s’emparent de leur dû, ni plus ni moins. Cependant Jim emporte le paquet récupéré par simple curiosité. Ils ont juste le temps de s’enfuir avant l’arrivée de Pew et Chien Noir.

Un peu plus tard, Jim est invité avec le docteur Livesey chez le Chevalier Trelawney afin de relater sa mésaventure. Jim ouvre le paquet et découvre une carte au trésor. Aussitôt une fièvre s’empare des trois héros et une expédition est montée pour rejoindre l’île au trésor à bord de l’Hispaniola.

Ce que nos héros ne savent pas c’est qu’une partie des compères d’un ancien pirate a été engagée… heureusement que le flair du capitaine Smollett limitera les ennuis. Car forcément, il y en aura des ennuis.

Jim fait la connaissance du charismatique et inquiétant Long John Silver, unijambiste, maître coq de l’expédition, doté d’un perroquet haut en couleurs. Son attitude affable est trop polie pour être honnête et l’avenir donnera raison à la méfiance de Smollett.

Au cours du voyage, Jim caché dans un tonneau de pommes presque vide, surprend une conversation de Long John Silver avec ses affidés et comprend qu’une mutinerie aura lieu avant le voyage du retour. Jim et ses amis s’organisent pour ne pas être pris de court.

Il y aura combat entre les mutins et le groupe de Jim puis une « guerre des positions » pour enfin parvenir au dénouement. L’apparition d’un pirate marronné (c’est-à-dire abandonné trois ans plus tôt sur l’île par ses compères) Ben Gunn sera un élément essentiel de l’aventure au même titre que les désobéissances de Jim dues à sa juvénile curiosité.

 

Je me suis délectée de ce roman d’aventure et de pirate excellement servi par la personnalité extraordinaire de Long John Silver : on ne rencontre pas tous les jours un pirate aux manières courtoises et au langage châtié, le tout teinté de réelle cruauté. Le regard de Jim, jeune garçon d’à peine treize ans, oscillant entre fascination admirative et répulsion, fait que LJS ne semble pas aussi cruel et assoiffé de sang qu’il pourrait l’être. Le lecteur devine que la violence peut exploser à chaque instant du récit, que le vernis de Long John peut s’écailler en un éclair, ce qui fait le sel de la lecture : il se pourrait que… or l’once d’humanité présente chez le pirate unijambiste s’impose en compagnie de Jim. LJS est malin comme un renard, courageux comme un tigre, futé comme seuls peuvent l’être les as de la roublardise, et maîtrise l’art de la dissimulation. Stevenson réalise avec lui l’archétype du pirate qu’on ne peut que trouver sympathique. Oui, il est très difficile de détester et de trouver odieux ce personnage.

Les rebondissements et le suspense tiennent le lecteur en haleine, le fait tourner les pages sans jamais se lasser. Allez, encore un petit chapitre, ça ne peut pas faire de mal.

 

Ce qui importe, dans les romans de flibustiers ou de joyeux pirates sans vergogne, ce n’est pas vraiment le trésor, même s’il est le moteur de la recherche, mais plutôt la garantie de vivre une aventure sur les mers lointaines, se battre contre l’adversité, déjouer des complots et des trahisons, brailler au gré du rhum bu sans modération, de se confronter à des pirates au langage fleuri et à l’humour décapant. "L'île au trésor" c'est tout cela.

On prend un grand bol d’air en lisant ce roman très moderne dans l’écriture juste et humoristique de Stevenson.

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mercredi 11 novembre 2020

Noir écossais


Ce 11 novembre, en plus d'être une journée de commémoration importante, est aussi celui de la lecture commune autour des romans de Peter May.

J'ai choisi de lire le premier volume de la trilogie écossaise « L'île des chasseurs d'oiseaux ».

Finley Macleod, inspecteur de police sur le continent, est appelé à se rendre sur Lewis, son île natale, pour apporter son expertise dans l'enquête sur un meurtre dont le mode opératoire a de grandes similitudes avec celui dont il a la charge à Edimbourg. Dès l'autopsie faite, l'inspecteur Macleod ne croit plus au lien entre les deux affaires. Que cela cache-t-il ?

Fin a quitté l'île de Lewis depuis plus de dix-huit ans et n'y a remis les pieds uniquement le temps des obsèques de sa tante. C'est avec appréhension qu'il revient sur les lieux de son enfance, de son adolescence et du début de son âge d'homme. D'autant qu'il sort à peine d'un deuil difficile : celui de la perte de son jeune fils unique de huit ans, renversé par un chauffard.

La victime est un des garçons qui avait l'habitude de harceler et malmener les plus jeunes dont Fin. Il est peu de dire que les souvenirs affluent et entraînent l'inspecteur dans la spirale du passé, un passé douloureux qui sera révélé par infimes touches tout au long du roman.

« L'île des chasseurs d'oiseaux » est un roman policier dans lequel l'enquête criminelle est un prétexte pour mettre en lumière ce qui s'est passé dix-huit ans plus tôt sur l'île d'An Sgeir, rocher plutôt inhospitalier sur lequel, depuis des générations, se rend une douzaine d'hommes de Lewis, pour massacrer deux milles gugas, oisillons des fous de bassan. L'équipée, dangereuse, dure deux semaines et peut être vue comme un rite de passage pour les jeunes hommes dont c'est la première participation.

Dix-huit ans plus tôt, le père du meilleur ami de Fin, Artair Macinnes, a perdu la vie au cours de l'équipée annuelle, en sauvant celle de ce dernier.

Fin Macleod se retrouve face à son passé, sur ce bout de terre d'Ecosse battu par les vents et les flots. Les paysages décrits de manière somptueuse sont un écho de l'humeur de Fin: la tristesse infinie du deuil d'un enfant.

Le roman avance entre les souvenirs marquants de l'enfance de Fin et de sa bande de copains et la progression de l'enquête. L'île de Lewis est un endroit, pour les jeunes gens, à quitter absolument afin d'espérer construire un meilleur avenir. La seule échappatoire est l'école : obtenir de bons résultats scolaires est un passeport pour l'université de Glasgow et le départ de l'île.

Le lecteur assemble les pièces du puzzle avec patience, au fil des confidences et des révélations que suscitent le retour au pays d'un de ses enfants.

Le jeune Fin cultive l'art d'être aveugle, l'habilité à rater les occasions d'exprimer ses sentiments ou ses émotions et laisse passer, à plusieurs reprises, le bonheur. On ne peut lui en tenir rigueur car la vie n'a guère été tendre avec lui : devenu orphelin à l'âge de huit ans, il est recueilli et élevé par sa tante qui est loin d'être la tendresse personnifiée. Elle n'est pas méchante, elle est plutôt originale et vit hors des sentiers battus, cependant elle n'est guère chaleureuse.

L'enfance blessée passe, assortie des cours particuliers que le père d'Artair donne à son fils et à Fin en qui il décèle des capacités à apprendre et étudier. Ces cours sont évoqués, plusieurs fois, en quelques phrases. Leur évocation est celle d'un souvenir pesant, d'une lourde atmosphère empreinte de silence alors que la transmission du savoir devrait être allégresse.

L'amour d'enfance, Marsailie a épousé Artair et a perdu son éclat : la vie pesante de l'île et l'alcoolisme brutal d'Artair a transformé la jeune fille gaie et sûre d'elle en une ombre triste. Le couple a un fils unique, Fionnlagh, jeune homme réservé qui n'éprouvera aucune joie à faire partie des Douze à se rendre sur An Sgeir. La détestation d'en être renvoie Fin à ce qu'il a éprouvé quand il fut désigné pour vivre cet honneur.

Les rouages du mécanisme de la mémoire se mettent en branle chez Finley provocant un déclic qui ne sera pas sans conséquences.

Peter May orchestre et assure avec brio le suspense jusqu'à la dernière phrase du roman au point que la lectrice que je suis n'a absolument rien vu venir. N'est-ce pas là la force d'une intrigue bien ficelée  ancrée dans la cruauté ordinaire ?

Une très belle découverte qui me fera retrouver avec plaisir le second opus de la « Trilogie écossaise » : je me suis attachée au personnage, tout en ombres et lumière tamisée, de Finley Macleod.

Une très belle citation donnant le ton au roman :

"Le monde, Marsali, c'est comme le temps. On ne le change pas. Et on ne le façonne pas. C'est lui qui nous façonne."

Quelques critiques

Sens critique  ça va mieux en l'écrivant  Papillon  Le noir   Livraddict  Hélène  L'île aux livres  Lettres d'Irlande et d'ailleurs  Tant qu'il y aura des livres  Babelio  

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dimanche 8 novembre 2020

L'irlande gourmande


Ce dimanche du Mois Celte, est dédié à l'Irlande. Enna a ouvert le bal des fourneaux avec son Colcannon, plat irlandais aux belles saveurs hivernales.

J'ai suivi son exemple et, après quelques recherches sur internet, je me suis décidée pour une recette de dessert: le Barmbrack, gâteau aux fruits secs préparé plutôt lors de la Samhain (ou Halloween). Merci La tendresse en cuisine !

La recette se réalise sur 4 jours: le premier pour la macération des fruits secs, le deuxième pour le mélange des fruits macérés avec les ingrédients secs puis la cuisson, les deux derniers jours le gâteau est recouvert et laissé en paix afin que les parfums se diffusent.

Ingrédients:

- 375g de fruits secs au choix (j'ai mis 100g de raisins secs, 100g de baies de goji, 100g de cranberries et 75g d'amandes)

- 225g de farine

- 1/2 sachet de poudre à lever (j'ai mis un sachet entier)

- 1 oeuf (je remercie nos cocottes)

- 50 ml (50g) de whisky

- 250 ml (250g) de thé noir infusé (en l'occurrence de l'English Breakfast)

- 125g de sucre roux

- 1/2 cc de 5 épices

Préparation:

Jour 1

Mettre le mélange de fruits secs dans un grand bol ou saladier (on peut mettre tous les fruits secs que l'on veut, on peut aussi n'y mettre que des raisins secs)

Ajouter les 50 ml de whisky puis les 250 ml de thé noir infusé (inutile de laisser refroidir le thé)

Laisser macérer jusqu'au lendemain.

Jour 2

Préchauffer le four à 170°c (th 5/6)

Verser dans un saladier les ingrédients secs (farine, poudre à lever, sucre roux, les 5 épices). Bien les mélanger.

Commencer à incorporer l'oeuf entier en tournant.

Verser les fruits secs macérés et le reste du liquide dans le saladier. 

Mélanger le tout pour obtenir une pâte collante et dense. Il est conseillé de le faire à la main. 

Tapisser le moule à cake avec du papier sulfurisé. C'est une précaution importante pour ne pas rater la phase démoulage. Verser la pâte et répartir harmonieusement dans le plat.

Enfourner pour 1h à 170°.

Sortir le moule puis le recouvrir et l'oublier deux jours.

Jour de la dégustation

Le Barmbrack a embaumé le placard de la cuisine pendant deux jours, vous n'en pouvez plus d'attendre... il est grand temps de passer à la dégustation.

Après le démoulage, couper le gâteau en tranches pour accompagner un tea time des plus attendus.

Bon appétit!

Cuisiné dans le cadre:









Se souvenir des belles choses

 


Dès les premières lignes du roman le décor est planté : maison ancienne au milieu de nulle part, loin de tout, des collines verdoyantes et un homme qui se prépare à partir en voyage aux Etats-Unis, son pays natal. Une silhouette au loin qui se rapproche et provoque la sortie d'une femme énergique armée d'un pistolet. Elle tire en l'air au grand dam de l'homme sur la marche d'escalier.

Daniel Sullivan doit se rendre à l'anniversaire de son père qu'il n'a pas vu depuis des années. Lorsque la petite famille quitte son domicile pour accompagner Daniel à l'aéroport, ce dernier entend, à la radio, le nom d'une femme dont il n'a plus de nouvelles depuis plus de vingt ans. Elle fut son premier véritable amour, sa première douleur et sa première honte.

Se joue une partition polyphonique : celle des souvenirs des principaux personnages du roman et leurs destins croisés.

Comment Daniel pourra-t-il expliquer à son épouse Claudette, ancienne star de cinéma qui organisa, de main de maître, sa disparition du monde ? Epouse fantasque, intransigeante et exigeante, Claudette a une emprise particulière sur le monde et les siens tout en étant assujettie aux opinions de sa mère, la très française et parisienne Pascaline.

 

« Assez de bleu dans le ciel » s'articule autour des moments clés de la vie de ses personnages. Ainsi peu à peu le lecteur parvient-il à recoller les pièces d'un puzzle, celui de la vie d'un mariage et de sa lente dissolution.

Maggie O'Farrell cisèle ses personnages avec tendresse et humour : ils sont tour à tour charmants, amusants, graves, émouvants et agaçants.

Chacun à sa manière vit une fuite en avant lorsque certaines situations leur échappent. Cette fuite implique, à chaque fois, la séparation, ou la perte, de ceux qu'ils aiment. C'est ce que nous faisons également dans la vie, selon les circonstances et notre personnalité. Et c'est pour cette raison qu'ils nous touchent tant.

Daniel Sullivan, brillant professeur de linguistique, vit une fuite en avant en cumulant les addictions : sexe, conquêtes, stupéfiants et alcool. Il perdra les meilleures années de vie avec les enfants de son premier mariage, dans les méandres boueux d'une procédure de divorce américaine plus que tortueuse. La conséquence est qu'il baissera les bras et quittera le pays pour l'Irlande, terre de ses ancêtres.

La fuite en avant est un peu une histoire de famille puisqu'il découvrira que sa mère en a été victime : elle a étouffé un coup de foudre dans un mariage mal assorti. Une douleur muette avec pour refuge ses enfants et ses livres.

Daniel sombrera au tréfond de ses angoisses et de ses addictions jusqu'au moment où son fils aîné le prendra sous son aile, le temps qu'il soigne et expulse le trop plein de dégoût de soi lors d'une expédition touristique jusqu'au désert de sel d'Acatama, dans les Andes chiliennes. L'auteure nous transporte avec beaucoup de poésie dans ce paysage majestueux où les sédiments et autres minéraux n'ont pas été altéré depuis que la mer s'est retirée il y a des temps immémoriaux. Il y assez de bleu tant à Atacama qu'en Irlande pour tisser le destin d'un homme.

Devant le spectacle extraordinaire du désert de sel, le lecteur se plaît à imaginer que Daniel comprend que le prix à payer pour renaître et reconquérir son épouse est d'aller au bout de sa démarche et de dire que leur réconciliation peut avoir lieu... comme il s'était réconcilié avec les enfants de sa première union. On quitte, ravagé, pour mieux revenir en se souvenant des cachettes d'enfants, ces lieux magiques frontière entre réalité et merveilleux.... se souvenir des belles choses.

« Assez de bleu dans le ciel » est un roman qui m'a enchantée par la justesse du ton, la justesse des personnages, par l'art de l'auteure de faire plonger le lecteur dans les réminiscences tant des personnages que les siennes. La poésie est au détour d'une phrase, d'une description, une plage, un feu dans le poêle, une tasse de thé, un désordre artistique, le tumulte enfantin... la vie, tout simplement la vie.

Quelques avis

Romans sur canapé   Dans la bulle de Manou   Mots pour mots   Sens critique   Livraddict

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