samedi 18 mars 2017

La beauté du temps

Un roman japonais... français.
D'emblée, le lecteur est charmé par la scansion du texte, par les silences d'entre les mots, par la lenteur de la narration accentuée par la brièveté des phrases... ou quand le haïku devient roman... ou le roman succession de haïkus.

Une non rencontre entre un jeune homme japonais et une beauté brune italienne, d'un fantasme naît une quête, d'une quête naît un départ, d'un départ naît la perpétuation d'un art millénaire.
« Au terme d'un périple long de quinze jours, sans un sou Maître Kurogiku arrive en Italie, en Toscane. Il trouve une ruine pour la nuit.
Il plante trois pousses d'arbre et s'endort. » (p 21)

Maître Kurogiku a tout quitté pour une chimère car comment retrouver une brune italienne en Italie quand on ne connaît ni son nom ni son lieu de vie ? La passion vécue à la japonaise, un grain de folie dans l'ordonnancement des choses, un chaos dans l'harmonie de l'univers.
Maître Kurogiku réalise des origamis, dans la ruine d'où aucun propriétaire n'est venu l'expulser. Il a une chatte, Ima, « Maintenant » en japonais, les trois pousses d'arbres ont grandi et se sont étendues pour devenir des buissons précieux.
En Toscane, dans une ruine, un Maître japonais amoureux d'une chimère, s'installe et fabrique du papier. Pas n'importe quel papier : du washi. Sous le ciel toscan, au fil des saisons, Maître Kurogiku s'adonne à ses passions : fabriquer du washi et plier les feuilles en origamis. Il choisit la plus belle feuille de chaque production qu'il réserve à l'art de l'origami.

L'arrivée, impromptue, d'un jeune horloger, Casparo, ride le lac de tranquillité que semble être la vie paisible de Monsieur Origami. Casparo cherche à fabriquer la montre complexe et parfaite, celle qui saura engranger toute les mesures du temps disponibles.
Maître Kurogiku explique à Casparo, comme s'il était son disciple, l'art du washi et celui de l'origami, intimement liés par la dimension temporelle, spirituelle et philosophique du zen. « Assis en zazen » Monsieur Origami médite, réfléchit à ce qu'il fera de la feuille de washi.
Chaque jour, le dialogue, souvent silencieux, s'établit entre les deux hommes. La Toscane devient temple où le disciple reçoit l'enseignement d'un maître, où l'invisible devient palpable, où le silence dévoile sa voix à celui qui sait entendre ce qui n'est pas prononcé.

Le temps est au cœur de ce roman qui tient autant du documentaire, on apprend ce qu'est le washi, le papier japonais qui signifie « papier de la paix et de l'harmonie », que du conte dont il a l'intensité : « A quoi sert-il d'avoir si être nous manque ? ». (p 140)
Le temps doit-il se mesurer à chaque seconde ? Le temps est-il mesurable ? Le temps rythme notre vie, rythme l'univers, rythme notre perception de ce dernier ; or ne peut-on pas tout simplement contempler le temps qui passe ? Ce qui rendrait l'harmonie entre l'homme, les êtres et les choses.

« Monsieur Origami » est une lecture-méditation, fait le lien entre le temps pour fabriquer le washi et celui pour réaliser l'origami. L'origami métaphore du temps que l'on veut plier, diviser en minutes, secondes ou le multiplier en jours, mois, année, saison.

Une pépite que l'on se doit de conserver à portée de main pour en lire quelques passages à tout moment.

« Maître Kurogiku est assis. Depuis un peu plus d'une heure maintenant.
En position de zazen.
Devant lui, une feuille de papier carréé.
Un peu chiffonnée.
Posée sur une table basse en bois.

A ses pieds, la chatte Ima ronronne. » (p 15)


Des couleurs dans l'arbre de l'école

L'hiver part sur la pointe des pieds, restent les mangeoires à oiseaux.
Les élèves de la classe de MS/GS ont construit ces mangeoires en novembre dernier. Elles rappellent qu'observer les oiseaux est toujours un moment privilégié au cours duquel silence et immobilité s'invitent l'espace d'un battement d'ailes.