mardi 29 avril 2008

En attendant....


mon billet concernant mon colis swap "Afrilire" et mes divers autres commentaires de lecture en retard, l'éveil, suite à un long hiver, d'un arbre (je pense que c'est un acacia...mais celui qui n'a pas d'épines) dans la rue.

samedi 26 avril 2008

New York, Freud et des crimes

Quatrième de couverture:

"1909 Sigmund Freud est à New York pour donner une série de conférences sur la psychanalyse. Au même moment, une jeune femme de la bonne société est étranglée après avoir été sauvagement torturée. Freud, fatigué, malade, en butte à l'hostilité de l'intelligentsia locale, se retrouve malgré lui impliqué dans l'enquête que mène l'inspecteur Littlemore... Des bas-fonds de Chinatown aux hôtels particuliers de Gramercy Park, ce thriller à l'intrigue impeccable nous plonge dans le New York en mutation du début des gratte-ciel."

Sigmund Freud arrive à New-York pour donner des conférences sur une nouvelle branche de ma médecine, la psychanalyse, loin de faire l'unanimité parmi ses pairs. Il est accompagné par Carl Jung, un de ses disciples, de nationalité Suisse, et de Sandor Ferenczi de nationalité hongroise. Ils sont accueillis par Younger, jeune psychanalyste au brillant avenir, qui tout en admirant Freud n'est pas complètement convaincu de l'omnipotence de l'interprétation sexuelle dans l'analyse des patients. Freud est très controversé par nombre de médecins, notamment les neurologues, qui voient en lui une menace économique: la clientèle essentiellement féminine risque fort d'être plus attirée par la psycahnalyse que les électrochocs ou autres moyens musclés pour guérir des langueurs ou des hystéries. Le lecteur assiste au conflit terrible et muet opposant Freud et Jung dans les ambiances feutrées des chambres d'hôtel: Jung conteste la prohibition universelle de l'inceste et l'interprétation sexuelle de la névrose et de ce fait devient un interlocuteur de choix pour les adversaires de Freud. Freud, malgré cette rivalité intestine, sait que Jung est un rouage essentiel de la psychanalyse et de son expansion: ce dernier est le seul non juif du groupe et est le garant, de ce fait, que la psychanalyse n'est pas une aventure intellectuelle trop marquée....d'ailleurs il en fait son fils spirituel!
Mais Freud est tout sauf le personnage principal de l'intrigue, bien qu'il se retrouve embarqué dans une enquête criminelle. Il est plutôt un catalyseur remettant sur les rails, volontairement ou non, le fil des idées de Younger au sujet du crime commis et de ses conséquences. Freud est aussi le miroir d'une société en pleine évolution économique et industrielle où les idées innovantes, tant matérielles qu'intellectuelles, annoncent une autre vision du monde et des hommes. L'Amérique, la jeune Amérique, industrieuse, productrice de richesses et de pauvretés, déplaît à Freud, l'Européen qui constate que le jeune pays passera, inmanquablement, à côté des subtilités de l'âme humaine en raison d'une avidité d'acquérir et d'éblouir.
Le narrateur du récit est Younger, ce jeune psychiatre gagné aux idées nouvelles qui accueille Freud et ses deux disciples à la descente du transaltlantique. Il s'occupe du cas de la seconde victime, sauvée de justesse, Nora Acton, jeune fille de bonne famille qui a tout les sympômes de l'hystérie et de la persécution. De plus, elle semble atteinte par le syndrome des personnalités multiples. Nora réunit à elle seule une grande partie des maux d'une vie psychique gravement perturbée. Bien entendu, Younger ne peut résister au charme de la jeune fille et en tombe amoureux. Afin de retrouver son agresseur, soupçonné par la police d'être l'auteur du premier crime, Younger secondera l'inspecteur Littlemore et vivra à ses côtés de multiples péripéties plus haletantes les unes que les autres (la descente dans le fleuve à l'intérieur d'un caisson de décompression est absolument angoissant et terrifiant pour les claustrophobes!). Younger croisera le chemin d'un maire épris de gigantisme, d'un légiste désabusé que personne n'écoute vraiment, d'un richissime homme d'affaire, George Banwell, aux côtés pervers insupportables doté d'une épouse, Clara, plus qu'étrange sous une sublime plastique, un interné, accusé de meurtre, faisant le mur le soir et d'un mystérieux triumvirat aux pouvoirs occultes inquiétants.
New York est en plein essor et offre un cadre extraordinaire à l'intrigue policière: on construit partout d'immenses buildings plus hauts les uns que les autres, de gigantesques ponts pour relier l'île de Manhattan avec des techniques inventées pour que le projet puisse être réalisé dans les temps et les termes financiers. New York est tellement bien décrite que le lecteur a l'impression d'être vraiment en 1909, au beau milieu des constructions et de la circulation en mutation: les voitures à cheval côtoient de plus en plus de voitures motorisées, les immeubles en construction avoisinnent les établissements les plus chics, le bruit et la poussière accompagnent les protagonistes.

J'ai particulièrement aimé l'interprétation de Younger d'Hamlet qui est un délice à suivre (je suis une admiratrice des oeuvres de Shakespeare!), même s'il faut être concentré pour ne pas perdre le fil: Hamlet berce les réflexions de Younger tout au long de l'intrigue (on apprend que Hamlet fut au coeur d'un conflit entre Younger et son père) et est la pierre angulaire de l'interprétation non sexuelle d'un personnage (selon la théorie freudienne, Hamlet éprouve le désir secret d'avoir des relations sexuelles avec sa mère). "Etre ou ne pas être...." serait plus à traduire par "être ou sembler" tel est le choix qu'il doit faire. "Ce qui l'irrite le plus, c'est le deuil feint, ces faux-semblants, le port du noir par des gens qui n'ont qu'une hâte: festoyer au banquet de mariage pour ensuite se vautrer dans la couche nuptiale telles des bêtes. Hamlet ne veut rien avoir à faire avec cette société. Il refuse de feindre. de faire semblant. Il est." (p 388)

"Sembler, c'est agir - feindre, interpréter un rôle. Voilà l'explication de toute la pièce, sous nos yeux à tous. ne pas être signifie sembler, et sembler c'est agir. Etre, par conséquent, c'est ne pas agir. D'où la paralysie! Hamlet est déterminé à ne pas faire semblant, ce qui signifie ne pas agir. S'il s'en tient à ce principe, s'il veut être, il ne peut agir. Mais s'il choisit de prendre les armes pour venger son père, alors il agit, et choisit de sembler plutôt que d'être." (p 389)

"L'interprétation des meurtres" est un roman policier où tous les ingrédients sont présent pour construire une intrigue intéressante, haletante malgré quelques longueurs et où le dénouement est inattendu.

Roman traduit de l'anglais (USA) par Carine Chichereau



vendredi 25 avril 2008

Rose attitude


"En 1936, la grande prêtresse de la mode, Elsa Schiaparelli, avait baptisé son parfum "Shocking Pink", faisant du magenta saturé la couelur de l'avant-garde. Une couleur qui exprime à la fois l'insouciance et la provocation à l'image de la célèbre "Pink cadillac" d'Elvis Presley.
La couleur rose est multiculturelle: elle est le reflet d'une certaine culture nippone, des lolitas urbaines, et plus généralement d'une mode pimpante ou provocante.
La Pink Attitude est aussi une action militante: le code couleur devenant la signature des happenings d'ONG luttant pour la paix dan sle monde ("Pink Code"); elle est dominante dans les défilés de la "Gay Pride", où elle exprime le droit à la différence sexuelle.
C'est une couleur présente dans le "street art", la publicité et l'art moderne, avec notamment des oeuvres monumentales de Jeff Koons."
(edito)

Je ne suis pas une fan de la couleur rose et pourtant ma garde-robe hivernale est dotée d'un ensemble "vieux rose" en laine que j'aime sortir lorsque j'en ai assez de la grisaille des mois sombres de l'année. Je ne suis pas une adpete du "rose barbie" et cependant, je ne suis pas insensible à la beauté des camaïeux de rose, des tissus et autres matières où le rose s'épanouit et réjouit l'oeil.
Liz editions inaugure avec Pink attitude une série consacrée aux couleurs. Le rose est décliné au fil des photos dans une gamme exhaustive et dans des situations aussi cocasses que glamour ou romantiques. Parfois, au détour d'un cliché, le rose synonyme de douceur peut se révéler violent et agressif. C'est ce qui fait le charme de ce recueil de photographies très belles et très expressives. J'ai été très sensible aux photos "paysage" (urbain ou campagnard) où une tache rose (deux fauteuils, une cabane) isolée, se détache pour remplir le cadre de sa présence. Comment ne pas être ému par les camions ou voitures roses, clin d'oeil au glamour hollywoodien, par les musiciens sud-américains dans leur chemise rose, par les barbies "Cartlandisées" japonaises (hallucinant de surréalisme), par le couple tenant un parapluie rose sous la neige? Ces photos ne laissent pas indifférent et font voyager le lecteur dans un imaginaire acidulé qui par un point de détail en couleur révèle ce qui est un peu moche ou triste dans notre monde urbain et moderne...le tout avec une pointe d'humour très agréable.
Une collection originale, à apprécier et à suivre....je suis impatiente de regarder les variations autour du vert!

Quelques pages ici ici et puis encore ici

jeudi 24 avril 2008

Calvaire breton


Lors d'une balade dans les environs de Lannion, en février dernier, je suis arrivée dans un hameau de bord de mer comme il y en a beaucoup sur les côtes bretonnes: une chapelle qui domine l'anse et son presbytère doté de l'incontournable calvaire de granit. La lumière d'un fin d'hiver ensoleillée était magnifique....je n'ai pas résisté à l'appel de l'APN! clic, dans la boîte....

mercredi 23 avril 2008

Destins croisés


Encore un auteur dont j'avais beaucoup entendu parler en bien et que je n'avais jamais eu l'occasion de lire.


Quatrième de couverture:
"Deux avions se croisent en plein ciel quelque part au-dessus du pôle Nord : l'un transporte un professeur américain brillant, spécialiste de Jane Austen, qui arrive d'une grande université de la côte Pacifique, l'autre un professeur anglais un peu médiocre qui vient d'une université des Midlands et n'a d'autre titre de gloire que de savoir concocter des épreuves d'examen. Ils ont décidé d'échanger leur poste pour une durée de six mois."

A partir de cette situation, somme toute banale, de l'échange de poste entre deux professeurs d'université, David Lodge écrit un roman aussi drôle que grave, utilisant plusieurs styles d'écriture au fil du récit.
Philip Swallow est professeur dans une université anglaise, un peu terne presque inodore et sans saveur. Il mène sa vie sans faire de bruit, au rythme des naissances et des dépenses parcimonieuses du ménage, au fil des années universitaires qui ne lui offrent guère d'avancement. Il a peu publier, il n'est pas célèbre, il n'est pas parmi les professeurs les plus populaires et pourtant, ce sera lui qui participera à l'échange de poste.
Morris Zapp enseigne dans une belle et célèbre université américaine, sous un climat idéal où la grisaille n'est qu'anecdotique et vit dans une maison de rêve. Il a publié moult articles et livres et c'est un spécialiste de Jane Austen...normalement il a tout pour plaire et pourtant le personnage n'est pas vraiment agréable ni charmant: il est imbu de sa personne, arrogant et sûr de lui-même à l'excès, parfois condescendant avec ses collègues et ses potentiels adversaires, il est l'exemple parfait de l'Américain satisfait de lui et se rengorgeant de sa réussite. Normalement, il n'était pas prévu au programme d'échange de poste mais comme il est en délicatesse sentimentale avec son épouse il sollicite un éloignement afin de tenter de sauver son couple.
Voilà donc nos deux professeurs dans les airs, au-dessus de l'Atlantique, laissant leur quotidien et abordant avec curiosité leur prochaine vie. Dans l'avion, chacun fera une rencontre importante: Philip rencontre un jeune trublion, Boon, qui de fil en aiguille en fera une figure de proue du mouvement contestataire étudiant; Morris rencontre une jeune femme qui se rend en Angleterre pour avorter et qu'il tente de dissuader.
Autant Philip Swallow s'adapte à ses nouvelles conditions de vie malgré la révolution sexuelle et politique qui secoue l'Amérique qui commence à s'enliser au Vietnam, autant Morris Zapp est confronté à un véritable choc culturel et thermique! La grisaille et l'humidité hivernales ont raison de son moral d'autant que ses collègues anglais semblent ne pas le remarquer. Peu à peu, Philip comme Morris prennent leurs marques, se retrouvent mêlés à d'extraordinaires péripéties et sont amenés à avoir des affinités dans la vie de l'autre.
Armé d'un humour tant subtil que parfois grossier (de temsp à autre le trait est un peu forcé), David Lodge offre au lecteur deux vies qui se superposent dans une narration des plus variées: en effet, on passe du roman classique aux longues descriptions et mises en situation dignes de Balzac, au roman épistolaire savoureux puis aux coupures de presse ou au synopsis cinématographique! Les multiples effets narratifs donnent un rythme endiablé au roman et une saveur particulière à l'humour des personnages hauts en couleur qui voient s'épanouir en eux des facettes inconnues de leur personnalité!
"Changement de décor" est un roman sur les destins et les routes qui se croisent, s'emmêlent alors que rien ne les y préparaient. L'ironie de la vie et de l'Histoire apportent des changements inattendus dans le quotidien et l'intimité des personnages: le coup de pouce du hasard provoque des choix et des bifurcations plus insolites les uns que les autres, les transparents deviennent visibles et égéries d'une cause, les beaux parleurs sont contraints à devenir plus humbles et les timides prennent de l'assurance (notamment les épouses qui s'offrent une liberté inespérée grâce aux MLF!). Le cadre de vie, des circonstances et des situations particulières peuvent-ils influer sur une destinée? Philip, Morris, Hilary et Désirée offrent cette probabilité.
Un roman amusant, drôle, fourmillant de personnages plus excentriques les uns que les autres et de situations plus cocasses les unes que les autres...un bon moment de lecture où le rire est toujours présent.

Roman traduit de l'anglais (GB) par Maurice et Yvonne Couturier



lundi 21 avril 2008

La quête de soi

Franz-Georg est né avant la guerre (celle de 39/40) en Allemagne mais il ne garde aucun souvenir de son enfance, seulement ce que sa mère lui a en a raconté: sa maladie qui lui a fait perdre la mémoire et lui a fait perdre le langage qu'elle lui a lentement et patiemment réappris.
Franz-Georg porte les deux prénoms de ses deux oncles maternels tombés au combat, tombés dans l'enfer de Stalingrad. En plus de sa perte de mémoire, il doit porter le fardeau de ces "ancêtres", héros de guerre glorifiés par sa mère.
Franz-Georg a du mal à saisir ce qui se passe autour de lui: sa mère, omniprésente, son père présent sans l'être vraiment et qui ne s'intéresse pas à lui, son fils. Ce père en blouse blanche, important, sévère dont les patients du curieux hôpital dont il a la charge, meurent par milliers du typhus. Ce père qui chante en compagnie de ses collègues des lieder au cours de soirées charmantes et conviviales. Heureusement, Magnus, l'ours en peluche que Franz-Georg serre souvent contre lui, est là pour l'écouter et recevoir ses inquiétudes, ses interrogations.
Un jour, la panique chamboule la maisonnée et sa vie: ses parents partent précipitamment et une fuite incompréhensible commence pour Franz-Georg, une fuite qui l'amènera en Autriche d'où partira son père vers l'Amérique du Sud pour leur préparer une autre vie. Seulement, son père ne donnera plus jamais signe de vie et sa mère, si élégante et belle autrefois, s'étiolera à attendre, en vain, un signe.
Les années passent, sa mère le confie, à la fin de sa vie, à son frère aîné, le pasteur qui a fui le régime nazi pour gagner l'Angleterre. Une nouvelle vie commence pour Franz-Georg qui doit abandonner son prénom et son nom, connotés: dorénavant, il s'appellera Adam, comme le premier Homme. Magnus, l'ours en peluche fait toujours partie du paysage et provoque d'étranges rêves chez Adam: une sensation de peur intense, une jeune femme qui s'écroule en le protégeant, une odeur de fumée et le noir de la terreur.
Qui peut bien être cette jeune femme? Pourquoi son image est-elle ancrée en lui aussi profondément? Pourquoi ce trou de la petite enfance à la suite duquel il a du tout réapprendre? Franz-Georg/Adam part à la recherche de cette identité en allant, en Amérique du sud, sur les traces de son père. La quête le mènera à se poser d'autres questions et à subir une autre perte de mémoire....il s'appellera Magnus.
De Londres à Vienne en passant par Rome et la France, Magnus cherchera ses origines: dans son délire en Amérique du Sud, il a parlé une langue inconnue qui n'était ni de l'anglais et ni de l'allemand.
Sylvie Germain relate une quête dense, troublante et remplie d'émotion sur l'identité avec un fil conducteur extraordinaire: l'ours en peluche, "à l'oreille roussie", dont le foulard porte ce nom MAGNUS, symbole de l'enfance, lien d'une force inouïe avec le passé perdu recherché sans cesse au cours d'une vie riche en rebondissements....un conte sombre et lumineux qui serpente dans la forêt des sensations perdues. Un conte qui porte le poids de l'Histoire, le poids des horreurs, le poids de l'oubli qui est à deux doigts de la lumière de la mémoire enfin recouvrée. Un conte qui étreint le coeur, qui secoue les consciences par le regard d'un enfant qui ne sait plus d'où il vient ni qui il est parce qu'il pose des questions essentielles. Comment peut-on grandir et devenir un homme qui tienne debout, si toute sa vie n'est qu'illusions et mensonges? Comment être un homme quand un pan entier de sa vie n'est faite que d'incompréhension du monde que l'on côtoie? Comment devenir adulte sans perdre son âme, sans être torturé par l'ignorance de ses origines? En effet, "Magnus" nous parle de ce qui est universel chez l'être humain: l'importance de la filiation (comment comprendre le monde si on ne sait pas d'où l'on vient ni qui l'on est?), de l'amour parental sécurisant, antidote au sentiment d'abandon, socle de l'estime de soi et enfin l'importance de regarder vers l'avant malgré les pans sombres du passé car il est essentiel d'avancer pour continuer à vivre.
Sylvie Germain distille les pistes de compréhension du récit au fil de ses "séquences" "notules" "echo" "résonnances" "fragments" qui construisent le personnage et ses interrogations tout en éclairant le récit par des explications poétiques et en lui donnant une position historique.
"Magnus" est un grand roman, beau, émouvant, poétique, éprouvant et déstabilisant par sa forme et son contenu. C'est l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus beau et de plus sombre qui est ici explorée. Une fois la dernière ligne lue, on reste la gorge nouée, muet d'émotion, l'écho de la quête de soi résonnant longtemps encore!


dimanche 20 avril 2008

dans les rues de Vienne

Nous sommes à Vienne, au début du XXè siècle, les Habsbourg périclitent au pouvoir (la chute se devine), les cafés, où les débats les plus passionnés ont lieu, ne désemplissent pas et on peut y rencontrer Freud, Klimt, Schoenberg et de nombreuses autres célébrités.
La psychanalyse est à l'aube de son essor: Freud et ses théories rencontrent bien des murs et les tenants de la thérapie par électrochocs font tout pour discréditer ce dernier.
Max Liebermann, un jeune médecin, psychiatre, très attiré par les pratiques de Freud, pianiste amateur, est amené à assister son ami l'inspecteur Oskar Rheinhardt, chanteur lyrique amateur, dans une étrange enquête. Une jeune médium est retrouvée morte, assassinée, chez elle: pas de trace de balle dans le corps malgré la présence d'un impact et surtout la porte de sa chambre était verrouillée de l'intérieur! Qui a bien pu perpétrer ce crime? Des esprits maléfiques ou un illusionniste de génie? Ou est-ce un suicide? Une lettre est retrouvée sur le bureau, Max Liebermann y découvre un lapsus et une deuxième autopsie éclairera ce dernier. Les indices sont déroutants et laissent perplexes les enquêteurs: les clés marquées de stries, un coffret fermé de l'intérieur où repose une étrange statuette égyptienne, l'arme du crime, un pistolet, a disparu, des issues trop hautes pour une fuite. Les questions s'accumulent et l'enquête piétine rendant impatient le commissaire (ah les impatiences désagréables et réductrices des supérieurs!!!) mais Max est présent lorsque Oskar doute ce qui remet sur les bons rails l'enquête.
Parallèlement à l'enquête, Tallis brosse un portrait de ses personnages, récurrents: Max est un jeune médecin, célibataire, issu de la bonne société bourgeoise viennoise. Il est impressionné par Freud sans pour autant être entièrement d'accord sur ses méthodes, il est amoureux d'une agréable jeune fille à laquelle il se fiance mais est peu à peu gangréné par le doute lorsqu'il prend en charge le cas d'une jeune patiente anglaise, atteinte de paralysie et d'un début de dédoublement de la personnalité. Cette jeune femme est belle, intelligente, vive et curieuse et elle sera un élément déterminant dans la résolution de l'énigme. Oskar est un homme marié, père de famille, bien dans sa vie et prodigue ses conseils à son jeune ami. Parfois, il est agacé par les analyses de Max mais force est de reconnaître qu'elles sont souvent très pertinentes.
Ce qui m'a charmée, en dehors de l'intrigue bien menée et d'une belle traduction, c'est la matière des décors et des ambiances viennois: on s'y croirait dans ces ruelles sombres et sordides derrière de petits immeubles aux couleurs passées et décrépites, on respire la fumée des cigares dans les cafés, on lit avec gourmandises (même si le café ne fait pas partie de mes boissons préférées) les différents cafés proposés aux consommateurs, l'odeur chaleureuse de ce breuvage aux déclinaisons multiples est accompagnée par l'image bien alléchante des diverses pâtisseries et autres douceurs sucrées proposées en accompagnement. Vienne apparaît comme une capitale brillante, intellectuelle et artistique où les innovations technologiques et les nouvelles idées philosophiques, médicales et artistiques s'épanouissent et essaiment. Le lecteur suit avec délectation Max à l'exposition des oeuvres des peintres tels que Klimt et sa Frise Beethoven ou des sculpteurs tels que Klinger et son Beethoven. la musique de Brahms, Beethoven, Schubert ou Mozart accompagne les pages de l'enquête policière et apporte une respiration sereine après les horreurs criminelles.
Vienne est aussi l'endroit où sourd une vision politique anti-sémite et où on peut percevoir les prémices des atrocités qui seront perpétrées bien plus tard. Une certaine bourgeoisie viennoise faite de mesquineries et d'ambitions larvées, un monde masculin où le pouvoir sexuel serait analysé avec joie par la psychanalyse: l'oncle d'Amélia (la patiente de Max) fait partie de ces époux qui aiment déflorer les jeunes bonnes et réduire au silence leurs épouses quitte à ce qu'elles deviennent névrosées et à ce qu'elles aillent se jeter sous un train pour en finir avec le cercle infernal de la culpabilité et de la souffrance. La condition féminine est en route vers une amélioration mais comme elle sera longue et ardue!
"La justice de l'inconscient" est le premier volet des carnets de Max Liebermann, un premier épisode réjouissant et bien écrit dans lequel on déambule avec joie et où le coupable ne sera démasqué qu'à la fin, donnant le plaisir au lecteur d'être tenu en alerte et en haleine jusqu'au dénouement! Une lecture détente savoureuse comme un chocolat viennois aux personnages attachants dotés d'humour et de culture.
"Du sang sur Vienne", deuxième opus des carnets, offert par Olivier dans le cadre du swap "Noir c'est noir", m'attend sur les étagères de la bibliothèque....lecture prévue dans les semaines à venir!


Roman traduit de l'anglais (GB) par Michèle Valencia


vendredi 18 avril 2008

Le bûcher des vanités?


Voici un roman à la fois très déconcertant et jubilatoire: cela peut sembler paradoxal mais c'est l'impression qui m'est restée à la fin de ma lecture.
Pourquoi déconcertant? Par son rythme, son vocabulaire parfois familier, souvent très cru et toujours inattendu et donc déstabilisant. Pourquoi jubilatoire? Par la hardiesse du sujet, le vocabulaire toujours bien choisi et très évocateur des situations décrites, par le côté inconoclaste et transgressif des personnages d'une drôlerie caustique et d'un burlesque frisant le surréalisme.
La quatrième de couverture donne le ton du roman "Après le roman de l'argent et celui de la politique, voici le roman des médias, dernier volet de la trilogie de Marx revisitée par Osmont"...l'hameçon est bien tentant et le poisson se laisse happer sans regret.
Il y a du Rabelais chez Osmont, on ne peut le nier: la verve, l'envolée des mots, les trouvailles au détour d'une phrase, l'apparente complexité des entrelacs du récit, la sensualité exacerbé des personnages, les situations crues où la lubricité et la gaillardises font bon ménage.
Le héros de "L'idéologie" s'appelle Evariste Kowalski, il exerce le sympathique métier de Conseil en conseils...en fait Evariste est ce qu'on peut appeler un lobbyiste ou "spin doctor": il est celui qui fait et défait les opinions des masses laborieuses ou non, populaires ou non, il créée et décréée les stars de la politique ou de l'économie, il met au goût du jour et fait vouer aux gémonies expressions, idées, images et slogans...il fait la pluie et le beau temps dans le monde merveilleux qu'est celui de notre contemporaine modernité. En un mot comme en mille, Evariste Kowalski est le salaud qui permet à des plus salauds que lui d'accéder à la gloire, à la richesse et au pouvoir. Or, un jour, Evariste décide de détruire ce système pourri et putride en se sabordant. Aidé de son ami d'enfance, petit génie complexé et asocial, Modeste, as du clavier et des arcanes informatiques, il va mettre au point sa machine de guerre, son arme de destruction massive en créant un site Situx.com sur lequel l'information est aux mains et au bout des doigts des internautes du monde entier. Situx.com devient alors le réceptacle de monceaux de rumeurs et canulars d'une virtuose véracité sur les ministres en place, les patrons du CAC40, les journalistes en vue, les stars, ses clients et même son père (ancien hippi devenu directeur d'une banque mormonne)! Rien ne l'arrête, rien ne le dévie de son but: détruire le monde moderne!
Evariste, tel un Robin des Bois devenu électron libre, possède un minimum d'éthique: il s'attaque uniquement à l'honneur de ceux qui le paient grassement pour exister aux yeux du monde. Le lecteur assiste à un "Fight Club" idéologique plus sanglant et violent que le roman de Chuck Palaniuk: ce qui fait vibrer les clients richissimes, d'argent et de pouvoir, d'Evariste ce sont la médiatisation, l'argent et le sexe, le reste n'est que poudre au yeux pour les gogos croyant que les hommes de pouvoir agissent pour le bien commun. Stéphane Osmont a mis les ingrédients inhérents au Roman noir dans son récit: argent, pouvoir, prostituées de luxe et gâteries à foison tout compris. Parfois, on a le coeur au bord des lèvres car l'image de cette caste privilégiée dévoyée, sans vraiment de tabou car pour pimenter sa vie dorée rien n'est exclu, donne des nausées; parfois, on rit vraiment haut et fort car les situations cocasses et grotesques sont désopilantes (le complot Courtney Love et la tentative de déstabilisation de l'économie libérale occidentale par les amis mafieux du pouvoir russe ou encore la guerre médiatique larvée entre le ministre de l'Economie et des Finances et Adevah-Poeuf, "le Mozart de la finance", sont d'anthologie!).
Frédéric Beigbeder et son héros rebelle de "99F" sont largement dépassés dans l'irrespect et la noirceur car Stéphane Osmont et son Evariste Kowalski jettent aux orties la dernière once de respect que pouvait revêtir encore Octave! On monte d'un cran dans l'ignominie et l'infâme....comme notre actuelle société qui se laisse bercer par le "bling-bling" ostentatoire des marchands de sommeil à qui on a l'inconscience de confier les rênes de la destinée collective.

"L'idéologie" est un roman coup de poing percutant, dérangeant mais hautement jubilatoire malgré un style plus que simple, parfois proche du simplisme. A découvrir en complément des saines lectures de "Charlie hebdo" ou du "Canard enchaîné".


jeudi 17 avril 2008

Hommage à Aimé Césaire





Le soleil le bourreau la poussée des masses la routine de mourir et mon cri de bête blessée et c'est ainsi jusqu'à l'infini des fièvres la formidable écluse de la mort bombardée par mes yeux à moi-même aléoutiens qui de terre de ver cherchent parmi terre et vers tes yeux de chair de soleil comme un négrillon la pièce dans l'eau où ne manque pas de chanter la forêt vierge jaillie du silence de la terre de mes yeux à moi-même aléoutiens et c'est ainsi que le saute-mouton salé des pensées hermaphrodites des appels de jaguars de source d'antilope de savanes cueillies aux branches à travers leur première grande aventure: la cyathée merveilleuse sous laquelle s'effeuille une jolie nymphe parmi le lait des mancenilliers et les accolades des sangsues fraternelles.



Aimé Césaire

(1913 - 2008)

Les armes miraculeuses, 1946 (extrait)

Vengeance et histoire de famille


"Aujourd'hui encore, au sommet des monts d'Arrée, un vieux calvaire de granit domine un paysage de malédiction. Pour quelques anciens, il invite au recueillement et au souvenir. Trop de destins se sont croisés là, pour le pire, dans le chaos du printemps 1944..." (Quatrième de couverture)
Jaouen plante le décor d'une Bretagne occupée par le Reich où les indépendantistes jouent sur la méfiance voire la haine de certains envers la République Française, centralisatrice et castratrice de l'identité bretonne pour embarquer dans une aventure sanglante et désespérée de jeunes hommes, parfois incultes, sous la houlette de prêtres peu recommandables; et où les résistants, "pen du" (tête noire= têtu) peuvent prendre de catastrophiques initiatives.
1969, un homme sort de la prison de Quimper pour recouvrer une liberté perdue depuis 25 ans. Il a ruminé un quart de siècle une vengeance aux senteurs d'ajonc et de bruyère, au parfum de prairie et de champs labourés.
1944, la famille Kermarrec de Kermanac'h se déchire entre le frère aîné, Corentin, qui reste neutre, le cadet Blaise, qui rejoint les "Breiz atao" et le benjamin Mathias qui rallie la Résistance. Naïg, la seule fille de la famille, revenue, enceinte d'un soldat allemand, de Cahraix où elle servait un vieux couple juif, les Jacob, tailleurs de leur état, compte les points et essaie de se faire oublier en espérant le retour de son amoureux.
Les personnages qui gravitent autour de la famille Kermarrec sont hauts en couleurs: l'abbé Castric, recteur collaborateur et ayant ses entrées à la Gestapo, "breiz atao" de la première heure et dépositaire de moult secrets de ses ouailles; le colonel SS, emphatique admirateur de la culture celte, frisant le ridicule parfois, esthète et tortionnaire; l'employée des Postes, oeil de la Résistance, Suzanne, la trop belle et trop jeune épouse d'un ancien combattant de 14/18, maîtresse de l'envié Corentin Kermarrec, le couple Jacob qui accepte, usé par le temps et l'Histoire, son triste sort et qui a aimé Naïg comme sa propre fille, le proxénète parisien, rusé et fin connaisseur de la bassesse humaine pour savoir en jouer à la perfection.
Le lecteur est convié à la plongée au coeur de la mémoire d'un homme mais aussi d'une région: la vengeance est un plat qui se mange froid, certes, mais le Temps ne s'occupe-t-il pas, lui-même, de juger et punir pour les actes injustes et impardonnables? C'est la question à laquelle se retrouve confronté Corentin à sa sortie de prison, peu de temps avant 25ème anniversaire de la Libération et de la chute du IIIè Reich.
Hervé Jaouen aborde le sujet douloureux des égarements idéologiques du mouvement indépendantiste breton avec beaucoup de pudeur et de recul, loin de toute polémique. L'histoire de cette famille déchirée prend une force romanesque encore plus importante tout en demeurant dans le domaine de l'intime et du privé: les soubresauts de l'Histoire ont mis à mal beaucoup de familles et l'Occupant a su déstabiliser par des promesses mirifiques les mouvements qui revendiquaient une reconnaissance culturelle et linguistique souvent refusée....les frustrations percent et répandent leurs humeurs putrides dans les moments extrêmes, au coeur de l'agitation, faisant leur miel des haines et rancoeurs personnelles qui n'attendent que l'anonymat du chaos pour s'exprimer.
Hervé Jaouen situe l'action à Huelgoat et ses environs: le lecteur est emmené dans une belle histoire familiale, au souffle de la saga, où les jalousies, la rudesse émotionnelle (les Bretons sont plutôt du genre "taiseux" côté sentiments et marques de tendresse), la pénibilité du travail de la terre et les profits que l'on en tire sont entre les mains, justes et loyales, mais convoitées, de l'aîné, se disputent avec les petites et grandes bassesses d'un village où tout le monde s'épie, se jalouse et se connaît. Les rochers mystérieux et fascinants de la forêt de Huelgoat scandent merveilleusement bien le chaos intime et historique vécu par les personnages.
"Au-dessous du calvaire" est le premier roman d'Hervé Jaouen, auteur breton connu et reconnu pour son talent et son attachement à la terre bretonne, que je lis et je dois reconnaître que cette lecture m'a conquise. Le plaisir de lire fut le même de bout en bout: le passé et le présent se questionnent et se répondent au fil de la trame de l'enquête aux allures policières menée par Corentin, l'homme et le frère spolié de sa liberté en raison de la folie des hommes.


Merci à Sylire de m'avoir prêté ce roman passionnant et Yvon pour sa connaissance pointue de la littérature bretonne contemporaine!
Pascal l'a lu aussi

mercredi 16 avril 2008

Curiosité bretonne


Vendredi dernier, je suis allée avec ma classe dans une ferme pédagogique, sur les hauteurs bretonnes. En allant regarder les éoliennes de plus près, un calvaire campait fièrement devant ces dernières....

dimanche 13 avril 2008

Adolescence algéroise


Le narrateur, une fois adulte, relate son adolescence algéroise dans une Algérie qui bientôt ne sera plus française. Le lecteur se trouve immergé dans le quotidien d'un ado de 15 ans avec les préoccupations d'un garçon de son âge: les filles commencent à provoquer divers émois, la timidité maladive d'un garçon qui n'est plus un enfant et pas encore un jeune homme. Sans en avoir l'air, les évènements d'Algérie sont en filigrane du récit: les pieds-noirs, juifs ou non, aux relations tumultueuses, les professeurs du lycée qui quittent Alger et l'Algérie devant une situation politique qui heurte leurs convictions ou qui reviennent aux sources de l'enfance et espèrent voir la raison revenir. Ce sont ces cours de littérature et de latin qui transportent une classe entière d'adolescents pubères subjugués par le charisme d'un professeur anti-conformiste, Marco, qui aime transmettre la littérature, les auteurs, la beauté de la langue. Louis Gardel sait décrire les petites haines qui grandiront pour devenir rancoeurs et violence, tout cela entre un rock et un slow au cours d'une surprise partie mais également les moments impromptus avec une figure littéraire emblématique en la personne d'Albert Camus de passage à la librairie "Les vraies richesses".
"La baie d'Alger" c'est aussi une galerie de personnages hauts en couleurs, notamment des figures féminines: la grand-mère du narrateur, Zoé, "Tout sur le dos, rien à la banque", sa cousine Suzanne, journaliste engagée et ne mâchant pas ses mots ni ses idées progressistes, mais aussi la copine de Zoé, Bibi, vieille coquette glamour à l'oeil velouté et aux indécences amusantes. Ce trio est drôle, attendrissant et représente un monde qui lentement se meurt.
Les événements deviennent la guerre et les Arabes que Zoé et le narrateur côtoient tous les jours révèlent une double vie: Bouarab, Yeux-Bleus et Zoubida, des destins tragiques ou heureux, des amitiés qui malgré tout résistent à l'horreur et au sang. Puis, c'est le départ définitif vers la métropole qui sera bien loin de reconnaître les siens, les exilés qui doivent se reconstruire après avoir tout perdu, les colons comme les harkis. La vie reprend ses droits et Zoé déguste enfin des huîtres à Cancale, elle dont le voyage de noces en France fut annulé en raison de la Grande Guerre: sa gouaille pied-noir donne des couleurs méditerranéennes au restaurant et aux huîtres "Ecoute, ma petite, les huîtres c'est comme l'amour. la première fois, c'est dégoûtant et après on ne peut plus s'en passer" (p 242).
"La baie d'Alger" est un roman des souvenirs, d'une enfance et d'une adolescence algéroises et des ambiances aux odeurs iodées et ensoleillées avec parfois, sans s'y attendre, une odeur de poudre et de sang. Une atmopshère qui ne se retrouvera jamais ailleurs. Parfois, le goût amer des invectives des uns, de gauche, et des autres, de droite, devant sa position "entre-deux" qui n'est pas de comprise en ces temps troublés.
Louis Gardel raconte son Algérie sans en "faire des tonnes", avec tout son amour pour ce pays qui l'a vu naître et grandir: il a le mot juste et le plus objectif possible avec la plus grande des sincérités dans les émotions et les souvenirs. Une lecture agréable et pleine des saveurs de cette Méditerrannée riche en saveurs, odeurs et couleurs où l'émotion n'est guère éloignée, elle qui peut nouer la gorge sans prévenir, au détour d'une phrase, d'une scène ou d'une ambiance.
Louis Gardel a reçu pour son roman autobiographique "La baie d'Alger" le Prix Méditerrannée 2008. Il est, aussi, l'auteur de "Fort Saganne" (je n'ai pas lu le roman mais vu le film).






oeuvre de Farid Benyaa

samedi 12 avril 2008

Le zénith d'une saga norvégienne


J'avais quitté Bergen et ses protagonistes à l'aube de grands changements politiques en Europe, j'ai retrouvé tout mon petit monde dans la tourmente de la montée du nazisme et les affres de la Seconde Guerre mondiale.
Hjalmar Brandt est allé séjourner dans la jeune, turbulente et sanglante URSS où les purges staliniennes font des coupes sombres dans l'élite intellectuelle, militaire et politique. Son admiration pour le communisme reste encore intacte malgré une défiance due aux exactions du Petit Père des Peuples. En Norvège, le parti communiste se scinde en deux factions, l'une se rapprochant plus du socialisme, l'autre se radicalisant sur ses positions. Brandt se retrouve dans l'incapacité de choisir son camp, comme naguère il l'a été lors de la funeste de soirée qui scella le sort de Tordis. Brandt, champion de l'indécision, éternelle indécision qui rongera son talent et son inspiration.
Les échos de la Guerre d'Espagne parviennent en Norvège tandis que Wilhelm Helgesen, en compagnie de la belle Sigrid, part assister aux Jeux Olympiques de Berlin. Le choc est immense pour les deux époux: le prestige nazi les fascine et les beaux yeux bleu d'acier d'un beau jeune homme, Friedrich Schneider font chavirer Sigrid dans les délices de l'adultère et la sensation enivrante d'accéder à une part de pouvoir de la race des seigneurs. Ils reviennent à Bergen subjugués et ne rêvant qu'à faire partie du grand empire germanique, seul capable de refouler et abattre le spectre communiste incarné par l'URSS.
Gunnar Staalesen fait vivre son lecteur au rythme de l'Histoire et des histoires en marche: les conflits sociaux, l'exode rurale, la modernisation d'une civilisation, l'amour, la haine, la passion, le courage et la lâcheté sans que l'attention se relâche! J'attends avec gourmandise les indices, un peu plus conséquents, au sujet du fameux meurtre du consul Frimann: Staalesen lâche quelques pistes tout en faisant disparaître, un à un, les protagonistes de l'époque bien lointaine du début de XXè siècle! Moland et Kristine Pedersen se font bien vieux et ne vont pas tarder à achever leur partition...le suspense est à son comble d'autant que l'ancien collègue de Moland, l'inspecteur Berstad, quitte aussi la scène. Le lecteur est soumis à la torture et commence à se douter qu'elle ne prendra fin qu'au bout de la saga (ahhhh, les cruautés sadiques des auteurs de polar sont grandioses et à la limite de la perversité!)....la maison de Kristine revient à une de ses nièces et on apprend que dans le grenier de nombreux souvenirs, chers au coeur de Kristine, sont précieusement conservés: y aura-t-il quelqu'un pour y mettre le nez et offrir au lecteur avide et presque désespéré quelques pièces maîtresses de ce puzzle infernal? Il va sans dire que le troisième volet de ce triptyque littéraire est attendu avec convoitise et délectation!
L'écriture de Staalesen est toujours aussi puissante, aussi évocatrice et matrice d'images, d'odeurs et de bruits: le lecteur est toujours en plein coeur de l'action et suit avec angoisse le malaise de plus en plus étouffant vécu par la communauté juive de Bergen qui jusqu'au bout n'ose croire au pire. La famille Liebermann en fera la triste et amère expérience: seul le frère aîné, Josef, en reviendra car il a su avoir le courage de fuir au bon moment. Il reviendra, la rage au coeur et l'envie terrible et irrépréssible de se venger sur la fille de Wilhelm et Sigrid. Mais l'appartement sera toujours orphelin des notes du piano de Ruth et Rebekka.
L'après-guerre est la lente convalescence de la Norvège qui panse ses blessures et se met en route vers la reconstruction. Le quotidien sordide revient en force, malgré les horreurs de la guerre et de l'Occupation, les atrocités ne semblent jamais s'achever: une fillette a disparu, les forces de police, dont Christian Moland, se lancent à sa recherche....Christian Moland aura-t-il à porter une affaire trouble non résolue, comme son père a porté le mystère de la mort du consul Frimann?
C'est sur cette note qui inquiète tout en provoquant curiosité et multiples interrogations que s'achève "Le Zénith". Bergen est presque au faîte de son apogée, les rejetons des protagonistes de "L'aube" sont au mitan de leur vie et se retrouvent à l'heure des bilans: qu'ont-ils fait de leur vie, regrettent-ils leur jeunesse, leurs engagements, leurs idées? Les uns furent des Icares modernes (le soleil nazi a brûlé plus d'une paire d'ailes) et durent choisir entre la mort ou la fuite aux antipodes, les autres réussirent à suivre la voie qui s'est avérée être la bonne et purent construire et bâtir leur avenir.
Le souffle épique attise les braises du mystère et le lecteur ne peut qu'être admiratif devant tant de brio dans la construction d'une oeuvre de haute tenue.

Roman traduit du norvégien par Alexis Fouillet


Une interview de l'auteur ICI

mercredi 9 avril 2008

Squelettes dans le placard familial

Un 21 juin, dans une maison bourgeoise parisienne, la famille est réunie autour de son patriarche, Jean, à l'occasion de son anniversaire. Tout le monde est présent et s'apprête à fêter la conclusion d'une affaire financière fructueuse pour l'entreprise familiale: le "big deal"! Le 27 juin, dans une maison de campagne familiale, en Bretagne, les mêmes protagonistes sont à nouveau réunis pour les funérailles du patriarche. Que s'est-il passé entre-temps? Pourquoi, le patriarche, tout juste 54 ans, s'est-il noyé? Il y eut la visite d'un coursier, en réalité l'ami d'enfance de Jean, porteur d'une grande enveloppe marron: que contenait-elle? Des menaces, des informations compromettantes, des dossiers?
Peu à peu, les lézardes dans le bel ordonnancement de cette famille bourgeoise apparaissent et offre au lecteur les grandeurs et petitesses de tous ses membres. Les failles, les manquements affleurent sous la relation de l'évènement faite par chaque personnage: causticité, ironie, petites cruautés garanties! Les pièces du drame s'assemblent, parcelles de révélations, de secrets familiaux, de non-dits, d'omissions et éclairent le personnage centrale qu'est ce père aussi admiré que détesté, aussi craint que respecté.
Après la peur d'une histoire mettant en scène une famille bourgeoise lisse, sans aucun travers et ennuyeuse, le lecteur savoure les petites vacheries entre frères et belles-soeurs effeuillant, avec une pointe de cruauté, les petits arrangements avec la vérité. Sophie est l'image idéale de la grand-mère, de la mère et de l'épouse comblée qui ne semble pas connaître les multiples aventures extra-conjugales de Jean. Camille est l'archétype de la femme moderne: parfaite dans toutes les occasions, à la silhouette de rêve, terriblement agaçante de perfection, et ayant épousé l'héritier le plus prometteur . Amélie est la pauvre fille qui n'est jamais en phase et toujours coiffée au poteau par sa belle-soeur parfaite....mais Amélie a épousé l'héritier le plus beau. Guillaume, le petit dernier, le vilain petit canard qui ne fait rien comme les autres....d'ailleurs il a un ami et non une amie. Pierre, l'héritier le plus digne, est un homme blessé par son mal-être, par la nécessité de faire ce qu'on attend de lui; un homme qui rencontre les comptoirs pour oublier le masque de comédie qu'il porte. Alexis, le bel Alexis, amoureux de la vie, des femmes et des fêtes, avatar de son père, en apparence insouciant mais rongeant son frein dans l'ombre. Jean, enfin, figure patriarcale, homme de pouvoir, homme d'argent aimant s'encanailler en secret; il porte un regard sans concession sur son monde et ses illusions...sans doute le personnage le plus complexe, on le déteste et on apprécie en même temps sa lucidité et son courage.
Quant à Gabriel, l'ange annonciateur de remous et de houle, il est à l'image de l'archange dont il porte le nom: lumière et douleur de la révélation cachée dans l'embrouillamini des pistes à suivre pour tenter d'expliquer la disparition de Jean. Gabriel qui apporte aux hommes de la famille une nouvelle, bonne ou mauvaise c'est selon, et une nouvelle liberté.
Nicolas Cauchy parvient à rendre l'atmosphère familiale lourde de secrets et de rancoeurs, dans un récit où l'ironie n'est jamais très loin, grâce à une écriture précise, volubile, une partition polyphonique cohérente et un art de la mise en scène qui immédiatement happe l'attention. Une très belle découverte qui donne envie de découvrir son précédent roman "La véritable histoire de mon père" !
Merci Sophie de le faire voyager.





le site de l'auteur ICI.

dimanche 6 avril 2008

Nouveau tag


Majanissa m'a alpaguée pour un nouveau tag qui circule sur la blogosphère. Il s'agit de raconter nos premiers.

Voici les règles:

Vous recevez ce tag et vous y répondez sur le champ.

Vous rapportez à Scrapzine en venat commenter son message.



Parlez de vos premiers:

Job: animatrice de Centre Aéré. La voie royale pour se lancer dans le merveilleux métier d'enseignant.

Voiture: Ce fut une Clio bleue foncé. J'ai même repris des leçons de conduite car j'avais arrêté de conduire très vite après l'obtention du papier rose et j'avais peur de ne plus savoir tenir un volant! depuis, je n'ai plus peur de conduire, je dirais même que j'aime la conduite!

Page web: Ce blog est mon seul espace personnel. Sinon je collabore au blog du groupe des Verts de Guingamp.

Voyage: Ce fut au collège. Nous sommes allés en Allemagne avec notre prof d'allemand. La découverte de Cologne, des châteaux rhénans et du rocher de la Loreleï a été une révélation et un souvenir impérissable. J'ai adoré dormir dans une sorte de gîte forestier qui semblait perdu en pleine nature mais qui, en réalité, surplombait une ville (dont je ne me souviens pas du nom). J'avais emporté mon Kodak instamatic pour immortaliser cette première escapade sans la famille...presque une totale liberté (dirait-on maintenant)! Depuis quelques années, l'envie de revoir la Rhénanie me titille...auparavant, il me faudra renouer avec les subtilités de la langue de Goethe et améliorer mon vocabulaire et ma grammaire!

Baiser: L'Allemagne est encore la toile de fond de ce souvenir. Nous revenions de notre séjour en Bavière, cette fois, et le frère aîné d'une de mes copines me plaisait bien. Nous avons échangé un chaste baiser sur les lèvres comme au cinéma (des années 50). C'est amusant, quand j'y repense, je visualise encore très bien la scène. Le baiser provoqua de nombreux picotements corporels et une vague de chaleur sensuelle est montée en moi. Agréable et doux souvenir en couleurs un peu passées....le temps de l'innocence était encore d'actualité.

A présent, je dois trouver des victimes qui n'aient pas encore été taggées, ce n'est pas gagné du tout. Tiens, j'ai bien envie de connaître les premiers de Bladelor kathel nanou et pauline !

Un été pendant la guerre

Eté 1943, deux adolescents, le narrateur et la fille de la couturière de sa tante, passent leurs vacances en bord de mer. Elle est distante, il la trouve belle et fascinante. Malgré les passages d'avions, l'occupation allemande et la guerre semblent lointaines et irréelles jusqu'au jour où un avion allié est abattu et s'abîme dans les dunes. Les champs inondés et la cabane sur les dunes vont voir se nouer un drame silencieux entre les deux adolescents et le pilote. Drame muet et malaise indicible qui se solde par le départ précipité de la jeune fille. Pourquoi cette fuite? Seul le narrateur a une partie de la réponse et cela le rend malade.
Jens Christian Grondahl plonge le lecteur dans le souvenir et la mélancolie de blessures passées et d'occasions manquées. L'évocation des plages et des dunes danoises, parsemées d'élymes des sables, chevelures vertes aux pointes blondes, accentue la mélancolie du récit. Le coeur ne cesse de s'étreindre au fil des années lorsque les élymes des sables bercent les souvenirs du narrateur.
Derrière la douceur amère du souvenir d'un amour déçu d'adolescence, se dessine le portrait d'une jeune fille puis d'une femme étrangement lointaine, inconnue même pour ses proches, peu diserte et réservée. Une femme qui se met en spectatrice de la vie et qui regarde le temps s'écouler sans rien dire. Tout est décrit avec délicatesse et tendresse donnant au roman une atmosphère riche d'émotions muettes et de poésie qui nous laisse tout chose une fois refermé. Ma lecture a été accompagnée par la musique du film "Un été 42" et je ne saurais absolument pas l'expliquer...peut-être la présence de la mer et des dunes ou la beauté de l'instant qui donne à la vie ses plus beaux atours. J'ai aimé le filigrane des quotidiens vécus au cours des années qui façonnent des vies et des destins, le déroulement des souvenirs auxquels on s'attache, les regrets que l'on cache et qui se disent tant d'années plus tard. On ne peut rester insensible à l'écriture juste, sobre et sensible de l'auteur qui pose des mots sur des sentiments difficiles à exprimer.
Une très belle découverte grâce à Nath qui le fait voyager.


Quelques extraits:

"Lorsqu'elle est venue ici le matin, le soleil bas éclairait déjà les planches en bois blanc. Un point doré se reflétait clairement dans l'eau, entre les petites rides dans la surface lisse et immobile. Les hirondelles tournoyaient autour de l'abri comme une volée de flèches qui montentd ans le ciel et s'abattent d'un trait. Elle ne pouvait savoir qu'elle allait revenir dans la nuit, inquiète d'être vue par quelqu'un, et tout aussi alarmée par sa témérité. Elle n'avait même pas eu l'intention de se rendre à la remise isolée quand elle avait enfourché sa bicyclette, ce matin-là. Elle avait eu seulement envie d'être seule et de rouler au petit bonheur. Ainsi, elle s'est retrouvée à l'endroit le plus déserté qu'elle connaissait. On rencontrait presque toujours quelqu'un sur la plage, mais pas ici.
Elle laissa son vélo lorsque le chemin se rétrécit et continua à pied sur la sente étroite qui menait à l'abri. Elle s'assit contre le mur et ferma les yeux. L'herbe était humide, mais le soleil avait déjà réchauffer les planches, et elle sentit la chaleur dans son dos. Autour d'elle, les hirondelles décrivaient des cercles larges ou rapprochés. leurs cris faisaient penser à un millier de portes invisibles qui grincent sur leurs gonds."
(p 33 et 34)

"Nous étions assis devant une porte-fenêtre donnant sue le balcon étroit qui courait sur toute la longueur de la façade. Les arabesques entrelacées de la grille en fonte se mêlaient aux feuilles et aux branches des arbres en face. On entrapercevait quelques silhouettes isolées qui passaient sur la pelouse du parc, des personnes âgées, des femmes avec une poussette ou un enfant à la main. De temps en temps, la brise fraîche gonflait les rideaux légers pendant un instant, puis ils retombaient. Il y eut un éclair, suivi d'un coup de tonnerre, plus proche cette fois. puis les premières gouttes de pluie lourdes sont tombées, et, rapidement, la vue a été voilée par des fils d'eau étincelants." (p 63)

Roman traduit du danois par Alain Gnaedig


Son voyage peut continuer....il part bientôt chez Yueyin.

samedi 5 avril 2008

De l'iode et des nuages


Une soudaine envie de revivre une sortie en mer de l'été dernier, aux Iles St-Quay,....les ciels bretons me raviront toujours par leur factéties: nous étions en été pas au printemps ni en automne et pourtant....

Regardez, fermez les yeux: vous entendez le ressac et les mouettes avec en musique d'ambiance une légère brise!

jeudi 3 avril 2008

Au-delà de nos différences


Enfin, "Le mec de la tombe d'à côté" est arrivé entre mes mains!!! Depuis le temps que je lisais des billets consacrés à ce roman, je désespérais de pouvoir le lire un jour... comme quoi, tout arrive à qui sait attendre!
Désirée se rend souvent, à l'heure du déjeuner, sur la tombe de son défunt époux qui a eu le mauvais goût de disparaître trop tôt (elle lui en veut malgré tout un peu beaucoup). A chaque fois, elle rencontre un étrange type qui entretient vaillamment la tombe, très kitsch à son goût, de ses parents. Ils s'assoient l'un à côté de l'autre, perdus dans leurs pensées, s'observant à la dérobée, se mesurant, se jaugeant et trouvant, chacun en aparté, l'autre détestable. Un jour, la remarque d'une fillette les fait sourire tous les deux....ainsi commence une relation entre deux êtres aux occupations et à la culture totalement opposées! En effet, rien de plus inattendu que leur rencontre et leur passion amoureuse: elle a fait des études supérieures, travaille dans une bibliothèque et est une passionnée de lecture, de peinture et de spectacles; lui a repris, très tôt, la ferme de ses parents et a arrêté ses études à la mort de son père, ses vaches laitières, ses pâtures et sa forêt lui prennent tout son temps.
Entre Désirée et Benny, c'est à qui sera le plus handicapé de l'amour: elle s'est mariée à un scientifique qui n'a jamais vraiment réveillé sa sensualité féminine; il cherche toujours l'âme soeur et fait fuir la moindre donzelle dès qu'il annonce son état de travailleur de la terre! Le fossé culturel semble bien difficile à combler entre eux deux et cela permet à Katarina Mazetti, d'amener son lecteur, tout en douceur, à s'interroger sur la difficulté à dépasser les préjugés de classe sociale, d'éducation: les deux marginaux de l'amour vont-ils réussir à rendre l'amour plus fort que l'appartenance à une classe sociale? Le milieu socio-culturo-professionnel dans lequel on évolue détermine-t-il jusqu'aux types de rencontres amoureuses? Désirée et Benny ne s'aiment-ils pas sur le tombeau des illusions romantiques?
Au fil de son roman à deux voix, Katarina Mazetti, tisse les situations avec l'extravagance de l'humour, parfois noir, et de la tendresse qu'elle a pour ses deux héros. Ils essaient de se connaître, de s'adapter mais au prix de ratages dus à leur caractère bien trempé, à leur coeur à vif....ne pas donner l'impression de céder sans rien en contre-partie. Ils s'aiment malgré tout, se chamaillent, se rabibochent, se fâchent à nouveau, tout en sachant, en leur for intérieur, que leur idylle ne pourra s'épanouir dans un avenir commun. C'est ce qui fait le charme de ce roman où les personnages ne trichent pas avec eux-mêmes: Désirée sait que son horloge biologique la titille et que le corps de Benny fait frétiller ses ovaires, Benny ne se cache pas que Désirée ne pourra jamais s'adapter à la vie de la ferme ni préparer de belles boulettes de viande ou de repas familial.
Une question se trouve en filigrane de la lecture: une naissance couronnera-t-elle leur amour? Je trouve que l'auteur parvient à rebondir par une amusante pirouette!
Un livre où l'on rit beaucoup, où on sourit toujours....on en redemande pour passer la grisaille de certains jours!

Roman traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus

mercredi 2 avril 2008

Aux sources du vent


Quatrième de couverture:

"Un groupe d'élite, formé dès l'enfance à faire face, part des confins d'une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l'origien du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un noeud de courage: la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromaître et géomaître, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d'un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou."


On est immédiatement happé par ces quelques lignes qui disent sans dire le récit qui se trouve à l'intérieur. La Horde, vingt-trois hommes et femmes, conditionnés à poursuivre une quête, dès l'enfance arrachés à leur famille. D'où vient le vent? D'où tient-il ses forces, sa force? Depuis des générations, l'Extrême-Aval, l'Hordre, envoie des Hordes vers l'Extrême-Amont afin de connaître et savoir d'où vient le vent. Nos héros appartiennent à la 34è Horde envoyée vers l'inconnu. Sa tâche: continuer et faire avancer la Quête au cours d'une marche forcée qui se mesure à l'échelle d'une vie.
Comme toutes les quêtes, la mystique et les arcanes du savoir ne sont jamais bien loin, l'épopée et l'héroïsme non plus.
Comment ne pas succomber devant la recherche littéraire de ce roman-ovni, oscillant entre la SF, la Fantaisy et le space-opéra, la qualité d'écriture de Damasio (les néologismes foisonnent et enchantent l'oeil et l'oreille), la richesse des descriptions, des idées véhiculées, l'étrangeté extraordinaire des situations et la relation polyphonique de la quête de la Horde!
Damasio trace son récit, entraîne le lecteur à sa suite en extraordinaire chef charismatique, tel son héros Golgoth! Il nous emmène à travers les steppes battues par les vents, traversées par les chrones (ah!!! la belle invention que ces chrones...magie et horreur assurées!), les déserts sifflants sous les rafales implacables, les villages blottis dans les moindres creux et à l'existence si fragile! Il nous embarque dans la quête de la Horde au son des vents et de leurs multiples variations, au rythme de la marche et des efforts et au gré des notes dispersées de la nostalgie des hordiers. La mélancolie guette ces âmes battues par les vents: elles croisent les Fréoles, libres sur leurs bateaux glissant dans les houles aériennes, ivres de vitesse et de technologie, les Obliques, ceux qui décident de prendre la tangente et de se laisser porter par les vents, orpailleurs ou pillards, les Abrités, les sédentaires des villages figés dans l'espace infini des steppes. Nostalgie du passé révolu, sans espoir de retour vers un chez soi puisque le chez soi est la Quête, qui assaille parfois les hordiers à la tombée de la nuit.
Damasio réussit le tour de force à mettre son lecteur, celui qui parvient à franchir le cap des 50 premières pages (l'épopée fantastique se mérite), au sein de la Horde: on devient un membre de cette dernière, son vingt-quatrième élément. On veut que la Quête réussisse, on veut parvenir à la Norska faite de glaces et de vents hurlants, bord du monde connu, enfer glacial à traverser et vaincre, on veut connaître les ultimes réponses. Bien sûr, la Horde ne parviendra pas entière au bout du bout du monde, on le sait dès le début mais on s'en fiche car l'aventure est tellement merveilleusement angoissante et fascinante!
Le choc est époustoufflant devant la chute du récit: on ne peut que saluer la maestria de l'auteur qui manie avec adresse la logique terrible des dernières révélations. La Quête est un voyage initiatique pour se connaître et connaître le monde, la bataille est souvent plus intérieure qu'extérieure et des gestes désespérés sont accomplis sous l'empire des démons intimes. L'humain est fragile et dur comme un diamant: les personnages sont attachants malgré leurs défauts, leurs obsessions ou leur monstrueux égo; il faut dire que l'auteur les aime ses héros aux pieds d'argile et sa tendresse est palpable au fil des mots et des phrases. La Horde est un pack, une équipe qui joue "collectif" car elle ne peut faire autrement sans se perdre et échouer: chaque membre de l'équipe compte, est essentiel par ses talents uniques...l'individualité moteur de la collectivité!
"La horde du contrevent" est une pure merveille, une lecture grandiose et hallucinante qui laisse son empreinte dans l'imaginaire du lecteur! Un voyage littéraire inoubliable tout simplement.

"Cétait le moment, repérable, où le vent cessait de siffler pour passer à une vitesse proprement inhumaine, insupportable même aux pierres, même aux buis. le son perdit son ciselage aigu, sortie de la cinquième forme et devint ce qu'aucun hordier ne pouvait effacer de sa mémoire physique, une fois entendue, cette effroyable torche de terre raclée qui s'appelait le furvent. L'onde de choc fut audible à une centaine de kilomètres en amaont, au tonnerre projeté et à ce moment-là, même habitué, même en face du cinquième furvent comme je l'étais, une terreur froide me monta à travers l'axe de la colonne vertébrale et le réflexe immédiat, impossible à contrer, inutile à acquérir..." (p 672)

mardi 1 avril 2008

La ballade de l'Alabama


Zelda, fille de juge et petite fille de sénateur, une "Belle du Sud" tout en provocation et beauté du diable, rencontre en 1918, le beau Scott Fiztgerald. C'est le début d'une folle histoire d'amour et de haine entre ces deux personnalités hors du commun. Zelda et Scott Fitzgerald, le couple le plus célèbre de l'entre deux guerres, le couple le plus glamour et le plus extravagant qui mettra au goût du jour la célébrité et la mise en scène d'une vie à travers la presse.
Gille Leroy se met dans la peau de Zelda et nous emporte dans l'intensité de sa vie. Zelda est un feu follet qui danse sur les ombres de la décence, flirte avec les abysses de la folie, apprend l'ivresse de la création et de la créativité, mord à pleines dents la folie de l'amour et subit l'horrible regard de la soi-disant norme.
Zelda est un personnage romanesque qui a vécut une vie hors du commun que le commun a lentement consummé dans l'univers carcéral des chambres d'hôpital: son caractère entier, fou, bouillant de joie de vivre et d'appétit insatiable envers la vie, son talent d'artiste font de l'ombre au génie de Scott. Lui qui puise, sans vergogne, dans le creuset de leur amour et de leur intimité pour animer ses personnages littéraires.
Gilles Leroy dresse un portrait peu glorieux du grand Scott Fiztgerald, homme qui aura toujours une pointe d'envie envers les famille riches et qui voudra toujours prouver qu'il vaut plus que les pauvres revenus qu'il possède. Le personnage qui tire son épingle du jeu est Zelda, jeune fille puis femme sans cesse à vif, sans cesse à vivre à cent à l'heure. Parfois elle agace, souvent elle fatigue mais elle reste envers et contre tout lumineuse de désordre et d'audace.
Je ne sais pas si, parmi tous les goncourables, "Alabama Song" était le meilleur d'entre eux, pourtant l'écriture de Gilles Leroy m'a émue, m'a "tourneboulée" et dérangée, trois états qui m'ont charmée et embarquée dans son roman de l'absurde et du désespoir. L'idée d'écrire le journal intime de Zelda est osée mais fonctionne de bout en bout: entre folies langagières et corporelles et lucidité du regard face aux blouses blanches, on est promené dans le dédale intérieur de Zelda. C'est fascinant autant que dérangeant et on en sort secoué au plus profond de soi: Zelda utilise des mots crus, vit des situations crues aux limites du vulgaire; le courage côtoie la folie, l'amour la haine, la passion le désastre. L'image d'Epinal donnée par le couple Scott-Zelda vole en éclats à la lecture du roman: la part d'ombre du Grand Homme qui dévore, peu à peu, son épouse jusqu'à la folie. Lequel des deux était le plus fou? Gilles Leroy offre une revanche à Zelda en la faisant tenir la plume de son carnet intime: elle se dégage de l'empire de Scott pour vivre une vie intérieure autonome.... la survie est au prix de la douleur et de l'incompréhension.
A ma grande honte, je n'ai lu que des extraits de "Gatsby le magnifique"...la fausse autiobiographie de Zelda, roman où l'atmosphère mélancolique est entêtante, par Leroy demande que ce manquement soit bientôt réparé.




Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés