jeudi 30 août 2007

Premier pas dans l'univers de Truman Capote


Holly Golightly est une jeune cover-girl, pétulante, excentrique, buvant sec, joueuse de guitare qui fréquente la « jet-set » newyorkaise. Dans son immeuble vit un écrivain en herbe, le héros. Leurs chemins vont se croiser et une amitié se nouera...le narrateur de l'histoire tombera peu à peu amoureux de la belle évaporée.
Dans cette longue nouvelle, Truman Capote dresse un portrait ironique de la société branchée du New York de la seconde guerre mondiale: un milliardaire « play-boy », aux allures d'enfant qui refuse de grandir, croise un diplomate brésilien, un agent théâtral d'Hollywood, une cover-girl au léger bégaiement, un avocat de mafioso, un mafioso emprisonné à Sing-Sing, des noceurs plus ou moins bruyants, un mari oublié et un patron de bar.
On ne peut s'empêcher de penser aux paillettes des stars et starlettes de cinéma hollywoodiens, à ces solitudes qui se noient dans d'innombrables amitiés plus ou moins sincères. Le tourbillon des fêtes fait tourner les têtes et saigner les coeurs malgré les carapaces glacées que certains érigent pour se protéger. Quand on connait l'amitié portée à Marilyn Monroe par Truman Capote, le personnage d'Holly G. ressemble étrangement à cette dernière: une femme adulée, attirante, sexy qui cache une blessure de l'âme et une fragilité émouvante. Holly G. est une petite fille perdue, à la recherche d'un chez-elle, en quête d'elle-même: elle n'est installée que provisoirement dans son appartement où les valises et les cartons servent de commodes ou de tables. Même son chat ne porte pas de nom...Holly ne lui en donnera un le jour où elle aura trouvé son point d'ancrage, le jour où elle se trouvera.
Holly est partie, très jeune, de chez elle pour voler de ses propres ailes: elle deviendra l'épouse d'un vétérinaire texan père de quatre enfants. Elle les quittera sans un regard en arrière, comme elle quitta la maison familiale: sa quête d'elle-même passe par un intense besoin de liberté.
Holly qui parfois a des accès de violence inattendus, comme si son mal-être ne pouvait s'exprimer que dans les cris et la vaisselle cassée. Que sont les fêtes, les noceurs, les dollars quand on est brisé à l'intérieur? D'éphémères palliatifs qui s'enfuient au premier faux pas, au premier déboire, à la première erreur: enfui José, le diplomate brésilien, partis les amis Rusty Trawler et Mag Wildwood, le play boy milliardaire et la copine cover-girl, dès qu'Holly se retrouve compromise dans sa relation avec le mafioso détenu à Sing-Sing! Lorsqu'un ami a maille à partir avec la police, tout ce joli microcosme de fêtards nantis se retrouve aux abonnés absents...les sourires se figent et les appuis partent en fumée, seuls restent la solitude ou le départ vers un ailleurs inconnu et lointain.
J'ai aimé cette Holly déchirée, fragile se cachant derrière ses lunettes noires, aimant les diamants de chez Tiffany mais ne pouvant s'offrir que des cartes de visites. J'ai aimé les présences discrètes mais essentielles de la guitare et du chat sans nom ainsi que l'écriture légère mais acérée de Truman Capote.
Trois nouvelles terminent le recueil: « La maison de fleurs » « La guitare de diamants » et « Un souvenir de Noël ».
« La maison de fleurs » transporte le lecteur à Haïti où Ottilie, à l'accent chantant du Sud, se retrouve seule à la mort de sa mère et après retour en France de son père. C'est l'occasion d'un autre portrait de femme, forte et fragile à la fois surtout quand l'amour s'en mêle. Truman Capote peint les atmosphères fiévreuses des combats de coqs, la présence des esprits, la magie venue de la lointaine Afrique.
« La guitare de diamants » est l'histoire d'une amitié masculine platonique mais aussi celle d'une évasion. L'évasion du monde carcéral grâce à la musique, seul dérivatif au sein du pénitencier pour les bagnards derrière celle effective d'un prisonnier qui abandonnera sa guitare sertie de diamants (que valent des diamants auprès de la liberté? Absolument rien!). Guitare reliant celui qui reste à la terre, la terre si importante, si précieuse pour les gens du Sud (on se rappelle le geste de Scarlett O'Hara serrant une poignée de terre de Tara!).
Enfin, « Un souvenir de Noël », récit empreint d'une immense nostalgie. Le narrateur se souvient du petit garçon, Buddy, de 7 ans qu'il a été et de son amie, une vieille dame, au moment de Noël, période féérique. La nouvelle commence comme un conte, les senteurs épicées de Noël embaument la lecture, le parfum de résine du sapin prend de l'ampleur, les pièces durement gagnées et économisées sont sorties du porte-monnaie...le rituel, annuel, des cakes aux fruits revient. Cette joie dure jusqu'à ce que ce « ceux qui savent tout » séparent le petit garçon et la vieille dame. Une très belle histoire d'amitié entre deux êtres que les années séparent sans pour autant les éloigner l'un de l'autre. Une histoire à l'air et aux senteurs de conte qu'on lit avec tendresse.
Truman Capote dresse des portraits attachants de personnages aux histoires personnelles singulières. Une nostalgie court sous sa plume donnant une douceur pastel au passé: les narrateurs se souviennent de leurs hiers les plus beaux. La quête du bonheur est une entreprise longue et ardue même si les fragances de Noël ou les notes de musique estompent les aspérités du chemin.
Merci à Alice qui m'a gentiment prêté ce recueil de nouvelles me permettant d'aborder, de façon très agréable, l'univers de Truman Capote. Une rencontre qui ne laisse pas indifférente le lecteur....celui-ci en redemande!!!
Son avis ici et , celui de lou

mardi 28 août 2007

En Rabelaisie

Michel Ragon offre à son lecteur une biographie dans laquelle il prend un immense plaisir à raconter « son Rabelais »! François Rabelais, né à La Devinière, près de Chinon sur les bords de Loire. Rabelais qui ira au séminaire où il rencontrera et se liera d'amitié avec les frères du Bellay. Il suivra Jean en Italie, il côtoiera le roi François 1er dont il est un fervent admirateur, il sera ami avec Calvin puis s'en éloignera en raison de l'intolérance dont ce dernier fera preuve, il comprendra la rébellion de Luther pour mieux ensuite dénoncer ses dérives.
Rabelais a une vie romanesque à la limite du picaresque parfois: moine franciscain puis bénédictin...il fuit l'ignorance prônée par l'ordre franciscain pour se jeter à corps perdu dans l'étude des textes anciens (grecs en particulier) sommeillant dans les scriptoriums de l'ordre de St-Benoît qui encourage l'étude et la lecture de ces textes.
Puis, il s'intéressera à la médecine grâce à ses lectures de scriptorium et deviendra médecin. Il partira (ou s'enfuira?) à Lyon, ville reine des éditeurs en langue française, où paraîtront ses Pantagruel et Gargantua. Rabelais qui dote la langue française naissante des rondeurs paysannes, des voluptés puisées au fond des légendes anciennes, des extravagances de la jeunesse d'une langue en devenir, des exubérances d'un langage sans cesse inventé! Rabelais, l'homme qui peut écrire des listes interminables de plats, d'aliments ou de maux! Rabelais qui passe pour croquer la vie à pleine dent mais qui prend garde à ne jamais faire d'excès, lui qui prône des régimes allégés en venaison et autres viandes rouges, sources des ravages de la goutte chez les puissants de ce monde!
Rabelais, l'homme de l'amour courtois qui n'eut qu'un seul et unique amour: Marguerite de Valois, soeur de François 1er, femme de lettres, humaniste et grande intellectuelle!
Rabelais qui s'enfuira à Metz afin de se sauver du bûcher...ses écrits ne plaisent pas à tout le monde!
Rabelais, revenu de tout, vieillard accueillant un jeune moine en rupture de ban dans sa retraite de Saint-Maur-les-fossés, qui s'attelera à l'écriture du quatrième et cinquième livre (inachevé) se pliant au désir du roi Charles II.
Rabelais, homme qui sut conserver une part étonnante de liberté d'expression et de pensée dans un monde où les divisions et les fractures socio-politiques ébranlent les trônes royaux! Rabelais, terriblement moderne et avant-gardiste mais aussi effroyablement marqué par le changement amené par l'émergence d'une nouvelle vague poétique emmenée par Ronsard et Joachim du Bellay. Nouvelle vague qui emportera avec elle la langue rauque, riche, enveloppée, gouailleuse et populaire de Gargantua pour lancer une langue éthérée, alambiquée et policée, celle d'une Pleiade noble et nantie....la langue des puissants et des notables!
Rabelais que le lecteur suit avec délectation de bout en bout grâce à la plume joyeuse, nostalgique mais aussi tout en émotion de Michel Ragon!
Comment ne pas se précipiter pour lire avec jubilation « Pantagruel » « Gargantua » « Le tiers livre » « Le quart livre » et ce « Cinquième livre » inachevé? Michel Ragon fait aimer Rabelais, donne envie de se plonger dans ses écrits délirants et rieurs mais aussi pourfendeurs des outrances des grands, des incuries des religieux, des excès des ambitieux!
Rabelais était persuadé que le rire faisait passer beaucoup de choses: les critiques et les satires sociales comme les douleurs insupportables du corps...étrangement contemporain: n'aurions-nous décidemment rien inventé depuis bien longtemps?
« Le roman de Rabelais », un voyage au coeur d'un univers intellectuel et littéraire jubilatoire!

île du Ponant...la suite!

Afin de vous faire patienter en attendant la lecture de mes prochains billets consacré à "Le roman de Rabelais" de Michel Ragon et "Petit déjeuner chez Tiffany" de Truman Capote, je vous livre le dernier chapitre de l'escapade à Ouessant....

Les phares du Créac'h et du Stiff:



Les baies, les moutons et la lande:


Lever de soleil sur le Stiff et ses alentours:


Un calvaire breton...


"Qui voit Molène voit sa peine"..."Qui voit Ouessant voit son sang": adages des îles du Ponant!

lundi 27 août 2007

Ouessant, île du Ponant

Les lauréats du 9ème salon international du livre insulaire: ICI (le prix "fiction" devrait faire carrière!!!).
Un aperçu du salon:

Il y avait un espace enfant très original et vivant où une animatrice-conteuse faisait voyager les enfants à travers histoires et bricolages....pendant ce temps, les parents pouvaient flâner et feuilleter les livres au fil des stands!

Quelques portails ouessantins:


De très jolies fenêtres:
Deux lieux de perdition: un salon de thé-brocante et une crêperie-bouquinerie (sommes-nous partis sans livres???)

Demain, des vues dépaysantes et iodées!

dimanche 26 août 2007

Et si vous étiez un livre....

Lequel seriez-vous?
En allant chez Chimère, je suis tombée sur un nouveau test (forcément idiot??) et bien entendu, je me suis empressée de le faire (puisqu'il est idiot!!!!). Si j'étais un livre, je serais:




You're Watership Down!

by Richard Adams

Though many think of you as a bit young, even childish, you're
actually incredibly deep and complex. You show people the need to rethink their
assumptions, and confront them on everything from how they think to where they
build their houses. You might be one of the greatest people of all time. You'd
be recognized as such if you weren't always talking about talking rabbits.



Hélas, je ne connais pas du tout ce roman qui semble avoir eu un énoooorme succès outre Alantique! Je ne sais même pas s'il y a eu une traduction française! Si quelqu'un l'a déjà lu, je veux bien qu'il m'éclaire....Le peu que j'en sache m'a vraiment donné l'envie de le lire!!!

Pour faire le test c'est ICI

De retour

Un avant-goût en images:




Je n'ai pas pu résister à la tentation d'immortaliser ces chats ouessantins en train de profiter du soleil! J'ai même cru, l'espace d'une seconde, que ma siamoise Isatis avait pris le bateau en catimini!

jeudi 23 août 2007

Demain dès l'aube


A l'heure où blanchira la campagne.....

Je serai sur la route du Conquet pour embarquer vers Ouessant à 9h!! C'est sur cette île du bout du monde que tient depuis 9 ans le Salon international des littératures insulaires. Cette année l'Ecosse est à l'honneur!

Au programme: quelques conférences et visite de l'île. Cerise sur le gâteau: Météo France annonce le retour du soleil par l'Ouest!


Parfois les murs murmurent

Pascaline, quarante ans, divorcée et informaticienne, travailleuse acharnée et ultra compétente, emménage dans un appartement qui lui convient parfaitement. Elle a enfin son chez elle, elle souhaite faire peau neuve et ne plus penser à l'homme qui fut, récemment encore, son mari: une nouvelle vie commence.
Or, très vite, des bouffées d'angoisse l'assaillent et chaque soir devient un moment cauchemardesque: la nuit ne lui apporte pas le sommeil, loin de là. Des images violente, aux couleurs agressives viennent la hanter. Pourquoi? Que lui arrive-t-il donc? Elle qui est si rationnelle, si performante, si raisonnable se met à avoir des sensations étranges, se met à entendre parler les murs des maisons!
Pascaline va se retrouver à partir sur les traces d'un tueur en série, à penser sans cesse aux jeunes filles victimes de ce dernier. Elle remontera dans le temps, dans sa mémoire de petite fille sensible aux passés de souffrance. Elle revivra la perte de son enfant, Héléna, perte dont une mère ne peut jamais se remettre. Une errance dans le passé et dans les rues parisiennes jusqu'au point de non retour.
J'ai été rapidement embarquée dans l'histoire au rythme soutenu et au mystère que l'on souhaite éclaircir. Pascaline est une étrange femme qui a perdu sa place dans le quotidien. Une tragédie affleure à pas feutrés, la difficile acceptation de « la vie continue » amène inexorablement Pascaline à affronter ses fantômes et à prendre une décision irrévocable.
Autant j'avais aimé « Spirales », autant « La mémoire des murs » me laisse un peu sur ma faim. Est-ce le fait d'utiliser le surnaturel sans vraiment s'y lancer? Est-ce le fait de ne pas ressentir une réelle sympathie pour le personnage de Pascaline? Pourtant, ce qu'elle a vécu ne peut laisser indifférent: perdre son enfant est tellement à l'encontre de l'ordre des choses! Sans doute, Pascaline apparaît-elle trop vouloir, mordicus, conserver le contrôle jusqu'au bout quitte à ne pas regarder la réalité en face et refuser l'idée même d'une aide extérieure: la machine se met à aller dans tous les sens et à ne plus fonctionner correctement.
Un détail, qui peut faire « tiquer », m'a plu, bien que j'eusse aimé qu'il soit plus approfondi (mais sans doute n'était-ce pas le bon livre pour en parler): le Vel d'Hiv' et cette horrible journée du 16 Juillet 1942! Maintenant se dressent les murs du ministère de l'Intérieur....terrible ironie, non? La mémoire des murs demeure-t-elle même lorsqu'ils ont été abattus pour oublier un lieu, une date empreints d'horreur et une époque historique odieuse? L'infamie souffle-t-elle encore dans les couloirs du ministère ou les étages des immeubles alentour les murmures sans fin des innocents suppliciés?
Cependant, la maîtrise de l'auteur sur l'intrigue est indéniable et efficace: la chute m'a estomaquée, soufflée, glacée et effrayée!


Des avis différents: Cuné Valdebaz Laure Frisette et Anne
Bellesahi qui gentiment m'a prêté le livre propose de le rendre voyageur. Il suffit de me le faire savoir par courriel ;-)

mercredi 22 août 2007

Aventure célinienne


Longtemps je suis passée à côté des écrits de Céline et hormis les extraits lus lors des cours de français au lycée, je n'avais jamais ouvert un de ses romans. Pour quelle raison? Sans doute une mauvaise, sans doute parce que ses romans n'entraient pas dans le cercle de mes préoccupations littéraires de mon adolescence, sans doute parce que le bonhomme ne me disait rien qui vaille au vu de sa sulfureuse réputation...
Cette année, alors que la quarantaine a bien sonné, le Challenge lecture m'a permis de palier ce manque cruel et injustifié de ma culture littéraire! J'étais tentée par « Voyage au bout de la nuit » et je vis arriver entre mes mains « Mort à crédit » dans un format qui aurait pu me faire fuir à toutes jambes: le format de la belle collection de Gallimard/Futuropolis, le texte de Céline illustré par le magnifique Tardi! Les illustrations m'ont permis d'entrer plus facilement dans l'univers très particulier de Louis-Ferdinand Céline...

Qu'écrire au sujet d'un tel monument de la littérature française contemporaine? Louanges, griefs, admiration, dégoût? Il va sans dire que la lecture ne me fut pas aisée car d'emblée la langue choisie par Céline est tout sauf habituelle: le lecteur est plongé dans la langue argotique du parisien moyen de la Belle Epoque. Une fois le choc culturel passé, pour une provinciale de mon acabit, la lecture se fait plus fluide: on s'habitue très vite à cette langue gouailleuse, imagée, populaire, vulgaire sans l'être vraiment et outrancière à souhait.

On peut lire sur la quatrième de couverture, signée François Gibault, biographe de Céline: « Mort à crédit c'est l'histoire d'un gamin solitaire, dans le Paris d'avant la Grande Guerre, élevé par des petits-bourgeois qui n'étaient ni riches ni intelligents ni ouverts au monde en marche, et qui se gonflaient pour paraître, pour avoir l'air de, pour ressembler aux riches qu'ils vénéraient... »

« Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste...Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde. » (p 11) C'est le premier passage de ce roman autobiographique de Céline. Dèjà pointe le sordide, le sombre de la condition humaine.

Le héros, Ferdinand Bardamu, est médecin, médecin des pauvres, des âmes presque damnées d'un monde où la modernité laisse les plus faibles sur les bas-côtés. Les dessins de Tardi sont sans concession, aux traits outranciers mais tellement véridiques: le lecteur approche le sordide du quotidien des oubliés du monde en marche. Très rapidement, les considérations de Ferdinand Bardamu glissent vers ses souvenirs d'enfance...enfance de Bardamu ou de Céline? Ou les deux intimement mêlées, l'une n'étant rien sans l'autre.
A partir de cet instant, commence un récit des plus incroyables, parfois à la limite du supportable.
D'emblée, le lecteur est aspiré dans un univers étriqué, amer, d'une pauvreté humaine, intellectuelle et culturelle, fait de jérémiades et de lamentations sans fin. Une atmosphère lourde, pesante, fait trembler à la lecture des disputes, des coups, des gifles, des violences tant physiques que verbales exercées au sein de la cellule familiale de Ferdinand, le sombre héros mal aimé et toujours de trop. Ce monde ne semble pas connaître la tendresse et encore moins les doux sentiments: un unique rayon de soleil minuscule en la personne de la grand-mère qui donne un peu d'amour à l'enfant solitaire et triste qu'est Ferdinand. Le monde petit-bourgeois étriqué, refermé sur lui-même, sur ses envies toujours déçues de richesse et d'aisance, ployant sous le joug d'un travail pénible est celui des parents de Ferdinand. Ce sont une petite commerçante, un petit employé de bureau (aux assurances La Coccinelle, pour le père): le commerce maternel de fanfreluches et bibelots plus défraîchis les uns que les autres, vivote, dans un des nombreux Passages couverts parisiens, avant de disparaître un jour au profit des grands magasins. Quant au milieu professionnel paternel régi par les intrigues de bureau et les minables jalousies, il apparaît d'une criante actualité aux yeux du lecteur d'aujourd'hui!
Le monde où grandit le petit Ferdinand, celui qui fera de lui l'homme qu'il est au début de son récit, est un monde où l'on compte sans cesse les sous, les thunes, « les points » avec l'éternelle peur de contracter des dettes! L'honneur de ses parents est de ne rien devoir à personne...mais à quel prix! Au prix d'un bonheur modeste mais réel, au prix d'une paix de l'âme, au prix de la santé physique et mentale!
Il y a quelques moments amusants, quoique très ironiques, notamment la traversée de la Manche ou la visite de l'Exposition Universelle: épiques, dantesques, hilarants et grinçants, le tout agrémenté par les illustrations à l'ironie grotesque de Tardi...la mascarade est à son comble. Céline, aidé a posterori par Tardi, évite de prendre au sérieux les futilités et aborde les tragédies de façon la plus comique!
Puis, l'escalade dans le sordide monte d'un cran avec l'entrée dans le monde du travail de Ferdinand. Le lecteur est alors confronté brutalement, à la suite de Ferdinand, à la mesquinerie des ouvriers entre eux, à la rouerie des chefs ou des patrons et aux abus en tout genre: du dépucelage cru au vol faussement attribué, le héros est stigmatisé, estampillé drôle, choléra et autres gentils qualificatifs peu honorables. Le monde est une jungle, un enfer sur terre où aucune rédemption semble possible: la morale n'est qu'un concept éthéré, le respect de la personne humaine de la science fiction, quant à la charité chrétienne elle semble surtout commencer par et pour soi-même (tiens, peu de choses ont changé depuis, non?)! La Belle Epoque n'est belle que par son nom!
Ensuite, Ferdinand est envoyé en Angleterre, à Rochester, afin d'apprendre l'anglais, utile dans le monde du grand commerce, aux dires des parents. Ferdinand qui ne prononcera pas un mot car ne supportant plus remarques, jérémiades et autres éructations verbales. Enfin, il revient à Paris et à bout manque de tuer son père: Ferdinand se rebelle. Le lecteur a attendu ce moment dès le début du récit car le portrait du père est exécrable et est satisfait de voir que ce personnage éructant, imbu de sa personne, profondément égoïste et mesquin, ce géant de bile, de violence, d'autoritarisme obtus, de grossièreté et qui occupe tout l'espace de la maisonnée, ce géant néfaste est enfin terrassé et prêt à mordre la poussière!
C'est un moment essentiel du récit car à partir de cet incident et l'arrivée du bon samaritain qu'est l'oncle Edouard (le frère de sa mère), le deus ex machina peut oeuvrer et donner une autre dimension au récit: Edouard ensoleille la vie de Ferdinand et lui apprend ce qu'un père aurait dû lui apprendre (se raser, vivre sa vie d'adolescent en devenir).
Dès lors, l'écriture de Céline devient apaisée, dénuée de violence et de noirceur mais conserve sa gouaille et son ironie cette fois teintée de rires enjoués. C'est la rencontre avec un personnage picaresque et incroyable: Courtial de Pereires, rédacteur en chef d'un journal consacré aux inventions « Le Génitron »! Les aventures burlesques succèdent aux mésaventures drôlatiques qui seront autant d'initiations pour Ferdinand. Céline dresse des portraits sublimes, Tardi dessine des trognes superbes: Coutial, sa femme, les inventeurs avides de reconnaissance et de célébrité, l'expérience du pensionnat et des cultures aux ondes telluriques qui sonnera le glas de Courtial.
« Mort a crédit » s'achève sur l'envie d'émancipation de Ferdinand qui souhaite tenter l'aventure militaire....mais cela est une autre histoire, un autre « Voyage au bout de la nuit »!
Un roman noir où la misère humaine, l'hygiène plus que douteuse et le sexe d'une tristesse sans nom rythment le parcours initiatique d'un enfant, d'un adolescent puis d'un tout jeune homme. La langue est d'une verdeur, d'une crudité, d'une gouaille outrancière qui n'est que saveur une fois dépassés l'étonnement et le choc culturel! Une peinture sans concession, frisant le scandale et le rocambolesque, d'une société française prenant le train de la modernité avec espoir et douleur. Céline, auteur contemporain d'une modernité à toute épreuve, se lit sans décalage avec le monde d'aujourd'hui: son écriture n'a pris aucune ride, bien au contraire!



Une interview du biographe de Céline, François Gibault ICI


Un florilège d'illustrations de Tardi:






mardi 21 août 2007

Swaps!!!!

Hydromiel et Loba lancent un swap SF Fantastique Fantasy pour novembre prochain.



Leeloo lance également un swap sur le thème Thé et Littérature: des infos et des précisions dès Jeudi!


Alors si vous aimez les frissons, les voyages extraordinaires, l'extravagance de l'imaginaire, tentez l'aventure passionnante du swapsfff!


Si vous êtes plutôt autre aventure littéraire et buveur invétéré de thé, tentez l'aventure leeloo!


Si vous êtes des mordus aimant frissonner, faire des voyages extraordinaires, l'extravagance de l'imaginaire ou tout autre aventure littéraire et qu'en plus vous buvez des litres et des litres de thé....inscrivez-vous aux deux!!!

lundi 20 août 2007

Anniversaire!


Il y a deux ans, je passais un bel anneau d'or au doigt de mon mari...les parents, les amis étaient autour de nous et nous accompagnaient au cours de cette sublime journée.

Ce matin, je me suis dit que je n'avais pas vu le temps passer et que j'avais une chance merveilleuse: j'avais trouvé, après quelques errances, ma moitié d'orange!
Mon bouquet de mariée est parti avec la fille de mon amie d'université, j'étais heureuse qu'elle l'attrape....
Le fleuriste, qui me connaissait bien, a eu la sublime idée d'agrémenter mon bouquet de mûres: j'ai failli lui sauter au cou!
Il y a deux ans, il y a quelques heures....le temps ne passe pas quand on est heureux.

Bretonneries


« Ce recueil de nouvelles a été publié à l'occasion de la Quinzaine des éditeurs de Bretagne de mai 200, à partir d'un appel à candidatures lancé par le Centre Régional du Livre en Bretagne, auprès des éditeurs installés dans la région. »


Le thème retenu « Libraires, librairies ». Huit nouvelles ont été sélectionnées par un jury de libraires bretons. Il est à noter qu'une d'entre elles est écrite en breton...sans traduction française (dommage pour les non bretonnants!).
La lecture du recueil est plaisante et fait se promener le lecteur au coeur d'un sujet qui tient à coeur de tout LCA: les livres, les librairies, enfin tous les lieux où les livres et la lecture ont une place essentielle.
La première nouvelle « Sol invictus » de Fabien Lécuyer prend le lecteur aux tripes: c'est de l'émotion faite mots! Ce vieux couple qui vient prendre son thé ou son café dans le café librairie tenu par Rachel et qui se lit mutuellement des passages du livre où chacun est plongé jusqu'au jour où le vieux monsieur vient seul. Une conversation intime muette entre Rachel et lui commence au fil des passages, des mots ou noms soulignés et des photos glissées entre les pages d'un livre. Le lecteur lit la gorge serrée la nouvelle et ne peut s'empêcher de verser des larmes lorsqu'il en achève la lecture.
Le ton est donné: le caractère « du » (noir en breton) de l'âme bretonne, bercée par les légendes des landes et des côtes battues par le vent, s'épanouit dans la plupart des nouvelles du recueil: « Libre Stance! », « Tir na nOg » et « Sous le sable » où un certain pessimisme pointe le bout de son nez, où la foi dans le progrès est tout sauf joyeuse. Des propos qui font réfléchir et qui portent cependant une note d'espoir grâce aux livres, eux qui finalement résistent à tout même au pire!


Il va sans dire que la dernière nouvelle écrite en langue bretonne m'a frustrée. Aussi, dès que je vois un de mes collègues, bretonnant, je lui demanderai de me traduire cette dernière, histoire qu'elle ne demeure muette à jamais!

Maijo et Bellesahi l'ont lu aussi



samedi 18 août 2007

Un peu de douceur!


Il est des livres que l'on achète et que l'on range dans sa bibliothèque puis qu'on oublie, exprès, histoire de prolonger l'attente de la lecture. On les regarde, on les change de place, on les manipule, on les feuillette, on les caresse, on les respire puis on les repose sans les lire. La lecture toujours remise à « plus tard », à « une autre fois »... Un jour, enfin!, on les sort des étagères de la bibliothèque et on les lit!
Ainsi en fut-il avec « Le bonheur » de Philippe Delerm et moi. Pourquoi maintenant et non hier ou avant-hier? Est-ce la lecture tourmentée de « Mort à crédit » de Céline qui exige des respirations, des apaisements? Est-ce l'envie irrépressible d'ouvrir ce livre et d'en lire les mots, les phrases après tout ce faux oubli?


« Le bonheur est fragile. Tu n'es pas funambule et tu avances pas à pas. Tu ne sais rien des jours, tu glisses sur un fil, au loin tu ne vois pas. Si tu regardes en bas c'est le vertige, ne regarde pas. En bas tous les oiseaux se glacent et tous les hommes se protègent. Tu marches un peu plus haut, mais le bonheur est difficile. Tu risques à chaque pas, tu avances docile. A chaque risque le bonheur est là. Tu avances vers toi; le bout du fil n'existe pas. »


Ainsi commence ce recueil de textes ayant pour thème le bonheur et sa quête.


Le bonheur est-il un mot qu'il faut taire ou seulement murmurer afin de ne froisser personne? Le bonheur est-il si fugace qu'il peut s'enfuir à tout jamais sans avoir eu le temps de le voir ou de le vivre? Et si le bonheur n'était tout simplement que tous ces instants multiples et épars que l'on vit au quotidien!
Philippe Delerm parle de lui, de son amour intense pour ses proches, de son bonheur d'être à leurs côtés, de les regarder vivre, rire, pleurer, rêver. C'est avec son coeur, ses fibres intimes qu'il écrit ces textes si beaux, si doux, comme des tableaux d'une vie feutrée et intense: il parle de lui, de ce qui l'a construit en tant qu'homme. C'est sans détour, sans fard, parfois d'une grande sensualité dans laquelle le lecteur peut se retrouver l'espace d'une image.
J'ai aimé partagé les heures d'écriture d'avant le petit matin, lorsque la maisonnée dort encore et que le café passe goutte à goutte dans la cuisine. Cette cuisine, pièce maîtresse de la maison, pièce de vie où les goûters aux arômes délicieux côtoient les pinceaux , les crayons, les pots de couleurs et les papiers d'aquarelles. Pas d'atelier ni de bureau où la fibre artistique seraient confinés...non, seulement une grande table en bois plein, aux multiples traces de vie domestique! La vie du dehors entre étouffée dans ce cocon chaud et accueillant: des voix qui résonnent, des pas qui claquent, une voiture qui passe en faisant bruire les flaques d'eau de la rue...
J'ai aimé partir au gré des balades en forêt où les couleurs naissent sous les images de la plume et de l'encre. Les marées d'équinoxe, les balades à Honfleur, les promenades à Bruges en novembre (et pas autrement sinon le charme n'opère pas!).
Les rires et les larmes sont proches: Vincent et son enfance magique, l'absence d'une soeur trop tôt disparue accompagnant Philippe...
Les odeurs des écoles d'autrefois, du temps où enseigner était le sacerdoce d'un couple: les immenses cartes de géographie, les leçons d'observation, les pages d'écriture, les silences des cours de récréation pendant les vacances...
Ah! les souvenirs de lecture, de « ces paradis perdus » que l'on aime reconquérir devenu grand: Tintin et « L'affaire tournesol », avec la scène fameuse où Tintin et le Capitaine Haddock se cachent derrière un rocher pendant que des hommes de main syldaves (ou moldaves?) embarquent Tournesol; « L'île au trésor » et ses pirates à faire transpirer de terreur le jeune lecteur....
J'ai aimé l'ouverture et la clôture du recueil: une scène de vacances estivales, sous le soleil...Delerm est le spectateur, presque voyeur, de Vincent et Martine riant autour d'une table, un midi, gestes machinaux surpris et devenant ainsi sublimes et précieux.
Le bonheur à respirer, à regarder et admirer à chaque minute de la vie et non à fuir, comme le dit une chanson, avant qu'il ne se sauve...le bonheur que l'on porte en soi à condition de ne pas oublier qu'il est toujours plus près qu'on ne le pense.
Et si le bonheur était cet état donné par la menace de perdre ceux qu'on aime? La perte et non l'acquisition moteur de notre bonheur? La conscience de profiter au maximun de ce que la vie avec nos amours, nos proches peut nous apporter chaque jour, miette après miette tout au long de la vie....
Un Delerm personnel, émouvant que l'on peut faire nôtre! A lire lorsque le poids de la vie semble un peu lourd, petit pontillé lumineux qui redonne confiance et sourire!


Quelques passages glanés:


« Tous ces petits bonheurs si simplement gagnés parce que le temps peut s'arrêter, et mesurer l'effort avant de repartir, tous ces petits bonheurs comptent dans une vie, font la terre plus douce, le plaisir meilleur, et Sisyphe va s'arrêter. Tant pis pour la malédiction des dieux. Le vent souffle sur son visage un air de liberté, comme la terre est belle! Comment avait-il pu ne pas la regarder? Le monde est un spectacle, le bonheur ne se compte pas. La pierre a dévalé la pente, peu importe. C'est un matin de plein été, et l'air comme l'eau, juste avant le soleil de la journée. Il faut imaginer Sisyphe heureux. » (p 60)


« Les enfants dansent et l'enfance s'en va, c'est ça le grand voyage. Vigneault le chante, mais ses paroles un jour rencontreront une autre enfance. Le temps n'est pas perdu d'avance pour les danseurs, les arlequins, les prince ssilencieux des palais solitaires. Vincent le voyageur s'éloigne au grand pays. J'aime sa danse et le silence qui la suit. Avec des mots je l'imagine... » (p 95)


« Après l'amour nous sommes ensemble; je retrouve un jardin; au bout, je pousse lentement la grille de ton square. Il me mnquait depuis toujours, je ne le savais pas. Après l'amour ne bouge pas. Dans le creux de nos bras reviennent les images, nos corps se confondent en enfance, il faut rester longtemps(....) Au-delà des corps de dunes, c'est le cri du plaisir, peut-être, assourdi dans l'espace au bout d'un grand voyage abstrait dans la douceur du sable, un cri lointain mais qui propage d'autres courbes, des ondes de mémoire au-dessus de l'oubli.
Après l'amour, tu viens dans mon épaule, et je regarde au bout du monde au bout du lit cette image vertigineuse et familière où l'on peut tomber en rêvant, se perdre lentement, se retrouver, comme en sommeil, comme en amour, jusqu'à l'enfance. »
(p 129 et 130)


vendredi 17 août 2007

En attendant....

La fin de la lecture de "Mort à crédit" de Céline, univers littéraire que je découvre sur le tard et qui m'enchante autant que surprend, un aperçu de la partie émergée de l'iceberg qu'est devenue ma PAL et celle de mon cher et tendre mari (et il y en a encore beaucoup dans les bibliothèques!!)....






Je rajoute une mosaïque réalisée à partir de "zooms" sur la PAL.


jeudi 16 août 2007

Ne touchez pas au chat!

quatrième de couverture:


« Si Momoko n'ouvre son coeur qu'à sa chatte Lala, son père n'a d'yeux que pour la belle et pulpeuse Chinatsu, au grand dam de la jeune fille au pair: trois habitants d'une même maison dans le Japon d'après-guerre vivent dans un calme apparent, ignorants d'une vérité cachée qui les pousse inexorablement vers la tragédie... »


Ces premières lignes de la quatrième de couverture emportent d'emblée mon adhésion de lectrice de polars, de littérature japonaise et d'amoureuse des chats! Et je ne peux m'empêcher de d'écrire: mille mercis Moustafette pour avoir, une fois de plus, sut deviner mes terribles penchants!


L'atmosphère est celle des lointains souvenirs, est celle des clichés aux couleurs passées que l'on feuillette dans un album. Une grande maison, une petite fille, un champ de blé que l'on aimerait peindre inlassablement, une jeune fille artiste en devenir, un homme, jeune, beau, artiste et professeur d'université, subjugué par la culture américaine, une jeune femme, sculpturale et d'une beauté époustoufflante, une chatte blanche, aérienne et d'une douceur de velours; le lecteur sait que tout n'est que façade, que ce tableau sera terni par le malheur.
Hariu est engagée comme professeur particulier par Gôro, artiste et professeur d'université, pour tenir compagnie à sa petite fille Momoko. Cette dernière est réservée, secrète, solitaire depuis la disparition de sa mère. Son unique amie et confidente: Lala, une adorable chatte blanche, sociable, belle, qui la suit partout et passe son temps à jouer avec elle. Une complicité, une symbiose, qui parfois peut irriter le lecteur car un peu contre nature (mais pour un féru des félin, cela ne pose pas problème). En effet, la fusion entre la fillette et la chatte est telle que la première considère la seconde comme le substitut maternel et que la seconde câline et rassure, telle une mère, la première. Leur relation est observée par Hariu, oeil extérieur mais oeil désireux d'entrer dans ce cercle intime et rassurant. Momoko ne laisse rien transparaître de ses sentiments, des ses états d'âme sur son visage, lisse miroir pur. Les émotions se devinent derrière les mots, derrière les gestes, sous certains soupirs doucement exhalés.
Par une nuit d'orage, Hairu entend Momoko sangloter sa peur et la perte de sa mère. Hairu aurait pu ignorer les pleurs et rater cette infime ouverture du monde intime de Momokochan (j'aime cette particule affectueuse « diminutif » japonaise). Elle entre dans la chambre et va partager la tendresse maternelle de Lala et comprendre son importance dans la vie et le bonheur de Momoko. Plus rien ne sera pareil pour Hairu: elle partage les jeux et les promenades dans le champ de blé, tableau zen derrière la maison, elle découvrira l'existence d'un puits oublié, ombre muette égarée dans la blondeur champêtre.
La vie coule, douce, sous la couleur sépia des souvenirs. Mais, parce qu'il y a toujours un mais, l'harmonie fragile va se fendiller avant de sombrer le chaos. Chinatsu, sublime jeune femme, apparaît dans la vie de Gôro puis dans celle de Momoko et Hairu. Chinatsu qui fait tout pour plaire voire complaire à Momoko. Chinatsu qui offre à tout instant un visage lisse, transparent où les émotions les plus infimes sont ensevelies. Mais Momoko reste hermétique aux tentatives de rapprochement, aux efforts pathétiques car sonnant toujours faux de Chinatsu. Elle qui conquiert sans cesse les coeurs, se heurte à une muraille imprenable. Une silhouette blanche et délicate éloigne les désirs de Chinatsu: elle ne parvient pas à aimer Lala qui le lui rend bien par son indifférence d'abord puis sa violence ensuite (la scène du coup de griffe est d'une délicate beauté sauvage...à la japonaise). Dès lors, Lala devient un sérieux obstacle pour l'acceptation par Momoko de la présence définitive (un mariage est en projet) de Chinatsu: Momoko n'a-t-elle pas lancé à cette dernière que Lala était sa mère et donc qu'elle n'avait pas besoin d'une autre... Lala, écharpe de fourrure blanche qui danse dans les blés, telle un lutin facétieux.
Le lecteur s'interroge quant à l'approche du chaos pressenti depuis le début, une légère impatience le gagne, mais il se rappelle très vite que l'écriture japonaise aime l'attente, la montée en crescendo de l'angoisse et de la peur.

La saison change, c'est l'automne, son vent, son froid, ses feuilles qui s'envolent. Un après-midi, Lala est retrouvée inerte dans le bassin aux nénuphars, abandonné depuis la mort de Yuriko, la mère de Momoko. Hariu a vu Chinatsu noyer Lala mais choisit de se taire. C'est la consternation, les larmes inextinguibles de Momoko, la tristesse dans la maisonnée.
Gôro et Chinatsu arrêtent leur décision de mariage: c'est ce qui déclenche l'aveu de Hariu, une pointe douloureuse de jalousie dans le coeur, à Momoko qui voue alors une haine immense envers Chinatsu.
Le temps passe, l'automne s'en va et laisse sa place à l'hiver. L'hiver et ses flocons, sa neige ouatée et pure. Cette neige qui efface toute trace, même celles qui vont jusqu'au puits oublié, sous le regard incrédule et impuissant de Hairu. Un deuxième drame ébranle la maisonnée: Chinatsu s'est disloquée lors de sa chute dans le puits fatal, un bonhomme de neige inachevé veille et Hairu apprend que Yuriko n'était pas la mère biologique de Momoko...
Un roman noir d'autant plus oppressant que l'angoisse monte au fil du récit. Une question s'impose à l'issu de la lecture: doit-on tout cacher aux enfants, notamment ce qui les touche au plus profond d'eux-mêmes? Il est des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, mais il en est d'autres qu'il ne faut surtout pas céler sous peine de déclencher le pire des chaos.
Le rôle du chat dans tout cela? Une allégorie de la mort, de ce qui n'est plus, de la perte (de l'innocence, de l'enfance..)? La couleur du deuil, au Japon comme en Chine, est le blanc, Lala est blanche et ondule telle une étole endeuillée.... Le chat occupe une place importante dans l'imaginaire nippon: chaque maison japonaise possède son chat porte-bonheur ou Maneki Neko. Aussi, Lala, chatte blanche, ne peut-elle être porteuse de bonheur mais le grain de sable tragique. Lala, victime et clé inattendus de ce roman noir.
A lire si on aime et les romans à suspense et les chats!


Les avis de Lab et Yvon


Roman traduit du japonais par Karine Chesneau


Un bonus ici

mercredi 15 août 2007

Regards d'enfant

Vous aimez Delerm ? Vous aimerez aussi Bruno Roza.Une ambiance "delermienne" avec un point de vue différent : ce n'est plus l'adulte qui exprime ses émotions devant les petits riens du quotidien mais l'enfant de 5/6 ans. L'adulte s'efface, l'enfant parle. Cependant ces odeurs de l'enfance, ces "Leçons de choses" ont aussi le parfum de la nostalgie : nostalgie de l'insouciance, nostalgie de la liberté enfantine, nostalgie des moments délicieux passés avec la grand-mère, gardienne du foyer familial, une grand-mère reine d'un royaume extraordinaire : la cuisine. La poésie des souvenirs d'enfance de l'auteur réussit ce tour de force : être universel. Le lecteur peut s'identifier à tout moment au bambin qui se souvient si joliment. Un doux moment hors du temps exempt de toute mièvrerie. Un moment que l'on n'a pas envie d'oublier. Un lieu que l'on ne veut pas quitter trop vite. Bref, une parenthèse de passé dans la spirale du présent, parenthèse qui permet des retrouvailles avec soi-même.
C'est une relecture estivale

NB: le titre est indisponible dans cette collection. Il existe cependant aux éditions Le Dillettante

mardi 14 août 2007

Escapade dans le Saumurois: fin

Les Tablées de Saumur ayant été bien digérées, nous sommes partis gaillardement le matin vers la maison natale de François Rabelais: La Devinière.

Nous avons pris la visite guidée: nous étions les seuls à profiter du savoir d'un charmant jeune homme. Il nous a appris beaucoup de choses sur l'écrivain, sur la géographie des aventures de ses deux géants: Pantagruel et Gargantua. Saviez-vous que Pantagruel représentait François 1er et Picrochole Charles Quint? Le géant contre le nabot belliqueux....que ne faut-il pas faire pour être édité et plaire aux grands de ce monde!


Rabelais a puisé dans les légendes locales les péripéties de ses géants. Partout en France, on peut trouver des traces de ces géants issus des temps anciens et paëns, antérieurs au christianisme.
Nous avons visité la chambre d'enfant de Rabelais et ma foi, nous avons été émus... Pendant toute la visite, une petite chatte tricolore nous a escortés et participé vocalement aux explications! Elle fut la cerise sur le gâteau: que serait une maison natale d'écrivain sans chat? Une habitation pâle et sans âme!
La Devinière est sur une douce colline et surplombe des chants de blé et de tournesols. Il faisait beau, le paysage exhalait une douceur et une paix extraordinaires: seuls les pépiements des oiseaux et les "trisses" des hirondelles rompaient cette tranquilité matinale. Une soudaine envie de relire les aventures de Pantagruel et Gargantua s'est imposée....
Après un pique-nique en bord de Loire, direction Langeais (tiens, une pensée balzacienne affleure) où la visite du château, sous un soleil de plomb, guidée, puis libre, nous promène pendant deux heures! Saviez-vous que c'est à Langeais que fut célébré, presque en catimini, le mariage de Charles VIII et Anne de Bretagne? La scène très réaliste est reconstituée dans une des salles du château. Ce château a la particularité d'être le seul meublé d'époque, détail qui fait oublier sa moindre prestance, comparé à Chenonceau ou Chambord!



Sur le chemin du retour, un arrêt à Azay-le-Rideau pour admirer la belle façade et apercevoir fugacement la partie ayant les pieds dans le plan d'eau (la plus belle)!


La journée s'acheva à la table d'un restaurant gastronomique: le "Diane de Méridor" à Montsoreau où le repas fut d'une exquise finesse!

Le lendemain, il fallait penser à repartir non sans être allés se balader sur les hauteurs de Turquant!

lundi 13 août 2007

Mémoires d'une pionnière


Quatrième de couverture:


« Jésus Marie Joseph, je suis excitée en diable, comme jamais auparavant, dans la cabine d'un navire sur un golfe écumeux, quelque part à l'ouest de Terre-Neuve, le soi-diasant comte d'Epirgny, mauvais garnement sacré champion de tennis d'Orléans il y a cinq ans, coincé entre mes cuisses. »


Le personnage principal, Marguerite de Roberval, possède d'emblée, à la lecture de cette quatrième de couverture, toute la saveur d'une héroïne hors norme: jouisseuse, un esprit d'aventure, amoureuse de l'amour, un tantinet iconoclaste et politiquement incorrecte en ce 16è siècle, celui de la Renaissance.
Elle embarque sur le navire de son oncle pour Québec, pour le Nouveau Monde, pour fuir les rigueurs de l'Ancien où elle est considérée comme une fille indomptable, têtue et lubrique dont son père ne sait que faire. Avec elle son amant du moment, Richard d'Epirgny, grand joueur de jeu de paume (ou tennis: d'ailleurs, j'ai un peu tiqué en lisant ce terme qui m'est apparu mal approprié vu l'époque où se déroule l'action, le 16è siècle qui ne devait pas connaître ce terme moderne! Traduire par « jeu de paume » alourdissait-il les phrases? A mes yeux, « tennis » dans ce récit est un néologisme gênant...mais foin de la polémique...!) dont elle attend un enfant. Le tempérament ardent et impulsif de la demoiselle provoque un incident en fin de voyage: ayant mal à une dent, elle noue celle-ci avec un fil autour de la balle en cuir de Léon, le dogue de Roberval. Elle la lance, la balle après rebond passe par-dessus bord, et Léon l'ayant attrapée tombe à l'eau. Est-ce la goutte qui a fait déborder le vase? Marguerite est condamnée à être débarquée sur une île, l'île des démons, déserte avec sa vieille nourrice, son amant et quelques vivres...l'île se trouve à l'embouchure du St-Laurent, autant dire que le trio est condamné à mourir de faim et de froid quand arrivera l'hiver!
La vie de Marguerite, Bastienne et Richard s'écoule lentement au rythme des cris d'oiseaux: Richard s'obstine à tracer un terrain de jeu de paume à marée basse, Marguerite chasse les oiseaux pour améliorer l'ordinaire tandis que Bastienne s'affaire à amasser les plumes en prévision des froidures futures. L'espoir de voir Roberval venir les rechercher s'amenuise pour disparaître tout à fait et laisser place à un certain désespoir: le Nouveau Monde sera leur tombe à ciel ouvert! La traversée ayant été pénible, le navire une puanteur au fil de l'océan, les miasmes affaiblissent les naufragés. Richard, l'amant à la raquette, s'étiole pour disparaître, Bastienne, à son tour est vaincue par les rigueurs climatiques. Seule Marguerite, et son enfant à venir, demeure. Les conditions de vie deviennent de plus en plus infernales, la solitude mène Marguerite au bord de la folie, les repères n'existent plus, les souvenirs des lectures, des livres de lointaines images: Marguerite est en compagnie d'elle-même, de la Bible et du lexique de Jacques Cartier pour entrer en contact avec les sauvages, des étoiles aussi, la grande et la petite ourse. Des rêves étranges peuplent des nuits et ses jours: une ourse blanche, un enfant poisson, farandole d'une âme qui ne supporte plus d'être seule!
Marguerite met au monde son enfant, un fils, sans bras ni pieds, un bébé-poisson qu'elle appelle Emmanuel, qui ne vivra que le temps de quelques soupirs. Douglas Glover livre alors des passages d'une sensibilité extrême: Marguerite décide d'être la meilleure des mères et raconte à son fils sa vie, son âme, les histoires, les légendes, les espoirs, les peines, les peurs, tout ce qui l'a construite et tout ce qu'elle lui offre en héritage, au fil de sa mélopée elle le conduit jusqu'au Passage vers l'autre vie...des moments d'une intense et infinie tendresse au bout desquels les larmes dansent dans les yeux et nouent la gorge du lecteur.
Le désespoir est à son comble, la haine envers son oncle est à son apogée: elle ne vit que pour se venger! L'ombre de l'ourse est de plus en plus présente... Un jour, une ourse blanche, blessée, arrive sur l'île encerclée par les glaces, tente de s'en prendre au tombeau de Richard: Marguerite l'abat, lui ouvre les entrailles et se glisse à l'intérieur du ventre chaud. Lorsqu'arrive Itslk, l'autochtone, elle sort du ventre de l'ourse et impressionne ce dernier: cette femme étrange et laide est un esprit doué de pouvoirs magiques!
Commence alors pour Marguerite un long voyage initiatique auprès des indiens du Grand Nord, voyage où son totem sera l'ourse. Elle parviendra à acquérir, mais non à totalement maîtriser, les rêves magiques lors dequels elle se transformera en ourse. L'espace d'une saison, elle vivra aux côtés de ces sauvages qui n'en sont pas, suivra les rites de passage pour trouver sa véritable âme. Le Canada l'emplit peu à peu de sa magie, de sa majesté, de son savoir et de son essence....lorsqu'elle repartira pour accomplir son destin, elle y laissera beaucoup d'elle-même comme la plupart des européens qui y ont un peu vécu.
Le Nouveau et l'Ancien Monde se rencontrent sans jamais se comprendre, sans accepter la part d'humanité de l'autre: le Canada, cette terra incognita, dont Cartier ne fut pas le premier découvreur, est le monde où se confondent les cultures, les langues, les habitudes sexuelles (Marguerite est une femme qui aiment les hommes, mais surtout l'amour, plus que de raison). Marguerite est le point de rencontre, hors des chemins balisés de l'Histoire, des deux continents. Ses tribulations sont truculentes, à la fois drôles et émouvantes, aux accents picaresques et où le frisson n'est guère éloigné.
Douglas Glover, auteur que je ne connaissais absolument pas, dresse un portrait plein d'humour et de verve de la conquête du Nouveau Monde où les vrais ours et les ours imaginaires scandent les parcours initiatiques d'une pionnière confrontée à la réalité de l'Amérique, aux regards des siens mais aussi aux regards des autochtones, une incompréhension mutuelle tragique.
Le début du roman est un peu déconcertant: le lecteur se demande où l'auteur veut l'emmener puis très vite, le rythme trépidant des mémoires de Marguerite le laisse voguer au gré des mots. La cerise sur le gâteau: les références littéraires et culturelles importantes ainsi que le clin d'oeil à un auteur du 16è siècle, jouisseur devant l'Eternel, auteur de cinq livres qui marqueront l'histoire littéraire,auprès duquel Marguerite vivra à son retour du Canada: F. Rabelais, moine, médecin, écrivain, mis à l'index et promis aux pires tortures par le pouvoir! Un charmant régal!!!


Quelques passages:


« Son* côté ourse me fait penser à la passion du tennis de Richard: elle comme lui semblent déplacés, romantiques dans leur attachement à un mode de vie qui ne répond plus aux circonstances.
Et je me souviens des longues nuits qu'elle passait, anxieuse, à faire les cent pas dans l'obscurité (il y a dans la forêt un sentier creusé par son passage). Par quoi était-elle troublée? Par ma propre présence d'abord. De cela, je suis certaine. Pour les habitants du Nouveau Monde, je suis le hérault de la nouveauté, d'un monde neuf, aussi troublant pour eux qu'ils le sont pour nous. Je crois qu'elle a consulté l'avenir et entrevu la fin de tout ce qui avait un sens pour elle: elle 'aurait plus sa place dans un monde sans explication, où il faudrait tout traduire, un peu comme, dans mon Ancien Monde, les bouleversements qui s'amorcent balaieront les antiques hiérachies, courtoisies et protocoles. Car leur monde me semble réfuter le nôtre aussi sûrement que celui-ci réfute le leur. Notre capacité de vivre, de lutter et de détruire malgré le doute sera l'un de nos atouts. Mais le doute nous dévorera peu à peu. Voilà ce que je crois. »
(p 181 et 182)

*Marguerite parle de la vieille guérisseuse indienne qui l'a initiée.


« Un soir, je me perce le lobe des oreilles à l'aide de tiges en os, à la mode des sauvages. Avec une aiguille et de la suie, je me tatoue, imitant le dessin des étoiles, celui de la Grande Ourse, qui est facile à reproduire (...). Dans le noir, je touche mes blessures toutes neuves et, au profit de Léon, designe leurs modèles dans le ciel en prononçant leurs noms. Comment les désigne-t-on en Canada? Je n'en ai ps la moindre dée.
Quand j'en ai assez, je drape la peau d'ourse sur ma tête et mes épaules, je me dandine jusqu'à l'embouchuer du ruisseau en suivant le rivage et je fais peur aux sauvages dans leur campement, sans y causer de véritables dommages, sauf chiper quelques poissons te renverser leurs plans de cuisson. Ils sont sensibles à l'humour de la situation, me semble-t-il, puisqu'ils ne tirent pas sur moi, se contentant de crier et d'agiter leurs mantes. »
(p 187 et 188)


« Il m'est arrivé de temps à autre de rêver qu'on me sauvait – par habitude. Si je vivais encore en France, je me ferais peur à moi-même. L'altérité m'a infectée. Que faire d'une fille à la tête dure? Question superflue. » (p 202)


« Le temps est venu de filer, me dis-je, mais pour aller où?
Le chien montre les dents, aboie un avertissement. Le garçon jette un coup d'oeil par-dessus son épaule, au supplice à la pensée de l'orgie de cupidité en cours sur la rive, de tout le plaisir dont il se prive. Le soleil se couche. Des lanternes fumantes s'embrasent à bord du bateau, qui se découpe comme un nuage sombre ou une île d'ensorceleur. Tout juste derrière, une baleine fait surface et replonge tête la première dans la mer. Un cormoran, serpent noir ailé, rase l'eau en silence. Des eiders montent et descendent sur des vagues invisibles. Je songe à la mystérieuse beauté du Canada, à la paix qui échappe de justesse à la misère humaine, au silence que déchire le cri d'un oiseau ou le hurlement d'un loup, à la blancheur aseptisée et spectrale de l'hiver. Déjà, le pays me manque.
Il m'arrive à l'occasion de penser à ce moine qui a demandé à saint Brandan de le laisser en Canada ou, comme on disait alors, aux îles Fortunées. Quelle pulsion explique cet acte de téméraire abandon? Je l'imagine, tonsuré et en soutane, priant à genoux sur les galets luisants tandis que le navire à la curieuse forme ronde s'estompe à l'est dans les brumes océanes. Quand le bateau a disparu, il se lève et se retourne, les bras ouverts pour embrasser l'île, le vaste continent déployé devant lui, tout neuf, avec sa vie à faire, tandis que des flocons commencent à tomber, Dieu dans le vent. »
(p 202 et 203)

Des avis plus nuancés ici et celui du bibliomane


Roman traduit de l'anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

samedi 11 août 2007

Quel héros de film êtes-vous?

L'été est la période heureuse des tests qui mènent les blogueurs au pays des contes de fée, à l'école des sorciers de Poudlard ou encore parmi les animaux et êtres mythologiques. Maintenant, bienvenue dans le monde du cinéma!



Merci Vanessa pour ce nouveau test!
J'ai cliqué et je suis:


Néo (Matrix) : 68%
Forrest Gump : 66%
Jim Levenstein (American Pie) : 66%
Maximus (Gladiator) : 66%
Eric Draven (The Crow) : 65%
Tony Montana (Scarface) : 64%
Indiana Jones : 63%
Yoda (Star Wars) : 60%
Batman / Bruce Wayne : 55%
Schrek : 55%
Hannibal Lecter : 54%
James Bond : 53%


Quel héros de film es-tu ?



Pour savoir quel héros de film vous êtes, cliquez ci-dessus!
Je serais bien en peine de vous dire quels sont les fils qui relient la fée, Blanche Neige, la rentrée à Serpentard et Néo de Matrix! Toujours est-il que le mélange pourrait sembler pour le moins étonnant...
Résumons:
Néo de Matrix va faire sa rentrée scolaire à Serpentard. Il y apprendra que dans une autre vie il a été fée et il se déguisera en Blanche Neige lors de la fête d'Halloween!
...qui souhaiterait faire ma connaissance en vrai au vu de tous ces indices?

Eau-forte et graveur



Quatrième de couverture:


« Il y a un âge où on ne rencontre plus la vie mais le temps. On cesse de voir la vie vivre. On voit le temps qui est en train de dévorer la vie toute crue. Alors le coeur se serre. On se tient à des morceaux de bois pour voir encore un peu le spectacle qui saigne d'un bout à l'autre du monde et pour ne pas y tomber. »


« Terrasse à Rome » de Pascal Quignard est la biographie romancée d'un graveur du 17ème siècle, Meaume.
Meaume travaille à Bruges chez Jean Heemkers comme eau-fortier (ou graveur) et tombe éperdument amoureux de Nanni, la fille du juge électif Jacob Veet Jakobsz. Ils s'aiment passionnément jusqu'au jour où le promis de Nanni les surprend dans leurs ébats amoureux et leur lance de l'eau-forte: Nanni s'en sort avec une main légèrement brûlée, quant à Meaume, il se retrouve défiguré et perd par la même occasion Nanni. Comme il ne peut l'oublier, il quitte Bruges et part sur les routes puis s'installe à Rome où il devient un graveur de renom et un cartier de qualité. Quand à Nanni, elle épouse son fiancé, enceinte des oeuvres de Meaume.
Meaume voyage beaucoup, apprend beaucoup, fait des rencontres et noue de solides amitiés mais jamais plus il n'aimera une autre femme que Nanni, Nanni qu'il ne reverra jamais. Un jour, dans la campagne romaine, un jeune homme l'agresse, un jeune homme qui parle le flamand...
« Terrasse à Rome » est difficile à raconter sans rien en dévoiler. C'est un roman où les ambiances, les atmosphères sont essentielles: les évocations de paysages sont d'une grande beauté doublée de poésie, les passages sur l'art de la gravure, la peinture sont d'autant plus sublimes que les oeuvres (imaginaires ou réelles) de Meaume se sont en grande partie perdues. Quignard fait se croiser, au détour d'une page, Meaume et Mr de Sainte Colombe, deux artistes aériens chacun à sa façon.
Quignard emmène son lecteur au gré des gravures de Meaume, gravures figeant, avec une grâce et au dénuement des contrastes des noirs et des blancs, des scènes volées au quotidien et transfigurées par le stylet de l'artiste ou des scènes de la vie aventureuse de l'artiste. Ainsi la description d'une série de gravures « à la manière noire » relatant la fuite de Meaume et d'Abraham Van Berchem devant les soldats français dans les Pyrénées, pendant l'été 1651.
« ...Au-dessus de la ville un grand cimétière s'étend sur le versant de la montagne. Le cimetière est plus grand que le bourg lui-même et plus proche de nous-mêmes qui voyons la gravure.
Grand cimetière d'or. C'est un immense jardin complètement abandonné. Aussi abandonné que la nature l'a pu être à dater du premier homme qui y surgit. Les pierres ont bougé. Dalles que les neiges aidées des siècles et des vents ont disjointes. La mousse les a gagnées. Le lierre a englouti les stèles.
Le lierre, s'agrippant à toute chose qui se dresse, s'est lié aux croix et les a enserrées puis recouvertes; puis contraintes; puis rompues... »
(p 51 et 52)
Où commencent l'observation de l'oeuvre du graveur et l'interprétation poétique et romanesque de Quignard? La frontière est fluide, s'estompe, se brouille sans cesse pour le plus grand bonheur du lecteur, happé par cette geste à la pointe du stylet. A partir des plaques de l'eau-fortier, le roman de sa vie se déroule sous nos yeux grâce à la plume de Quignard. Ce dernier plonge le lecteur dans le petit monde des graveurs et des peintres, le monde des jeux d'ombres et de lumières du noir et blanc et celui des jeux lumineux des couleurs. Meaume dessine à la craie sur du papier bleu avant de graver ses plaques au stylet et muni d'une loupe: scènes fugaces au silence troublé par le stylet mordant délicatement le cuivre...nature morte au clair-obscur apaisant.
« Il appartenait à l'école des peintres qui peignaient dans une manière très raffinée les choses qui étaient considérées par la plupart des hommes comme les plus grossières: les gueux, les laboureurs, les coureurs de vase, les vendeurs de palourdes, de sourdons, de crabes, de bars tachetés, des jeunes femmes qui se déchaussent, des jeunes femmes à peine habillées qui lisent des lettres ou qui rêvent d'amour, des servantes qui repassent des draps, tous les fruits mûrs oui qui commencent de moisir et qui appellent l'automne, les déchets des repas, des beuveries, des tabagies, des joueurs de cartes, un chat léchant son bol d'étain, l'aveugle et son compagnon, des amants qui s'étreignent dans différentes postures ignorant qu'ils sont vus, des mères qui font téter leur petit, des philosophes qui méditent, des pendus, des chandelles, les ombres des choses, les gens qui urinent, d'autres qui défèquent, les vieux, les profils des morts, les bêtes qui ruminent ou qui dorment. » (p 65 et 66) Meaume, l'artiste qui célèbre la vraie vie des vrais gens, l'artiste du quotidien dans tous ses états, l'artiste qui fait toucher du doigt la vie disparue depuis des siècles.
Pascal Quignard offre un roman tout en sensations où les petites touches mêlant vie romancée et détails réels dessinent un artiste brillant et tourmenté cherchant à voir l'essence du monde et de la vie pour la rendre visible à la pointe de son styler et par la caresse du chiffon humide d'eau-forte.
Un voyage dans l'art de la gravure du 17ème siècle des brumes des Flandres jusqu'au soleil de l'Italie. On sort de cette lecture la tête pleine de paysages, de lumière et de sensations indicibles. L'écriture de Quignard scande, délicieusement variée, la prosodie du sensible.
D'autres avis ici