lundi 30 novembre 2009

Panier!



J'ai beaucoup entendu parler d'Harlan Coben, en bien et en moins bien d'ailleurs, et le défi "Littérature policière sur les 5 continents" fut l'occasion pour moi de tenter l'aventure. Je ne souhaitais pas lire "Ne le dis à personne" parce que j'ai vu le film lors de sa sortie, aussi ai-je choisi "Temps mort" opus d'une série dont l'action se situe dans les milieux sportifs.

C'est l'histoire de Myron Bolitar, un agent sportif au grand coeur, d'une naïveté en amour sans borne, aux allures de tendron sentimental cachant une détermination à toute épreuve: il faut dire qu'il fut une étoile montante du basket, lui petit blanc perdu parmi les noirs, dont la trajectoire fut stoppée par une vilaine blessure. Son meilleur ami, Win, est un étrange personnage richissime, requin en affaire, doté d'un humour corrosif et pétri de violence, éduqué qu'il fut à la mode des services secrets. Bref, un duo de choc pour une affaire aux apparences tranquilles: il faut servir de baby sitter à une jeune prodige, noire, du basket féminin, Brenda Slaughter, qui a oublié d'être laide et contrefaite. Elle a reçu des menaces de mort et, en cette veille de match crucial pour le lancement d'une ligue de basket féminin, il est souhaitable que rien de fâcheux ne lui arrive.
De fil en aiguille, Myron se retrouve à rechercher la raison de la fuite puis de la disparition de la mère de Brenda, départ coïncidant avec une affaire trouble datant de vingt ans, celle du décès de l'épouse d'Arthur Bradford, héritier d'une famille influente de Livingstone et homme politique. Myron remue une boue que beaucoup souhaitaient oublier, aussi est-il confronté aux sbires des uns et des autres: les découvertes macabres viennent troubler les bonnes familles, des squelettes bien cachés dans les placards ressurgissent de manière inopportune, les faiblesses de la police montrent qu'il y a eu des enquêtes étouffées, des témoignages tus. La vérité sera étonnante, troublante et cruelle, donnant un goût amer à la peine de Myron.


Que dire sur ce polar sinon qu'il m'a ennuyée jusqu'aux cinquante dernières pages! Je n'ai rien trouvé de transcendant à l'écriture ni à l'intrigue, les traits d'humour tombaient à plat (était-ce du à mon manque de culture sportive et de vie de vestiaires?Ou à une mauvaise traduction?), la mise en place des éléments de l'enquête laborieuse, les considérations sociétales un peu trop rapides (que voulez-vous, j'aime bien les éléments explicatifs dans les polars).
Une lecture décevante: je m'attendais à plus machiavélisme dans la construction de l'histoire (j'avais adoré "Ne le dis à personne"!!). Certes, un des personnages cache bien son jeu et surprend mais le tout n'est pas vraiment bien amené. Une impression d'écriture bâclée....dommage. Une question m'est venue à l'esprit, après avoir lu la bibliographie impressionnante de l'auteur: publier à un rythme d'enfer (1 roman presque tous les 6 mois) ne nuit-il pas à la qualité de l'écriture, de la construction de l'intrigue et à l'inspiration? J'ai eu la désagréable sensation de lire un roman écrit dans un moule, le contenant ne change pas, seuls quelques changements d'ingrédients pour avoir une impression de nouveauté....mais cela n'engage que moi.


Roman traduit de l'anglais (USA) par Paul Benita




L'avis de lalivrophile  

Roman lu dans le cadre du défi Littérature policière sur les 5 continents organisé par Catherine      

dimanche 29 novembre 2009

Dimanche poétique # 3


Ce dimanche, un poème pour illustrer mon attachement au monde des petits félins que sont les chats....Baudelaire a su en parler mieux que personne!


Les Chats



Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires


Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.


Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;


Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

(Baudelaire, Les fleurs du mal)
 




Les dimanches poétiques sont aussi chez George     Celsmoon  , initiatrice de ces jolis moments (elle a mis en lien les "compagnons de voyage"!)

samedi 28 novembre 2009

Al dente


Le sous-titre de ce recueil de nouvelles est très évocateur: "histoires de solitude et d'allégresse". En effet, dès la première nouvelle, nous sommes plongés dans un univers où l'amertume, le cynisme se disputent aux petites joies de la vie ordinaire. Ces histoires nous font passer du rire aux larmes, des petits bonheurs au quotidien à des ambiances sordides et effrayantes, nous racontent la vie ordinaire dans une civilisation du tout média, univers qui creuse souvent les vies de solitude; nosu croisons la route d'humains ou d'animaux, de bons samaritains ou de facétieux et inattendus diablotins, de sorcières modernes ou de pauvres hères dont la vie ne tient qu'à un fil.

Sous le regard de Benni, oscillant entre désespoir et cruelle facétie, les contes traditionnels virent à l'inconcevable: ainsi "L'ogre" égrenne-t-il les turpitudes adultes, celles qui manipulent les enfances misérables, celles qui achètent et vendent des corps enfantins pour des consommateurs perdus dans la noirceur d'une âme que plus rien n'assouvit. La montée en puissance de cette nouvelle cisèle la perversité d'un monde moderne où les frontières entre fantasmes et réalités sont d'autant plus minces lorsque le pouvoir de l'argent s'en mêle: le héros, un "ogre" aux allures sympathiques de tonton gâteau, se retrouve confronté à un scénario qu'il était loin d'imaginer; entre ses remords de pourvoyeurs de chair frâche et enfantine et étonnements, il sombre peu à peu devant la démence du monde. La morale est loin d'être sauve et la chute des plus glaciales! Quant à Alice, elle erre sans fin pour trouver le passage vers l'autre côté du miroir, sans être épaulée par le lapin blanc et sans chapelier fou pour offrir la chaleur d'un thé! Le miroir a parfois des allures de mirage et le prince charmant loin de l'être!
Stefano Benni est le scénariste fou d'un film italien au baroque échevelé: il transporte son lecteur dans le dédale d'une société qui perd ses repères, qui se perd un peu elle-même chaque jour; certains sombrent avec brio, d'autres de manière plus pathétique...mais tous sont touchants et le regard de l'auteur a un peu de tendresse pour tout ce petit monde. L'Italie et ses folies sont présentes: le football avec l'illustre inconnu Poldo, arrière de son état et précurseur des "attaques" au but des défenseurs, le portable omniprésent, celui qui comble, faussement, les solitudes, les crèches vivantes qui peuvent voir d'étranges dénouements loin d'être très catholiques! Les images foisonnent, le clair-obscur des passions côtoie la lumière d'une "allégresse", les personnages sont des acteurs au verbe haut et aux gestes pleins d'emphase...bref, on entend les cris, les pleurs ou les rires, le tout baignant sous la douce lumière printanière méditerranéenne qui laisse très vite place aux feux écrasants du plein été.
"La grammaire de Dieu" est un recueil dans lequel le désespoir est souvent présent mais tempéré par des moments oniriques d'une grande poésie: ainsi, la nouvelle consacrée aux rêves perdus où les larmes enchâssent ces derniers ou encore celle consacrée à l'esprit des cheminées apportant une dimension féérique au recueil....les plus belles roses poussent souvent sur le fumier et les instants magiques sont souvent issus du sordide.
Toutes les nouvelles sont travaillées et ciselées, allégées de toute fioriture inutile, afin de décocher leurs flèches avec une précision machiavélique: le lecteur est mis devant un miroir peu flatteur, au reflet très dérangeant....c'est ce qui m'a enthousiasmée! Une vision de l'être humain qui ne laisse cependant pas de côté la tendresse, la douceur et encore moins la poésie. Mais l'Homme n'est-il pas un mélange de tout cela avec ses heurs et malheurs? La noirceur jamais très éloignée de la blancheur, surtout lorsque l'humour est de la partie?
En un mot comme en mille, "La grammaire de Dieu" est un recueil savoureux et sans concession, un tantinet iconoclaste où le politiquement correct n'est pas forcement de mise....tout comme j'aime!
 
Nouvelles traduites de l'italien par Marguerite Pozzoli




 
Les avis de lecture sans frontières   filigranes    annickdor    plume  
Une interview ICI  
 
Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumé

mercredi 25 novembre 2009

Le dernier Ponti!


C'est toujours une joie pour moi de découvrir le dernier album de Ponti! Hier soir, je me suis précipitée chez ma libraire afin de me jeter sur le dernier-né de mon auteur jeunesse favori: Bih-Bih et le Bouffron-Gouffron .
Bih-Bih, flanquée de son ami Filifraiime, champignon à chapeau rouge de son état, se rend tranquillement boire un thé au Café du fond de la forêt quand elle emprunte un charmant petit chemin. Ce qu'elle ne sait pas encore c'est que ce chemin est le dernier existant sur Terre: un monstre énooooooooorme a avalé la Terre. Et hop, notre Bih-Bih, aux allures d'Alice au pays des merveilles, se retrouve engloutie au fin fond de l'estomac du glouton intersidéral, le Bouffron-Gouffron.
Commence une quête pour ressortir du ventre du monstre affamé au cours de laquelle Bih-Bih croise les momuments et les oeuvres les plus célèbres de l'Humanité. Une goutte d'eau sera la clé de la fin de cet étrange sortilège....
Ponti promène son lecteur au coeur de son imagination plus que foisonnante pour lui offrir un voyage en compagnie des oeuvres les plus célèbres et une plongée dans une langue dans laquelle les sonorités sont jubilatoires, le vocabulaire improbable ouvrant les portes vers le Merveilleux! Sans compter les illustrations à lectures multiples et à géométrie variable (on tient l'album dans quasiment tous les sens!)...de quoi se perdre avec ravissement.
A noter le format: grand et large, idéal pour la lecture en cinémascope. Même s'il n'est pas facile à manipuler, c'est un vrai plaisir à lire, à observer, à fouiller pour toujours y trouver la "substantifique moelle" chère à Rabelais: peut-on laisser se perdre les chefs d'oeuvre de l'Humanité? Peut-on les laisser "mourir" et ne plus être regardés, étudiés, transmis?
Une fois encore, Ponti nous offre de la belle ouvrage où la folie douce de l'auteur est à la hauteur de sa réputation!

dimanche 22 novembre 2009

Hommage à Albert Camus


Vous êtes certainement tombé, au gré de vos pérégrinations bloguesques, sur le blog de Denis et Fabienne. Ces derniers proposent de rendre hommage en Janvier prochain à Albert Camus en invitant les blogueurs qui le souhaitent à lire et à parler des écrits du grand écrivain.
Albert Camus mérite d'être encensé autrement que par notre cher Président de la République (au fait, a-t-il lu un roman de Camus? Je lui suggèrerais bien la lecture de "L'étranger"!).
C'est pourquoi, je vous convie à vous rendre ICI afin d'en savoir plus sur cette aventure littéraire. Inutile de vous dire que j'en suis.
A cette occasion, je me ferai un plaisir de relire "L'étranger"....les classiques sont toujours bons à relire!

dimanche poétique # 2


Ce dimanche, je choisis de vous emmener sur les bords du Rhin...."am Rhein" en compagnie de Heinrich Heine (1797-1856) et de sa Lorelei (1823)!

Mon coeur, pourquoi ces noirs présages?

Je suis triste à mourir.
Une histoire des anciens âges
Hante mon souvenir.



Ich weiß nicht, was soll es beteuten,

Dass ich so traurig bin ;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir aus dem Simm.



Déjà l'air fraîchit, le soir tombe,

Sur le Rhin, flot grondant;
Seul, un haut rocher qui surplombe
Brille aux feux du couchant.

Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein ;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abendsonnenschein.

Là-haut, des nymphes la plus belle,  
Assise, rêve encore;
Sa main, où la bague étincelle,
Peigne ses cheveux d'or.

Die schöne Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar :
Ihr goldnes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldenes Harr.



Le peigne est magique. Elle chante,
Timbre étrange et vainqueur,
Tremblez fuyez! la voix touchante
Ensorcelle le coeur.

Sie kämmt es mit goldenem Kamme,
Und singt ein Lied dabei ;
Das hat eine wundersame,
Gewaltige Melodei.



Dans sa barque, l'homme qui passe,
Pris d'un soudain transport,
Sans le voir, les yeux dans l´espace,
Vient sur l'écueil de mort.

Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh ;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh.



 L'écueil brise, le gouffre enserre,
La nacelle est noyée,
Et voila le mal que peut faire
Lorelei sur son rocher.


Ich glaube, die Welten verschlingen

Am Ende Schiffer und Kahn ;
Und das hat mit ihren Singen
Die Lore-lei getan.



 "La sirène" de John William Waterhouse (vers 1900)

samedi 21 novembre 2009

L'astronome, le chat et le gardien de phare


L'astronome du roi, célèbre dans le monde entier pour sa grande science et ses oracles, perd peu à peu la vue. Par honnêteté envers son monarque, il sollicite son remplacement par un jeune confrère brillant et plein d'avenir. Il prend alors sa retraite tout en restant au château, logé par le roi dans une chambre inutilisée en raison de son manque de lumière et de vue: elle donne sur un mur aveugle! Malgré les serments royaux de ne jamais le négliger, notre astronome aveugle en retraite se rend compte très vite que cette vie de reclus et d'assisté n'est pas pour lui: il a connu les honneurs, la gloire, la célébrité et aujourd'hui il passe inaperçu et se sait indésirable dans son ancienne tour d'observation.

Un jour, en se promenant au bord de la mer, l'appel de l'aventure le saisit: il décide de partir sur les routes, toujours en longeant la côté, enivré du parfum iodé des embruns et de la lande, accompagné de son chat, compagnon fidèle revenu vers lui depuis qu'il a repris goût à la liberté et de s'affranchir de l'autorité royale!
Les deux comparses s'en vont par les chemins, sous le soleil et la chaleur du printemps, humant avec délices les senteurs méditerranéennes des sentiers et des landes. Après deux saisons d'errance, l'hiver approche et avec lui, les frimas et l'humidité qui font comprendre à nos deux amis qu'il serait temps de s'établir à l'abri en attendant le retour des beaux jours. C'est ainsi que l'astronome échoue, guidé par l'opiniâtreté et le falir de son chat, à la porte d'un phare où vit un gardien avec lequel ils lieront amitié.
Le fil des jours et des nuits s'écoule au gré des gardes et des brasiers nocturnes, lumières salvatrices des marins, au gré des rendez-vous secrets entre le gardien et son amante. Les deux hommes, que tout semble éloigner, construisent une solide amitié où l'érudition de l'un ouvre le regard de l'autre sur les étoiles et le monde nocturne, où les conversations s'égrennent autour d'un verre de grand vin pour mourir au petit matin, lorsque les lueurs de l'aube appellent au sommeil.
L'astronome se laisse emmitoufflé dans la douceur d'un bonheur sans faille, dans la chaleur d'une vieillesse sereine, jusqu'à ce qu'un navire royal, ramenant d'une secrète ambassade la fiancée du prince héritier, vienne bouleverser cette vie simple et tranquille.


"L'astronome aveugle" est un roman insolite à bien des égards: entre le sujet d'une grande sensibilité (l'amitié entre deux solitudes) et l'écriture tout en délicatesse au style médiéval, cette oeuvre est un ovni dans la rentrée littéraire. Anne-Catherine Blanc entraîne son lecteur, au rythme d'une danse ancienne, à regarder vers un lointain passé, à scruter un lointain rivage, celui de la route que chacun s'est choisie, celui de l'accomplissement de sa destinée, de son être. Elle offre au lecteur, grâce au choix d'une prosodie lente, celle de la marche d'un aveugle, celle de la marche veloutée d'un chat, le temps de s'attarder sur une image suscitée par les mots-enluminures du texte. Pour une fois, le lecteur sent qu'il peut traîner au gré des images engendrées par l'écriture; il sait qu'il parviendra, en ayant savouré avec un plaisir sans cesse renouvelé l'ambiance sépia du roman, à l'ultime phrase, celle qui sonnera la fin d'une lecture hors du temps. Il quittera, avec un pincement au coeur, des personnages attachants, des senteurs d'un monde oublié, d'une époque révolue ou d'un rêve éveillé. Au rythme lent d'une marche au plus profond de l'âme, le lecteur suit les méandres des choix de vie de l'astronome, d'un homme qui au soir de son existence, en regardant sans apitoiement son passé, acceptera son présent pour offrir un avenir à la jeunesse....le tout sous les regards complices et étoilés d'un chat pas comme les autres!
"L'astronome aveugle" est un court roman philosophique dont le fil conducteur est non seulement celui de la liberté mais aussi celui d'une libération de l'âme, des valeurs essentielles à transmettre afin que la vie ne s'éteigne pas en vain.
Ce roman est une véritable petite pépite à découvrir et à savourer! Une très belle et sensible lecture, de laquelle je suis sortie littéralement enchantée, grâce à BOB et aux éditions Ramsay littérature.





"Il comprit [l'astronome] que le chat, qui l'avait délaissé dans la servitude dorée du château, ne l'abandonnerait plus dans sa libre misère. (....) Car si d'obscures raisons mènent les rois comme les chats, le chat est supérieur au roi en cela que ses raisons, pour obscures qu'elles soient, suivent toujours le penchant de son coeur. En outre, l'amitié des rois se peut acheter de paroles flatteuses et de billets à ordre tirés sur l'avenir, quand l'amour des chats ne se marchande, et par là même n'a point de prix." (p 23)


"Lui, l'astronome aveugle, dont la nuit scintillait de la mémoire des étoiles, le vagabond amoureux de la mer, était devenu le guide et l'étoile des marins perdus dans la nuit et la mer; et de ce destin si étrange d'apparence, mais en vérité si parfait, il goûtait la sagesse et l'ironie." (p 68)


Les avis de Madame Charlotte   Yv   Laure  Lili  



("L'astronome" Vermeer -1668-)

mercredi 18 novembre 2009

Le silence des abeilles

Siddhârta Schweitzer naît dans les turbulences d'un vingtième siècle qui se meurt, sans le savoir encore, de consommation, de technologie, de jeunisme, de maladies plus effrayantes les unes que les autres, rongé par un crabe d'une pernicieuse efficacité.

Les parents de Siddhârta le délaissent, pris dans le tourbillon bohême, souvent égocentrique, de leurs préoccupations: très vite, ils deviennent aussi lointains qu'une parentèle éloignée. Le petit Sid sera élevé par sa grand-mère Susie et éprouvera très vite ressentiments, méfiance et crainte envers tout ce qui n'est pas d'un bon aloi suisse. Traînant son ennui entre les livres et les études, Siddhârta rencontre, inopinément, un petit animal fascinant: l'abeille! Chaque nuit, le rêve l'emporte au coeur d'une ruche où il devient ouvrière, faux bourdon, gardienne. La passion lentement s'épanouit pour enfin conduire Sid au métier d'apiculteur....comme son grand-père maternel.
L'entomologie, axée sur l'abeille, est le fil conducteur de ce roman d'apprentissage qui suit le cours de l'Histoire contemporaine de ces vingt dernières années. Sid quitte le couvain suisse pour des aventures apicoles aux Etats Unis, où les ruches par milliers sont transportées nuitamment, au gré des floraisons à travers le pays continent. Sa chrysalide s'ouvre à l'intolérance, fruit de sa deshérence familiale, une intolérance étrange teintée d'ouverture au monde et à la diversité ce qui lui permet, un jour, de croiser Valentine, une japonaise nomade qui travaille au standard d'une grande entreprise de produits phytosanitaires dont une gamme empoisonne lentement, mais sûrement, les abeilles.
Je n'ai pas souvent l'occasion de lire des auteurs suisses et j'avoue ne pas connaître grand chose à l'actualité littéraire de ce pays entouré de montagnes et semblant dormir au bord de ses nombreux lacs. "Le silence des abeilles" a attiré mon attention en titillant ma fibre "verte", sensible à la cause des abeilles tandis que l'argument littéraire achevait de me convaincre.
Ce qui surprend dans ce roman c'est la personnalité de Siddhârta qui erre entre tolérance et détestation de ce qui n'est pas national, qui oscille entre envie d'aller vers les autres et repli sur soi, sur une identité suisse intolérante et imperméable à l'étranger. Pourtant, Sid ira manifester à Davos contre le sommet du G9, le sommet à la gloire du capitalisme le plus sauvage qui soit, à l'ombre des banquiers muets. Pourtant, Sid tombera amoureux d'une jeune femme japonaise puis osera un coup d'éclat solitaire pour punir par là où il a péché le patron du groupe industriel qui fabrique et distribue le Secolo qui empoisonne les abeilles.
Le lecteur navigue entre les beautés de la nature et le sordide des groupuscules extrême-droite qui s'entraîne clandestinement avant d'organiser des expédititions punitives contre les étrangers, tente de démêler les sentiments contradictoires de Sid et sa vision du monde souvent fluctuante....à l'image d'une certaine jeunesse qui se révolte contre l'injustice du monde tout en cédant, parfois, aux sirènes du repli sur soi et du rejet de l'autre. Il se prend à sourire voire à rire en accompagnant le jeune protagoniste de ce roman d'aprentissage parce que certaines situations deviennent cocasse: le monde s'empêtre autour de ses multiples absurdes contradictions.
"Le silence des abeilles" me laisse perplexe: à vouloir créer un fil conducteur entre le monde des abeilles, rassurant par sa structure sociale inaltérable, et le héros qui ne sait plus trop à quoi ni à qui se raccrocher pour tenter de comprendre le monde et d'y faire sa place, l'auteur ne rend pas lisible le moteur de son écriture. Certes, il y a les éléments du roman d'apprentissage mais le lecteur a du mal à les décrypter: il est difficile de s'attacher aux personnages ou de raccorder les grands évènements contemporains avec le parcours de Siddhârta. En un mot comme en mille, même si je ne me suis pas ennuyée lors de la lecture du roman, je ne suis pas parvenue à comprendre où l'auteur voulait en venir: portrait d'une génération déstabilisée voire sacrifiée par la modernité? Critique d'un modèle sociétal en bout de course?


Une certitude se dégage de ma lecture: la Suisse est tout sauf une image d'Epinal où le chocolat au lait fleure bon les alpages tranquilles et où l'atmopshère feutrée des établissements bancaires laisse filtrer le silence des secrets bien gardés. Ce pays sans mer est loin d'être lisse comme la surface d'un lac: un vent de révolte peut y souffler à l'image d'un foehn indomptable.





Les avis de Mlle Gima  Suisse-info   femina.ch   info.ch   juliann   plume   

(5/7)





dimanche 15 novembre 2009

Dimanche poétique # 1



Je rejoins avec plaisir l'initiative de Celsmoon: dimanche rime avec poésie!
Comme je suis friande de haïkus, je ne peux résister à l'appel si particulier de ces poèmes courts qui en disent si long sur le monde.
Ce soir, un poème de Boshô

Une châtaigne tombe
les insectes font silence
parmi les herbes

vendredi 13 novembre 2009

Nouveau né


Après la saison des prix littéraires, la saison des festivals où la lecture est mise en avant commence. Elle avait déjà commencé avec Les lecture sous l'arbre, à Chambon-sur-Lignon (en Haute Loire), organisé par les Editions Cheyne (Jean François Manier-Martine Mellinette). Ces lectures sont un rendez-vous attendu par les amateurs de textes poétiques et de musique. Elle atteindra sa vitesse de croisière avec Les Lettres d'automne de Montauban.
J'aime les lectures publiques, j'aime que l'on me fasse la lecture à voix haute, moi qui raconte, plusieurs fois par jours, des albums et des contes à mes petits élèves....cela me repose et m'aide à laisser divaguer mon imagination tout en nourrissant mon imaginaire. C'est pourquoi, lorsque j'ai appris qu'un festival de lecture à voix haute, "Livres en tête", était créé par La Sorbonne en partenariat avec France-Culture, j'ai encore pesté d'être une provinciale: encore un évènement bien sympathique à se passer loin de mon coin de Bretagne (profonde?)! Il se tiendra du 19 au 22 Novembre prochain, au réfectoire des Cordeliers, 15 rue de l'école de médecine, Paris 6è Métro Odéon ... de nombreux auteurs y sont invités, notamment la lauréate du Goncourt, Marie N'Diaye!

Communiqué de presse:

"Ce premier festival de lecture est organisé par le Service culturel des étudiants de l'Université Paris-Sorbonne (Paris IV) et les Livreurs-lecteurs, en partenariat avec France-Culture, Le collège des universités de Paris et la Mairie de Paris.
La programmation, le choix des textes lus et des auteurs invités sont proposés par l’écrivain Pierre Jourde.
De nombreux auteurs sont invités (Éric Naulleau, Pierre Michon, Éric Chevillard, Richard Millet, Valère Novarina, Marie Ndiaye, Jean-Marie Laclavetine, Claude Louis-Combet, Hafed Benotman, Carole Martinez, Bernard Jannin, Ludovic Hary, Marie-Hélène Lafon, Johann Trümmel, etc.)
Différents événements sont proposés (Ta Page Nocturne, Bal à la Page, Quizz littéraire, etc.) durant lesquels sont lus les auteurs invités mais aussi des textes pamphlétaires, des parodies et des détournements littéraires.
Certaines soirées associent la musique et les mots avec la participation exceptionnelle de Xavier Phillips (violoncelle), de Benoît Delbecq (Claviers) et de Xavier Ehretsmann (aux platines)."
Une affiche bien alléchante, n'est-ce pas?!

(Photo issue d'un article de La Dépêche)

jeudi 12 novembre 2009

Prix littéraire

Quelques blogueuses bien connues en ont parlé sur leur blog: un nouveau prix est né lors de cette rentrée littéraire à laquelle nombre d'entre nous ont pu participer grâce aux belles propositions de Ulike.net et Babelio.
Le Grand Prix Littéraire du Web est une belle aventure participative au cours de laquelle les blogueurs ont eu un grand espace de parole. Un jury de blogueurs a lu la douzaine de titres en tête des préférences et a décerné le prix mardi soir.
Quatre catégories: Roman français, Roman étranger, Premier roman et un prix Spécial du Jury (comme à Cannes soulignait Leiloona).
Un autre prix était aussi décerné, et cela je ne le savais pas avant d'en être informée: le prix du meilleur chroniqueur. Je dois avouer que lorsque Raphaël Labbé de Ulike.net m'a envoyé un courriel pour m'annoncer que la chronique de Chatperlipopette sur "La dure loi du karma" de Mo Yan avait emporté la majorité des suffrages, j'ai cru à une blague puis j'ai ressenti une très grande joie devant la reconnaissance apportée aux contributions des blogueurs.
En janvier prochain, une nouvelle rentrée littéraire aura lieu et ce sera encore une superbe occasion de lire en avant-première de nombreuses belles pages!
Merci à l'équipe des chroniques de la rentrée littéraire qui a su mutualiser énergies et savoir-faire pour offrir un éventail exhausif des romans de l'automne.


mercredi 11 novembre 2009

Adopter un monde, adopter le monde

Il y a quelque temps, dans le cadre du swap jeunesse organisé par Emmyne, ma charmante swappeuse Lamia m'avait offert, parmi d'autres, un album qui m'a beaucoup touchée et beaucoup émue. D'ailleurs, ce n'est qu'aujourd'hui (parce que je ne veux pas que Lamia pense que j'ai oublié d'en parler) que je parviens, enfin, à prendre du recul et poser des mots sur le flot d'émotion qui me happa à la lecture.
Le narrateur est un jeune garçon qui lors d'un dimanche en famille, à la campagne, chez ses grands-parents, se fait une joie d'explorer la caverne d'Ali Baba qu'est le bureau de son grand-père. Ce dernier a rapporté de ses voyages autour du monde une multitude d'objets que le jeune garçon ne se lasse pas de regarder et de se faire expliquer. Mais ce qui le fascine plus que tout c'est la mappemonde de son grand-père, mappemonde départ d'une grande question sur ses origines: le jeune garçon est d'origine noire africaine tandis que son grand-père est blanc. Quel grand, quel immense voyage a-t-il fait, lui, le jeune narrateur avant de venir ici?
Le grand-père gâteau, le prend sur ses genoux et lui raconte la nuit des temps, le temps du nomadisme, mais surtout une coutume que de nombreux peuples sur terre pratiquent: l'adoption. "Tu sais, l'adoption est une tradition vieille comme le monde! Elle existe depuis plusieurs centaines d'années et se pratique sur tous les continents, même dans le Grand Nord, chez les Inuits qu'on appelle aussi les Esquimaux."
Il lui raconte les prénoms donnés en souvenir de la famille naturelle et celui donné par la famille qui accueille, il lui raconte la Malaisie où "il arrive qu'une famille confie l'un de ses enfants à un couple qui n'en a pas. Mais avant que le petit ne parte vivre chez ses nouveaux parents, il doit avoir goûter au lait de sa première maman. C'est comme ça, dit-on, qu'un lien invisible les unit pour toujours." Le flot des paroles du grand-père embarque son petit-fils dans une immense rêverie où les couleurs se mêlent et où les enfants tout en étant semblables à lui, ne lui ressemblent pas.
Une question, grave, émerge: ce doit être difficile de se séparer pour toujours de son enfant, non?  La réponse du grand-père est absolument merveilleuse: "La vie a beucoup d'imagination, tu sais, elle écrit des histoires douces et amères, à la fois pleines de sourires et de larmes, souvent mystérieuses. A nous de les comprendre et de les vivre!"
Les passages d'un monde à l'autre sont incessants et multiples au coeur de nombreuses familles, quelque que soit l'endroit où elles vivent.
"D'un monde à l'autre" est un album tout en émotions et en finesse où l'interrogation suscite une richesse d'histoires, une multitudes de réponses à un même manque....celui d'un enfant dans un foyer. Il explique, avec des mots simples et tendres, qu'accueillir une vie est aussi fort que de donner la vie, qu'être enfant adopté est aussi fort qu'être un enfant naturel....l'amour d'une mère est universel et unique pour l'enfant qu'elle borde et embrasse le soir dans son lit.
Un album délicat, sobre et d'une immense humanité! On en vient à regretter une chose (essentielle)....que nos sociétés, dites modernes, compliquent à l'infini un acte qui est pourtant naturel: l'accueil d'un enfant qui n'est pas le sien!

Les tranchées


Elles ont laissé des traces encore perceptibles au coeur des paysages du Nord et de l'Est de la France: des ondulations dans les champs, une route qui serpente, un crêt qui s'est émoussé.... Elles ont laissé des blessures telles que certains hommes n'avaient plus visage humain, que certains hommes en ont été bouleversés au plus profond d'eux-mêmes.

Cette année, je ne serai pas à la cérémonie commémorative (elle commence dans 5 minutes et je suis toujours en pyjama); cependant, je ne peux m'empêcher de penser à toutes ses vies perdues, hâchées, gâchées par un terrible rouleau compresseur: l'instinct mortifère des peuples qui inscrivent leur histoire dans le sang et la boue.

Les tranchées ont changé la vie des femmes: elles ont pris leur part de labeur tant en ville qu'à la campagne....elles se sont affranchies d'un joug qui mettra une bonne génération à leur offrir un droit longtemps bafoué: le droit de vote et leur autonomie vis à vis du Pater Familias....mettre un bulletin de vote dans l'urne et pouvoir s'affranchir et s'émanciper de l'autorisation maritale pour ouvrir un compte en banque et être autre chose qu'une mineure aux yeux de la loi.

La littérature s'est emparée, bien vite, de cette tragique boucherie: qui n'a pas lu "Les croix de bois" de Roland Dorgelès ou "Le feu" d'Henri Barbusse, sans connaître le frisson du cauchemar vécu par ces hommes brisés au fond de leurs trous suintant d'humidité et de peur!?

Les auteurs contemporains ont été également inspirés par cette période si particulière: "Sang noir" de Louis Guilloux, "A l'ouest rien de nouveau" de E.M Remarque (lu il y a fort longtemps et qui mériterait une relecture), "Orages d'acier" de Ernst Jünger, "Dans la guerre" d'Alice Ferney, "La chambre des officiers" de Marc Dugain, "Les âmes grises" de Philippe Claudel et plus récemment "L'homme barbelé" de Béatrice Fontanel.

Chacun, à leur façon selon leur vécu, leur sensibilité ou leur regard, mis en mots et/ou en images les miasmes, le sordide, le cauchemar quotidien, la peur, la terreur qui liquéfie celui qui part à l'assaut, la longueur interminable des minutes, des heures et des jours lorsque l'on est dans une tranchée, couvert de boue et de vermine....des mots qui secouent, qui émeuvent, qui terrassent et qui parviennent à dire le non-dit ou d'indicible.

Des hommages romanesques pour ces êtres qui ont tous perdu une part d'eux-mêmes, quand ce ne fut pas leur vie, dans ce conflit qui modernisa les manières de tuer son prochain à grande échelle!

Depuis l'an dernier, il n'y a plus de poilu pour témoigner de l'horreur....alors n'oublions pas, pour eux mais aussi pour ceux qui nous succéderont.

Une correspondance ICI


Et dire quej'ai oublie "Les champs d'honneur" de Jean Rouaud et "Le chemin des âmes" de Joseph Boyden...entre autres!

lundi 9 novembre 2009

C'était hier



C'était il y a 20 ans! Après la journée de travail, c'est un choc qui m'attend: le Mur de Berlin est sur le point de tomber! Je suis accro aux infos et sous mes yeux, un pan de mur s'affaisse: une scène surréaliste, la rencontre entre les manifestants de l'Ouest et des soldats Est-Allemands. Puis, c'est la Porte de Brandebourg qui laisse passer un flot, inexorable, d'hommes et de femmes qui tombent dans les bras des uns et des autres. Un vent de liberté allait emporter l'ancien bloc de l'Est et la fin d'une époque tombait avec les pans de mur berlinois!

Nous étions tous des Berlinois ce soir-là....et beaucoup d'entre nous pleuraient devant leur poste de télé.

Aujourd'hui, le monde célèbre les 20 ans de la chute d'un mur de la honte....il y en a encore un debout, en Israël. Tiendra--il aussi longtemps que celui de Berlin? J'ose espérer que non.

(photo de Wazieres Aurélien: mur de séparation entre Isarël et la Palestine, Bethléem)

dimanche 8 novembre 2009

Un nouveau défi pointe son nez


Non, non, ce n'est pas un défi auquel je participe mais, en me promenant chez Bladelor, je suis tombée sur cette annonce: défi SF. Comme j'aime beaucoup la SF, je me permets de faire de la réclame pour cette aventure littéraire imaginée par geishanellie.

Pour vous laisser convaincre cliquez ICI !

Bonne lecture et excellents voyages dans une myriade de galaxies romanesques!

Des fils de vie



L'écriture de nouvelles est un art littéraire plus difficile qu'il ne paraît: l'exercice, qui consiste à dire beaucoup en peu de pages, peut souvent s'avérer périlleux. Je découvrais pour la première fois l'univers de la grande novelliste canadienne, Alice Munro, avec "Les Lunes de Jupiter", recueil de douze nouvelles, relativement longues, certes, et fortes d'une myriade de personnages virevoltant autour du thème principal de chacune d'entre elles, telles les satellites, les lunes, de la planète Jupiter.
Alice Munro installe son lecteur dans le monde délicieusement trouble des histoires de famille, au coeur des années 50, ces années d'après-guerre où le sombre lentement s'estompe. Au centre de ses histoires, délicatement tissées et à la trame parfois triste, on rencontre des femmesmarquées par la vie, les déceptions, les joies ou les peines. Elles sont jeunes ou moins jeunes, d'âge mûr ou au bord de la vieillesse. Toujours elles se racontent et narrent un quotidien qui tricote l'Histoire des hommes. Toujours elles portent la mémoire d'une époque, d'un temps sur le point de disparaître. Sous leur apparence fragile, souvent se révèle un caractère étonnant, celui de celles qui ne se laissent pas abattre par les circonstances, celui de celles qui trouve le courage de dire non et de partir presque à l'aventure, loin d'une vie dans laquelle elles s'enlisent. Elles rencontrent l'improbable, se racontent à une oreille presque inconnue, se livrent et se cachent en même temps. Parfois elles sont belles, parfois elles sont laides, souvent elles paraissent quelconques mais possèdent toujours une lumière intérieure qui appelle à la tendresse. Ces femmes côtoient leurs contraires et leurs jumelles, au risque de frôler l'intolérance de l'incompréhension....cependant la chaleur ténue d'une flamme est toujours au détour du chemin: entre les silences des fidèles rigoristes, penchées sur leur ouvrage d'aiguille au son du balncier d'une antique horloge, et les rires d'une kyrielles de tantes secouant les murs de la maison familiale, il y a l'épouse qui se lasse d'une indifférence maritale et s'exaspère de son sentiment d'infériorité, il y a le souvenir d'une relation amoureuse ou la vie chaotique d'une fille qui cherche sa voie.
"Les Lunes de Jupiter" est un recueil dont la lecture enchante tout en installant le lecteur dans une tendre mélancolie, celle des souvenirs de famille qui lentement remontent à la surface, souvenirs suscités par l'universalité des personnages et de leur histoire. L'écriture est belle, douce, rythmée par les couleurs sépias des années d'après-guerre, celles des remises en questions et des espoirs en les balbutiements de la naissance d'une nouvelle époque.
Alice Munro maîtrise avec brio cet art si difficile de la nouvelle et le plaisir de la lire est ineffable.

Nouvelles traduites de l'anglais (Canada) par Colette Tonge




L'avis de Médiapart

(photo de Jerry Bauer)