mercredi 24 février 2010

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les dragons

Il y a quelques temps de cela, lors d'un de mes passages chez ma libraire, je suis tombée en arrêt sur un très bel album consacré aux dragons. Je n'ai pas hésité longtemps, non seulement parce que la couverture était irrésistible mais aussi, et surtout, parce que dans ma classe, où les garçons sont plus que majoritaires (21 garçons et 8 filles), les dragons font un tabac, sont les stars incontestées de l'imaginaire des loupiots. Et voilà comment "Dragons" a atterri dans mon cabas pour la plus grande joie de mes élèves.
"Dragons" ne raconte pas d'histoire, "Dragons" décrit, de façon très poétique, les différentes espèces de dragons. Il y a les dragons des étoiles, les dragons mangeurs de fleurs, les dragons féroces, les grands dragons, les dragons célestes, les dragons des mers, les dragons de feu, les dragons des neiges, les dragons des contes et enfin les dragons gardiens. Chaque type de dragon a ses caractéristiques propres, ses attributs, certains changent leur apparence selon leur cavalier, d'autres sont très protecteurs envers leur maître, d'autres encore sont tellement grands qu'on peut les confondre avec les montagnes ou les collines si bien que , le temps de leur long sommeil, des villes peuvent être construites sur leur dos. Certains dragons portent un sortilège, dédié au vent, autour de leur cou, pépite magique, graine d'imaginaire, d'autres se transmettent de génération en génération car ils vivent très longtemps, d'autres encore n'ont pas d'ailes mais volent grâce à leurs rêves faits d'amour et de merveilles, certains sont minisucules afin de pouvoir narrer contes et légendes des temps immémoriaux au creux des oreilles enfantines. Enfin, il y a les gardiens qui ne dorment qu'une fois les gens éveillés, anges gardiens faits d'écailles et de rêves doux et légers.
Bien entendu, un fait essentiel ouvre et ferme ce très bel imagier à l'usage des dragonniers en herbe: les oeufs de dragons, de tailles aussi différentes et de couleurs aussi variées que les dragons eux-mêmes! Ces oeufs peuvent être aussi bien déposés dans des nids en haut d'arbres, ou dans des fleurs, des grottes ou à même le sol!
Les textes sont très poétiques, suscitant immédiatement l'imaginaire de l'auditoire, la musique des mots est une douce mélopée, idéale pour un moment calme privilégié, à vivre au coeur de la dragonie. Le tout est servi par des illustrations absolument ma-gni-fi-ques: superbes aquarelles au souffle poétique indéniable. Le pinceau est doux et énergique à la fois, on vole avec le dragon, on parcourt le monde avec lui...il en devient presque réel: un rêve devenu réalité grâce à la magie de l'aquarelle.
Bref, un petit bijou, en grand format ce qui rehausse encore la beauté de l'objet-livre! A noter aussi que les princesses chevauchent aussi les dragons...l'imaginaire est ouvert aussi aux filles. Et, cerise sur le gâteau: la dernière double-page regroupe, somptueusement, tous les dragons évoqués et une question essentielle est posée "Et toi, qui est ton dragon?". J'avoue avoir été surprise par les réponses des enfants...leur dragon préféré est le dragon des neiges!!! Quant au mien? Le dragon des contes, évidemment!!
La dévoreuses d'album et de belles histoires magiques ne peut que remercier Jackie Morris et les éditions Gautier-Languereau pour ce sublime trésor, cette pépite qui devrait orner toutes les bonnes bibliothèques! Un voyage féérique dans un monde sans fin...celui des histoires que fredonnent nos mémoires.

"Mon dragon fredonne à mon oreille de douces mélodies et me murmure d'étranges récits, des contes de pays de pays lointains et de temps très anciens."
"Mon dragon des neiges vit dans un monde glacé. Son souffle scintille de flocons étoilés."
"Mon dragon est un dragon céleste, tous deux nous chevauchons le vent qui nous caresse."

Album adapté de l'anglais (GB) par Sophie Koechlin






(4/24)

mardi 23 février 2010

La femme dans le miroir

Adrien Gascoing est veuf depuis plusieurs mois et se remet lentement de cette douleur lancinante qui l'étouffe, tente d'oublier le vide qui le ronge. Lentement, il reprend ses habitudes de travail: les traductions des poèmes d'Hafez l'entraîne dans les méandres silencieux de la recherche et de la rêverie.
Comme il a décidé de revivre, Adrien ouvre sa porte à une amie du couple, Léna, restauratrice de tableaux, qui l'entraîne au restaurant puis dans une promenade digestive au cours de laquelle il ne se sent pas bien (le grand air après ces mois de réclusion lui fait tourner la tête). C'est ainsi que nos deux protagonistes se retrouvent dans l'atelier de Zéphyrin, galiériste spécialisé dans la peinture des XVIè et XVIIè siècles, où Adrien se requinque avec un thé au citron. Remis de ses émotions, il déambule dans l'atelier et s'arrête devant deux vanités hollandaises dont le portrait d'une femme, dont le visage se reflète dans un miroir, réalisé par Pieter Haussen, cette femme, d'une grande beauté, est Cornélia, l'épouse du peintre. Quelques temps plus tard, Adrien aperçoit une publicité conviant à une exposition d'antiquités dans une galerie d'art, la Galerie du Palais; sans trop savoir pourquoi, il s'y rend et, ô surprise, tombe en arrêt devant un tableau qui le laisse sans voix: un nu féminin peint par un obscur artiste suisse, Arnold Burckhardt, daté de 1925. Le détail qui interpelle Adrien est le modèle dont la ressemblance avec la Cornélia de la vanité de Pieter Haussen le trouble au plus haut point. Adrien l'achète, impulsivement, comme s'il pressentait que cette rencontre allait bouleverser son quotidien: comment se peut-il qu'une telle ressemblance, à trois siècles d'intervalle, puisse être fortuite? Adrien se persuade qu'il y a un mystère à découvrir et aidé, avec un rien de moquerie, par son amie Léna, il se lance dans une enquête peu banale. C'est ainsi qu'il rencontrera le fantôme d'un lettré autodidacte et thanatopracteur, Edouard Hérembourg, mari défunt de sa voisine de palier, lecteur assidu du Livre des morts et passionné de toutes les techniques d'embaumement (de l'Egypte ancienne à la Chine), puis fera la connaissance de Jean-Félicien Virouleau, auteur d'une thèse inattendue "Pieter Haussen: Memento Mori dans un monde où il y a tant à découvrir." Et si ces femmes n'en faisait qu'une? Si Cornélia était réapparue d'entre les morts pour devenir éternelle? Et si Pieter Haussen avait réussi là où Orphée avait échoué, c'est à dire faire revenir du Royaume des Ombres, sa Cornélia tant aimée?

Que dire de ce roman sinon qu'il est plaisant à lire, voire prenant à partir du moment où l'histoire se met vraiment en route. L'écriture est agréable, parfois poétique mais manque de conviction: les personnages sont un peu convenus, leur évolution attendue et j'ai éprouvé des difficultés à avoir de l'empathie pour eux. La balade est belle, entre explications sur les vanités qui firent florès au XVIIè, siècle des grandes aventures maritimes dans le sillage de la mythique Compagnie hollandaise des Indes orientales, et la course au déchiffrage des pigments utilisés par les artistes peintres selon leur époque. On apprécie les escapades au coeur de la poésie persane, le raffinement de cette langue fleurie et délicate....mais cela ne suffit pas à faire une lecture enthousiaste de ce roman. Pourtant il possède des ingrédients qui ont tout pour me plaire: l'évocation de la peinture flamande, la poésie persane et arabe, l'Egypte ancienne et les mythes tel que celui d'Orphée et Eurydice, hélas, la mayonnaise n'a pas pris.




Je remercie pour cette évasion Livr@ddict et les éditions Robert Laffont.

Les avis de pauline  belledenuit   krapette   poet24   caro   hécate  
Interview de l'auteur ici 


Femme à sa toilette 1633 (Jan Miense 1610-1668)

NB: le tableau de la couverture du roman est "Allégorie de la mort ou Vanité" de Trophine Bigot, XVIIè siècle

lundi 22 février 2010

Huis-clos sur rails

Valérie, alias Julia, vient de fêter ses quarante ans et pour marquer ce passage dans sa vie de femme, ses copines se sont cotisées pour lui offrir un incroyable cadeau: une séance de relooking! De caissière en supermarché, Valérie sort transformée en belle femme fatale dont les rondeurs sont mises en valeur par la magie d'une coupe, d'une couleur, de vêtements et d'accessoires....une chrysalide qui s'ouvre, un papillon qui prend son envol vers un ailleurs. Bien entendu, Djamel, son homme, lui a fait la tête: sa nouvelle apparence gomme les chaînes si confortables de la femme au foyer, mal fagotée, lasse et submergée par les tâches du quotidien. Tout cela se bouscule dans la tête de Valérie qui, le lendemain, sur le chemin du travail, décide de tout balancer et de profiter de cette aubaine: devenir Julia sans arrière-pensée,de lâcher les bouts et de changer de vie. Elle s'embarque dans le Corail pour Toulouse qui lui réservera bien des surprises!
Julia s'installe tranquillement dans un compartiment mais est très vite délogée de sa place par deux couples. Un des hommes, Vincent, semble inexorablement attirée par la féminité rayonnante qui se dégage de Julia tandis que très vite une des femmes, Muriel, paraît la prendre en grippe. Julia, ayant changé de place, se trouve assise face une vieille dame, Colette. Peu à peu, les ingrédients d'un huis-clos se mettent en place, à mesure que Julia croise Germinal, le contrôleur bègue et révolutionnaire, le groupe de choristes, le sourd et muet roumain, Jean-Pierre, le commercial dragueur, la femme de ce dernier, bafouée à longueur de temps, Nicolas, le jeune professeur d'université ambitieux et gorgé d'égoïsme et de mépris, et Aude, son épouse, aussi effacée qu'il est exubérant et sûr de lui...mais l'eau n'est jamais dormante!
Le voyage est un cortège de rencontres aussi improbables qu'amusantes: le train est le fil conducteur des occasions manquées que l'on regrette, les décisions toujours difficiles à prendre à la croisées des chemins, les choix à faire, la vie que l'on rêvait et qui se révèle être une suite de grisailles. Les apparences ne sont parfois bien trompeuses, c'est ce que souligne l'auteur avec l'histoire de Valérie devenant Julia (Roberts!!) pour s'offrir, le temps d'un voyage en train, une parenthèse voire une autre vie. Les stéréotypes sont au coeur des personnages principaux qui en deviennent prévisibles: Muriel, d'une minceur sans féminité, à la chevelure terne qui se clairsème, admirative devant le charisme de Nicolas (son ex amant) et castratrice vis à vis de son mari, Vincent, qui n'a pas l'heur d'être aussi brillant (en apparence) ni aussi carriériste que son ami Nicolas. Muriel déteste d'emblée Julia, déteste tout de suite son glamour et sa féminité triomphante, et devient une caricature de femme intellectuelle frustrée et amère, une femme que l'on n'aime pas malgré la souffrance qu'elle cache. Jean-Pierre, le dragueur éternellement rustre, symabole d'une "beaufitude" grasse et écoeurante, pauvre crooner sans classe et suintant d'autosatisfaction minable; cet homme, on sait tout de suite que le voyage ne se terminera pas vraiment bien pour lui, surtout lorsque Julia échange quelques mots avec son épouse. Nicolas, archétype de l'universitaire qui a tout pour lui, intelligence, charisme, charme, devient très vite agaçant: le mépris envers autrui suinte derrière ses propos aux apparences modernes et jeunes, son arrivisme ne peut être caché tant son égoïsme et son égocentrisme s'étalent au fil de ses interventions. Quant à Vincent, Caliméro universitaire, dont les recherches sur les bestiaires médiévaux sont la coquille, attendrit le lecteur par son côté discret et sa peur d'être vraiment lui-même; on espère le voir balancer leurs quatre vérité à sa femme et son meilleur ami, et surtout assouvir son désir de liberté.

Le Corail Paris-Toulouse emporte ses passagers dans la valse d'une autre vie, d'un autre destin que l'on se forge en écoutant enfin ses impulsions et ses envies. Il emporte aussi son lecteur dans une histoire certes plaisante mais surtout sans surprise et peu crédible. "Les poissons ne connaissent pas l'adultère" est un conte de fée moderne sans en posséder, hélas, la magie ni le merveilleux....dommage.

Lecture en partenariat avec Livr@ddict et les éditions JCLattès, que je remercie pour ce moment de détente!




Les avis de cathulu   evilys  soukee   amanda  chaplum   choco  malice 

dimanche 21 février 2010

Dimanche poétique # 13

Ce soir, je vous propose un haïku de Bashô, haïku saisissant d'humour et de facétie!

A un piment
ajouter des ailes:
une libellule rouge.

Les compagnons de voyage poétique de Celsmoon sont ICI  

jeudi 18 février 2010

Trois petits contes et puis s'en narrent!

Avec un jour de retard, la Bibli des p'tits chats propose une nouvelle lecture: "La vigne qui aimait un lierre et autres fables".
C'est le titre du livre qui m'a attirée lors de la dernière opération de "Masse critique": "La vigne qui aimait un lierre" a tout de suite mis en marche mon imagination, mis en effervescence mes souvenirs de légendes grecques et latines et chatouillé ma fibre de lectrice de conte. Je voulais abolument savoir le pourquoi du comment de cette histoire étrange de vigne amoureux d'un lierre.
C'est avec un immense plaisir que j'ai lu les trois contes de ce recueil: dès les premières lignes, je me suis trouvée immergée dans un univers médiéval aux senteurs de garrigues et d'oliviers, aux effluves salées d'une mer proche, aux fragances d'une montagne un tantinet sauvage. Puis, plus loin, ce fut l'ambiance d'une ville lors de la Renaissance italienne où le tintinabulement des mâts dans le port scande le temps qui passe. Enfin, les monts de l'Olympe retentirent des rires et interrogations des dieux, de tous les dieux, au cours d'un banquet réservant bien des surprises.
Les trois contes sont imprégnés des légendes, écrites ou orales, qui courent dans les mémoires collectives.
Ainsi, le conte "La vigne qui aimait un lierre" évoque-t-il l'amour qui perdure au-delà de la mort: le tanneur d'un village cathare devient veuf et est à un tel point inconsolable qu'il perd goût à tout ce qui l'entoure. Au fil du temps, ce dernier parvient à surmonter son chagrin et s'en va chercher femme dans le voisinage. Or, à chaque fois qu'une possible union peut se concrétiser, quelque chose la fait échouer; et fait extrordinaire, la vigne vierge plantée par la défunte épouse, croît à l'aune des recherches infructueuses comme pour le consoler de ne pas trouver l'âme soeur: la vigne vierge devient tellement luxuriante qu'elle colonise toute la maison jusqu'à en devenir l'élément essentiel. Puis, notre tanneur vieillissant s'alite pour ne plus se relever si bien qu'on le retrouve, ô prodige, métamorphosé en lierre et étroitement enlacé avec la vigne dont le visage ressemble à celui de Ludine, l'épouse disparue. "La vigne qui aimait un lierre" est un écho de la mythologie greco-latine et on en peut que se rappeler des métamorphoses des amants désespérés qui jalonnent les récits d'Ovide. L'amour au-delà de la mort, le gage de retrouver, dans l'au-delà, l'être cher que l'on n'oublie pas: la mémoire est le fil invisible qui tisse les souvenirs, ceux qui ont leur place dans le coeur des vivants.
"La cité des sots" est un conte amusant, métaphore du désir inepte de suivre la mode jusqu'au ridicule. Les habitants d'une ville italienne s'ingénient à avoir des idées plus idiotes que celles de leur doge. Ainsi lancent-ils la mode des aquariums qui envahissent peu à peu les moindres recoins des intérieurs et organisent la vie quotidienne de chacun...comme la mode devient vite une loi, personne ne peut y déroger et comme souvent, certains amassent des profits qu'ils désirent toujours plus importants. C'est pourquoi, des citoyens, "gavés d'or" et jamais repus, proposent un jour au doge de promulguer une loi stipulant le sacrifice, pour banqueter, desdits poissons. Ce qu'ils ne savaient pas c'est que les habitants, las des lois ineptes et surtout fatigués de payer pour respirer, décidèrent de se rebeller....et ce ne furent pas les poissons les premiers sacrifiés! "La cité des sots" apporte une inestimable pierre à la construction d'un bon sens qui lentement s'érode sous les assauts du marchandising et du marketing outranciers; et est un appel à la vigilance de chacun: trop suivre les diktats de la mode, trop en tirer parti peut s'avérer être dangereux...aussi, le plus simple ne serait-il pas de ne pas y succomber, même si cela signifie être en dehors du groupe?!
"Le dernier dieu" est le récit, conté, de la disparition des dieux, êtres suprêmes ayant oublié de penser au-delà de leur égoïsme et de leur égocentrisme tant ils sont accaparés par leur apparence, leur suffisance et leur sentiment d'importance. A ne recevoir qu'offrandes et hommages, les voilà délaissés, ne possédant plus l'oreille des hommes qui les oublient et les négligent. Comment remédier à la situation? En élisant un dieu parmi le Parnasse! Mais pour qui voter? L'orgueil, le mépris de l'autre s'en mêlent pour donner corps aux débats et attirer les foudres du Grand Cosmos: chacun est persuadé d'être le plus infaillible, le plus important et le plus craint! Or, si l'amour, la tempérance et la simplicité étaient l'essence même du message divin, est-il fondamental d'être "le plus" en tout? Clin d'oeil final: le dernier dieu, le petit Obonenbe, croque une délicieuse pomme, rescapée du divin banquet,...."Les hommes pouvaient revenir maintenant".

L'écriture, à la première personne, est le billet d'entrée immédiate dans l'univers du conte: le narrateur emmène, avec douce autorité, son lecteur, son auditeur, au coeur de ses histoires. La force suggestive des mots plonge l'imaginaire dans le dédale, organisé, des légendes et des époques, et laisse de petits cailloux pour retrouver son chemin grâce à la mémoire collective que chacun garde au fond de lui. Jean-Sébastien Blanck réussit à captiver par ses contes frais et pourtant graves, et à déposer, au creux des mains des lecteurs, des pépites permettant de regarder autrement le monde: aller au-delà des apparences, ne pas plier l'échine sous le fardeau de la peine et de la tristesse et ne s'en laisser trop conter pour ne pas être grugé. Le tout, servi par un style très agréable, très vif et coloré et surtout joliment illustré: l'image et le texte se complètent et s'interprêtent joyeusement.
"La vigne qui aimait un lierre" est un recueil de contes modernes aux judicieux accents d'autrefois....à mettre entre toutes les mains!

Je remercie Babelio et les charmantes éditions Alzabane pour ce très joli moment de lecture!


lundi 15 février 2010

Prix des lecteurs du Télégramme

Ce matin, un courriel du Télégramme annonçant les 10 titres retenus pour la 8ème édition du Prix des lecteurs du Télégramme...de belles lectures en perspective! J'en ai lu un qui ne m'a guère convaincue (le fameux cercle littéraire de Guernesey) mais j'espère faire d'agréables découvertes avec les 9 autres!

Paris Brest - Tanguy VIEL (MINUIT)
Terre des affranchis - Liliana LAZAR (GAÏA)
La peine du menuisier - Marie LE GALL (PHEBUS) (dans ma PAL, fait partie de mon challenge perso!)
Le passé est une terre étrangère - Gianrico CAROFIGLIO(RIVAGES )
Courbatures - Paul FOURNEL (SEUIL)
Taxi - Khaled AL KHAMISSI (ACTES SUD)
La délicatesse - David FOENKINOS (GALLIMARD)
Le cirque chaviré - Milena MAGNANI (LIANA LEVI)
Démon - Thierry HESSE (Editions de l'OLIVIER)
Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates - Marie Ann SCHAFFER et Annie BARROWS (NIL)

Le succès du prix dépend pour une bonne part de l'adhésion des bibliothèques, de leur mise en avant de la sélection.
Il vous permet de proposer une action auprès des lecteurs, d'animer des comités de lecture, d'engager discussions et débats.
Nous comptons spécialement sur vous pour encourager les lecteurs à s'inscrire, puis à voter.
Important : 30 votants tirés au sort gagneront chaque mois de juillet 2010 à juillet 2011, un Chèque Lire de 15 euros.
Les bibliothécaires peuvent aussi participer au prix, voter et gagner.
En 2009 Le Prix des Lecteurs a enregistré plus de 1000 votes et joué ainsi pleinement son rôle de promotion de la lecture.
En avril et mai, les auteurs viendront rencontrer les lecteurs.
Ces rencontres largement annoncées dans le journal, feront aussi l'objet d'un compte-rendu photo en pages locales. Ces échanges avec lecteurs et bien sûr, le nombre d'inscrits sont autant de signes qui permettent de juger de l'intérêt porté au Prix des Lecteurs.
A partir du dimanche 14 mars, chaque dimanche, le Télégramme consacrera une page au Prix des Lecteurs : reportages, interviews de lecteurs, de bibliothécaires, portraits d'auteurs, présentation des romans, la rédaction du Télégramme se mobilise pour que le prix des lecteurs s'inscrive dans la durée et concerne le plus de lecteurs possible..
in courriel adressé par Le Télégramme de Brest
(site http://www.letelegramme.com pour tout savoir sur ce Prix des Lecteurs)
 

Si, si on lit des albums aussi!


Hérisson a lancé un challenge consacré à la lecture d'albums jeunesse "Je lis aussi des albums!". Je n'ai pas hésité longtemps car dans ma classe de maternelle, je lis chaque jour plusieurs albums!!! J'espère, seulement, ne pas avoir les yeux plus grands que le ventre en m'engageant pour le défi de 24 albums!!!
Et, sans le savoir, j'ai déjà pas mal entamé ce défi....mais chuuuut.
Pour plus de renseignements c'est chez Hérisson !

dimanche 14 février 2010

Dimanche poétique # 12

En ce jour dédié à l'amour, je vous invite à la lecture d'un sonnet écrit par un des poètes, par excellence, de l'amour, notamment courtois: Francesco Pétrarque (1304-1374)



Béni soit le jour...

Béni soit le jour, bénis le mois, l'année
Et la saison, et le moment et l'heure, et la minute
Béni soit le pays, et la place où j'ai fait rencontre
De ces deux yeux si beaux qu'ils m'ont ensorcelé.


Et béni soit le premier doux tourment
Que je sentis pour être captif d'Amour
Et bénis soient l'arc, le trait dont il me transperça
Et bénie soit la plaie que je porte en mon coeur

Bénies soient toutes les paroles semées
A proclamer le nom de celle qui est ma Dame
Bénis soient les soupirs, les pleurs et le désir.

Et bénis soient les poèmes
De quoi je sculpte sa gloire, et ma pensée
Tendue vers elle seule, étrangère à nulle autre.

La VO, spécialement pour Mirontaine:

Benedetto sia 'l giorno, e 'l mese, e l'anno,
e la stagione, e 'l tempo, e l'ora, e 'l punto,
e 'l bel paese, e 'l loco ov' io fui giunto
da' duo begli occhi, che legato m'hanno;

e benedetto il primo dolce affanno
ch'i' ebbi ad esser con Amor congiunto,
e l'arco, e le saette ond'i' fui punto,
e le piaghe che 'n fin al cor mi vanno.

Benedetto le voci tante ch'io
chiamando il nome de mia donna ho sparte,
e i sospiri, e le lagrime, e l' desio;

e benedetto sian tutte le carte
ov'io fama l'acquisto, e l' pensier mio,
ch'è sol di lei, si ch' altra non v' ha parte.

Pour illustrer ce beau poème, un tableau, splendide, d'un peintre italien renommé: Le Caravage (1571-1610) qu'il a peint entre 1602 et 1603.

(L'Amour vainqueur)

Les choix poétiques des compagnons de voyage de Celsmoon sont à lire ici  .

La fête de l'amour

Nous l'avons fêtée hier soir, autour de coupes de champagne (cuvée Romance....qui fit pétiller aussi notre mariage). Comme chaque année, c'est notre libraire qui a eu la joie d'empaqueter les présents choisis chacun de notre côté (elle rit encore de notre achat identique "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur"!!!). Pour mon cher et tendre, ce fut le premier tome du  roman de Jorn Riel illustré par Christel Espié "Le garçon qui voulait devenir un être humain".
Pour moi ce fut le dernier roman de Hubert Haddad, dont j'avais adoré le roman "Palestine", "La géométrie du rêve"....(mon mari me connaît par coeur)
 
Je vous livre les premier et dernier paragraphes:
 
"Personne n'a aimé comme j'ai aimé. Pourtant il y eut d'autres femmes. J'ai vécu d'autres matins après la nuit de Londres. C'est avec une sombre joie que je brûlerai mes manuscrits pour vivre à nouveau un pareil amour, pour trahir Fedora dans la folle pensée d'elle. Et pour tout recommencer sans mémoire. Mais l'océan qui gronde n'est pas le Léthé."
 
"Les grands arbres du parc embaument après la pluie. Il y a comme des floraisons dans l'air. Partout les sourates des merles appellent les distances à courber l'échine. Le crépuscule à Ker-Lann rapproche l'Océan des étoiles. Dans cet apaisement religieux, je sais que tout pourrait finir: aucune survie ne me contente, et la postérité serait une insulte. On ne meurt que d'avoir aimé, je crois, dans un tombeau pareil au monde. Mais la nuit s'étend, des chauves-souris s'échappent des anfractuosités, on entend au loin la sirène d'un navire. Il est temps de regagner mon poste, là-haut, dans la chambre de veille. Qui se souviendra de moi?"

Mot de l'éditeur (Zulma...j'adore!!):

"Pour tenter d'oublier Fedora qu'il a aimée à en mourir, un romancier s'exile sur les côtes du Finistère, dans un vieux manoir dominant l'Océan. Emporté par l'esprit des lieux, il commence un journal intime où peu à peu se mêlent personnages réels et fictifs. De Fedora, soprano lyrique qui se donne le jour mais se refuse la nuit, à l'étudiante japonaise persécutée par son frère yakusa, les héros de ses romans, ses maîtresses disparues, ou encore Emily Dickinson, prennent un même caraétère de réalité. Mille et Une Nuits d'un insomniaque qui se raconte des histoires, Géométrie d'un rêve, traversé par les figures de Faust, la Tosca ou Othello, est le roman de la jalousie inexpiable et de l'amour fou."

....tout un programme, non?

Est-ce faire les magasins que d'aller acheter des livres à la librairie?

jeudi 11 février 2010

Marie-Madeleine du XXIè siècle


Paris, un jour au XXIè siècle,siècle qui voit les bouleversements climatiques chambouler les paysages quotidiens, les prériodes de sécheresse succèdent aux trombes d'eau, les étés sont brûlants et sec, le reste de l'année, les fleuves et les rivières s'étendent hors de leur lit, le Zouave est immergé, la Seine prend ses aises et déverse ses détritus. Une jeune femme descend du Sacré-Coeur pour rejoindre Notre-Dame, aimantée par un étrange appel. Elle achète un flacon de son parfum préféré, le nard, son luxe intime et inamovible, regardant avec compassion les grandes bourgeoises gonflées au silicone et remodelées par le bistouri d'une dictature de l'apparence, conditionnées par le besoin superflu de l'avoir et de l'argent, vénalités désolantes et futiles. Puis, elle rejoint un groupe d'hommes et de femmes et s'approche d'un jeune homme pas comme les autres: de lui émane une grande spiritualité, elle débouche son flacon de nard précieux , l'oint de cette eau parfumée et lui essuie les pieds avec ses cheveux dénoués . C'est le Christ revenu parmi les hommes, elle est Marie-Madeleine, l'épouse et la maîtresse, celle qui l'a reconnu entre les hommes.

Alina Reyes, entre le Ier et le XXIè siècle, promène son lecteur au coeur d'une Bible revisitée, au coeur d'une spiritualité que la modernité galopante a endormie. Elle fait revivre une Marie-Madeleine éprise d'un Christ, au-delà du charnel, éprise d'une envie d'un ailleurs où le matériel n'est plus une base du désir... et pourtant, Dieu sait combien elle aime les hommes, leurs corps, leur sueur, leurs maladresses comme leurs tendresses, leurs solitudes et leurs désirs. Le lecteur se laisse emporter dans le flux d'une croisade sur les chemins de Lourdes et Compostelle; il se laisse aller dans un élan de frugalité, de hiérachisation des besoins essentiels, d'abandon de tout ce qui peut parasiter l'envol vers un appel à la spiritualité recentrant l'homme au coeur de son essence même.

L'héroïne, Marie-Madeleine moderne, est d'une sensualité envoûtante et d'une beauté chatoyante tout en restant humble et simple: elle sacrifie sa chevelure, emblème de la féminité splendide et charnelle, pour mieux accompagner le message du Christ. D'ailleurs, son sacrifice expiatoire a-t-il réellement servi? Les hommes ont-ils retenu la leçon du don de soi de l'homme sur la croix? Lorsque cataclysmes, égoïsmes, violences et ténèbres engluent l'humanité dans un asservissement au toujours plus, on peut se poser la question!

"Souviens-toi de vivre" est un roman qui m'a laissée perplexe par son argument littéraire inattendu et un certain flou dans le déroulement du récit. Pourtant, l'écriture, le style de l'auteure sont suffisamment agréables pour donner envie de continuer à accompagner les personnages, de savoir la fin de leur histoire, de leurs interrogations. Un peu déconcertée par la tournure de l'intrigue, j'ai décidé de me laisser porter (afin d'aller jusqu'au bout du roman) par l'atmopshère du roman, par les images en filigrane d'une société perdue dans l'immensité de l'abondance, dans l'abîme de la superficialité et de l'individualisme, par le romanesque (est-ce iconoclaste de parler de romanesque au sujet de la quête du Christ?) des héros, personnages aspirant à autre chose que cette matérialité qui ronge le monde et le détruit chaque jour un peu plus. Je me suis positionnée un peu comme devant un tableau ou une installation d'art moderne: saisir un fil conducteur, même infime, et laisser libre cours à la démabulation de l'imaginaire, de la sensibilité que l'on a au fond de soi.

Ai-je aimé ou pas ce roman? Je serais bien en peine de formuler avec précision mon sentiment! J'en garde une émotion due à l'écriture sensuelle, mais sans ostentation, aux réminiscences de mes lectures de cathéchisme, celles des classiques, au souvenir de mes cours d'histoire de l'art et des religions lors de mes études universitaires...ces mille et un petits riens, construits au fil du temps, qui remontent à la surface pour éclairer une lecture qui semble, a priori, échapper à la compréhension.

"Souviens-toi de vivre"....une expérience indicible?




Les avis de

Merci à Ulike.net   pour cette lecture surprenante.
 
 
 
 
"La Madeleine chez le Pharisien" Jean Béraud (1891) 
 
NB: Christ sous les traits de Albert Duc-Quercy (1856-1934), journaliste socialiste Simon le Pharisien sous les traits de l'écrivain Ernest Renan (1823-1892)

mercredi 10 février 2010

Les beaux moments d'une vie de lutin

Il était une fois, un adorable petit lutin au bonnet arc-en-ciel..... Son quotidien est décrit en rimes et jeux sur les mots et sur les sons, sur les images évocatrices, en tendresse et avec humour.
Entre les espiègleries dans la baignoire (les pipis dans l'eau ont fait recette auprès de mes élèves), les facéties avec la terre (les enfants étaient en terra cognita...sans jeu de mot!!), la poésie de la rêverie (la poésie sur le nuage et le ciel gris les ont charmés), le regard sur le bleu et son devenir (l'interrogation sur le vocabulaire est vraiment intéressante: pourquoi appelle-t-on bleu un "bleu" qui ne sera jamais bleu??? Les mystères de la langue françaises sont aussi impénétrables que ceux de Dieu!), toute la vie d'un lutin haut comme trois pommes, haut comme un bambin de 2/3/4 ans, défile sous les mots doux et sucré d'une poésie qui parle aux petites têtes blondes, rousses et brunes!
Non seulement, les textes sont d'une jolie sensibilité, mais les illustrations sont en adéquation avec le monde coloré de l'enfance contemporaine: des couleurs acidulées et vives en même temps, des camaïeux chauds et froids mettant en valeur le lutin "arc-en-ciel" et la rondeur de l'enfance avec le visage lunaire de notre gentil Pierrot. Les thèmes abordés sont ceux d'un quotidien vécu par les jeunes enfants, la musicalité de la langue rebondit sur des images très évocatrices pour eux: lorsque je lisais, à voix haute, les poèmes à mes petits élèves, je sentais qu'ils étaient très réceptifs...d'ailleurs, ce qui est révélateur, à la fin de la lecture poétique, ils m'ont tous dit "C'était bien cette histoire! Tu pourras la redire?!"
"L'ami bonnet" est très rapidement devenu l'ami des enfants avant de partir travailler en atelier ou avant de retrouver les mamans, papas, taties et compagnie à 16h30! La première poésie se retrouvera en accompagnement du prochain cadeau de fête des mères...mille et un mercis mon ami bonnet!!!!
Mes petits élèves ont eu un faible pour "Dans mon bain/ Je suis bien/ Je barbote...." et "Un peu de terre marron/ Pour faire du chocolat/ Si bon...", je dois préciser qu'ils sont dans leur période "pipi/caca/popo", ce qui peut expliquer leurs choix. Quant à moi, je n'ai pas pu me décider: je les aime toutes!!!!
Je remercie BOB et les éditions Philomèle pour cette très jolie lecture, lecture qui se picore et re-picore entre deux séances d'apprentissage, instants précieux de poésie, de tendresse et de rêverie...essentiels pour être tout simplement bien. Je remercie aussi les auteures pour avoir su gagner le coeur, délicieusement enfantin, de mes petits élèves et surtout de les aider à laisser leur âme vagabonder dans un ailleurs, trop souvent dédaigné, celui des couleurs qui se mêlent, s'emmêlent et se démêlent au rythme de l'arc-en-ciel de la vie!

les avis de BOB 
pour connaître un peu mieux la maison d'édition c'est  ICI 




(3/24)

dimanche 7 février 2010

Hommage au Plat Pays

On n'oublie pas une partie de sa vie passée dans le Nord de la France....la chanson de Brel mettant en vers et en musique ce plat pays si changeant et si beau parfois, m'a toujours beaucoup émue. J'hésitais entre un poème de Baudelaire et cette chanson, finalement j'ai opté pour cette musicalité d'un paysage étonnant.

Le plat pays

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l'est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien



Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir
Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir
Le plat pays qui est le mien



Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien



Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut
Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.

Jacques Brel
clic
Les compagnons de voyage de Celsmoon sont ici 
 
(Vue panoramique d'une plaine avec moulin à vent - Rembrandt - )

samedi 6 février 2010

Galerie de bonshommes

C'est affreux de vivre la panne d'écriture non accompagnée de panne de lecture: les chroniques s'entassent dans les limbes d'une écriture qui ne court pas sur le clavier.
Cette semaine, en classe, ce fut travail en pâte à modeler et variations, très réussies je trouve, sur le bonhomme: mes loupiots, malgré leur énergie plus que débordante, parviennent à faire autre chose que de générer rouspétances et gros yeux chez leur maîtresse...ouf, car parfois je suis au bord du désespoir pégagogique et j'ai comme la désagréable impression de muter en maîtresse-perroquet.
Je vous offre une mosaïque de bonshommes modelés, dans la douleur de l'effort, par les mimines de mes petits élèves de 4 et 5 ans (section des "Moyens").


mercredi 3 février 2010

Salamandre et Totoro

Je continue la découverte de l'univers de Jirô Tanigushi avec un autre opus: "La montagne magique". Ken-ichi et sa petite soeur Sakiko se séparent quelques temps de leur maman qui doit être hospitalisée en urgence et sont confiés à la garde de leurs grands-parents pendant l'absence de cette dernière. L'inquiétude ronge Ken-ichi, malgré la liberté des vacances d'été: il a peur de perdre sa mère comme il a déjà perdu son père. L'histoire de cette attente particulière est relatée par Ken-ichi, devenu adulte, et mêle à la crainte viscérale de la perte d'un être cher les joies insouciantes de tout jeune garçon aimant jouer dehors avec ses copains. La ville de Ken-ichi (qui s'avère être la ville natale de l'auteur)est dominée, depuis toujours, par une montagne que l'on dit gardée par des sorcières, une montagne que l'on dit aussi magique. Un jour, surpris par une averse d'orage, Ken-ichi s'abrite à l'intérieur du musée où il en profite pour regarder les multiples collections. C'est alors qu'un prodige a lieu: une voix l'appelle et lui demande de l'aide, cette voix émane d'une drôle de bestiole, une salamandre prisonnière d'un aquarium. Ken-ichi est très effrayé, prend ses jambes à son cou et revient chez lui trempé; la nuit, la salamandre lui parle encore en rêve, aussi, le lendemain, décide-t-il de lui rendre à nouveau visite en compagnie, inattendue, de Sakiko. La salamandre leur promet d'exaucer leur voeu le plus cher en échange du retour à la liberté, dans la source d'eau pure dormant au coeur de la montagne. Le frère et la soeur se lancent dans l'aventure et pénètrent au coeur de la montagne magique où ils rencontreront des esprits étranges et le père de la salamandre, protecteur de la montagne et de la ville. Ils rencontreront, également, un homme au visage vaguement familier, un homme qui fit partie de leur vie...leur père.
"La montagne magique" reprend les thèmes chers à Jirô Tanigushi: le retour à l'enfance, les légendes, l'amour de la nature et de l'environnement ainsi que la peur, la douleur de perdre un être cher. Certes, le scénario apparaît plus léger que celui de "Quartier lointain", le dessin est plus européanisé (d'ailleurs, en exergue de la BD, Tanigushi explique son intérêt pour la BD européenne), le propos parfois très naïf, mais l'ambiance teintée de douce nostalgie fait que la lecture de l'histoire est agréable....un instant de quiétude, de temps suspendu dans un monde qui va toujours plus vite que la veille!
J'ai été sensible à la fratrie unie face à l'hospitalisation de la mère....l'univers de Myasaki était en filigrane, la salamandre remplace le Totoro protecteur de la forêt et ami des enfants, êtres au coeur pur.
Cerise sur le gâteau: une interview, "La mangaka au regard d'enfant", de l'auteur menée par Muriel et Stephane Barbery!

Adapté par Kaoru Sekizumi, traduit du japonais par Corinne Quentin

Les avis de bededazi   fanyoun  sandrine   naina  joëlle 


lundi 1 février 2010

Découvrir la SF soviétique

Je suis une lectrice friande de SF même si je n'en lis pas autant que je le souhaiterais. Lorsque "Dimension URSS", anthologie de nouvelles SF russes, est passé entre mes mains c'est avec avidité que je me suis lancée à la découverte des auteurs russes (je n'en ai lu qu'un seul: Asimov).
Un univers, loin des conflits interplanétaires ou spatiaux, s'est ouvert au fil des pages, un monde où l'humanisme, la foi en l'Homme ou en la montée bénéfique des progrès scientifiques et technologiques, sont de mise malgré quelques critiques, sousjacentes et savamment distillées à mots couverts, du système soviétique.
Certains auteurs revisitent le mythe de la femme parfaite, rêvée: la Galatée du futur, sublime androïde à la plastique irréprochable, après avoir comblé l'ego créateur de son Pygmalion, lentement use l'accable de son sourire toujours angélique, de son regard toujours attentif (quand il lui demande d'être avec lui) malgré l'absence de lumière dans ses prunelles, érode sa satisfaction de démiurge l'espace d'une rencontre avec celui qui l'enlèvera. La vacuité de la domination du Maître est à l'aune du monde mécanique qu'il a créé: un désert d'affection au coeur duquel l'oasis du souvenir de la femme aimée sur Terre n'est qu'un amer supplice. J'ai aimé la manière dont la légende grecque a été revisitée à laquelle l'auteur a apporté une dimension plus subtile: la maturité ouvre les yeux à notre Pygmalion et lui fait comprendre que programmer des sentiments humains à un robot, aussi sublime soit-il, ne peut remplacer l'être vivant, unique en son genre doté de ses contradictions, de ses impulsions et de son âme. L'être humain est une page vierge qui sans cesse se noircit, qui parfois s'efface pour mieux s'enrichir, une histoire qui ne ressemble à aucune autre. La poésie du regard désabué du démiurge au sommet de son art, imprègne la nouvelle d'une mélancolie sourde, prémice d'une méditation sur la vacuité des avatars programmables.
Le premier texte, une pièce de théâtre "La Terre, Scènes des temps futurs", m'a immédiatement transportée dans la caverne de Platon: une ville souterraine sombre dans lentement dans la nuit des connaissances perdues dans le labyrinthe d'une technologie inemployée, jusqu'au jour où une lueur appelle à monter vers la lumière naturelle de l'extérieur: doit-on briser les chaînes d'une ignorance confortable pour affronter le danger d'une vérité dérangeante? Cette lumière sonnera-t-elle le glas de l'humanité en voie d'extinction ou lui permettra-t-elle enfin un envol salutaire? Une société qui laisse une place trop importante à la robotisation risque, à long terme, de ne plus avoir prise sur le savoir-faire technique et technologique et d'oublier tout ce qui peut la faire vivre et survivre. La déshumanisation des tâches mécaniques est un leurre dont la société moderne ne semble pas prendre conscience.
Certes, le credo des années Rideau de Fer est là et bien là: l'amitié entre les peuples est un des thèmes récurrents ainsi que la peur d'une escalade des menaces guerrières (une des nouvelles "Vingt millards d'années après la fin du monde" de Pavel Amnouel) annonciatrice de la fin du monde; cependant, la vision à dimension humaine des futurs imaginés, entraîne le lecteur dans un univers presque connu. Les écritures sont efficaces, concises tout en apportant une dimension poétique et romanesques aux récits.
"Dimension URSS" est un voyage prenant dans l'espace fantastique d'une littérature soviétique où la SF était le seul imaginaire autorisé par Staline et ses successeurs...on se demande bien pourquoi d'ailleurs.

Lecture en partenariat avec Livraddict et La Rivière Blanche.




L'avis du cafard cosmique  ICI
Une interview de l'auteur de l'anthologie LA