jeudi 28 février 2008

Quand un chat nous observe

"Je suis un chat. Je n'ai pas encore de nom." Ainsi commence le roman de Natsume Sôseki dont le héros est le chat de la maison d'un professeur d'anglais.
Ce chat s'est incrusté, comme savent si bien le faire les chats, chez le professeur Kushami et observe, goguenard les us, moeurs et coutumes des êtres humains.
C'est ainsi que le chat de la maison philosophe, donne son avis avec humour et ironie sur les personnages qui vont et viennent chez Kushami. Qui ne s'est jamais demandé ce que pouvait penser un animal domestique de son maître? Ici, le chat se moque allègrement de son maître qu'il dépeint comme étant un original, un tantinet idiot, qui se prend pour un intellectuel de haut vol! La causticité du discours félin permet de mettre en exergue les défauts innombrables de l'homme.
Le chat brosse une galerie de personnages hauts en couleur et à des degrés divers de ridicule. Meitei, ami du professeur, est un homme hâbleur, pédant au possible, inventeur d'histoires plus saugrenues les unes que les autres aux accents véridiques édifiants. Meitei aime se moquer d'autrui (et aussi de lui-même ce qui le rachète un peu) et n'hésite pas une seule seconde à ridiculiser Kushami en lui faisant avaler n'importe quelle couleuvre.
Kangetsu et Tofu, jeunes hommes, sont les produits de la réforme Meiji contrairement à Kushami et Meitei qui ont leurs racines dans l'ancien Japon. C'est un peu la confrontation des anciens et des modernes, du savoir et de l'argent. Le Japon est en train de changer, de s'ouvrir au monde occidental, et laisse de côté une partie des intellectuels et des citoyens. Ils ne comprennent pas la nécessité des changements ni où ces derniers les mèneront.
Les personnages féminins sont loin d'être de beaux portraits de femmes. En effet, la femme de Kushami est l'archétype féminin (la femme est une calamité nécessaire) aux yeux de Sôseki: tout juste lettrée, sans éducation, un peu vulgaire, ne pensant qu'à l'argent et peu à son apparence, souvent négligée, ne saisissant pas les qualités intellectuelles de son époux. Cependant le chat, ironiquement, met en miroir les aspects peu soignés de son maître (il a les cheveux gras, il ne change pas souvent de linge de corps...) ce qui contrebalance les reproches faits à l'épouse. Le chat serait-il un brin moins misogyne que Sôseki? Quant à la fille de Kaneda, l'homme d'affaires aisé, elle n'est qu'une pimbêche capricieuse, égoïste et méchante.
"Plus j'observe les humains avec qui je vis, plus je me sens porté à affirmer que ce sont des égoïstes. Les enfants en particulier, dont je partage quelquefois le lit, ont une conduite au-delà de toute expression. Quand l'envie leur en prend, elles (le professeur a trois filles) vous mettent les pattes en l'air et la tête en bas, vous enferment la tête dans un sac, vous lancent çà et là et vous bourrent dans le four de la cuisinière. mais que j'essaie de montrer un peu mes griffes, et voilà toute la famille à mes trousses pour me molester." (p 26)
Tout au long du roman, le chat, observateur des attitudes humaines, prend un malin plaisir à démonter par l'analyse les actes et les paroles des hommes qu'il côtoie. Il a un talent pour souligner la bêtise humaine: le professeur et ses amis passent leur temps à s'occuper de futilités, sans prendre conscience qu'ils sont en train de perdre leur temps (la marche du progrès est en route et ne les attend pas) et que leur centre d'intérêt est des plus ridicules (ah! la petite guerre d'usure entre les élèves de l'école voisine et le professeur...de vrais moments d'antologie!)


Un extrait pour vous mettre dans l'ambiance:

"Mon maître et moi nous trouvons rarement face à face. Il paraît qu'il est professeur. Quand il revient de l'école, il s'enferme dans son bureau pour le reste de la journée et n'en sort presque pas. Sa famille le prend pour un homme très studieux. Lui aussi fait semblant de l'être, mais en réalité ce n'est pas le travailleur que l'on croit ici. De temps en temps je me glisse à pattes de chat dans son bureau pour jeter un coup d'oeil et je le trouve souvent en train de faire un petit somme. Parfois, il bave sur le livre qu'il a commencé à lire." (p 25)

"Je suis un chat" est un roman, dans la lignée du "Chat Murr" d'Hoffmann, qui démontre que les écrivains japonais peuvent avoir un sacré humour et une grande capacité d'auto-dérision!!! Un vrai régal à lire et à relire (pour en apprécier encore plus tout le sel!).

Merci Vanessa qui m'a proposé ce beau cerf-volant.

Roman traduit du japonais par Jean Cholley

L'avis de Grominou

Titre de mon Défi lecture "Le Nom de la Rose"

mercredi 27 février 2008

Mythologie et modernité

Depuis la naissance du Christianisme, rien ne va plus chez les dieux de l'Olympe. D'ailleurs, ils ont quitté leur superbe palais de l'Olympe pour acheter une bicoque à Londres, profitant des bas prix suite au Grand Incendie! Les centaines d'années passent, puis les millénaires, rien ne change hormis la perte de puissance de leurs pouvoirs.
Nous sommes à Londres, au XXIè siècle, Artémis qui promène des chiens (eh oui, les dieux ont été obligés de prendre de petits boulots) dans un parc londonien, voit une anomalie dans le paysage: un nouvel arbre, un eucalyptus australien! Artémis s'en approche donc, soupçonnant une intervention divine et entame la conversation avec l'eucalyptus qui se révèle avoir été une jeune femme australienne. Cette dernière a refusé les avances d'un jeune homme, Apollon qui furieux l'a transformée en arbre. C'en est trop pour Artémis qui ne supporte plus les frasques de son frère ni l'atmosphère confinée, nauséabonde et délétère de la maison!
Qu'il est difficile de se reconvertir lorsque les hommes, ces pauvres mortels dépourvus de reconnaissance, ne croient plus en vous, les dieux et déesses de l'Age d'or grec! Arès est muet mais cela ne l'empêche pas de fomenter conflits et escarmouches, Zeus et Héra sont confinés dans les combles attendant que reviennent de meilleurs jours, Aphrodite s'éclate avec le téléphone rose et roucoule des obscénités dans son portable, Eros est en pleine crise mystique et voue une admiration sans borne à Jésus, Apollon, le tombeur de ces dames, obsédé sexuel se recycle animateur-devin dans une émission de quatrième zone, Dionysos tient une boîte de nuit glauque, Hermès en complet-veston est par monts et par vaux, Déméter boude et Perséphone rechigne de plus en plus à venir cohabiter dans la maison minable londonienne tandis qu'Héphaïstos s'occupe de colmater les brèches et fissures du logis et qu'Athéna, la sagesse personnifiée, cherche désespérement la solution à leurs problèmes en convoquant la famille à des réunions dignes des conseils d'administration les plus pointus (ah! quelle maîtrise de la langue des technocrates chez Athéna, on se croirait dans une réunion de hauts fonctionnaires!!!).
Il fallait bien s'y attendre, après le dérapage de l'arbre, Apollon s'attire les foudres d'Artémis mais aussi celles d'Aphrodite qui décide de se venger. C'est ainsi que notre "latin lover" tombe éperdument amoureux d'Alice, petit bout de femme mortelle rondelette et effacée qui se meurt d'amour pour Neil et n'ose le lui dire. Par un hasard des plus opportuns (dis, Hermès, tu n'aurais pas été sollicité par hasard?), Alice, après avoir perdu son travail de femme de ménage, arrive chez nos Olympiens pour proposer ses services. Artémis, toujours pragmatique, en a assez de la crasse et du sordide de la bicoque, l'engage sans savoir que ce geste va entraîner une série d'évènements inattendus: un remake d'Orphée et Eurydice et la disparition du soleil! Aphrodite voit donc sa vengeance tourner aigre et en passe de provoquer l'extinction de la race humaine et peut-être celle des dieux! Heureusement qu'Artémis, toujours battante et logique, décide de prendre les choses à bras le corps et tenter le diable (euh, non, Cerbère et Hadès eux-mêmes) pour sauver la situation. Et voilà le lecteur embarqué dans une histoire échevelée, drôle, animée, dotée de clins d'oeil à la mythologie grecque, dans un rythme infernal digne des plus grands films d'action.
On ne peut rester indifférent à ces dieux tellement humains qu'ils ne valent pas mieux que les hommes et en sont d'autant plus attachants: ils éprouvent de la colère, de la jalousie, de la concupiscence, de la haine et de l'orgueil. Ils sont le reflet de notre société imparfaite, tantôt cruelle tantôt empreinte de sollicitude, tellement proches de nous qu'ils pourraient être nous-mêmes!
Une lecture amusante, drôle et légère, idéale pour oublier la gravité de ce monde....même si on souhaiterait que la mythologie soit encore plus présente.

Merci Cathulu pour cette lecture amusante et pleine d'humour!

Roman traduit de l'anglais (GB) par Erika Abrams

Les avis de Cathulu et Pascal

mardi 26 février 2008

Une re-découverte


Ce midi, j'ai accompagné mon repas d'un thé chinois: le grand Lapsang Souchong.

C'est un thé délicatement fumé, que l'on conseille de déguster lors d'un repas ou en journée.

Comme je re-découvre les joies du thé fumé, je n'ai mis qu'une demi-dose de thé pour ma théière. En effet, lors de mes années fac, j'étais une fervente buveuse de Lapsang Souchong, surtout lorsque j'allais déguster de délicieuses pâtisseries au salon de thé, à Rennes. Puis, je me suis éloignée de cette saveur et de ce bouquet si particulier.

Tout d'abord, dès l'ouverture du sachet, l'odeur fumée happe les sens. Puis, la texture des feuilles, noires, roulées, attire l'oeil.

Ensuite, les senteurs douceureuses et âcres du Lapsang Souchong embaument la cuisine à mesure que l'eau fait s'épanouir les feuilles. La couleur dans le mug est d'un beau rouge-orangé sombre.

Puis, arrive la dégustation....un beau mariage avec mon plat de tortis poireaux/tofu fumé et curcuma! Vraiment, j'étais sceptique et maintenant je suis litThéralement conquise! Je vais sans doute en faire hurler plus d'un...le thé est même agréable avec le roquefort! Le goût fumé est très subtil et délicat ce qui permet une alliance, certes originale mais concluante, avec des mets salés. La longueur en bouche de ce thé est agréable et douce.

L'odeur amère des oranges

Framboise Simon revient, cinquante ans plus tard, dans le village, en bord de Loire, de son enfance, "Les Laveuses". Personne ne reconnaît en cette veuve, la fille de Mirabelle Dartigen, accusée d'avoir causé la perte de onze villageois pendant l'Occupation allemande. Framboise a racheté la vieille ferme de sa mère, l'a rénovée puis y a ouvert une crêperie. Le seul héritage maternel: un vieil album tenant du cahier de recettes et du journal intime dans un désordre mystérieux et déroutant. Qui était réellement Mirabelle Dartigen, cette femme si implacable, si dure, si dépourvue de tendresse envers ses enfants?
Nous sommes à une quinzaine de kilomètres d'Angers, Yannick Dartigen est tombé au combat laissant seuls femme et enfants. Mirabelle est sujette aux migraines que seules les pilules de morphine peuvent apaiser. Mirabelle a une phobie: l'odeur, la vue des oranges, déclencheurs de ses maigraines. "Ca sent l'orange ici. En avez-vous apporté dans la maison?" (p 102). Lors de ses crises, Mirabelle n'est plus elle-même: la douleur insoutenable provoque des gestes de violence difficilement contrôlables, gestes qui ne lui laissent aucun souvenir.
Mirabelle est tout sauf sensuelle mais sa tendresse, son amour de la vie, sa sensualité féminine se retrouvent dans sa cuisine, ses merveilleux talents de cuisinière. Le lecteur se réjouit à la regarder préparer ragoûts de viandes ou de poissons, galettes et crêpes, confitures et pâtisseries ou conserves. Elle offre tout son amour tendre à ses arbres fruitiers à qui elle donne un nom tandis que ses trois enfants galopent dans les bois et sur les berges dangereuses de la Loire. Cassis, Reine-Claude et Framboise grandissent dans la peur de leur mère, dans leur incompréhension de cette femme intimidante et sèche, dans l'absence cruelle du père et dans une rancoeur qui leur fera commettre des actes aux conséquences désastreuses.
La guerre puis l'Occupation a changé le monde et les gens: les rumeurs courent, enflent, les soupçons grandissent et parfois des hommes et des femmes disparaissent de la vie quotidienne. Où sont-ils partis? Dans une autre région? Dans leur famille? Que de secrets sont éventés pour un morceau de viande, un médicament, une rancoeur longtemps enfouie. Que peuvent y comprendre des enfants qui voient en un Tomas, soldat allemand au regard clair et doux, une image paternelle idéalisée, un grand frère protecteur et débrouillard que l'on ne peut qu'admirer et adorer? Quel mal à le rencontrer sur les berges de la Loire, à se baigner avec lui, à jouer et plaisanter? Quel mal à l'aimer d'un amour moins fraternel, moins paternel? Quel mal à désirer l'avoir pour soi à jamais? Lorsque l'amour et la tendresse sont absents des bras maternels, est-ce incroyable de les chercher ailleurs, dans le regard complice et tendre d'un autre?
Framboise a compris le fonctionnement des migraines de sa mère: un jour, au marché, elle vole une orange et met le doigt dans un terrible engrenage. Puis, quand l'effet de la première orange se dissipe, le partage d'une autre orange en cinq quartiers, dont le dernier, très mince, est caché pour raviver les migraines de Mirabelle. Le quartier de trop qui amènera les enfants à se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Reine-Claude en souffrira la première puis l'effet domino produira une cascade d'évènements incontrôlables. Qui a tué Tomas Leibniz? La Résistance?
Les années passent, les enfants ont grandi, le monde a oublié ces sordides histoires. Framboise fait revivre les recettes de Mirabelle jusqu'au jour où son neveu et son épouse, avides de réussite et de gloire argentée, décident de lui mener la vie impossible pour récupérer le fameux album! Le passé revient cruellement à la surface, poussant Framboise dans ses ultimes retranchements: affronter la vérité ou céder. La vie amène souvent la possibilité de briser la chappe du silence, la pesanteur des secrets de famille et ainsi permettre à tous de revivre et respirer à nouveau. Framboise apprend l'évidence: elle est en train de reproduire le même schéma maternel. Elle ne sait pas être tendre avec ses filles et ne sait pas accepter l'aide d'autrui. La lecture assidue de l'album familial atypique, avec l'aide inattendue de Paul, le copain d'enfance bègue que l'on croit un peu simplet, ouvrira les portes de la prison intérieure de Framboise. La Loire s'écoule, lente, sombre, inconnue familière, happant le passé et les superstitions, enflant au gré des saisons et des pluies avant de se déverser dans l'océan....l'Histoire, les histoires la peuplent de secrets et de zones d'ombre, tel Génitrix, le brochet, divinité inquiétante d'une enfance sauvageonne. Le temps passe, elle s'écoule imperturbable, immuable et muette, distribuant ses douceurs dans les vergers et les vignobles. Derrière le calme et la nonchalance d'un fleuve, se dissimulent les passés inavouables et les rancoeurs héréditaires jusqu'au jour où le dépôt de ces tristes alluvions devient insupportable et s'étale au grand jour afin d'ensemencer de nouveaux départs.
"Les cinq quartiers de l'orange" est un roman où la sensualité est partout présente, où les odeurs, les images sont gorgées de saveurs et de sucs plus odorants les uns que les autres. Un roman où les allers-retours entre le passé et le présent mènent le lecteur à une lecture jubilatoire et savoureuse. Comment ne pas être touché, ému par le personnage extraordinaire de Mirabelle, femme blessée et souffrante car consciente de son incapacité à exprimer son amour pour ses enfants, femme qui ne se plie pas à la coutume et ne se remarie pas une fois devenue veuve? Comment ne pas être touché par Framboise et Paul, enfants puis vieillards solidaires? Comment ne pas tomber sous le charme d'une belle écriture pleine de tendresse pour ses personnages et pleine de tact? Un roman à lire sans modération!
Moustafette m'avait offert ce livre suite à mon séjour en "Doulce France", livre que je lorgnais depuis longtemps, offert souvent et à la lecture toujours remise à plus tard. Merci Mous pour ce prologement de séjour en bord de Loire!


Roman traduit de l'anglais (GB) par Jeannette Short-Payen


Les avis de clochette Mamzelle Sabrina Lily (qui nous livre très beau commentaire) Vanessa





lundi 25 février 2008

Un peu de douceur dans un monde de brutes....

Sept ans ont passé depuis qu'Anne Elliot a refusé, poussée par ses proches, la demande en mariage de Frédérick Wentworth parce qu'il n'est pas du même milieu qu'elle, qu'il ne fait de commencer sa carrière d'officier de Marine et qu'il ne possède qu'une maigre fortune. Les aléas de la vie sont parfois ironiques: lors d'une séjour à Bath, Anne sera amenée à côtoyer de nouveau Wentworth, devenu beau et aisé capitaine.
Le roman s'ouvre sur une scène extraordinaire: Sir Walter Elliot lisant "Le Baronnetage", livre dans lequel est consigné l'historique de la famille: les alliances, les naissances, les mariages, les décès, les titres reçus, les biens, bref, tout ce qui a construit la noblesse de la famille Elliot! D'emblée, Jane Austen pose les jalons de la personnalité de ce personnage, d'abord peu sympathique car imbu de ses titres malgré les revers de fortunes familiaux peu glorieux.
La campagne anglaise est douillette et morne: Anne se morfond dans le château, regrettant mille et une fois le refus des avances de Wentworth. Elle s'en veut d'avoir céder aux pressions familiales et regarde, triste, sa jeunesse lentement se faner. Une inquiétude, sourde, est très vite évoquée: la succession des biens familiaux. Sir Walter n'a que deux filles et aucun garçon pour reprendre le titre et les biens, les filles ne pouvant hériter, ce sera un cousin qui deviendra le prochain Sir Elliot! Anne traîne sa mélancolie entre sa soeur Elizabeth, son père et une amie Lady Russel. Cette dernière est la seule avec qui Anne peut parler littérature, théâtre, poésie: Elizabeth et Sir Walter englués dans leur morgue sont loin de ces inutiles préoccupations et ont tendance à la mépriser car trop rêveuse à leur goût, d'ailleurs, Anne n'a-t-elle pas failli commettre une mésalliance quelques années auparavant en raison de ses inconséquences romanesques?!
Anne s'aperçoit qu'elle n'a pas oublié Wentworth, loin s'en faut. Aussi, lorsque la vie lui fait à nouveau croiser son chemin, c'est avec appréhension, gêne et émotion qu'elle se retrouve face à lui. Lui en veut-il encore? La regardera-t-il à nouveau? Acceptera-t-il un lien d'amitié? Comment le persuader que les évènements passés étaient dus à sa faiblesse, à l'influence familiale et non à ses véritables sentiments? En effet, Anne aimait et aime toujours le bel officier!
L'art de Jane Austen réside dans sa brillante capacité à écrire un roman dont le lecteur entrevoit très vite l'issue sans lasser ce dernier et en lui offrant une histoire bien menée. Il est évident que l'intrigue se bâtit autour de ce qui s'est passé sept ans plus tôt entre la famille Elliot, Anne et Wentworth. Jane Austen montre avec grâce, ironie et brio le cheminement qui mènera Anne et Wentworth au dénouement final. C'est avec un plaisir immense que le lecteur observe les approches intéressées du cousin, les minauderies calculatrices de Mme Clay, amie intime d'Elizabeth, envers Sir Elliot, les flatteries distribuées aux membres fortunés et titrés de la famille Elliot afin d'entrer dans leur cercle convoité, la présence de personnages secondaires aux apparences insignifiantes et qui se révèlent être le contraire (Mme Smith, une ancienne amie d'école).
Anne Elliot est une héroïne austenienne attachante: elle est douce, modeste, effacée, sans mépris envers autrui, sans complexe supérieur de caste, elle s'accorde avec tout le monde, elle temporise les plus fougueux, elle à l'écoute des autres et sait réconforter...elle est un ovni dans sa famille de petite noblesse campagnarde, égoïste, imbue d'elle-même et ne connaissant pas la compassion! Anne est condamnée à rester vieille fille (et diantre, que cette condition pouvait être terrible au XIXè siècle!) et à se faner dans la solitude. Mais c'est sans compter avec sa force de caractère cachée sous une apparence docile et conciliante: au fil du roman, elle reprend couleurs et assurance pour enfin décider, elle-même, de son destin! Anne serait-elle une rebelle qui s'ignore? Toujours est-il qu'elle sait saisir la seconde chance que la vie lui offre!
Un roman où la douceur, l'intelligence, l'amabilité, la compassion gagne la partie sur la vulgarité et l'égoïsme. "Un peu de douceur dans un monde de brutes" pourrait être le sous-titre de "Persuasion"!




Roman traduit de l'anglais (GB) par André Belamich

dimanche 24 février 2008

Théothèque

Les swaps ont de nombreuses qualités dont celle-ci: la création d'une théothèque (merci Flo, Loutarwen et Soïwatter!) sur Chatperlipopette.
Il y a quelques années, j'accumulais les thés dans mes boîtes à thé qui encombraient mes placards. Je mettais un temps infini à tout consommer, aussi, un jour de dégustation déçue (le thé, depuis trop longtemps oublié, avait moins de saveur et de bouquet), je décidai de réduire le nombre de thés. D'aucuns trouveront cela sacrilège, mais j'ai préféré (pour une fois) être rationnelle.
En ce moment, je n'ai qu'une vingtaine de thés dans mon "coin à thé":


celui du matin: mon incontournable "English breakfast" (Mariage frères) que j'aime corsé!
"Etoile de France" (Mariage Frères), de tendres thé verts japonais Sencha s'associent avec grâce aux épices nobles de France. Parfum vanillé dominant, dégustation toute la journée.
"Grand Earl Grey" (Mariage Frères), thé noir avec bergamote, à déguster le matin...mais j'en bois toute la journée.
"Grand Lapsang Souchong" (Mariage frères), feuilles de thé noir, fumé, de Chine, imprégnées de l'odeur des fameuses racines de pins chinois. En journée...j'aime bien m'en offrir dans une belle tasse en rentrant à la maison.
"Pai Mu Tan" (Mariage Frères) thé blanc, arôme fin et fleuri à déguster en soirée. C'est un thé d'une subtilité extraordinaire qui se déguste lentement comme pour accompagner une tranquille méditation!
"Sakura" 2005 (Mariage frères), thé vert aux fleurs de cerisier, en journée.
"Edelweiss" (Long-Jing) thé blanc parfumé aux fleurs (violette, jasmin et rose), l'après-midi. Goût subtil et apaisant.
"Mélange des steppes" (Long-Jing), thé vert Sencha parfumé à la cardamone, abricot, raisin et amande...un thé idéal pour rêver aux grands espaces.
"Roi des singes" (Long-Jing) thé vert de Chine au jasmin....excellentissime pour accompagner un repas asiatique ou préparer une gelée au thé!
"Théodule" (Long-Jing), thé bleu-vert, Wulong parfumé à la mandarine, pamplemousse, citron et raisin. Fin de journée ou en soirée.
"Thé noir à la rose" (Meigui Hongcha, Chine), un keemun agrémenté de pétales de roses, en journée.
"Jasmin Chung Feng" (Mariage Frères), thé vert de Chine. Le matin: en fait j'en bois aussi pendant la journée...je suis une fan de thé au jasmin!
"Chaperon rouge", thé vert Sencha de Chine aux fruits rouges.
"Le jardin bleu", thés de Chine, non fumés, et Ceylan à la rhubarbe, fraise des bois , parsemés de pétales de bleuet et d'hélianthe...un régal.
"Spécial gunpowder" thé vert de Chine pour les thés à la menthe de l'été (avec la menthe du jardin fraîchement cueillie).
Thé vert à la menthe (aux belles feuilles roulées parsemées de morceaux de menthe séchée)
Thé noir, de Ceylan, à la vanille de Tahiti
Thé noir, de Ceylan, au tiaré de Tahiti
Thé vert de Noël...avec de minuscules et délicieuses meringues qui transcendent le thé! Je ne le réserve pas uniquement pour cette période de l'année.
"Thé des écrivains japonais" thé vert traditionnel à la cerise agrémenté d'une touche de marasquin.
"Rooibos Citrus" : thé rouge d'Afrique du Sud au citron vert, à la mandarine et à l'orange sanguine.
"Thé des cigales" : mélange de thés indiens aux figues, clémentines, parsemé de graines de lavande, de soucis, de pétales de rose rouge et d'écorces d'orange.
"Thé Ile Maurice" (Palais des thés): un thé noir agrémenté d’éclats de vanille et d’écorces d’oranges, dont le parfum évoque la vanille, les agrumes et les fruits rouges.
"Thé Céladon" (Mariage Frères): "Ce sencha est agrémenté de fleurs de chrysanthème. Stimulant, le thé vert bénéficie de la douceur de fragrances fleuries. Sa liqueur d'un beau vert pâle rappelle que, pour les sages orientaux, qui le disaient « la plus belle couleur du jade » en hommage à ses nuances changeantes entre le vert, le bleu et le gris, le céladon était source de pureté et de beauté. Pour ajouter de la poésie au repas du matin."
"Thé Fils du Ciel" (Mariage Frères): "ce thé vert de Chine harmonieusement associé au parfum de fruits mythiques évoque le souvenir des empereurs de Chine, messagers des dieux. Thé de l’offrande."
"Thé du Samouraï" (Mariage Frères): "Grand arôme de bergamote associé à d’autres essences rares. Parfum très enveloppé."
"Grand Oolong" (Mariage Frères): "Grand thé romantique, très parfumé et au goût extrêmement agréable. Boisson claire. Très relaxant. Pour tous les moments plaisants."

Au programme du Club des Bloggeuses



Je reproduis en partie le courriel de Sylire et Lisa:

Le vote est terminé, le titre choisi est :

Pauline, de Dumas. A lire donc pour le 01 mai 2008.

Pour l’édition suivante, nous avons opté pour les livres sur le thème des vacances ou du dépaysement. Nous attendons donc vos propositions sur ce thème, si vous en avez.

Mémo:

1er mars: Publication des billets sur Je, François Villon de Jean Teulé
Du 1er mars au 28 mars: Recensement de vos propositions sur le thème : « Vacances et dépaysement »
Du 1er avril au 20 avril: Vote pour le livre de votre choix

Fin avril: Annonce du titre élu, annonce du thème suivant
1er mai: Publication des billets sur Pauline, de Dumas

samedi 23 février 2008

La croisée des chemins

Zoli est une jeune Tzigane, survivante d'un massacre perpétré par une milice sur les siens. Son grand-père et elle en ont réchappé...ainsi s'annonce ce qui ravagera l'Europe centrale quelques années plus tard.
Zoli a le goût du chant, des poèmes, elle a le talent d'interprétation et de création, elle est vive et intelligente et surtout, elle a un grand-père qui sait lire et écrire et qui l'envoie à l'école. Malgré les brimades, les moqueries qui ne feront qu'aiguiser son caractère, Zoli s'épanouira dans la splendeur de la poésie de son peuple, des sons étranges et séduisants des harpes dans le vent du voyage en roulotte. Zoli fait partie d'un peuple de musiciens et de chanteurs, elle reprend les chansons traditionnelles et peu à peu se lance dans la création littéraire orale, simplement pour le plaisir de la musicalité des mots, de leur liberté et de leur sensualité.
Elle sera repérée par Martin Stransky, poète communiste, qui essaiera d'en faire l'icône des poètes tchèques, elle, Zoli, la Tzigane poétesse. Elle rencontre aussi Stephen Swann, Anglais exilé volontaire, traducteur fasciné par le bouillonnement culturel de cette Europe communiste d'après-guerre. Des bandes et des bandes sont enregistrées, des manifestations culturelles organisées, portant Zoli vers la célébrité et la reconnaissance artistique. Stephen Swann, amoureux éperdu et fou de Zoli, ne pourra la garder dans ses bras: elle est libre comme le vent, comme les vents qui ont porté les pas de son peuple à travers l'Europe. La fougue, l'audace de Zoli marquera son destin au fer rouge du malheur. Zoli est Tzigane et femme: en étant publiée, elle devient hors-la-loi aux yeux des siens. Malgré ses protestations, Swann imprimera ses textes et les conséquences pour Zoli seront terribles: le bannissement, son effacement de la mémoire collective, son errance solitaire, polluée à jamais.
A travers le parcours de Zoli, c'est le destin d'un peuple de nomades qui se déroule sous les yeux du lecteur: de la liberté d'aller où bon leur semble à la mise en place de "La Grande Halte", la fin du primitivisme grâce au socialisme, la fin de l'archaïsme et le début d'une ère de sédentatrisation dans des immeubles que jamais les kumpanias (les familles) ne pourront comprendre ni y vivre sans perdre leur âme.
Zoli part loin à l'Ouest, vers Paris, bravant les barbelés, le froid, la crasse et la faim. Vienne, terre occidentale, dernière station avant les Alpes italiennes...un souffle de liberté qui la portera dans les montagnes jusqu'au jour où le passé ressurgira à un moment inattendu.
Un roman mettant en scène un peuple trop souvent oublié, laissé pour compte: les Tziganes, les nomades qui ne connaissaient pas de frontières ni d'entraves. Un peuple de l'oralité, du verbe, des sons, qui regarde de loin les gadjés qui s'enmêlent et se ficellent avec l'écrit et la sédentarité. Le vent de l'Histoire balaie l'épopée nomade au nom d'un progrès qui dévaste plus qu'il ne construit, réduisant presque à néant une culture, celle des routes et des vents. Un roman autour d'une femme moderne, rebelle qui ira jusqu'au bout de sa passion et sa douleur: elle gagnera sa liberté tout en intégrant, au plus profond d'elle-même, la honte d'avoir trahi les siens, prison invisible et ô combien lourde à porter.
Les narrateurs se succèdent tout comme les points de vue, le temps et l'espace, ce qui peut contribuer à rendre confuse la lecture. Est-ce un chef d'oeuvre? Je ne suis pas critique littéraire connu et reconnu mais ce roman m'a fait passer un excellent moment de lecture: j'ai pris le temps de m'imprégner de l'atmosphère fascinante de cette Europe Centrale riche en cultures et romanesque en diable.


Roman traduit de l'anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre





Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés

jeudi 21 février 2008

Vive la macro!


De temps en temps, j'aime saisir Dame Nature dans ses atours les plus divers. Elle nous réserve, très souvent, de belles surprises plastiques.

Un matin, en décembre dernier, l'hiver pointait le bout de son nez, à travers les rayons, rasants, du soleil: j'ai saisi quelques feuilles glacées par le givre, en bordure du Trieux....


lundi 18 février 2008

Adieu Harry

Avec "Les reliques de la mort", J.K Rowling achève l'histoire du jeune sorcier Harry Potter. Que dire de ce dernier opus sinon qu'il se dévore, qu'il est trépidant et que tout se retrouve à sa place....le puzzle est achevé avec brio.
Harry va fêter ses 17 ans et deviendra donc majeur. Cette majorité le rendra vulnérable: le contre sort de sa mère s'évanouira. Dès lors, la confrontation finale entre Lord Voldemort et Harry est inévitable. De ce combat sortira l'ombre ou la lumière, la guerre ou la paix, le malheur ou le bonheur. C'est ce dénouement que nous conte l'ultime opus des aventures du jeune sorcier!
Les pistes qui prenaient forme dans le précédent tome mènent le lecteur à l'ultime rebondissement dans un rythme effréné et endiablé.
Dumbledore a été tué, Severus Rogue lourdement soupçonné de félonie, l'Ordre du Phénix est bien malmené et Harry devient un paria: l'école des sorciers de Poudlard est passé sous la tutelle du ministère de la Magie phagocyté par les Mangemorts inféodés à l'horrible, l'ignoble, le désespérant "Vous savez qui"! L'avenir apparaît bien sombre pour nos jeunes héros: s'enfuir et résister au mieux ou courber l'échine et être broyés par "Celui-Dont-On-ne-Prononce-pas-Le-Nom".
Harry, suivi de Ron et Hermione, part à la recherche des fameuses Horcruxes, rencontre bien des tourments et doit déjouer bien des pièges. La quête des trois adolescents leur apprendra des vérités dérangeantes qui les rendront plus forts et plus adultes: la personnalité exceptionnelle de feu Dumbledore sera écornée par des révélations de prime abord peu avantageuses, Rogue endossera beaucoup de rôles, bons et moins bons voire carrément mauvais et la famille Malefoy en surprendra plus d'un. Mais la meilleure des révélations concerne Lord Voldemort....dont le profil d'homme mesquin et maladivement envieux ne peut que le mener sur les sentiers de la tyrannie non éclairée!
Au cours de ce dernier épisode, les personnages secondaires, vous savez les sans grades, les chevilles ouvrières d'apparence insignifiante, prennent toute leur véritable dimension: les chaînons et les rouages essentiels d'une histoire épique et héroïque. Ainsi Neville, Luna se révèlent être plein de ressources inattendues. Parfois, on se croirait dans un film de James Bond et c'est absolument jubilatoire!
C'est à regret que l'on ferme "Les reliques de la mort" et que l'on quitte Harry Potter et ses amis. Le dernier chapitre fera certainement couler beaucoup d'encre mais il est tout sauf superfétatoire: il évoque un avenir plus tolérant et plus lumineux!
Au revoir, non adieu chers Harry, Ron, Hermione, Ginny, Neville, Luna et les autres...j'aurai le plaisir de vous retrouver dans les films (et dans la relecture du cycle entire!)! Plaise au ciel qu'il n'y ait pas de suite qui pour le coup serait superfétatoire et purement mercantile!


Roman traduit de l'anglais (GB) par Jean-François Ménard


dimanche 17 février 2008

Livres voyageurs

Depuis le temps que je profite des gentillesses des bloggers LCA qui font voyager certains de leurs livres, j'ai regardé de plus près ma bibliothèque.
Deux titres sont sortis du lot: "Leçon de choses" de Bruno Roza et "Bonheur, marque déposée?" de Will Ferguson.

Je serai très heureuse de vous faire partager ces beaux moments de lecture: tendresse et nostalgie d'un côté, humour ravageur et grinçant de l'autre....c'est au choix!

Pour les faire voyager, il suffit (je reprends les consignes de Goelen...très bien exposées!):
  • de laisser un commentaire ici et m'envoyer par courriel vos coordonnées (mon adresse internet se trouve dans la rubrique "me contacter")

  • avoir un blog tenu à jour régulièrement et être un(e) commentateur(trice) régulièr(e) chez moi ou être recommandé(e) par une personne que je connais.
  • donner en retour ses impressions sur son blog, par mail ou par un commentaire sur le billet qui lui était consacré.

A bientôt!

"Leçon de choses" part chez cathulu puis chez antigone vanessa

"Bonheur, marque déposée?" part chez stéphanie puis Florinette Goelen

Réchauffons-nous un peu


En cette fin d'hiver, ensoleillée mais froide, un morceau de soleil marocain: une vue de la plage de Tagazout, un village de pêcheur.

Bon dimanche à vous.

samedi 16 février 2008

L'humour qui vient du froid

"Un curé d'enfer et autres racontars" rassemble une nouvelle série de récits de la vie quotidienne des chasseurs-trappeurs danois du Groenland. On retrouve avec plaisir les personnages extraordinaires de "La vierge froide et autres racontars", toujours servis par la plume jubilatoire de Jorn Riel.
Le quotidien, dans le lointain Groenland, apporte son lot d'évènements, voire de non-évènements, plus délicieux les uns que les autres. Les histoires, ou racontars (ils ont parfois des accents de légendes) évoquent l'isolement des "colons", leur solitude mais aussi et surtout leur liberté. Riel, aborde également, les débats suscités par le Groenland dans la mère patrie: doit-on ou non soutenir encore l'existence de la Compagnie? La présence danoise au Groenland a-t-elle encore un sens économique, politique? Interrogations qui sont loin d'être les préoccupations de ces hommes particuliers qui ont choisi la vie "sauvage" sans contraintes imposées par la société et qui ne pensent absolument pas à regagner les terres de la "civilisation"!
La vie s'écoule, tranquille, au rythme des passages du bateau d'Olsen, à la limite de la monotonie. Mais la monotonie, malgré le monochrome blanc du long hiver, est rarement de mise: des imprévus arrivent et suscitent nombre d'interrogations auxquelles une solution est toujours trouvée.
En effet, comment agir au mieux quand un compagnon décède brutalement et que le bateau d'Olsen, Le Vesle Mari, vient juste de partir et qu'il ne reviendra pas avant le printemps jeter l'ancre dans la baie? Nos chasseurs-trappeurs ne sont jamais à court d'idée et Bjorken saura bien emballer le pauvre Lause afin de le remettre, dans toute son intégrité, aux siens. Mais certaines idées, paraissant lumineuses, peuvent avoir d'étranges conséquences, à l'image de ces dominos qui entraînent la chute des uns et des autres....et Lause aura un ultime voyage bien mouvementé!
Au Groenland, la solitude hivernale n'est plus à décrire. Les hommes n'ont souvent que leur compagnon pour interlocuteur mais aussi, de temps à autre, un animal avec lequel ils tissent des liens et inventent une langue connue d'eux seuls. Jorn Riel, avec une verve sautillante, relate deux amitiés: celle de Fjordur et sa chienne Miss Dietrich (chef d'attelage) dont l'appendice caudal suscite l'admiration de tous. En effet, Miss Dietrich communique caudalement avec Fjordur lors des sorties en traîneau mais aussi lors des moments paisibles dans la cabane. Miss Dietrich est aussi fière que son maître de posséder un tel trésor. Seulement, un jour, tout bascule.....mais Miss Dietrich se révèlera une chienne pleine de ressource! Le Grand Nord ne connaît pas uniquement des phoques, les renards polaires, les ours et les chiens. La Vesle Mari débarque, un beau matin, un drôle de loustic: Don Svendsen, "conquistador à l'espagnol approximatif"! C'est la forêt équatoriale qui débarque sur la banquise, la salsa au milieu des icebergs et un étrange mouvement dans le sac à dos! De ses pérégrinations exotiques, Don Svendsen a rapporté un compagnon, ou plus exactement une compagne surprenante: senorita Magdalena, un boa! Autant dire qu'un conseil se tient immédiatement afin de statuer sur la présence de Svendsen et son boa royal. Un modus vivendi s'établit et Svendsen dit aussi "El dedo del diablo" égaie la compagnie avec ses histoires amoureuses où senorita Magdalena joue un rôle actif et déterminant (elle a le dernier mot de l'histoire) qui en fait frissonner plus d'un, ses aventures picaresques dans la forêt vierge. Magdalena aime le contact et la chaleur et se love dans le lit de son maître. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, après tout c'est la belle saison encore et comme Svendsen pense trouver de l'or dans une des rivières proches, il délaisse la chasse et la pose des pièges. Mais, l'hiver arrive, les réserves s'épuisent peu à peu.....et nos joyeux drilles de chasseurs ne sont pas au bout de leurs surprises!
Dame Nature n'a jamais réparti, de manière égale, ses atouts aux uns ou aux autres: elle a produit des minces, des gros, des forts, des faibles, des sûrs d'eux et des angoissés, des grands et des petits. Les hommes petits ont souvent beaucoup de choses à prouver aux autres mais avant tout à eux-mêmes. Pedersen, petit, maigre, agité et se posant sans cesse en victime, débarque au Groenland pour devenir le compagnon de Lodvig. Ce dernier n'est guère emballé par cette curieuse compagnie, lui qui vit seul depuis si longtemps. D'emblée, Lodvig ressent l'état d'esprit négatif de Pedersen et estime que le vertigo ne tardera pas à faire son office. Le vertigo? "Il se trouve que les problèmes, chez les hommes qui viennent au Groenland, débouchent souvent sur ce qu'on désigne généralement par le nom de vertigo. dans le nord-est du Groenland, cela s'appelle le vertigo polaire ou dingue noire, et dans le sud et l'ouest du Groenland, le qaqamut. Le vertigo polaire pousse lentement, et se construit selon le même schéma dans tous les cas connus. Les problèmes enflent et grossissent et étouffent à la fin leur victime au point qu'elle craque dans la grande crise libératrice du vertigo." Ce dernier a des variantes: maladie du sommeil, folie au sens littéral du terme, marche solitaire ou encore une tendance à avoir de "tenaces fantasmes féminins". Notre Pedersen est dans le dernier cas! Notre Lodvig va se révéler être un véritable pro de la psychanalyse et le lecteur se délecte de cette nouvelle humoristique qui cache, sous l'aspect drôlatique de la situation, une certaine misère humaine, celle qui amène un être humain à se déprécier sans cesse et à en vouloir à la terre entière. Pedersen, grâce à Lodvig, vivra, dans une série de péripéties, une salutaire thérapie. La vie particulière dans le Grand Nord est loin d'être un long fleuve tranquille! J'avoue avoir une tendresse particulière pour cette nouvelle qui respire l'optimisme grâce à la solidarité et l'amour, vrai, de son prochain....amour qui fait défaut, on le sait d'emblée, au "curé d'enfer" qui phagocytera le quotidien de ces chasseurs-trappeurs. En effet, le Groenland est l'endroit idéal pour se débarasser de personnes encombrantes par leurs convictions bornées et pompeuses. C'est ce qui arrive à l'épiscopat danois qui, afin de se donner une bouffée d'oxygène, envoie en mission évangélique un étrange pasteur, le missionnaire Polleson! Quel personnage d'anthologie ce Polleson! Au début, il amuse nos débonnaires chasseurs qui l'accueillent gentiment. Ils rient en écoutant ses élucubrations au sujet de leurs démons cachés (forcément, isolés comme ils le sont, leurs pensées ne peuvent être que sales et démoniaques!), ils le regardent, goguenards, se recueillir et porter la bonne parole bibliques, mais commencent à se méfier quand Polleson part en croisade contre l'eau de vie! Aussi, quand plusieurs attentats sont perpétrés contre les alambics des chasseurs, la révolte gronde et les rebelles se lèvent. N'est pas prophète qui veut dans ce bas monde et la sainteté se mérite!
Jorn Riel ne cesse de le narrer dans ses récits, le Groenland est un lieu de solitude, même si on partage sa cabane avec un compagnon. La blancheur hivernale glacée, la longue nuit hurlante, le réveil printanier sont sources d'inspiration....Riel en est la meilleure preuve! Le lecteur ne peut d'ailleurs s'empêcher de voir Riel dans Anton, le héros de la nouvelle "Une épopée littéraire"! L'inspiration est un moment fragile qu'il faut préserver au mieux. Anton va devoir se débattre avec bien des perturbations matérielles et un compagnon, Herbert, bien ronchon pour mener à bien son oeuvre littéraire. Il lui faut du papier mais aussi un crayon. Or, le crayon est une denrée rare au Groenland! Une relative tranquilité et une intimité lui sont, aussi, nécessaires. Bref, un tas de petites choses qui font que la vie dans la cabane n'est pas de tout repos, d'autant que les corbeaux ont la mauvaise idée de s'en mêler. Un jour, malencontreusement, le recul du fusil provoque un incident: Anton avale son unique crayon! Le voilà bien ennuyé pour poursuivre son oeuvre....au Groenland, nos chasseurs trouvent invariablement une solution, souvent exotique et incroyable mais toujours efficace.
Je termine par "La puce", racontar drôlatique au possible qui relate les tribulations hallucinantes d'une puce! Riel s'amuse littéralement à mener son lecteur en bateau....de navire en navire, d'océan en océan! Comme quoi, les rencontres humaines peuvent profiter à une créature insignifiante comme la puce. Cette dernière, héroïne d'une fable surréaliste, en naviguant de pulls en poitrines velues, vit des aventures palpitantes et exceptionnelles....pour une pauvre puce!
Encore une fois, Riel réussit à faire rire en racontant aussi bien des évènements légers ("La puce" entre autre) que d'autres beaucoup plus graves et sombres.


Nouvelles traduites du danois par Susanne Juul et Bernard Saint Bonnet, illustrations d'Eiler Krag


Chimère l'a lu aussi.

mercredi 13 février 2008

Chanson d'amour?

Après la lecture agréable de "Accès direct à la plage", celle de "This is not a love song" m'a permis de continuer, de façon aussi agréable, ma découverte de Jean-Philippe Blondel.
J'ai retrouvé l'écriture précise, légère mais aussi grave de JP Blondel qui, en maniant avec dextérité l'humour, sait aborder des sujets de sociétés importants.

Vincent, quarante ans passés, vit à Londres auprès de son épouse anglaise, Susan, et ses deux filles. Il a quitté la France, sans regret, et est parvenu à s'intégrer dans la société anglaise. Il est devenu un chef d'entreprise reconnu, médiatisé...bref, la réussite professionnelle et familiale.

Il existe dans toute vie de couple des besoin de respirer loin l'un de l'autre. C'est ce qui arrive à Vincent et Susan. Cette dernière lui suggère de passer une semaine de vacances, seul....pourquoi ne pas aller rendre visite à ses parents qu'il voit rarement?

A partir d'une situation banale, Blondel met en scène les tensions familiales, les rancoeurs, les échecs que l'on croyait oubliés, les anciennes amours, les souvenirs de jeunesse et l'amitié que l'on croit toujours solide et qui s'effrite avec l'éloignement.

Vincent arrive chez ses parents et, immédiatement, c'est une désagréable sensation d'étouffement qui assaille non seulement Vincent mais aussi le lecteur. L'ambiance familiale lourde, pesante, dilatée par les non-dits qui blessent durablement, montre combien est angoissante l'impression de n'avoir plus rien à dire ni à voir avec la chair de sa chair. L'ennui, spectre d'épouvante, fait frissonner et engendre un mal être oppressant: Vincent compte les secondes qui le séparent du retour à Londres et n'aspire qu'à une seule chose....s'enfuir! Alors, il erre dans les rues de son enfance, de son adolescence, revit des scènes enfouies dans le passé avec Jérôme, son petit frère, son rival toujours parfait et adorablement détestable: Jérôme qui a toujours fait tout comme il faut....sans penser avoir une once de fantaisie et d'imprévisibilité. D'ailleurs, il a épousé son premier amour, Céline, lui, le prof sans ambition, le mari prévenant, le fils prodigue, le frère énervant, l'homme qui tait ce qui ne devrait pas l'être.

Cependant la famille réserve des surprises: Céline, la belle-soeur irritante de suffisance, renvoi permanent de l'iamge de "loser" que Vincent a endossé jusqu'à son départ (sa fuite salvatrice) en Angleterre, Céline brisera le mur de silence qui entoure la disparition de l'unique ami de Vincent, Etienne. Peu à peu le passé le rattrape, l'enveloppe, le transforme douloureusement. Vincent lutte contre ses fantômes et ses peurs indicibles pour comprendre qu'il est des fiertés valant la peine d'être oubliées.

Le texte est vibrant, d'une grande émotion sous des clichés (que certains lecteurs pourront trouver creux et agaçants) qui, grâce à la plume, à la verve, au ton caustique de Blondel n'en sont plus: les images prennent une dimension originale, le lecteur a le plaisir d'être emmené dans la tête des personnages par un Blondel sachant créer une psychologie complexe sous des aspects anodins et sachant décrire avec justesse le cheminement de pensée des personnages.

Certes, ce n'est pas une histoire d'amour qui nous est racontée: l'arrogance du Vincent imbu de sa réussite et de son mode de vie anglo-saxon, tellement plus "in" que le marasme gluant de la France "franchouillarde", se désagrège face au passé qui lui saute à la gorge. L'arrogance puis le cynisme sont, au fil des pages, bien mis à mal....cependant, je n'ai jamais pu détester vraiment Vincent, pas plus que les personnages qui l'entourent.

Peut-on penser que "les histoires d'amour finiseent toujours mal"? Elles prennent très souvent une autre direction et ce qui fait mal c'est peut-être le regard en arrière que l'on ne peut réprimer.

Quant à la conclusion du roman...on peut sur sa faim car elle semble trop attendue. Néanmoins, elle ne laisse pas indifférent et j'y ai vu une lueur dans la grisaille du monde moderne.

lundi 11 février 2008

Masse critique

Certains bloggueurs connaissent l'opération "Masse critique" organisée par Babelio en partenariat avec des maisons d'éditions.
Comment y participer?

Il suffit simplement de s'inscrire sur Babelio et y mettre en ligne des titres de sa bibliothèque. Vous pouvez alors participer à "Masse critique".

Il y a encore un large choix de titres, de l'essai au roman en passant par la littérature jeunesse, alors, chers LCA, laissez-vous tenter par cette offre qui n'engage à rien! Les critiques peuvent être positives comme négatives!!!

samedi 9 février 2008

Qu'y a-t-il dans ce colis?


Mardi matin, le facteur a déposé un avis de passage dans la boîte aux lettres. Je me suis tout de suite dit "C'est le colis swap!!!". Aussi, mercredi après-midi, suis-je allée retirer ledit colis à La Poste!

Je lis le nom de l'expéditeur et ô surprise très agréable c'est un nom masculin!!! Le colis m'a été concocté par Olivier!

A peine arrivée à la maison, j'entreprends d'ouvrir le fameux colis:



Et voici ce qu'il y a à l'intérieur:







Côté gourmandise:

une fondue au chocolat qui met en émoi mes papilles. Je vais être trèèèèèèèèès forte: la fondue sera dégustée lors d'un tête à tête d'amoureux!


Comme je ne suis pas une buveuse de café, Olivier a eu une délicate attention: un thé au goût raffiné et aux senteurs printanière "Le jardin bleu" où une agréable note de fraise agrémente la dégustation de ce thé noir savoureux! Bien entendu, pour être dans le "ton" du thé, j'ai sorti mon service à thé bleu...."Jardin bleu" n'en a été que meilleur...d'autant que le soleil très printanier invitait à boire tranquillement le thé sur le banc de la terrasse.








Côté lectures:

Un polar historique que j'avais repéré depuis longtemps sur les blogs "Du sang sur Vienne" de Frank Tallis,

"A la vue, à la mort" de Françoise Guérin, polar repéré aussi depuis pas mal de temps!

"La prime" de Janet Evanovitch pour laquelle j'ai craqué!

"La vie secrète du chat qui..." de Lilian Jackson Braun; Olivier a étudié chatperlipopette qui est en transe dès qu'un roman parle de chat!

"Chat alors!" d'Helen Exley petit recueil de citations et aphorismes consacrés aux chats, agrémenté de délicieux dessins et de reproductions de peintures! Un vrai délice!

Le tout accompagné par une très belle carte sur le thème du café (avec, au recto, un adorable petit mot) et d'un magnet "café" très très beau que j'ai tout de suite mis sur mon réfrigérateur afin d'y poser la carte!

Vraiment, cette fois encore, j'ai été gâtée! Mille et un mercis à Olivier et encore bravo à nos organisatrices Stéphanie et Fashion!

Six fois rien


Cathulu, Chiffonnette, Grosminou et Essel m'ont taguée....donc je ne peux absolument plus couper à l'exercice demandé.


Il faut:


Ecrire le lien de la personne qui vous a tagué

Préciser le règlement sur son blog

Mentionner 6 choses sans importance sur soi

Taguer 6 autres personnes en mettant leur lien

Prévenir ces personnes sur leur blog respectif


Et maintenant, attention Mesdames et Messieurs les révélations vont commencer.....


1) Je suis une grande lectrice de nouvelles: en général, je les lis "au retrait" (= le petit endroit)


2) J'ai une addiction terrible: les swaps! A chaque fois je me décide d'arrêter et dès qu'il y en a un d'organisé, j'oublie immédiatement mes bonnes résolutions!


3) J'aime énoooooormement la littérature asiatique, et la japonaise, en particulier.


4) Je n'ai jamais pu établir de préférence entre le bleu et le vert.


5) Je souhaiterais que les grands de ce monde prennent au sérieux les écologistes et le parti des Verts!


6) Jeannot Lapin, mon doudou, a 38 ans (j'ai perdu ma poupée Margotte quand j'avais 5 ans....un vrai drame!) et participe activement à la pédagogie dans la classe de sa propriétaire!


Je suis certaine que vous avez du mal à vous remettre de ces petits riens essentiels! Je suis curieuses des 6 petits riens de soïwatter, Nanou , Lamia , Antigone , Choupynette et Emeraude .

vendredi 8 février 2008

Cuisine, cuisine!


Banana Yoshimoto offre à lire deux nouvelles dans son "Kitchen". Elles ont un point commun: le quotidien après la perte d'un être cher (la grand-mère pour Mikage, le petit ami pour Satsuki).
Comment donner un aperçu de ces nouvelles? Il est toujours très difficile d'exprimer les émotions ressenties à la lecture d'un roman, ou d'une nouvelle, japonais ou asiatique. Il y a tellement de retenue apparente, de feu couvant sous la glace, que l'on peine à trouver les mots justes pour en parler sans rien trahir.
"Kitchen" ou le quotidien d'une jeune fille qui bascule au décès de sa grand-mère. Mikage est irrémédiablement orpheline, elle n'a plus de filiation, la solitude marginale guette son devenir. Mais c'est sans compter sur le soutien, étonnant, d'un jeune homme, condisciple d'université, et de son étrange mère, Yûichi et Eriko Tanabe, soutien étayé par la passion de Mikage, la cuisine!

"Je crois que j'aime les cuisines plus que tout autre endroit au monde. Peu importe où elles se trouvent et dans quel état elles sont, pourvu que ce soient des endroit où on prépare des repas, je n'y suis pas malheureuse. Si possible, je souhaiterais qu'elles soient fonctionnelles, et lustrées par l'usage. Avec des tas de torchons propres et secs, et du carrelage d'une blancheur éblouissante." (p 11)

Le lecteur entre immédiatement dans le monde de Mikage, un monde de don de soi, d'amour pour l'autre et d'esprit d'aventure (cuisiner c'est aussi partir à la découverte d'autres saveurs!) où la cuisine, espace clos certes mais ouvert sur l'immensité de l'imagination gustative et colorée des mets. On entend le bruit sec du couteau qui coupe les légumes, les fruits en menus morceaux, le crépitement des poissons ou des viandes dans la poèle, le "bouillottement" des eaux de cuisson où paresse le riz, les pâtes. Les senteurs des épices, des condiments embaument les mots, les pièces de l'appartement. Ces petits riens du quotidien aident à assourdir la douleur de la perte de l'être cher. Le deuil se vit doucement au rythme des plats, des vaisselles, des thés, des émissions de télé, des rires et des larmes. Malgré la douleur de l'absence, il règne une certaine sérénité dans l'âme de Mikage, un mono no aware c'est à dire "le profond sentiment des choses".
"Moonlight shadow" ou comment vivre sa vie après la disparition tragique (un accident de voiture) d'un petit ami. C'est le difficile passage du plein au vide que doit franchir Satsuki. Elle sombre dans la dépression sombre, solitaire proche de l'anéantissement de l'être puis reprend pied grâce à la course à pied. Chaque matin, à l'aube, elle court jusqu'au pont qui relie le quartier d'Hitoshi au sien. Le pont, passage, voie, main tendue entre deux rives. Un matin, Satsuki rencontre une jeune fille mystérieuse qui semble tout connaître d'elle. Elle s'appelle Urara et attend un instant particulier, instant qui ne vient qu'une fois par siècle. Un instant magique, mystérieux, mystique au cours duquel les disparus apparaissent aux vivants, le phénomène de Tanabata. Ce moment intense est celui qui permet de se dire adieu à jamais....un adieu que Satsuki n'avait pu dire à Hitoshi. Le "mono no aware" est ici le parcours effectué par Satsuki chaque matin, immuable, sereine qui s'arrête boire le thé de sa thermos en regardant filer le courant de la rivière. Satsuki, peu à peu, sort de l'adolescence pour entrer dans le monde adulte, passage sacré où Hitoshi lui tendra un témoin invisible, libérant le noeud de son âme.

Banana Yoshimoto intègre une dimension fantastique dans son récit qui entraîne le lecteur dans un monde de l'invisible et de l'indicible. Le phénomène de Tanabata (référence à une des fêtes les plus populaires du Japon qui marque, d'après une légende chinoise, les retrouvailles, une fois l'an, sur les rives de la Voie Lactée, de Véga et d'Altaïr - la Fileuse et le Bouvier - ), instant précieux, car rarissime, de l'intériorité, fenêtre entre le monde des vivants et celui des morts.
Une lecture où les choses avancent sous un calme qui n'est qu'apparent, une lecture où la poésie d'une langue transcende la trivialité du quotidien par des images splendides et épurées. Tout est dit, l'air de rien, tout est posé avec délicatesse et sobriété, tel un ikebana littéraire.

"Je me suis habillée chaudement et je suis partie à bicyclette. C'était une journée enveloppée d'une lumière tiède, qui annonçait vraiment l'approche du printemps. Le vent qui venait de naître soufflait agréablement sur mes joues. Dans les rues, des feuilles vertes, encore enfantines, pointaient aux branches des arbres. Le bleu pâle du ciel, légèrement voilé, s'étendait à perte de vue.
Devant cette fraîcheur, j'ai senti à quel point tout était desséché en moi. Le paysage du printemps n'arrivait pas à pénétrer dans mon coeur. Il voltigeait à la surface, s'y reflétant comme une bulle de savon. Les passants me croisaient d'un air heureux, la lumière jouait dans leurs cheveux. Toutes les choses respiraient, leur éclat s'intensifiait, nouri par les doux rayons du soleil. Dans ce beau paysage débordant de vie, je regrettais les rues désolées de l'hiver, le lit à sec de la rivière à l'aube. J'aurais voulu me briser en morceaux et disparaître."
(p 155)

Nouvelles traduites du japonais par Dominique Palmé et Kyôko Satô

jeudi 7 février 2008

Bonne année du Rat!

Flo lance son mini swap thé et annonce ainsi le nouvel an chinois qui cette année sera sous l'égide du Rat.

Le Rat est un des 12 animaux, éléments de l'astrologie chinoise. Ces 12 animaux seraient inspirés des 12 signes de l'astrologie persane, eux-mêmes transmis par L'Inde ou le Tibet.

Ces 12 animaux sont associés aux 12 rameaux terrestres qui combinés avec les 10 tiges célestes constituent le système chinois de décompte du temps le plus ancien au monde.

De nombreuses légendes racontent comment les animaux furent choisis et comment fut déterminé leur ordre astrologique. L'absence du chat est étonnante mais elle serait due à la négligence de son ami (car en ces temps lointains ils étaient amis) le rat. En effet, ce dernier oublia d'informer le chat de la convocation de l'Empereur de Jade, convocation déterminante pour la sélection des signes du zodiaque! Autant dire que depuis, le chat est le pire ennemi du rat! Lucy nous conte divinement bien la légende ICI !!!

Le calendrier chinois est luni-solaire et le nouvel an s'ouvre et se fête au début du printemps, au jour appelé lichun (entre le 4 et le 19 février): le soleil arive à 315° de longitude.

Quelles sont les caractéristiques des natifs du Rat?

"Les Rats sont réputés pour leurs qualités de persuasion, et leur propension à accumuler, amasser, épargner. Leur charme naturel et leur caractère dégourdi et agréable en font des amis attirants pour presque tout le monde.
Toutefois, sous sa nonchalance apparente, le Rat sera un fin calculateur, adroit et sans embarras. Son intérêt personnel est sa seule vraie motivation, et l’avarice n’est jamais bien loin si le Rat se laisse aller à ses penchants naturels.
Foncièrement matérialiste, le Rat ne renonce pas à quelques écarts pour protéger et encourager un proche.
Le Rat n’a pas sa langue dans sa poche, la moutarde lui monte souvent au nez, mais lors de ses violents accès de colère, il n’est jamais grossier.
On aime le Rat, ou on le déteste.
Intellectuellement, le Rat a l’esprit vif et se trouve toujours en quête de nouvelles connaissances, qu’il amasse avidement, dans l’éventualité d’un usage futur. Curieux dans l’âme, le Rat accueille les défis comme une manière de rester dans la course.
Lorsque le Rat laissera un peu de place aux autres dans sa vie, il trouvera le vrai bonheur."