lundi 18 février 2019

Japonitudes .... suite


J'ai retrouvé avec plaisir le jeune fonctionnaire impérial dans une aventure que je n'avais pas encore lue.
« L'énigme de la porte de Roshomon » entraîne Sugawara Akitada  à l'université à la demande de son ancien professeur Hirata. Un chantage met en péril l'avenir de ce lieu de formation et de savoir qui souffre d'un manque de ressources évident tant les locaux semblent décrépits.
Il y a un an, une tricherie a eu lieu lors de la passation des examens à l'issue desquels un étudiant médiocre, mais riche et doté de puissants appuis, fut couronné major de sa promotion au détriment de celui qui aurait du terminé premier. Ce dernier se suicida tandis que le tricheur entrait dans l'administration impériale dont il gravit rapidement les échelons.
Hirata ne parvient plus à supporter le poids de la culpabilité et fait appel à son ancien élève Sugawara pour trouver comment juguler les rumeurs risquant de porter atteinte à la réputation de l'université.
Le jeune aristocrate, toujours célibataire et occupant un poste ennuyant aux Archives du Ministère de la Justice, accepte l'offre du professeur Hirata : une chaire provisoire de droit. Il renoue également avec la fille de son maître, la belle Tamako sous le charme de laquelle il tombe avec délice. D'ailleurs, le mariage désiré par le professeur Hitara aura-t-il lieu ? On peut en douter lorsque la jeune fille repousse l'offre de notre héros. Serait-elle une forte tête et un esprit libertaire dans une société où les mariages sont arrangés ?

Comme toujours avec les aventures de Sugawara, il y a un faisceau d'enquêtes à s'agréger à l'enquête principale.
Ainsi sera-t-il amené à résoudre la disparition d'un prince transformée en miracle, à élucider deux meurtres, à protéger un jeune héritier, à déjouer une ignoble machination, orchestrée par un Seigneur avide de pouvoir et de richesses, et à confondre le « tricheur ».
Les différentes énigmes entraînent le lecteur dans un Kyoto interlope, parfois très glauque comme la porte de Roshomon, celle de l'entre deux mondes où sont abandonnés les cadavres des gueux et autres indigents.
C'est au cours de cette aventure qu'apparaissent deux hommes, en délicatesse avec la loi, qui deviendront des compagnons fidèles de Sagawara.

Le rythme de l'intrigue peut paraître insuffisant au début toutefois le lecteur est rapidement rassuré devant le nombre croissant de mystères à mesure que notre héros avance dans son enquête.
On passe un agréable moment de lecture et c'est ce qui compte notamment en villégiature au soleil.

Quelques avis :

dimanche 17 février 2019

C'est la photo du dimanche #13

(Zellige/ photo prise à Essaouira, Maroc, le 13/2/2019)

« Lorsque je découvris le Maroc, je compris que mon propre chromatisme était celui des zelliges, des zouacs, des djellabas et des caftans. Les audaces qui sont depuis les miennes, je les dois à ce pays, à la violence des accords, à l'insolence des mélanges, à l'ardeur des inventions. Cette culture est devenue la mienne, mais je ne me suis pas contenté de l'importer, je l'ai annexée, transformée, adaptée. »
Yves Saint Laurent, grand couturier

samedi 16 février 2019

Sur la route


Roman post apocalyptique, « Le feu de Dieu » est un peu le « La route » à la française en nettement moins bien.
Franx, contraction de François-Xavier, est un père de famille original : il décide de tout plaquer, avec deux autres familles, pour acheter une ferme perdue dans le Périgord noir et de la transformer en bunker pour survivre quand sera venue la fin du monde.
Bien entendu des tensions naissent lorsque les familles se retrouvent en vase-clos après l'achèvement des travaux et des réserves. L'éclatement de la bulle a lieu peu de temps avant le cataclysme qui balaiera la Terre et jettera les gens dans l'horreur.
Franx quitte la ferme pour Paris où il doit liquider la succession d'une vieille tante décédée, son absence ne sera que de quelques jours sauf que dame Nature en a décidé autrement. Il assiste, médusé, à la disparition du bouclier magnétique terrestre, au déchaînement des forces naturelles qui plongeront le monde dans le chaos d'un long hiver cataclysmique : failles engloutissant des villes entières, éruptions volcaniques porteuses de nuages de cendres occultant le soleil.
Il doit rentrer chez lui d'urgence pour rejoindre les siens qu'il espère en sécurité. Comme il connaît la nature du désastre, il récupère, rapidement, des vêtements chauds, des bottes fourrées, un sac pour ses réserves de nourriture et d'eau.
Un long périple commence parsemé de rencontres aussi épouvantables que merveilleuses. A commencer par celle d'une fillette qu'il nommera Surya, fillette confiée par sa mère mourante à un homme qui est tout sauf un héros.
Au fil des kilomètres il se rendra compte que Surya a un don, qu'elle est sa vigie, son phare dans une nuit au cœur de laquelle les pires aspects de l'humanité s'exprimeront.

Tandis que Franx tente de rallier le Périgord, sa famille entreprend de mettre en place le protocole de survie. Elle n'est pas seule, un jeune homme est resté tel un parasite. Comme les parasites il a un instinct de prédation qui fait fi d'autrui. Un huis-clos s'installe entre les protagonistes, Zoé l'adolescente en proie à ses émotions et à l'éveil de sa féminité, l'épouse, Alice, adultère par ennui, le jeune fils, Theo, enfant qui a des « visions » depuis tout petit, connecté à son père, et le Grax, jeune homme qui a fait succomber toutes les mères de l'Arche. Le Grax dévoilera son vrai visage et aura un destin à sa mesure.

Rien ne sera épargné au lecteur qui devra subir tous les poncifs du genre (violences diverses, séquestrations, sacrifices d'autrui ou cannibalisme) qu'il voit se profiler tant l'auteur, Pierre Bordage, y va de ses gros sabots.
Il y a les méchants vraiment méchants que le chaos dévoile sans fard ; il y a les pauvres hères malmenés de bout en bout ; il y a le gentil moine qui tente de garder cohérent son groupe de survivants ; il y a les hordes de rats, en concurrence directe avec les hommes, les meutes de chiens, des ours blancs et pas de ratons laveurs mais des fouines dont je n'ai pas saisi le rôle.
La peur est là, certes, une peur pâle tellement convenue qu'elle n'est pas crédible.
Quant aux personnages, ils n'inspirent aucune empathie ce qui a laissé la lectrice que je suis et surtout la fan de Bordage, sur sa faim. Les seuls à échapper au désastre sont Surya et Theo que l'on regarde d'un œil bienveillant.
La moralité du roman ? C'est une erreur que de se replier sur soi et se fermer au monde lors d'un cataclysme. Rester humain c'est ouvrir sa porte aux autres et partager.

Je ne peux pas dire que j'ai passé un moment désagréable, loin de là ; cependant la déception est présente au point que je m'interroge : « Le feu de Dieu » a-t-il été une « commande » pour prendre le train de la vague « post apocalyptique » du moment ? Quant on a lu ses grands romans épiques, ses space opéras d'un lyrisme magnifique, on ne peut qu'être déçu par ce roman qui se veut post apocalyptique et qui n'est qu'un mauvais thriller.

Des avis ici et là


vendredi 15 février 2019

Un cordon ombilical appelé Nil


« Le dieu fleuve » est l'épopée d'un esclave eunuque, Taita, érudit, médecin talentueux, inventeur, architecte, ingénieur, tacticien de talent, nourrice, pédagogue et compagnon fidèle d'une jeune fille qui deviendra reine.
Taita est un peu le Léonard de Vinci de l'Egypte ancienne tant ses talents sont protéiformes, touchent à tous les domaines de la connaissance humaine.
Wilbur Smith retrace une partie de l'histoire égyptienne, deux mille ans avant notre ère : l'Egypte est épuisée, ruinée par la cupidité des hommes, d'un homme, le Grand Vizir Intef et l'obsession de Pharaon Mamôse, la construction de son tombeau où il reposera parmi ses trésors insensés afin d'accéder à la vie éternelle une fois de l'autre côté.
Taita est d'une rare intelligence ce qui le rend, parfois, non ! Souvent, imbu de lui-même, pédant, vaniteux au point d'en être insupportable... d'autant qu'il a souvent raison.
Cet homme, devenu eunuque pour avoir préféré une jeune fille à son maître Intef qui en avait fait son favori, est un puits de sagesse et de science. Il connaît sur le bout des doigts les imperfections de la nature humaine, ses faiblesses et ses forces.
Il est la nourrice et le confident de la fille du Seigneur Intef, la douce Lostris qu'il nous présente au début comme une très jeune fille superficielle. Très vite il rend justice aux qualités tant physiques qu'intellectuelles à la belle et douce Lostris : n'est-ce pas lui, Taita, qui lui a enseigné tout ce qu'elle sait ?
Sous la pointe de roseau de Taita, l'Egypte ancienne se déroule sous nos yeux, indissociable du Nil nourricier, le temps scandé par les crues et les fêtes d'Osiris.

Thèbes où Pharaon, venu d'Eléphantine (j'adore le nom de cette ville, il me fait voyager dès que je le lis ou que je le prononce), vient célébrer Osiris et ses bienfaits, préside aux festivités, symbole d'une gloire qui se délite.
Thèbes où le Seigneur Intef trame et complote pour s'enrichir et accéder un jour au trône en mariant sa fille à Pharaon.
Thèbes où deux jeunes gens s'aiment d'un amour impossible : Tanus et Lostris croquent la vie à pleines dents, pour eux rien n'est impossible surtout si Taita les aide et les soutient. Ce qu'il fera à sa manière subtilement cauteleuse où se mêlent calcul et humanité.
Thèbes, l'alpha et l'oméga de l'Egypte qui sera le creuset d'une des plus grandes civilisation de l'histoire de l'humanité.

On vit la fin d'un cycle, la chute d'un Roi au combat, la trahison d'un Grand Vizir, la bravoure d'un jeune officier qui refusera par loyauté d'appeler les soldats à se mutiner pour accéder au trône.
On vit la défaite avec panache des Egyptiens face aux envahisseurs venus d'Asie, les Hyksos en possession d'armes de destruction massives : les arcs recourbés, les chevaux, inconnus des Egyptiens, et les chars.
On vit l'exode de la Reine Lostris et du Prince héritier Memnon, au-delà des cataractes, fuite qui emmènera tout un peuple à la découverte d'une Afrique inconnue d'une richesse extraordinaire.
On vit l'expérience mystique du Labyrinthe dispensant des prédictions d'un Taita en transe.

« Le dieu fleuve » n'a pas la prétention d'être un roman rigoureusement historique, il apporte juste ce qu'il faut d'actions, de dénouements, de passions amoureuses ou mercantiles, pour amener le lecteur à passer un agréable moment de lecture.
Grâce au « dieu fleuve », le Nil est le cordon ombilical liant le lecteur au narrateur, le fleuve sacré est le fil vert serpentant entre les lignes, au détour de chaque chapitre, charriant les rêveries du lecteur avec la fausse lenteur de son débit.

mardi 12 février 2019

Où suis-je?

"Le thé à la menthe doit être amer comme la vie, mousseux comme l'amour et sucré comme la mort."

(proverbe marocain)