samedi 31 mai 2008

Rien ne nous quitte


En Galicie, terre rattachée à l'empire austro-hongrois depuis le partage de la Pologne, la famille Zemka, en la personne de Jozef, reconquiert un domaine fondé, au début du XVIIIè siècle, par un ancêtre noble, le comte Fryderyk Ponarski, puis racheté par une autre famille, les von Kotz. En épousant Clara von Kotz, Jozef Zemka part sur les traces de Fryderyk et connait une ascension rapide. Ainsi commence cette très belle saga familiale où l'ascension comme le déclin se fera au rythme des grands évènements historiques: la révolution de 1848 et les tensions annociatrices du désastre de la Guerre 14/18....tout ce qui construit l'histoire de l'Europe.
Jozef Zemka, à son grand désespoir, n'aura que des filles, Maria, Urzula, Wioletta, Jadwiga et Zozia, et se comportera avec sa famille comme un abominable tyran domestique. Les femmes n'ont comme horizon que la sphère domestique et sont réduites, de mère en filles et de filles en nièce, à attendre l'amour en épiant l'horizon des visites et des bals. Parfois l'amour frappe, incongru, à l'âge de la maturité et apporte la joie dans la plénitude d'une passion avec un jeune homme: c'est ce que vit Clara avec le précepteur de ses filles, Zygmunt Borowski. Clara se trouve, pour la première fois de sa vie, belle et intelligente aux yeux d'un homme et connait enfin le bonheur d'aimer et être aimée. D'ailleurs, le piano reprend du service puisque Zygmunt aime l'entendre jouer et que pour lui, rien que pour lui, elle renoue avec ses premières amours musiciennes.
Mais l'amour surgit aussi dans le coeur de jeunes filles à peine écloses, de jeunes filles qui, dans leur naïveté virginale, offre leur précieux trésor à l'homme qu'elles aiment pensant le gagner par le don de soi: Wioletta, la belle et farouche Wioletta aux pinceaux et fusains talentueux, se laisse prendre au piège en aimant ardemment le promis de sa soeur Urzula et en croyant qu'il la choisira au dernier moment! Las, mille et une fois hélas! Agenor Karlowicz, jeune homme indécis, indolent, inodore et sans saveur (c'est pourquoi, la lectrice que je suis se demande encore ce que Wioletta a bien pu lui trouver!), non content de déflorer Wioletta, ira consommer l'hyménée dans les bras d'Urzula et condamnera, inconsciemment, Wioletta à la pire opprobre: un enfant illégtime et la réclusion honteuse au coeur de l'univers domestique. Wioletta, qui aurait aimé étudier, apprendre, se voit considérer comme une fille perdue et est séparée à jamais de son enfant. Wioletta, une ombre vivante errant dans la maison, muette et transparente aux yeux des autres...d'ailleurs, lorsque Jozef reçoit, elle doit rester recluse dans sa chambre! Les années passent, le siècle meurt, un autre naît, au fil des saisons, des pluies, des chaleurs estivales, la famille s'agrandit, certains membres s'engagent dans le combat pour l'indépendance de la Pologne et se voient contraints à l'exil, d'autres demeurent et construisent l'avenir industriel grâce au sucre des betteraves! Les familiers changent: le médecin de famille, Salomon Weinberg, laissera place au prince Dubinski sur les conseils duquel Wioletta lira les carnets de bords de son grand-père et apprendra qu'une branche de sa famille paternelle appartint à la communauté juive avant de se convertir sous l'influence d'un certain Jacob Frank....au grand dam d'un Jozef vieillissant!
Diane Meur fait appel à une étrange narratrice: la maison du domaine qui derrière sa façade blanche et son fronton néo-classique, épie ses habitants. Elle est indiscrète, furète partout, inspecte de la cave au grenier, guette les échos de l'histoire, les bribes de conversations intimes. Elle est partout, voit tout et entend tout. Elle attise les passions et les envies et tissent les destins. Elle connaît les vivants mieux qu'eux-mêmes, elle garde au coeur de sa mémoire les ombres du passé, les fantômes qui vivent dans ses murs, oubliés depuis si longtemps par les vivants. Mais les vivants possèdent quelque chose que la maison n'a pas et qu'elle leur envie: leurs drames, leurs désirs et leur mobilité. Sous la plume de Diane Meur, au souffle romanesque éblouissant, le lecteur se trouve au coeur de la maison et l'accompagne dans ses observations: c'est l'odeur des épices, des plats et des vins ou celui des espoirs et de l'amertume d'un chagrin inconsolable, ce sont les saisons qui rythment la vie des habitants, la surprise éprouvée devant un rideau qui bruisse sous la brise estivale ou le craquement des boiseries un soir d'hiver apportant une note menaçante dans la nuit. On déambule dans les pièces qui ne changent pas, on écoute les conversations des batteries de cuisine, de l'argenterie, des rideaux ou encore du piano. On est l'âme de la maison, on respire la poussière odorante des années, des siècles, on est les souvenirs d'une époque, d'un mode de vie, des vies fragiles qui s'éteignent heureuses ou non et disparaissent dans les ombres de la maison.
Le thème de l'exil et de la perte de ce qu'on laisse derrière soi est également très fort: l'exil intérieur vécu douloureusement par Wioletta, l'abandon obligé de son enfant, l'exil de Maria en Turquie, l'exil religieux de Jadwiga dans sa cellule de nonne, l'exil de Tessa et sa famille vers les Etats-Unis dont la chute du roman amorce une réponse à l'interrogation "Qu'emporte-t-on avec soi lorsque l'on quitte la terre natale et perd-t-on tout ce qui nous a construit?". Une bien jolie réponse donnée par la narratrice.
Le foisonnement et les interactions entre les personnages principaux et secondaires donnent un souffle épique au roman digne d'un roman de Tolstoï et offrent un moment de grand bonheur de lecture!


"Sur l'arrière il y a le parc, les champs. les jours d'été, une brume de chaleur voile les collines et au-dessus des blés l'air tremble, habité de guêpes et de papillons. il y a les fermes aussi, dont les toits descendent si bas qu'à herbe haute, quand je n'en aperçois plus les fenêtres ni les portes, elles semblent de chastes jupes dont s'élève, en guise de torse, une mélancolique fumée.
Parfois les enfants de paysans viennent ici marauder une poire, une poignée de cerises. Du temps de Gavryl ils auraient reçu des pierres, des injures dans leur langue, peut-être la menace d'un rapport au bailli.(...) Sur l'avant c'est le portique à colonnade, l'entrée d'honneur, la grille qu'on ouvre grand aux jours de réception. A ma gauche s'alignent les soixante maronniers de l'avenue de la gare, laquelle m'est cachée par un repli de terrain. On la dit grandiose....." (p 9 et 11)




Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés



mercredi 28 mai 2008

Opération "Masse critique"

Régulièrement Babelio organise l'opération "Masse critique".

En s'inscrivant sur Babelio (bibliothèque virtuelle) pour y ranger ses livres et échanger avec d'autres lecteurs, on peut participer à "Masse critique": un livre reçu, une critique mise en ligne sur le blog de Babelio et sur son propre blog.

Il reste encore des livres à distribuer alors n'hésitez plus, cliquez ICI !!!


dimanche 25 mai 2008

Les départs paisibles


Une jeune femme apprend que son frère est gravement malade et n'a plus que quelques mois à vivre. Elle est subjuguée par la propreté et la blancheur de la chambre où tout est net, à sa place et bien rangé. Pourquoi tant d'émerveillement face à la blancheur? Leur mère a sombré dans la démence suite à la perte progressive de la mémoire: la maison peu à peu fut envahie de nourritures avariées, de détritus et autre désordre.
Chaque jour, elle vient lui tenir compagnie, le faire manger, le regarder s'apaiser, dormir; chaque jour, elle ramasse les restes de pommes, de raisins, de repas et les met, méticuleusement, dans un sac et le dépose dans le local poubelle. Hantise des "corps organiques" qui se flétrissent et se détériorent dans les odeurs nauséabondes, souillures insupportables.
Elle regarde son frère devenir chaque jour plus transparent, diaphane et regarde le médecin qui le soigne avec les yeux d'une femme émue par la perfection de ses épaules de nageur, qu'elle imagine perlées d'eau. La mort et l'amour se côtoient inlassablement: le dernier aide à trouver la force de supporter la première et permet de tenir jusqu'au bout le rôle d'accompagnateur auprès des proches qui s'en vont. D'ailleurs, la scène au cours de laquelle la jeune femme demande au médecin de pouvoir se serrer contre son torse de nageur est d'une farouche beauté oscillant entre la sensualité et la froideur clinique d'un remède.
La chambre du malade apparaît comme le lieu de la pureté originelle, un cocon, une matrice où le frère et la soeur s'unissent dans une complicité fraternelle. C'est aussi un passage: celui de la vie vers la mort.
"La désagrégation du papillon" est la deuxième nouvelle du recueil. Une jeune fille est contrainte de confier sa grand-mère dans une maison de retraite médicalisée. La narratrice, élevée par sa grand-mère, se retrouve confrontée à l'absence et à la culpabilité: elle a l'impression d'avoir abandonné sa grand-mère, atteinte de démence sénile. Pourtant, le directeur de l'établissement a tout mis en oeuvre pour rassurer et rendre moins difficile la séparation.
La jeune fille se lance alors dans une introspection où le rapport à la normalité est interrogation. En effet, le point d'ancrage de la jeune fille était la présence de sa grand-mère. Une fois cette dernière partie, l'absence amène la perte des repères affectifs. La jeune fille ressent les premiers symptômes de la grossesse: réelle ou imaginaire? Toujours est-il qu'elle lui permet de se construire de nouveaux repères où la vie qui éclot est un élément permettant d'accepter l'effacement du visage de la grand-mère. L'atmosphère de cette nouvelle est particulièrement étrange: on navigue entre réalité et rêve, dans des ambiances dérangeantes et un peu angoissantes. La séparation est loin d'être paisible du fait d'un sentiment de culpabilité omniprésent de la part de la narratrice.
Ces deux nouvelles abordent le thème, douloureux, de l'accompagnement de la fin de vie et la perte de l'être aime, du proche, enfin elles soulignent la difficulté pour ceux qui restent de continuer à vivre avec le poids de l'absence.
Ogawa derrière son écriture lisse et presque anodine, présente au lecteur des récits percutants où la douleur suinte sous les mots du quotidien et les douces images du temps qui passe.
J'ai préféré "Une parfaite chambre de malade", récit plus serein, plus paisible et moins angoissant. Sans doute parce que "La désagrégation du papillon" renvoie à la situation des personnes âgées dans nos sociétés modernes où la solitude, médicalisée, semble être de mise et est vécue comme un abandon par la famille.


Nouvelles traduites du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle


L'avis de Laure et Lelabo

Pour toutes les mamans


J'ai craqué pour cette image enfantine mais émouvante.

Bonne fête Maman!!

Mais d'où vient la fête des mères? On sait qu'en 1941, le génie du gouvernement de Vichy, l'a mis au goût du jour et l'ancra ainsi dans le calendrier: le 25 mai. Mais surtout, il réussit le tour de force de la faire prendre en charge par les enfants! Ainsi, le 25 mai 1941, pouvait-on lire, sur une affiche diffusée dans les écoles, "Ta maman a tout fait pour toi, le Maréchal te demande de l'en remercier gentiment..."
Cependant, la célébration des mères de famille ne date pas de 1941. En 1918, la ville de Lyon organise la journée des Mères.
Il est à noter que l'arrière-pensée d'une telle célébration oscille souvent entre le modèle américain du "Mother's day" et une fête visant à promouvoir la maternité (dans le cadre d'une politique nataliste).
Dans les années 50, la fête des mères est récupérée par la publicité et la commercialisation et se dégagera peu à peu de toute idéologie patriotico-nataliste.

Les mamans ont-elles reçu de jolis cadeaux tels que le traditionnel collier de nouilles ou le pense-bête en matériau de récupération?
A l'école, cette année, nous avons opté pour les plantations de fleurs: dans ma classe, les enfants ont offert des pousses d'oeillets d'inde. Le petit plus: "Maman je t'aime" en écriture cursive!

samedi 24 mai 2008

"Maman est folle"

L'Occupation, Paris et sa vie quotidienne, un cours d'art, une rencontre entre un jeune officier allemand et une jeune fille de bonne famille parisienne, Fanny, une liaison et son fruit de la honte.
Les années passent, Fanny élève seule sa fille, Marion. Cette dernière se souvient d'une peur immense, ressentie un jour lointain d'enfance, aux côtés de sa mère: elle avait changé de voix, avait dit d'étranges mots et avait eu un comportement incompréhensible. Puis, Fanny avait disparu quelques temps et Marion prise en charge par des gens inconnus....ses grands-parents.
Marion aime sa mère malgré son étrangeté et son grain de folie. Le silence autour de l'identité de son père lui pèse et elle désire en savoir plus. Peu à peu, au gré des révélations en pointillé qu'elle glane au cours de conversations entre adultes, elle esquisse un début de portrait et lui invente une existence.
Fanny devient de plus en plus étrange, Marion devient une jolie adolescente qui perçoit le dysfonctionnement de ses relations avec sa mère. Elle parvient à mettre des mots sur la maladie de Fanny: maniaco-dépressive. La vie familiale est de moins en moins possible, le combat intense pour conserver une once de normalité. Marion s'accroche fermement aux branches de la raison à mesure que celle-ci quitte sa mère. L'amour peut-il vaincre la folie?
Marie Sizun raconte l'amour et la folie, leur relation trouble et déséquilibrée mais aussi la colère salvatrice d'une petite fille. En effet, Marion a une relation fusionnelle avec sa mère: la vie à deux dans un petit appartement, les sorties au cinéma, petits moments privilégiés et précieux d'une intimité familiale. Elle l'aime même si parfois Fanny parle trop fort, est excentrique et mal habillée: la normalité vécue chez ses grands-parents est ennuyeuse, plate et poussiéreuse au coeur d'un silence ponctué de "Le père de la petite", mystérieux, ou "Elle nous a fait trop de mal...elle est morte pour nous." gifle de mots d'une infinie violence.
Par petites touches, avec des phrases courtes, un rythme parfois saccadé, Marie Sizun peint la désespérance d'une femme à la dérive, tentant de tenir debout pour sa fillette et qui malgré tout son amour provoque l'angoisse et la peur lorsqu'elle se met à chanter, sur un mode grave et bas à la fois, la chanson "Le temps des cerises", celle qui sépare la mère et la fille malgré l'amour et la tendresse.
"La femme de l'Allemand" est aussi un roman sur l'identité, celle qui nous situe dans la société mais aussi dans l'histoire, dans le temps et l'espace. Dans les années 50, il n'est pas facile d'être enfant d'une mère célibataire surtout quand le père est un soldat allemand! Le secret des origines est la seule solution pour ne pas être rejeté, et devient, de fait, une chappe de plomb. Le silence entoure chaque pensée même si des signes distinctifs provoquent la curiosité: Marion est grande pour son âge, elle est blonde et apprend très facilement l'allemand! Marie Sizun explore les relations mère-fille dans un contexte particulier: le mystère des origines, l'absence du père, la figure inconnue et rêvée du père. Tout en émotions, "La femme de l'Allemand" ne sombre pas pour autant (et c'est ce qui en fait sa force) dans le pathos insoutenable: c'est avec délicatesse et sobriété que les moments les plus tragiques sont évoqués: le lecteur est ému, profondément, mais sans inconvenance. Il vit, avec intensité, le dramatique naufrage maternel et la construction, à coup de colères et d'entêtements, de Marion qui ne peut survivre qu'en fuyant et renonçant à sa mère: la liberté psychique passant par la négation d'un amour et d'un attachement profonds à la mère.
Une lecture belle et bouleversante, une histoire d'une force extraordinaire et à l'atmosphère rappelant celle de "Lambeaux" de Charles Juliet.


dimanche 18 mai 2008

Folies sibériennes


Sibérie, 1919, le long de la voie de chemin de fer du Transsibérien, un village perdu au milieu de nulle part, Jazyk et ses habitants, étranges, occupés par une garnison étrangère, la légion tchékoslovaque. Le conflit mondial de 14/18 est bien loin, la Révolution commencée en 1917 bat son plein, les Rouges approchent de cette région isolée de Sibérie.
Régulièrement, les habitants de Jazyk se retrouvent pour participer à des cérémonies particulières. Les hommes comme les femmes, tournent sur eux-mêmes dans une danse virevoltante et folle, danse qui les emporte en transe mystique. Qui sont-ils? Des adeptes d'une secte religieuse où les hommes s'émasculent et les femmes se tranchent les seins, actes qui doivent les rapprocher du monde des Anges, monde d'où sont exclus l'envie, la jalousie, les passions qui ne mènent qu'aux conflits. Leur chef est Balashov, le barbier, un homme qui quitta sa condition mâle suite à une charge désatreuse de la cavalerie russe contre les canons autrichiens...une boucherie sans nom, insupportable.Il ramène avec lui, Samarin, bagnard évadé d'un camp proche du cercle polaire sibérien, oublié par les autorités passées et présentes. Il se dit poursuivi par un autre bagnard, Le Mohican, cannibale! Puis, il y a la mort du shaman: il semble avoir été assassiné, pourquoi et par qui? Peu à peu, une chappe de plomb s'abat sur le village où la folie et la peur se disputent parmi les soldats en errance.
Samarin a un charme certain, une voix douce, un regard éloquent, une dialectique soignée, un verbe convaincant, aussi intéresse-t-il Anna Petrovna, jeune veuve venue s'installer à Jezyk avec son petit garçon. Son histoire est cohérente, belle, pleine d'amour, sa peau semble douce, son corps attirant....Anna succombe à l'attrait de Samarin. Mais qui est vraiment Samarin? Mutz, le lieutenant du capitaine Matula, est chargé de mener l'enquête au plus vite.
La Sibérie et ses paysages blancs et infinis servent de décors inquiétants et sublimes à ce roman où le drame, les drames sont en filigrane. Les drames de la folie de l'amour, des folies de l'amour: la folie du pouvoir, Matula, capitaine dément, souhaite construire un royaume dans l'isolement de cette région, un royaume qui condamnerait ses soldats au non-retour; la folie religieuse, les villageois veulent atteindre en se mutilant un idéal de perfection; la folie amoureuse qui amène Anna à venir au devant de la souffrance, au devant d'un passé qu'elle devrait oublier, la folie amoureuse qui transforme le cannibalisme en acte d'amour pour Samarin.
James Meek, tout en nous rappelant "Michel Strogoff", "Le docteur Jivago" et les romans de Dostoïevski (pour la folie des personnages) et de Tolstoï (pour la fresque historique et le souffle épique du récit), orchestre un récit, presque un thriller, où le sacrifice d'une part de soi prend une force romanesque extraordinaire. Il happe l'attention de son lecteur avant même que l'action ne commence et jusqu'au téléscopage des personnages en une symphonie héroïque des passions échevelées. Le tout dans la blancheur froide, inquiétante de la Sibérie du début du siècle, dans l'ombre angoissante de ses forêts, dans la solitude d'un village oublié du monde. Le train, les rails, sont le cordon ombilical qui rattache ces personnages hors du commun au monde ordinaire, monde qui fait irruption à la fin, deus ex machina régulateur des passions les plus vives. Les échos et les images de la Sibérie retentissent encore après la lecture de "Un acte d'amour".

Un roman surprenant, à la longue scène d'ouverture (une bonne centaine de pages!), à découvrir....une vraie réussite romanesque!

Roman traduit de l'anglais (Ecosse) par David Fauquemberg

Les avis de Moustafette, pascal, marc, TV5




samedi 17 mai 2008

L'univers dans l'encre du thé


Voilà un livre que l'on feuillette avec plaisir puis qu'on lit avec gourmandise. Les textes de Gilles Brochard sont une fenêtre ouverte sur l'intériorité de les auteurs passés au crible de la passoire à thé.
A partir des écrits de ces derniers ou des entrevues qu'il a eues avec eux, Brochard emmène son lecteur dans la farandole des impressions vécues ou rêvées autour d'une tasse de thé en compagnie de femmes et d'hommes de plume. Derrière les personnages amateurs de thé se cache très souvent un auteur adepte de la petite feuille roulée et délicatement parfumée. Le thé et ses rituels sont les éléments essentiels pour créer un atmosphère, des ambiances au coeur des salons bourgeois ou huppés comme au coeur d'un café ou à l'entrée d'une grotte d'ermite.
"Le thé dans l'encrier" ravit l'amateur de thé, satisfait ses sens à la lecture des scènes où la boisson fétiche est à l'honneur: il peut entendre tinter les petites cuillers, musarder les conversations, et susurrer le liquide corsé ou doux, amer ou léger lorsqu'il est versé dans la tasse en porcelaine.
Le tout est superbement servi par les très belles aquarelles de Ruben Alterio, illustrant à merveille les textes enthousiastes voire enflammés de Brochard. Une seule ombre, gênante: l'orthographe fantaisiste de quelques mots ou les accents capricieux qui gâtent un peu la joie de la lecture. Mais ce désagrément n'empêche pas d'apprécier le regard porté sur l'oeuvre d'Anaïs Nin ou celui porté sur Balzac à la lumière de leur rapport au thé. Une bien jolie promenade aux côtés des plus grands écrivains, parfumée aux senteurs de thé.

Un extrait choisi qui pose d'emblée l'auteur de "Le thé dans l'encrier":

"Je passe aux aveux tout de suite: je suis un dingue de thé, un détraqué, qui du matin au soir, ne peut vivre sans une théière à portée de la main(...) A ceux qui pourraient mettre ma parole en doute, j'affirme que boire du thé, pour moi, n'est ni caprice, ni un snobisme mondain, ni une mauvaise habitude, ni une hérédité, ni une contagion, mais tout simplement un vice qui m'habite. je suis possédé par lui, il fait partie de mon corps; se scavités sont brunies de tannin. Un jour, peut-être, aurai-je besoin d'une sorte de décalaminage." (p 11 et 12).

Quelques jolies citations glanées au fil de "Le thé dans l'encrier":

Hari Prasad Shastri dans "Echos spirituels du Japon":
"La cérémonie du thé a une haute portée morale. Elle nous rappelle l'importance de la sérénité intérieure et l'inutilité de l'agitation, du bavardage bruyant et des gestes extravagants. Quel gaspillage de force dans de tels comportements! Quel mode de vie vulgaire!" (p 23 et 24)

"Vie du thé esprit du thé" de Soshitsu Sen :
"Servir un bol de thé conformément aux règles de l'étiquette, c'est réaliser une large synthèse culturelle aux idéaux élevés impliquant divers éléments relevant de la religion, de la morale, de l'esthétique, de la philosophie, de la discipline et des relations sociales." (p 26)

Comme l'a souligné Flo dans son billet, "Le thé dans l'encrier" n'est plus disponible hormis d'occasion chez des bouquinistes. Dommage car ce livre est une mine de menus faits et de citations autour du thé.

Les avis de Flo et Moustafette

jeudi 15 mai 2008

Un poème en passant

" La grande Odalisque" Ingres

Je n'ai pas résisté à l'appel d'un recueil de poésie arabe ("La Poésie arabe" chez phoebus/libretto) lors de mon passage aux Etonnants Voyageurs.

Ce poème, que je trouve très beau et sensuel m'a touchée lorsque je l'ai lu pour la première fois... Son auteur est Al-Nabigha Al-Dhoubyani qui "acquit une large renommée et fréquenta tour à tour les rois arabes qui gardaient les frontières de l'Empire perse ou byzantin. Ses vers d'une plénitude harmonieuse, mettent en jeu une subtilité et une finesse qui ont toujours charmé les esprits les plus délicats. Il réalise un accord parfait entre l'image, l'expression et l'idée." (René R. Khawam). Ce poème est en mètre Kamil (vers parfait) regroupant un certain nombre de fois un groupe de syllabes avec des formes syncopées.



De ses longs cheveux se voilant...


Le voile a glissé sans qu'elle voulût
le voir tomber.
D'une main le saisit de l'autre
nous fit signe
d'avoir à craindre Dieu, en réprimant
notre curiosité avide.

Une main aux doigts teints,
souple, aux extrémités déliées
comme fruits de l'anam,
qui semblent ne pouvoir
se nouer, tant est grande
leur délicatesse.

Puis, de ses longs cheveux noirs
à demi bouclés se couvrant,
elle se ploya comme une vigne s'appuie
sur l'étançon qui la soutient.

Enfin elle te regarda comme
pour te rappeler que, malgré sa prière,
tu aurais pu obtenir
ce que tu n'as pas essayé de prendre...
lourd regard d'attente qu'un malade
adresse à ceux qui le visitent.

Al-Nabigha Al-Dhoubyani

(vers 535 - vers 604)

mercredi 14 mai 2008

Comment échapper à une ogresse?


"Babayaga n'avait qu'une seule dent. Et c'est probablement ça qui l 'a rendu si méchante. Ogresse par vocation, elle n'a qu'une passion : manger, et de préférence les enfants bien dodus et bien gras. Alors, comment s'en sortir quand on est une fillette haute comme trois pommes et qu'on se retrouve coincée dans l'antre de Babayaga ?"

Rebecca Dautremer et Taï-Marc Le Thanh offrent une version du conte traditionnel russe "Babayaga" (le texte ici)où une petite fille se retrouve confrontée à l'appétit gigantesque d'une ogresse affamée et diablement méchante.

Babayaga n'a qu'une seule et unique dent et est la risée de tous depuis toujours: sans doute est-ce pour cette raison qu'elle est devenue méchante. Sa méchanceté devenant de plus en plus virulente au fil des ans, Babayaga décide de devenir ogresse....quel beau métier que celui-ci: elle commence d'ailleurs par manger son chien! Un jour, sa soeur, Marâtre (beau programme!) lui envoie, pour s'en débarasser, sa belle-fille, Miette. En chemin, cette dernière rencontre un crapaud, si mignon qu'elle embrasse: il se transforme en...prince charmant? non en crapaud qui parle ce qui lui permet d'apprendre à se méfier de Babayaga et de se munir, suite aux conseils du batracien, de quelques petites choses qui se révèleront fort utiles!
Miette rencontrera des obstacles, aura des objets magiques grâce à un félin et réussira à sortir des griffes de l'horriblement méchante Babayaga!
Les illustrations sont superbes, les tons rouges dominent et mettent en valeur l'atmosphère angoissante de cette histoire d'ogresse. Les visages apaisent ou effraient et participent ainsi à l'ambiance inquiétante générale. Cette dernière est tempérée par les traits d'humour du texte et les incises graphiques de papillons et de feuilles d'automne.
La scène du bain est amusante comme tout: il flotte dans la baignoire des morceaux de carottes et de navets accompagnés d'un bouquet garni....de quoi faire un bon pot-au-feu!!!
La dévoration est présente dans les détails des illustrations (ustensiles de cuisine, objets étranges et inquiétants...) sans jamais être vraiment explicite renforçant le sentiment de peur (on aime avoir peur surtout lorsque l'on sait que c'est de la fiction!). Un délice pour les petits que de se confronter à ses première frayeurs!
C'est aussi la solitude due à une différence qui isole et peut rendre méchant. La méchanceté n'amène en aucun cas la sympathie d'autrui: elle condamne à la solitude mais aussi à la faim inassouvie d'amitié et de chaleur. On a envie de demander à Babayaga: "Pourquoi es-tu si méchante?" et surtout qu'elle ne nous réponde pas "Parce que"!!!!
Une histoire comme on les aime et des illustrations grandioses grâce au grand format de l'album! A lire et relire sans bouder son plaisir!!!


Séduction et cuisine

Les swaps me plaisent beaucoup non seulement parce que l'on prend plaisir à concocter un joli colis pour la personne swappée mais aussi parce que l'on découvre d'autres horizons littéraires. Dernièrement, Bladelor organisait Afrilire et ma PAL, grâce à Ramanna, s'est ainsi enrichie de romans de littérature africaine, littérature qui gagne à être connue et lue!
"Comment cuisiner son mari à l'africaine" est un roman savoureux et épicé: Mademoiselle Aïssatou, superbe jeune femme noire aux formes somptueuses et à la ligne parfaite qui fait mourir de jalousie les femmes qui la croisent (mais comment fait-elle pour rester si mince?), tombe amoureuse d'un de ses voisins, un Malien célibataire, doté d'une mère très étrange (une poule lui tient lieu d'animal domestique) au caractère fantasque. Il s'appelle Souleymane Bolobolo, a des conquêtes féminines qui rend jalouse notre Aïssatou. Cette dernière décide de tout mettre en oeuvre pour le séduire et l'épouser: pour réussir la conquête de Souleymane il faut parvenir à amadouer sa mère et ravir son palais!
Aïssatou, noire devenue blanche pour ressembler aux canons de la beauté occidentale, a perdu ses formes et des rondeurs africaines qui plaisent tant aux hommes: plus de seins, plus de fesses, plus de hanches et seulement des dîners frugaux composés de quelques carottes râpées et feuilles de salade! Au final, cette torture atrophiant le goût ne l'avance guère: Aïssatou ne garde aucun amoureux assez longtemps pour en faire un mari! Aussi, se souvient-elle de ce que lui disait sa mère: l'art culinaire est un remède universel pour tout remettre d'aplomb!
Et voilà notre amoureuse qui retrouve le plaisir de cuisiner, de manger, de redécouvrir les senteurs de l'Afrique: à chaque étape de son plan de séduction il y a un plat dont la recette est fournie en fin de chapitre! Au fil des petits plats colorés, épicés, délicieusement odorants et appétissants, le lecteur accompagne Aïssatou dans sa conquête de l'Homme, parsemée de traits d'humour, de rires et de larmes. Ah! la scène au cours de laquelle la dernière conquête de Mr Bolobolo, Mademoiselle Bijou, est évincée: un grand moment épique où les saveurs corsées et vraies de l'Afrique terrassent les minauderies "blanches" de celle qui ne se considère pas comme noire! "Je n'ai jamais aimé la cuisine africaine, dit-elle pour accentuer nos différences. Je dois avouer que ma mère, toute noire qu'elle était, paix à son âme, n'en préparait jamais. Paraît qu'ils mangent des singes, ce Nègres!" (p 99). La revanche est savoureuse, les ébats ont le goût du gingembre, l'amour les douceurs de la cuisine élaborée avec tendresse et surtout sans perdre son âme!
J'ai beaucoup aimé ce roman scandé de recettes très exotiques et tentantes pour certaines! "Comment cuisiner son mari à l'africaine" de Calixthe Beyala ressemble par son côté culinaire très accentué à "La colère des aubergines" de Bulbul Sharma: sous des apparences légères, riantes, l'auteur aborde des sujets plus graves et plus existentiels comme la perte des repères socio-culturels lorsque l'on est confronté aux valeurs occidentales, la recherche d'une identité afin de mieux vivre, une recherche qui permet de se retrouver et de s'aimer sans rien renier de ses origines. Le tout avec une écriture imagée, d'une sensualité étonnante et un humour détonnant doublé d'une vraie tendresse: l'amour, le sexe et la cuisine sont intimement lié dans la culture africaine (mais un dicton ne dit-il pas que pour garder son mari la cuisine doit être bonne?!); la nourriture amorce,complète et prolonge l'activité sexuelle d'Aïssatou au cours de sa campagne de séduction!
"Comment cuisiner son mari à l'africaine" est une lecture plaisante, savoureuse et en même temps un petit précis de séduction amoureuse!
Et vous, comment cuisinez-vous votre mari?


Un article très intéressant sur l'interaction alimentation-sexualité dans la littérature africaine francophone ICI

lundi 12 mai 2008

Le carcan d'un idéal

Stevens, un majordome, a servi toute sa vie de grandes familles anglaises, notamment celle de Lord Darlington. Le château et les terres de ce dernier ont été rachetés par un riche Américain, Mr Farraday, la vie sociale n'est plus la même qu'auparavant: la guerre et le déclin des grandes familles ont changé le rythme de vie et les coutumes. Mr Farraday a réduit le personnel de service, n'utilise pas toutes les pièces: la vie mondaine est loin d'être fastueuse comme avant-guerre.
Stevens reçoit une lettre d'une ancienne gouvernante, Miss Kenton, dans laquelle il perçoit une nostalgie de l'"ancien temps". Comme Mr Farraday part quelques semaines aux Etats-Unis, Stevens décide, après l'obtention de l'accord de Farraday, de se rendre chez Miss Kenton (il ne peut se résoudre à l'appeler de son nom d'épouse) par le chemin des écoliers, au volant de la voiture de son employeur.
Commence alors le déroulement des souvenirs d'antan de Stevens sur les routes du voyage concoctées à partir d'un ouvrage, délicieusement désuet, "Les merveilles de l'Angleterre" de Mrs Jane Symons, ouvrage à l'image de Stevens, empreint de dignité et de retenue toute britannique.
Les souvenirs défilent au rythme de la mémoire du majordome: les réceptions de Darlington Hall, les invités prestigieux, les conversations, les thés, les moments passés au fumoir, la bibliothèque fournie en vieux volumes reliés, les dédales des passages menant aux communs et aux chambres du personnel. Tout un décorum disparu et regretté, nous sommes en 1956, le monde a changé laissant exangues certaines vieilles fortunes.
Stevens, aux trente ans de services parfaits, s'interroge sur sa vie qu'auprès de laquelle il est peut-être passé en désirant mettre toujours en avant la qualité absolue du service rendu à son employeur. Le poids de la servitude est tel que rien d'intime ou de personnel doit prendre le pas sur le service: ainsi l'amour envers le père est-il étouffé au même titre de celui éprouvé, en secret (oh, terrible et insupportable silence des émotions!), envers Miss Kenton. Les émotions ne doivent pas empiéter sur la dignité de la fonction de majordome comme sur celle de Lord ou autre pair du royaume: l'homme est prisonnier de son appartenance sociale qu'il soit en bas ou en haut de l'échelle. Certes, le poids ne semble pas être le même mais l'obligation reste identique....le flegme en toute circonstance: "Un majordome d'une certaine qualité doit, aux yeux du monde, habiter son rôle, pleinement, absolument; on ne peut le voir s'en dépouiller à un moment donné pour le revêtir à nouveau l'instant d'après, comme si c'était qu'un costume d'opérette." Stevens est un homme de devoir, loyal, fidèle et digne: il voue un amour sans borne à feu Lord Darlington malgré les égarements politiques de ce dernier dont il n'a pas pu le sauver. Mais était-ce à lui, Stevens, de sauver Lord Darlington? Ce dernier qui, dans l'entre deux guerre, voulut sortir l'Allemagne vaincue de l'enfer économique de la défaite et se fit manipuler par les nazis et une faction extrémiste de la bonne société britannique. D'ailleurs, il limogera deux servantes en raison de leur judéité, ordre exécuté sans discuter par Stevens (malgré la révolte orale de Miss Kenton), geste que Darlington regrettera, un peu mollement, quelques années plus tard. Le carcan de la fidélité et de la dignité du travail exemplaire montre ses limites: celles d'une humanité mise en sourdine, sacrifiée sur l'autel d'un idéal, celui de ne vivre que pour l'employeur et d'oublier sa propre vie. Miss Kenton souffrira de ce manque d'humanité qui la poussera à se marier à un homme qu'elle n'aime pas réellement.
"Les vestiges du jour" est un roman délicieux à lire, à déguster tant la langue est belle, l'écriture soignée, recherchée et amenant le lecteur dans une atmosphère inoubliable: celle d'une Angleterre nostalgique de sa grandeur passée, de ses usages maîtrisés et immuables. Il est certainement difficile de traduire avec exactitude le rendu de la langue châtiée et des expressions langagières typiques des classes supérieures britanniques, cependant, le lecteur embarque avec ravissement dans ce roman dont le héros, un butler haut de gamme, est d'une absolue dignité même s'il a laissé courir sa vie au service des autres. On pourrait croire que Kazuo Ishiguro a passé sa vie au coeur des usages de la haute société anglaise et côtoyé assidûment les majordomes des grandes maisons!
Me voilà conquise, tout simplement!

Roman traduit de l'anglais (GB) par Sophie Mayoux




Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés




vendredi 9 mai 2008

Pause malouine



Demain commence le Festival des Etonnants Voyageurs à Saint-Malo. Nous y passerons deux jours entre conférences et allées de livres. Il paraît même qu'il fera beau!!!!
Chatperlipopette s'offre donc une petite pause littéraire et iodée. A la semaine prochaine.

Emily Dickinson


Christian Bobin livre ici une biographie romancée très poétique sur la poétesse Emily Dickinson. Emily qui eut une vie très particulière: elle vécut en recluse, dans sa maison du Massachusset, au milieu de ses fleurs et de la nature qu'elle aimait tant. Emily apparaît comme un elfe ethéré, un ange parmi les hommes que rien de fâche, que rien ne trouble. Elle écrit, écrit et écrit encore mais seulement pour elle, malgré quelques tentatives de diffusion de ses poèmes dans un journal. Elle a sa Bible, sa "cinquième fenêtre" sur le monde, toujours à portée de main, elle pétrit et cuit le pain pour la maisonnée, elle prie et contemple le monde qui l'entoure avec son regard de fillette, de jeune fille, de jeune femme puis de femme d'une sensibilité extrême voire exacerbée malgré son silence et son invisibilité. Emily vit intensément dans son univers intérieur et il est saisissant de lire les sublimes vers qu'elle a écrits, reflets du monde et de la nature humaine, alors qu'elle n'a quasiment jamais quitté sa petite ville d'Amherst.
Emily grandit dans l'ombre imposante de son juriste de père et celle de la mélancolie de sa mère "On ne remerciera jamais assez les mères mélancoliques. Leur trône est au milieu du ciel. Elles ont jeté leur châle sur le soleil. Il sort de leurs yeux une nuit si grande que leurs enfants s'émerveillent du plus petit brin de lumière. Emily s'en va chercher le jour là où il se trouve, un peu plus loin que le royaume des mères." (p 37) De cette enfance solitaire et tournée vers l'intériorité, Emily va trouver un chemin illuminé, celui de la poésie "Bien avant d'être une manière d'écrire, la poésie est une façon d'orienter sa vie, de la tourner vers le soleil levant de l'invisible. Le pain d'épice qu'elle cuit et fait descendre dans un panier au bout d'une corde, de sa chambre à la rue où les enfants le mangent, le soin têtu qu'elle prend de ses rosiers et sa patience ailée devant la tyrannique langueur de sa mère - tout est pour Emily une occasion d'exercer cette empathie qui est la source claire du génie." (p 55)
«L'âme d'Emily tient dans une goutte de rosée. L'infime est son royaume. Elle contemple le ciel à travers le vitrail des ailes d'une libellule, et s'aménage un béguinage à l'intérieur d'une clochette de muguet. Une cheminée dans l'âtre de laquelle tombent les étoiles du ciel, un lit couvert de neige et une table en bois de cerisier: sa chambre a le dépouillement princier d'une cellule de moine, et elle est plus belle de ne pas l'afficher.» Tout est dit dans ces quelques images à la suite desquelles on imagine, sans difficulté aucune, la frêle silhouette blanche d'Emily Dickinson, une âme discrète, silencieuse mais à l'intense activité intérieure. L'écriture de Bobin magnifie le portrait d'Emily Dickinson telle un écho de ses poèmes: est-ce une rencontre avec Emily Dickinson ou un prolongement du monde de Bobin? Parfois, on a l'impression que les deux univers, si proches, se confondent et se mêlent: Bobin et Emily deviennent deux voix d'un même poème.




"Pour faire une prairie il faut du trèfle et une abeille,
Un trèfle, et l'abeille,
La rêverie.
Si les abeilles sont rares,
La rêverie suffit."


Emily Dickinson


(écrit en 1779 in "Car l'adieu, c'est la nuit")


"La dame blanche" de Bobin a guidé mes mains vers un recueil de poèmes d'Emily Dickinson "Car l'adieu, c'est la nuit" que je ne me lasse pas de feuilleter. Merci Monsieur Bobin d'avoir raconté le monde d'Emily avec vos mots poétiquement minimalistes!







Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés
L'avis d'Antigone

jeudi 8 mai 2008

Devenir aveugle pour enfin voir?

Paris et sa région: trois meurtres particulièrement horribles ont eu lieu portant une signature identique, ennucléation, sang partout et mise en scène macabre. Le commandant Lanester, profiler du 36 Quai des Orfèvres, mène l'enquête jusqu'à ce que sur le lieu du deuxième crime, il perde soudainement la vue. Pourquoi, comment cela lui est-il arrivé? Pourquoi lui? Comment peut-il continuer l'enquête? Comment peut-il exercer son métier? Autant de questions que de stress et de silence. La perception du monde de Lanester n'est plus la même: le noir dans lequel il se trouve, le contraint à ressentir plus intensement les choses et les êtres ainsi que l'espace et le temps.
Ainsi, Lanester va-t-il rencontrer une psychologue, Jacinthe Bergeret, qui l'aidera à mettre en lumière les zones d'ombres de sa vie, Jazek, un chauffeur de taxi polonais bien étrange, incroyablement serviable et disponible, affublé d'un chat, Walesa, grincheux.
Françoise Guérin met en scène, avec brio, une intrigue, complexe qui tient en haleine le lecteur de bout en bout. Les histoires de famille mêlent et emmêlent les pistes et les fausses pistes, les rivalités entre services de police et les accès de rigueur et de colère du directeur des services jalonnent les embrouilles et émaillent l'enquête de scènes savoureuses.
Lanester, dans la nuit de sa cécité, devient un homme que la vie passée amène à une introspection lente et douloureuse. Un chemin de patience pour accepter de ne plus être un homme parfait, lisse et sans reproche. Peu à peu, à force de souvenirs et de lapsus, il obtiendra des réponses à ses questions existentielles.
"A la vue, à la mort" est un premier roman réussi et prometteur qui s'interroge sur la nature humaine, ses méandres psychologiques, ses lourds secrets, tous ces petits détails qui construisent une personnalité et une âme. C'est aussi un roman sur la culpabilité, ce sentiment lancinant et pernicieux qui commença avec le premier fratricide de l'histoire biblique..."L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn": le meurtrier en série poursuivi par Lanester n'a -t-il pas été surnommé Caïn!!
Françoise Guérin a réuni avec art la majeure partie des ingrédients nécessaires à l'élaboration d'un excellent polar dont la chute est très inattendue car le flou est maintenu de manièr souveraine, alors un seul conseil: lisez-le!

Merci Olivier (dans le cadre du swap "noir c'est noir") pour ce beau polar!

mardi 6 mai 2008

Futures cerises....


Je les déguste d'avance en gourmande que je suis....en espérant que les merles les oublient pour une fois!

dimanche 4 mai 2008

Les sentiments peuvent-ils être raisonnables?


"La famille Dashwood habitait depuis longtemps dans le Sussex. Elle jouissait d'une large aisance et avait établi sa résidence à Norland Park, au centre de ses domaines où ses membres avaient vécu depuis de nombreuses générations et s'étaient attiré l'estime et le respect de tout le voisinage. le dernier descendant de cette famille était un célibataire, très avancé en âge. pendant la plus garnde partie de sa vie, il avait vécu avec sa soeur, qui gouvernait son ménage. Mais la mort de celle-ci, survenue dix ans avant la sienne, entraîna un grand changement dans sa maison; pour compenser cette perte, il installa chez lui la famille de son neveu, Mr. Henry Dashwood, l'héritier naturel des domaines de Norland, à qui il se proposait de les léguer." (p 9)
C'est l'ouverture de "Raison et sentiments" et dès les premiers mots, avec tout ces imparfaits et plus-que-parfaits, le lecteur sait que les membres de la famille de Henry Dashwood feront face à de nombreux obstacles et contraintes. En effet, Henry Dashwood a un fils issu d'un premier mariage et trois filles issues d'une seconde union. Son fils, John, est établi et marié à une femme bien dotée et a un fils. Ses filles, Elinor, Marianne et Margaret ne sont pas encore établies.
Hélas, Henry Dashwood meurt, laissant aux bons soins de son fils, sa veuve et ses filles. Seulement, l'épouse de John, loin de toute compassion envers Mrs Dashwood et ses filles, parvient à convaincre son mari de ne pas doter inconsidéremment ces dernières. En attendant de trouver une autre maison à louer, Mrs Dashwood et ses filles cohabitent avec John et sa famille. C'est ainsi qu'Elinor fait la connaissance d'un frère de l'épouse de John, Edward Ferrars. Ils s'apprécient et apprennent à se connaître et très vite un doux sentiment les lie sans qu'ils sortent de leur réserve naturelle. En effet, autant Marianne montre ses sentiments autant Elinor les tait et les retient au plus profond d'elle-même.
Un parent éloigné, Sir John Middleton, leur propose son cottage dans le Devonshire, bien loin de Norland. Lors d'un thé, le colonel Brandon tombe sous le charme de Marianne tandis que cette dernière, au cours d'un incident en promenade, tombe amoureuse d'un certain Willoughby, jeune homme solaire charmant et charmeur. Brandon a la trentaine passée, Willoughby n'a pas encore trente ans; Brandon est calme, réservé et mesuré dans ses propos et ses sentiments, Willoughby exubérant et romantique. Comment Marianne, avec sa fougue, sa jeunesse, son franc-parler peut-elle résister à Willoughby?
L'intrigue menée par Austen court entre les promesses amoureuses, les silences des passionnés timides, les tromperies, les méchancetés et les hypocrisies féminines pour accéder à l'établissement dans la vie sociale et les exigences familles qui ne veulent pas que leur rejetons déchoient dans leur union. Tout tourne entre le nombre de livres que pèse telle ou telle jeune fille et ce que peut en espérer un homme pour agrandir, consolider ou commencer son patrimoine (ah! les gros sabots des coureurs de dot sont irrésistibles de drôlerie!).
Comme dans tous les romans de Jane Austen, les bals sont le lieu rêvé pour les intrigues, les jugements, les oeillades et les désirs des uns et des autres. Une dimension plus intime apparaît avec la répétition des invitations à partager le thé, courir les magasins londoniens, les échanges nombreux de billets et lettres: un aspect important de la bonne société anglaise qui se retrouve à Londres pour la Saison. Austen offre également une variété extraordinaire de personnages: les voisins charmants mais un peu encombrants, la vieille dame joviale un peu frivole qui prend sous son aile les jeunes filles (elle adore jouer les marieuses!), la belle-soeur égoïste et désagréable, le frère lâche, la lady imbue de ses origines qui aime menacer de deshériter le fils qui ne se plierait pas à sa volonté, les coureurs de dot ou la vieille fille qui cabotine toute seule, gaffeuse et désespérement ridicule.
"Raison et sentiments" a un parfum délicieusement désuet malgré son incroyable intemporalité: le charme de la campagne anglaise et de ses cottages déroule ses couleurs pastels sous la plume d'Austen, on entend les voitures et les fers des chevaux, on ressent les chaos des routes, on rêve dans les intérieurs "cosy" des dames Dashwood. On est pris entre la vivacité, parfois ingénue, romantique de Marianne (qui pense qu'on ne peut aimer qu'une fois dans sa vie!) et la douceur empreinte de modestie et de retenue d'Elinor: on les aime toutes les deux comme elles peuvent agacer car elles sont les défauts de leurs qualités. La douce ironie et la sagacité d'observation austeniennes font une fois de plus mouche et enchantent le lecteur.
Ce qui me plaît au plus haut point chez Austen c'est le prisme de ses romans: le dénouement est presque toujours évident (bien sûr Willoughby trahira sa nature de coureur de dot, bien sûr Marianne souffrira beaucoup avant d'entendre raison et de regarder autrement le colonel Brandon, bien sûr Elinor et Edward se lieront!), et ce n'est pas la chute qui est en jeu mais le déroulement des interactions entre les personnages, les dispositions des uns et des autres sur l'échiquier social organisant une partie souvent cruelle. Austen pointe toujours, inlassable, la cruauté juridique des héritages qui ne protège pas les filles. Ce poids social insupportable omniprésent dans les romans d'Austen, montre combien cette dernière a pu en souffrir. Le grand art romanesque d'Austen est de les décrire sans cesse sous un autre jour et avec d'autres points de vue....sans lasser le lecteur ce qui est la marque des grands romanciers!
Après avoir lu "Lady Susan", "Les Watson", "Sanditon" (roman inachevé), "Orgueil et préjugés", "Persuasion", "Northanger Abbey", "Raison et sentiments" est le roman que je préfère avec "Orgueil et préjugés". Le prochain sur ma liste de lectures austeniennes: "Emma"!


Alors les sentiments peuvent-ils être raisonnables? Marianne prouve que pour bien choisir il faut peut-être passer par des déconvenues qui aident à grandir tandis qu'Elinor montre qu'un peu de liberté de parole peut dénouer des situations. Mais dans les deux cas, que la passion amoureuse soit extériorisée ou intériorisée, elle consume et fait souffrir et la raison est parfois d'un piètre secours.
Une confidence: plus je lis Jane Austen plus j'aime son univers et surtout son écriture sensible et drôle à la fois et je comprends pourquoi les "fans" lisent et relisent ses romans.

Roman traduit de l'anglais (GB) par Jean Privat

samedi 3 mai 2008

Swap Afrilire

La semaine dernière, le facteur apportait un fort joli colis: Afrilire pointait le bout de son carton!


Comme je venais juste de commencer mon petit déjeuner, j'ai pris le temps de boire mon thé avant de me précipiter pour ouvrir le colis et surtout les paquets!

Mais que cachent ces jolis paquets?


Des livres, bien entendu



Deux très jolis objets: une coupelle en bois où un fauve s'abreuve et un crayon gris sur lequel grimpe un léopard!



Deux douceurs: une tablette de chocolat à la vanille "commerce éthiquable" (absolument délicieux et divin...la vanille vient en touche finale lors de la dégustation c'est vraiment Mmmmmmmmmmm!) et du thé rouge Rooibos (un délice aussi et très rafraîchissant!!)



Un marque-page "maison" très joli doté d'une "puce" en bois: chapeau-bas, ma gentille donatrice, car je suis la quichitude même côté travail manuel!
Une très belle carte sur laquelle le paysage et les animaux de la savane se détachent en ombres chinoises: le feu rougeoyant du crépuscule est spectaculaire!



Et qui m'a gâtée de cette jolie manière? Une charmante personne répondant au doux pseudo de Ramanna!
Merci encore pour ces petits bonheurs qui ont illuminé mon début de Week-End et qui enchanteront mes moments de lecture!

Et, surtout, ne pas oublier de féliciter et remercier Bladelor pour l'organisation de ce swap Afrilire qui met ainsi à l'honneur la littérature africaine! Merci et encore bravo Bladelor!!!!
A quand le prochain swap? (il paraît qu'Anjelica en organise un trèèèès bientôt)

vendredi 2 mai 2008

Le crépuscule d'une saga norvégienne



"Le crépuscule" achève la saga de la ville de Bergen à l'aube du XXIè siècle. Bergen et ses habitants, à travers quelques familles de notables ou d'ouvriers, a traversé le siècle au rythme des chaos de l'Histoire et des grandeurs et misères des histoires: les rides du temps se voient sur les bâtiments qui ont résisté aux incendies et à la guerre, sur l'évolution du port et de son activité, sur les nouveaux quartiers qui grandissent autour de Bergen mais surtout sur les vieux quartiers où les maisons sont en attente de démolition....un pan, des pans d'Histoire cèdent peu à peu la place à la modernité et au confort. Même dans les villages reculés, le temps adoucit les conditions de vie et de travail. Les enfants de l'après guerre reconstruisent la nation norvégienne tandis que leurs enfants écoutent avec délices la musique venue d'Amérique: le Rock'n Roll fait tourbillonner la jeunesse et les engagements politiques. La guerre froide sépare l'Europe en deux blocs, l'Ouest et l'Est, le capitalisme et le communisme.
Les années 60, à Bergen, sont marquées par l'enlèvement d'une fillette Veslemoy Heggoy, retrouvée par de jeunes gens en goguette un samedi soir, perdue, grelottante, sanglotante et muette. Elle ne se souvient de rien et son mutisme est comme un refuge. Elle est suvie par une femme policier qui tente de faire émerger des oubliettes de la mémoire des indices, des bribes de ce qui lui est arrivé. Une seule certitude, Veslemoy n'a pas été violée...consolation certes mais maigre car le coupable court toujours et courra longtemps avant que la justice ne le rattrape.
Un peu à l'image de l'enquête concernant le meurtre de consul Frimann (eh oui, n'oublions pas ce mystère qui ressurgit de temps à autre au cours du roman!), l'enquête sur l'enlèvement de Veslemoy est le fil conducteur du premier opus de "Crépuscule". Veslemoy, lentement, se reconstruit, retourne sur les bancs de l'école, très surveillée, n'étant jamais seule. Une nuit l'imprègne sans qu'elle puisse y mettre des mots ni trouver un chemin jusqu'au jour où, en plein cours à l'université, elle étouffe d'angoisse et se traîne pour rentrer chez elle. Veslemoy a entendu parler de psychanalyse mais n'a jamais franchi le pas: elle se contente de consulter un médecin qui lui prescrit des décontractants. Tout rentre dans l'ordre, Veslemoy devient maman et la sérénité semble être de retour. Mais c'est sans compter sur la persistance des messages de l'inconscient et leur ressurgissement au moment où l'on s'y attend le moins. Comme elle ne peut continuer à raser les murs ni à changer sans cesse d'itinéraire, elle se décide à consulter une psychiatre. Lentement elle reprendra goût à la vie, elle apprendra à affronter ses peurs et à regarder les images que son cerveau, terrorisé, avait censuré au plus profond de son insconcient. Enfin, Veslemoy aura la force nécessaire pour aller déposer son témoignage et donner enfin les indices qui permettront l'arrestation du coupable. Le dénouement de cette affaire est malgré tout bien mené ainsi que la chute qui permet de constater, une fois encore, combien les fils des vies de nos famille bergenoises sont intimement liés et tissés et combien Staalesen sait insérer, l'air de rien, des indices dans le récit qui n'apparaissent clairs que lorsque la solution arrive (oui, mais c'est bien sûr!)!
Les années 80 et 90 seront pour Bergen ternies par une tragédie humaine et industrielle: la catastrophe off shore de la plate-forme pétrolière Alexander Kielland et son tragique sauvetage nocturne. La course au profit de notre nouvelle ère industrielle a fait fi de la dépense pour sécuriser les installations dites sensibles: la manne pétrolière est trop importante pour investir dans ce qui peut paraître superfétatoire....jusqu'au jour où le drame humain et les séquelles psychologiques secoue les consciences. Staalesen sait bien mettre en valeur, par son talent de conteur, les petits détails qui sont importants ainsi que les menus faits historiques qui font la société dans laquelle on évolue. Là encore, les destins croisés sont de mise: on se rappelle la brève liaison entre Ingrid et le prédicateur Peder Paulus Haga; Ingrid rencontrera au soir de sa vie sa fille qu'elle abandonna bébé.
La fin des années 70 fut celles du combat des femmes pour le droit à la liberté de procréer ou non et au droit à l'avortement: les héros de la saga sont confrontés à ces débats et prennent position. Puis c'est l'accès à la fonction de pasteur pour les femmes après moult batailles et les droits à l'immigration. Enfin, les années 90 seront celles des yuppies qui amassent des fortunes en quelques heures et qui peuvent les perdre aussi vite qu'ils les ont gagnées!
Et notre affaire du consul Frimann? Où en est-elle? Sera-t-elle un jour élucidée? Cécilie Brandt est devenue une vieille dame qui souhaite savoir ce qui est arrivé 100 ans plus tôt à son père. Ce drame l'a suivie toute sa vie. La famille de Christian Moland a reçu un lourd héritage: le secret de la liaison de Christian et Kristin Pedersen et les indices, concernant le meurtre de Frimann, glanés au fil du siècle. Arrive un jour entre les mains d'un détective privé les carnets de Hjalmar Brandt, époux de Cécilie, et les notes cumulées de Christian Moland et son collègue Berstad. Et si la clé se trouvait dans la maison occupée autrefois par Kristin Pedersen? Et c'est ainsi qu'en remontant le temps, Staalesen, après avoir bien baladé son lecteur au coeur de l'histoire de Bergen et de la Norvège, offre les clés du mystère à son lecteur! Ouf! Car j'ai bien cru que je ne saurai jamais le fin mot de l'histoire.
Au final, dans ce roman-fleuve, on retrouve ce qui caractérise le roman nordique: l'amour défendu (Kristin en est le catalyseur dès le début puis la relation amoureuse entre Sigrid et Friedrich ou encore les amours de Veslemoy avec le pasteur Ragnard Moland), la mémoire des familles, la trahison, le suicide (notamment celui du premier suspect et celui du comédien Robert Gade), le goût désespérant, lancinant proche de la pathologie, du secret. Ce qui peut obscurcir la vision globale du roman c'est aussi un ensemble de faits relatés comme s'ils étaient des affaires obscures élucidées de manière peu satisfaisante. Il est vrai que la vérité faite sur la disparition de Veslemoy est très embrouillée mais percutante malgré tout grâce au petit détail (le tableau seul souvenir conservé de l'ancien chalet) qui éclaire l'ensemble.


Une fresque longue et palpitante malgré quelques temps morts, une oeuvre ambitieuse réussie et agréable à lire! Bref, en un mot comme en mille, je suis conquise par l'écriture de Staalesen..."Une femme dans le frigo" m'attend sur les étagères de ma bibliothèque.

Roman traduit du norvégien par Alexis Fouillet

Les avis de michel

jeudi 1 mai 2008

Muguet


Beau et parfumé 1er Mai à tous!


Le saviez-vous?

Le muguet est originaire du Japon. Il est connu et acclimaté en France depuis le Moyen-Age. Il est cultivé dans les jardins depuis le XVIè siècle.

"Muguet" dérive du latin "muscatus" (= qui sent le musc) mais aussi de "convallaria maialis" c'est à dire "convallis" (vallée) "leiron" (lys) et "maialis" (de mai).

Le muguet représente la fin de tout chagrin ainsi que le retour à la sérénité (très japonais tout cela, non?!). On dit que le rossignol attendrait l'apparition du premier muguet avant de commencer ses trilles amoureuses.

Le muguet est aussi le symbole du renouveau et du printemps ainsi qu'un gage de bonheur: offert le 1er Mai il porte chance!

C'est Charles IX, en mai 1561, qui aurait instauré la tradition d'offrir un brin de muguet en guise de porte-bonheur et ce n'est qu'en 1907 que la fête du travail est associée à la fête du muguet! Le Premier Mai 1895, le chansonnier Mayol est accueilli par son amie Jenny Cook avec du muguet et le soir même il arbore à la boutonnière du muguet à la place du Camélia traditionnel. A l'époque 1900, le jour du Premier mai, les grands couturiers offraient des brins de muguet aux clientes et aux petites mains.

Le muguet entre également dans la composition de plusieurs parfums et son essence stabiliserait le rythme cardiaque.