dimanche 30 novembre 2008

La paix pascale

Trois récits, trois chapitres d'une vie à des âges différents du narrateur: l'enfance, le mariage et le veuvage. Le narrateur, Edmond, est un petit garçon que l'on suit au coeur des étapes importantes de sa vie. Il vit sur les rives de la Mer Caspienne, au sein d'une communauté arménienne très soudée, jalouses de ses rites, de ses traditions et de ses croyances, comme toute communauté religieuse exilée, fuyant exactions et vexations de son pays d'origine.
Le jeune Edmond a une amie, Tahereh, avec laquelle la complicité de l'enfance est une joie permanente; or, Tahereh est non seulement la fille du concierge de l'école mais elle est aussi musulmane donc peu fréquentable! Sur les bords de la Caspienne, Arméniens et Iraniens, selon les canons de la tradition, ne doivent pas se mêler seulement se côtoyer. Zoyâ Pirzâd entraîne son lecteur au coeur d'un petit village où la vie quotidienne est joyeuse malgré les cris des mères, les vociférations des pères, les réprimandes de l'instituteur, du curé ou des grands-mères qui veillent à tout du coin de l'oeil. Elle est multicolore, criarde souvent, au cosmopolitisme vivace même si un léger ostracisme oral est jeté sur la petite fille du concierge de l'école. On se côtoie, on s'amuse entre communautés religieuse même si, au final, on ne se mélange pas. Le narrateur regarde du haut de ses 12 ans, un monde adulte un peu angoissant, toujours autoritaire, où le machisme patriarcal dévalorise ses rêves, ses préoccupations et sa sensibilité: partir à la chasse avec son père ne l'intéresse absolument pas, se battre encore moins même si les autres garçons le bousculent et le rudoient, et il ne comprend pas les disputes de ses parents. Il préfère observer les coccinelles, la couleur tendre de l'herbe naissante, jouer à cache-cache entre les draps mis à sécher, laisser vagabonder son imagination par la fenêtre. La vie s'apprend en prenant conscience qu'une coccinelle enfermée dans une petite boîte souffre, en jouant, le soir, au milieu des vieilles tombes du cimetière par lesquelles transpirent des destins incroyables ou en écoutant les querelles des adultes.
Le jeune garçon devient homme et père à son tour, sa fille, Alenouche, fréquente un jeune étudiant iranien non arménien et la mixité devient source de conflit entre la fille et sa mère. Contre l'avis et le désir de ses parents, Alenouche part vivre son amour et sa vie de femme auprès de l'élu de son coeur, brisant les tabous communautaires pour acquérir sa liberté. Il se souvient alors de son périple vers Téhéran aux côtés de sa fille, leur complicité, leur joie d'être ensemble et de se comprendre. Peut-il lui en vouloir d'aimer en dehors de sa communauté, lui qui offrit son amitié d'enfant à Tahereh, la fille du concierge musulman? Parfois, les pères sont plus compréhensifs que les mères...sauf lorsqu'ils perdent l'être aimé qui était à leurs côtés et qu'ils accusent l'enfant désobéissant de cette irrémédiable perte, de cette infinie et inguérissable solitude.
Les années passent, cruelles par l'absence de Marta, compagne et amante. La solitude pèse mais refuse de lever la barrière affective qui sépare le père de sa fille. Les souvenirs empreints de la présence de Marta réserveront bien des surprises au narrateur d'autant que Danik, son adjointe au collège, enfoncera le clou, elle qui préféra la mise au ban de son village pour vivre un amour interdit avec un iranien!
Et si la veille de Pâques était un jour pas comme les autres? Et si, le profond chagrin se laissait adoucir par l'envie de paix pascale, celle du renouveau, de la rédemption et de la renaissance?
"Un jour avant Pâques" est un court roman composé comme un tableau, doté d'une puissance narrative où la sensibilité, la douceur sont fortement présentes derrière un regard grave sur les tabous instaurés par le communautarisme. Les rives de la Mer Caspienne cachent des souffrances indicibles sous le masque des traditions. Pâques, c'est aussi le retour de la belle saison, la fête de la fécondité, c'est aussi le temps des oeufs décorés, des fleurs d'oranger embaumant l'air et les gâteaux, des confitures de griottes confectionnées par la mère d'Edmond et surtout celui des pensées blanches que Marta posait sur l'appui de la fenêtre. Pâques amenant à regarder en arrière pour enfin se dire que le temps est trop court, trop précieux pour camper sur des positions intenables!
Un roman où tout est en nuances subtiles et poésie, où les petits bonheurs de la vie offrent des couleurs et des saveurs aux papilles et aux souvenirs. Comme j'aurais aimé que ce roman ne finisse pas....je serais restée encore bien des pages au bord de la Caspienne à démêler les ellipses d'un récit d'une grande sensibilité, à apprendre les mille et un petits détails, ces multitudes de riens qui construisent la vie, les hommes et leur histoire.
Une bien jolie découverte dont je ne peux que recommander la lecture!





Roman traduit du person (Iran) par Christophe Palaÿ

samedi 29 novembre 2008

En attendant mon prochain billet


Juste une photo relatant la fin de la belle saison: les plantes vivent leurs ultimes instants avant de s'endormir le temps d'un hiver. Restent les fantômes de leur verdure devenue couleur de la terre qui lentement les absorbera pour les magnifier au prochain printemps.

En ce moment, je suis fort occupée par mes convictions de citoyenne: du coup, la rédaction de mes ressentis de lecture traîne.

Aujourd'hui, action nationale organisée par le réseau "Sortir du nucléaire": "Ni nucléaire, ni effet de serre"! Il serait terrible qu'un jour nous ne puissions plus admirer les fééries ocrées et dorées de l'automne, non?

mercredi 26 novembre 2008

Derniers feux de l'automne

Parce que dans quelques jours le compte à rebours de Noël va commencer, parce que dans quelques jours l'automne n'aura plus la même saveur, parce que bientôt il n'y aura plus une feuilles accrochée aux branches, j'ai envie de vous parler d'un album que je trouve très beau et très poétique: "L'automne de l'ours brun".
C'est l'automne, les forêts d'Hokkaido arborent leurs parures de feu, la luminosité devient de plus en plus limpide et deux masses noires s'approchent. Qui sont-elles? Deux ours bruns, la mère et son petit qui se gorgent de raisins sauvages juteux, qui remplissent leur ventre avant l'hibernation. Ce soir, l'ourson assistera à sa première chasse au saumon et son coeur en palpite d'émotions. Il n'est guère facile d'attraper un saumon surtout lorsque l'on n'a pas d'emblée imité Maman! Lorsqu'enfin l'ourson se saisit d'un saumon, il le déguste, le savoure à sa juste valeur: celle de l'autonomie qui se profile, celle du fruit de son effort, celle du passage à l'âge adulte.

La nuit est splendide, la lune scintille et fait miroiter ses rayons sur la rivière. C'est l'heure de la rêverie, de l'envol de l'imaginaire....et un poisson d'or immense se dessine sur l'eau. Maman ours est amusée par l'imagination de son ourson: la lune projette les désirs les plus grands, les plus inaccessibles dans la douceur d'un halo doré.

Le texte est simple et poétique, laissant l'atmopshère particulière de cette belle journée d'automne envahir le lecteur, petit ou grand; il le berce doucement et l'emmène dans un beau voyage. Le texte est également servi par de superbes illustrations, aux mouvements d'une grande beauté et aux couleurs extraordinaires.

Vous pouvez feuilleter quelques pages en cliquant ICI .

samedi 22 novembre 2008

La déchirure

Un jeune garçon, Aleksandar, raconte la vie en Yougoslavie avant le déferlement des bombes et de la folie des hommes. Nous sommes dans une petite ville, Visegrad,où les Serbes et les Bosniaques vivent en voisin, où ils se disputent joyeusement, où ils s'unissent par les liens sacrés du mariage, où ils ont des enfants, où ils travaillent et bâtissent un avenir sous la houlette invisible du portrait de Tito.
Visegrad, une petite ville qu'un pont relie, un pont sur lequel des milliers de pas ont marché (et usé les pierres) ou se sont arrêtés pour regarder les poissons, ces étranges silures qui gobent avec gourmandise les crachats des enfants.
La vie s'écoule tranquillement, paisiblement à l'image de la Drina qui glisse entre les piliers du pont. La vie d'Aleksandar se partage entre l'école, la pêche, les promenades aux côtés de son grand-père Slavko, les sorties avec les Pionniers, les discours de Slavko devant les membres du Parti, les balades avec Edin, son alter ego, dans un silence où tout se dit.
Puis, un jour l'incompréhensible survient: le bruit de la fureur et des armes des hommes retentit dans le lointain, s'approchant de jour en jour de Visegrad; ils s'entredéchirent alors que récemment encore ils travaillaient, vivaient et aimaient ensemble. Voilà venu le temps de la terreur des séjours prlongés à la cave, là où les noms n'ont pas d'importance, là où les noms ne font pas disparaître les personnes qui les portent.
Il y a l'arrivée des bombes, de la violence, des soldats qui terrorisent, arrêtent, torturent, mutilent, tuent ou exécutent celui ou celle dont le nom n'a pas la bonne consonnance. Il y a une fillette, perdue sans ses parents, égarée dans ce tableau sombre et rougeoyant: elle a des boucles et des yeux clairs, elle s'appelle Asija et porte un nom musulman. Il y a la musique glaçante de l'interrupteur des escaliers et des fusils mitrailleurs dansant sur les rampes; elle sonne le glas du vivre ensemble, craquèle le vernis de civilisation qui enrobe l'être humain. Mais les jeux d'enfants sont plus forts que la peur: la grille de la cave laisse échapper les intrépides le temps d'aller récupérer un journal au kiosque abandonné...les mères n'en n'ont rien su, les galopins deviennent adultes avant l'heure.
La famille d'Aleksandar est à l'image de l'ex-Yougoslavie: une myriade de visages, de personnalités, de caractères plus trempés les uns que les autres, d'ethnies, d'insouciance, d'amour de la vie et de ses beautés derrière le labeur quotidien. Les grands-mères sont joyeuses même si le silence, personnage important du roman, est devenu l'expression d'une d'entre elles. Elles sont la chaleur des racines véhiculant la sève des souvenirs familiaux; avec les grands-pères et les arrière-grands-parents, elles sont la mémoire d'un pays morcelé qui a su aussi bien s'unir que se déchirer. On déguste, en leur compagnie et aux côtés d'Aleksandar, les prunes dans le jardin fleurant bon l'été finissant. On goûte le vin sucré, les poivrons farcis, les boulettes de viande hachée, on entend presque le son des musiques endiablées qui marient les notes slaves et méditerranéennes...comme dans un film d'Emir Kusturica.
L'écriture de Sasa Stanisic virevolte, sautille entre audace, humour noir, émotion et profonde nostalgie (presque cri de douleur). La guerre civile, ravageuse, apparaît entre deux souvenirs du monde d'avant qui, malgré la baguette et le chapeau de "magicien du possible et de l'impossible" offert par grand-père Slavko, ne peut revivre hormis dans le souvenir et dans l'inlassable narration, récit qui ne doit pas s'éteindre afin que rien ne tombe dans l'oubli. La guerre et ses pieds de nez oscillant entre rires et larmes: la scène, poignante et édifiante, de la partie de football entre miliciens serbs et bosniaques où l'enjeu est la survie si l'on gagne, la mort si l'on perd. Le cadre magnifique d'une forêt séculaire, truffée de mines, apporte la dimension ubuesque et tragique digne de figurer dans un film de Kusturica: le surréalisme atteint son paroxysme. Puis, c'est la scène où dansent des soldats autour d'un gramophone, egrenant les notes d'une chanson traditionnelle, d'avant la déchirure, chantée et dansée par un pays qui n'est plus. La magie, hélas n'existe pas, seul le souvenir garde vivant ceux qui ne sont plus. Les plaies cicatrisent, les survivants se reconstruisent au pays ou à l'étranger, la nostalgie étreint Aleksandar, devenu jeune adulte, à travers un nom, celui d'Asija la petite fille perdue qui versait des larmes à chaque cacophonie.
J'ai aimé me perdre dans le dédale de la narration déroutante car protéiforme: les lettres se mêlent aux listes et aux écrits jetés au gré des souvenirs sur le papier. Le tout relevé par la maîtrise de la recréation des ambiances et la transmission des émotions. Ce qui peut étonner est l'absence de description des personnages: on sait ce qu'ils éprouvent, ce qu'ils font mais on ignore à quoi ils ressemblent. Ce flou, savamment entretenu, donne plus de poids au propos, plus de vigueur et de force au récit.
Un premier roman très réussi où l'émotion est sans cesse présente et où le plaisir de lire est à chaque page renouvelé.


Roman traduit de l'allemand par Françoise Toraille




Les avis de kathel sylire

Un article sur l'auteur de Télérama

mercredi 19 novembre 2008

La beauté du monde

Vendredi dernier, après l'école, mes pas m'ont conduite dans un de mes lieux préférés: la librairie Mots et Images où je devais récupérer des albums pour la bibliothèque de l'école (je sais, c'est une excuse vieille comme le monde et qu'aucun LCA ne prend au sérieux!). Bien entendu, j'ai traîné parmi les étagères du rayon jeunesse et je me suis retrouvée avec un délicieux album entre les mains: "Graine de Bouddha".
J'ai tourné les pages avec ravissement et je me suis laissée emporter par un récit empreint de tolérance, de bonheur, de beauté, de philosophie et d'harmonie, véritable ilôt de sérénité dans notre univers où tout va trop vite et où tout est trop bruyant.

"Graine de Bouddha" explique au jeune enfant l'initiation d'un tout jeune bonze. Au gré des rencontres, on apprend pourquoi les bonzes sèment toujours trois graines, pourquoi ils portent des sandales en paille, pourquoi ils s'exercent à la calligraphie en utilisant un bout de bois et de l'eau, pourquoi ils utilisent des racines de pin pour réparer leurs calebasses, pourquoi ils ne soulèvent pas une pierre avant d'y avoir longuement réfléchi, pourquoi ils font attention aux jeunes pousses lorsqu'ils cheminent....Beaucoup de questions aux réponses qui appellent au respect de l'autre, au respect de son environnement, au respect de la vie dans toutes ses composantes.

"Graine de Bouddha" est un album pouvant être utilisé comme médiateur lorsque l'on constate une attitude violente, brutale chez les enfants que l'on côtoie. Le monde nous offre ses beautés, ses parts d'ombre et de lumière pour que nous y puisions une harmonie nécessaire à notre condition humaine. Les phrases sont courtes, épurées et d'une rayonnante simplicité: chaque page ouvre un chemin à la réflexion, ouvre une fenêtre sur un monde que nous avons un peu trop tendance à oublier et que nous ne prenons plus le temps d'observer et encore moins de contempler.

J'ai particulièrement aimé ces mots: "Les bonzes pensent que tous les êtres vivants ont la même importance. Pourquoi? Parce que toute vie est précieuse" mais aussi "Lorsque des graines s'accrochent à leurs vêtements, les bonzes ne les enlèvent pas. Pourquoi? Parce qu'ils savent qu'elles souhaitent être transportées ailleurs."

"Graine de Bouddha" relate une journée dans la vie d'un jeune bonze. Une journée au cours de laquelle, la vie, l'essence même de la vie, se rappelle au monde des hommes. Cette journée montre combien il est important de regarder, de sentir, de toucher, d'entendre et de goûter les petits bonheurs distillés au fil du temps qui passe sans jamais s'arrêter...sauf si on décide de prendre du temps pour effleurer le temps.

Non seulement le texte est d'une beauté épurée, essentielle, mais les illustrations sont d'une splendeur et d'une émotion indéniables! L'illustratrice Kim Jae-Hong est connue pour ses illustrations pour "L'école des chats". Tout est douceur, sérénité, chaleur et émotion: les personnages, les jeune et vieux bonzes, sont toujours en premier plan, presque seuls au monde. Le lecteur a l'impression qu'il lui suffirait de tendre la main pour être en leur compagnie: l'illustratrice nous les rend proches tout en les enveloppant d'une fine pellicule de brouillard, presque invisible, presque impalpable.

"Graine de Bouddha" est une délicate perle dans un monde trop souvent aveugle et sourd qui ne propose que bruit, images saccadées et innombrables....En un mot comme en mille: n'hésitez pas à faire ce voyage accompagné de votre, ou vos, petit(s) loups, juste pour le plaisir des mots, la douceur des phrases et des images et le bonheur d'une conversation sur le sens de la vie!

A mettre entre toutes les mains.

Album traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel

dimanche 16 novembre 2008

Mini swap thé!

Mercredi midi, en rentrant à la maison après une matinée passée à l'école (Merci Mr Darcos!), j'ai eu la joie de trouver mon colis swap qui m'attendait sagement!!!! Cette fois, je n'avais pas oublié mon APN (qui a rendu l'âme jeudi après-midi, en pleine séance photos pour le cahier de vie...mais cela, c'est une autre histoire).

Revenons donc au swap, au colis et au thé! Ma swappeuse s'appelle Akä et elle m'a honteusement gâtée en multipliant les paquets de thé. C'est qu'Akä a bien lu mes timides expériences avec les Oolongs et surtout a pris note de mes interrogations au sujet des Pu Ehr! Et elle fait en sorte que je me lance dans l'aventure des Pu Ehr



Akä avait pris soin d'accompagner thés et tisanes d'une fiche explicative, très précieuse que j'ai scrupuleusement rangée dans mon placard à thé de la cuisine afin de ne pas égarer ces cartes de voyages au long cours sur la route du thé!

Je suis heureuse de pouvoir compléter les saveurs fumées et boisées des thés fermentés et semi-fermentés: les Pu Ehr crû et cuit seront les premiers à être goûtés (d'ailleurs, j'ai commencé mon voyage en me perdant agréablement dans le savoureux Pu Ehr crû...un vrai nectar!).

Akä m'a offert un thé fumé, plus corsé que le Lapsang Souchong dont j'ai l'habitude: le Tarry Souchong. Je ne l'ai pas encore goûté mais la description qu'en fait Akä aiguise ma curiosité.

Un chemin connu, le thé vert, prend une coloration nouvelle: il vient de Chine et se marie avec une note précieuse, celle des huit merveilles, mélange savamment construit d'épices et d'agrumes séchées. Huummm, les froides fins d'après-midi hivernales n'auront qu'à bien se tenir!!!
Akä ne s'est pas arrêtée en si bon chemin: elle a lu également mon penchant pour le thé au jasmin et un coeur de thé au jasmin est venu compléter la magie des thés. Je sais que je ne le dégusterai qu'en compagnie de connaisseurs car ce spectacle de la fleur de thé qui s'épanouit et la saveur subtile de ces jeunes feuilles artistiquement et patiemment assemblées, est précieux, tel un don de soi.

La voie du thé est célèbre et complexe mais celle des tisanes n'est pas mal non plus!!! Dame Nature, dans son abondance, a doté de multiples vertus la plus insignifiante plante ou fleur. Akä me guide vers d'autres sentiers, fleurant bon le printemps et le renouveau: des violettes séchées, accompagnées de leur sucre à la violette (tout un programme de douceurs et de saveurs), de la badiane réconfortante, de la lavande, aux vertus apaisantes, récoltée dans son jardin, et du remède elfique régénérant à la sortie de l'hiver! Un joli parcours au coeur des beautés florales et épicées m'attend au fil de la saison froide.

Rhôoo, j'allais oublier le coeur en chocolat, écho gourmand au coeur de thé au jasmin...il est tellement beau que je n'ai pas encore osé le déguster!!!! Quant aux superbes mitaines bleues....je vais bicher lorsque je les mettrai à l'école: je vais faire des envieuses, c'est certain!!! Elles sont toutes douces et toutes chaudes, un vrai bonheur pour les mains!

Akä, tu peux être soulagée: ton colis m'a comblée et ouvert de multiples portes vers des saveurs jusque là inconnues ou seulement effleurées.
Je tiens aussi à remercier Loula qui a eu le courage de se lancer dans l'organisation, jamais facile et souvent stressante, d'un swap!

Portrait de famille

Petit jeu trouvé chez Mammig....Je n'ai pu résisté à la tentation de "croquer" la Chatperlipopette's Family!!!

Pyzam Family Sticker Toy

Get your own Family Sticker Maker & MySpace Layouts.

samedi 15 novembre 2008

Le libraire qui aimait les mystères

Monsieur Iwa est un vieux monsieur, libraire à Tanabe, quartier de Tokyo. Son petit-fils Minoru, un "bon à rien" comme il aime dire en plaisantant, l'aide une fois par semaine à la librairie qui fleure bon le vieux papier et les vieux recueils oubliés dans les rayonnages. Mais sont-ils vraiment oubliés? Monsieur Iwa sait que tout n'est pas à mettre entre toutes les mains et que certains vieux bouquins se méritent.
La librairie est un lieu de rencontres, parfois des plus improbables. Monsieur Iwa et Minoru se retrouvent au coeur d'énigmes qui, au premier abord, semblent anodines. Or, les interrogations qu'elles suscitent touchent au plus profond de l'âme japonaise. Ainsi cette histoire de fantômes, une jeune femme et son enfant, hantant les nuits d'une vieille dame, exécrable avec sa belle-fille. De fil en aiguille, l'histoire récente fait surface: la guerre et ses peurs, la guerre et ses abris, la guerre et la Bombe. Puis, une fois les corps retrouvés, l'apaisement des esprits referme, doucement, le volet si difficile de cette période de privation et de désespoir.
La librairie, lieu de passage, est presque un personnage à part entière, un personnage dont les portes sont toujours ouvertes (elle accueille les lecteurs jusqu'à minuit!!!): son arrière boutique où un thé attend le visiteur, où la poussière étouffe les bruits, où les révélations d'un petit garçon provoquent une immense émotion. Monsieur Iwa non seulement sait tirer les vers du nez des plus récalcitrants et sauve ainsi un garçonnet et sa famille des pires souffrances mais aussi sait faire parler les livres et leur contenu: les clefs des énigmes sont toujours cachées dans un livre.
Le lecteur vagabonde au gré des livres de la librairie, il se laisse porter par la culture livresque de Monsieur Iwa qui déplore le manque de diversité des lecture de Minoru! Ce qui m'a plu dans cette démarche, c'est le parti pris d'une énigme pas plus palpitante que cela gagnant en intensité à mesure que le récit se déroule: les indices sont éparpillés presque entre les lignes, entre les clins d'oeil aux livres et entre les petits riens qui dressent un portrait de la société japonaise urbanisée. Monsieur Iwa a décidé de ne pas vivre chez ses enfants mais seul dans l'appartement de son vieil ami disparu en lui léguant la librairie: cela intrigue et inquiète, ce côté résolument moderne de ce vieux monsieur.
L'atmopshère particulière de la librairie d'occasion de Monsieur Iwa porte les récits en les entourant de sillons où la poussière des livres danse au gré de la lumière. On flâne, on farfouille tout en suivant les mystères échouant parmi les rayonnages encombrés.


Récits traduits du japonais par Annick Laurent




mercredi 12 novembre 2008

Il y a des jours où


....on serait mieux tranquillement installé à la maison!

Voilà un album dit de "randonnée" comme je les aime: amusant, subtil et doté de référence littéraire intéressante (la fameuse fable "Le rat des villes et le rat des champs" de La Fontaine)!Un souriceau revient d'une visite faite au cousin de la ville et sa route se trouve être semée d'embûches: un chat, un épervier, un serpent, un renard et un brochet.

A chaque fois, haletant, le lecteur s'attend au pire....qui ne vient pas: en effet, notre souriceau, loin de se retrouver à batailler contre ses prédateurs, se trouve confronter aux désagréments de la Nature. Un buisson d'épines lui arrache quelques poils, un trou lui offre l'occasion de tomber sur le museau et d'arborer quelques bleus, un chardon lui pique l'arrière-train, une branche malvenue lui fait piquer une tête dans la rivière (vive le rhume!!), une pente fait déraper ses pattes humides et le voilà étalé de tout son long. Notre souriceau est bien malchanceux mais à chaque petit incident, on s'aperçoit que l'issue aurait pu être pire!!! Heureusement, Maman souris est là, à la maison, pour passer un peu d'eau fraîche sur tous les bleus et dire en souriant tendrement "Ce n'est pas grave...."!

Ce qui est intéressant dans cet album (Mijade édition) est le cheminement du héros dont on suit les péripéties: les illustrations montrent en arrière-plan le danger auquel le souriceau va échapper puis le suivant qui le guette et un indice pointe l'échappatoire. Les illustrations sont simples mais efficaces (le souriceau est vraiment trognon), le texte également avec le refrain, structure répétitive, du récit "ça aurait pu être pire!" de A.H Benjamin (texte) et Tim Warnes (illustrations).

L'histoire est aussi l'occasion d'aborder la chaîne alimentaire: quelques prédateurs de la souris sont présentés au jeune lecteur. C'est l'occasion aussi de développer son lexique et d'aiguiser le sens de la chronologie (ordre d'apparition des animaux), de repérer qu'un animal ouvre et ferme le ronde des prédateurs, de remarquer les différents points de vue (vue aérienne notamment).

Un joli moment de lecture en compagnie d'un adorable souriceau bien content de retrouver le giron de sa maman après ses mésaventures...les bisous magiques font toujours oublier les petits soucis de la journée!!!

mardi 11 novembre 2008

Les gammes de la tendresse

Mélie est une adorable grand-mère de soixante-douze ans, dynamique, dotée d'un humour chaleureux et vivant seule à la campagne. Pour la première fois, Clara, sa petite fille vient passer les vacances d'été chez elle: un cadeau rayonnant et chatoyant pour Mélie obscurci par l'arrivée des résultats de ses examens médicaux. Mélie ne veut pas gâcher le séjour avec Clara et décide d'oublier la fameuse lettre du laboratoire au grand désespoir de son médecin traitant! Après tout, la vie est trop courte pour ne pas profiter pleinement des joies et des bonheurs qu'elle apporte et la venue de Clara mérite l'oubli d'un morceau de papier: Mélie n'est pas une adepte du mélodrame et préfère choisir la porte de la lumière plutôt que de sombrer dans l'angoisse stérile de l'incertitude de son futur.
Le lecteur, à sa suite, part donc à bord de sa vieille guimbarde dont elle provoque les pannes pour que son vieil ami Marcel, qui se languit dans sa maison de retraite, puisse venir retrouver l'atmosphère d'antan. D'ailleurs, pourquoi Marcel est-il toujours ravi de venir réparer les bidouilles de Mélie? Pourquoi semble-t-il toujours cacher ses regards tendres et timides à la fois?
Dans le sillage de Mélie, une galerie de personnages plus attachants les uns que les autres colorent le récit d'un été à la campagne, l'histoire de tranches de vies oscillant entre émotions et rires. On y rencontre un parrain, musicien aux côtés immatures émouvants, pas comme les autres qui adopte comme filleuls les enfants de ses aventures féminines, des grands-parents, ceux d'Antoine, caricatures d'une vieillesse que l'on fuit, sclérosante et sans espoir, attendant, prostrée, la fin et la délivrance, les errances sentimentales de Fanette, fille de Mélie et mère de Clara, qui finira par lui trouver un beau-père des plus inattendus, un médecin traitant un peu encombrant avec ses angoisses et son insupportable hypocondrie que l'on ne peut pas ne pas aimer, un père charchant l'oubli de la solitude affective dans le travail ou encore un aide-soignant aux accents sud-américains enchanteurs.
Le rythme est digne d'une comédie pétillante où les portes claquent sans arrêt marquant les rebondissements incessants. C'est la vie, celle de tous les jours, celle que l'on croise au quotidien, réunie par les personnages hauts en couleurs de Barbara Constantine. Le bonheur est tangible dans l'écriture virevoltante de l'auteur, un bonheur qui donne envie de croquer la vie sans se préoccuper des nuages un peu gris du décor: une mobylette d'âge canonique, une voiture poussive, un jardin regorgeant de souvenirs de tartes, de plats mijotés avec amour et tendresse, de sueurs estivales, d'arrosages espiègles, de petites bêtes et d'étoiles filantes, une cabane dans les arbres, les chemins oubliés parcourus à bicyclette (et l'on chantonne gaiement la chanson de Montand), un chaton trouvé dans un arbre ou la roulotte des rêves de vagabondages romantiques de ceux qui souhaitent la vie de Bohême ("L'amour est enfant de Bohême qui n'a jamais, jamais connu de loi...").
Comment résister à la tendresse infinie d'un amour révélé au crépuscule d'une vie, celui qui fait encore battre le coeur d'une jeunesse qui ne s'envole jamais, mais reste tapie jusqu'à ce qu'on lui laisse la liberté de ressurgir et d'illuminer le temps encore alloué! L'amour, tendresse immense, n'a pas d'âge et cela ravigore de l'entendre, de le lire et le relire: les rides ne sont pas de sillons stériles mais de subtiles vallées où murmurent, encore éblouies par tant de prodigalité, les sources timides que la mémoire fait à nouveau chanter...du coup, la peur de vieillir s'estompe et les barrières inivisibles des tabous de la bienséance éclatent dans un tonnerre d'émotions silencieuses (aaahhh les larmes de Marcel sont un miel rayonnant de bonheur enfin arrivé!).
Que dire encore de la complicité entre la grand-mère et sa petite-fille? Que Mélie souhaite offrir à Clara des souvenirs inaltérables qui l'accompagneront tout au long de sa vie, ces souvenirs de rires, de confidences, de moments privilégiés, de cueillettes au jardin, de confitures de prunes, de voyage imprévu, bref tous les petits riens qui remplissent l'âme et le coeur.
"A Mélie sans mélo" est un essai transformé par Barbara Constantine après "Allumer le chat": on y retrouve avec délice la verve de l'auteure dans laquelle la tendresse apparaît derrière chaque phrase. Barbara Constantine a le don de dresser des portraits d'une drôlerie incroyable dotés d'une intense sensibilité. La vie est une éternelle tendre comédie que traversent heureuses surprises et drames. Notre société moderne déroule ce qu'elle a de plus humain et de plus sensible le temps d'une histoire tendre, triste et drôle à la fois. Une belle lecture qui éloigne la morosité car on se sent si bien auprès de Mélie et de son petit coin de paradis....à bicyclette!





mardi 4 novembre 2008

Le tango de la mémoire

Le monde des novellistes est une source inépuisable de belles découvertes....ainsi en est-il allé avec le recueil "La fiancée d'Odessa" d'un auteur argentin, Edgardo Cozarinsky. Je vous vois déjà en train de froncer les sourcils: argentin, cet auteur? Vous m'en direz tant... son patronyme a cependant des consonnances loin d'être hispaniques ou sud-américaines!
L'auteur offre un étrange et beau voyage aux lecteurs qui suivent ses différents récits: un voyage au long cours, au gré de ses tranches de vie contées dans la brièveté de la nouvelle. L'histoire de l'éternelle errance pour trouver la Terre Promise, l'histoire d'une inlassable fuite d'une peuple pourchassé, l'histoire de leurs descendances dont les racines enrichissent le terreau de la terre d'accueil. Le lecteur parcourt le temps et l'espace en quelques pages: un jour il est sur le port d'Odessa à la fin du XIXè siècle, puis les années vert-de-gris de la chappe hitlérienne se rappellent au présent d'un pianiste de variété qui choisira de retourner vers l'enfer pour s'évanouir dans les couleurs parfaites d'un copiste fabuleux. L'Amérique du Sud tisse des liens avec l'Ancien Monde, celui de l'Europe ravagée par ses conflits et ses misères, devenue trop petite pour les espérances des plus deshérités. L'auteur, avec patience, s'emploie à mettre au jour l'envers de la tapisserie de l'Histoire: ces fils ténus qui usurpent les identités sans être coupés de ce que l'on croyait être, ces fragiles fils qui lient d'autant plus fortement que les secrets de famille sont lentement dévoilés. La nouvelle "La fiancée d'Odessa" ouvre une parenthèse qui se ferme avec l'ultime récit "Hôtel d'émigrants". Dans la première, une jeune modiste orthodoxe rencontrée par un jeune juif fuyant les pogroms ukrainiens, s'embarque pour une autre vie, acceptant une autre identité qui lui est offerte, abandonnant son appartenance religieuse pour revivre....quand quelques générations plus tard, le voile est levé, l'interrogation des descendants quant à leur judéité est immense (elle se transmet par la mère). Et si ce cas était-il loin d'être isolé? Ont-ils alors leur place parmi leurs correligionnaires? Dans la seconde, un trio (deux hommes unis par une grande amitié, allemands, et une femme, américaine) à la Jules et Jim, après une fuite devant les forces nazies, attend à Lisbonne, avec une patience désespérée, une partance pour les Etats-Unis. Un ami offre son nom à un autre, car la jeune femme ne peut en épouser qu'un pour lui offrir le passeport de la liberté, dont le petit-fils dénouera l'échevau et s'interrogera également sur sa judéité. Variations sur un même thème: celui des identités personnelle et nationale, bribes de nostalgie des patries véritables ou rêvées, portraits où pointe les sentiments souvent contraires des déracinés. L'Histoire ballotte, sans états d'âme, les destins que l'Entre-deux-guerre envoie sur de lointains rivages plus tolérants et porteurs d'avenirs à construire.
L'Histoire est parfois un triste rouleau compresseur difficile à arrêter. Ainsi, la vieille comtesse hongroise devant vendre un de ses derniers tableaux de maîtres, un Friedrich, elle qui après avoir survécu aux affres nazis et communistes, se dépouille de ses souvenirs pour tout simplement survivre. Ainsi encore le vieil écrivain autrichien réfugié à Buenos Aires, vivant sa vie amoureuse dans les ombres sales des toilettes pour hommes de la gare. Il y revoit un jeune homme rayonnant de beauté et de vie, Carlito dit Belle Gueule, qui le sauvera d'une rafle du régime militaire, celui qui tait, hypocrite, les attirances de son état-major, tout en menant une répression brutale sur les amours dites contre nature. Belle Gueule, qui grâce à ses charmes et à sa compréhension du système, louvoiera dans les méandres de la dictature sans dommage et actionnera les engins de torture dans de sombres cachots. Cependant, une lueur éclaire ces êtres au bout du rouleau, presque finis de solitude et d'oubli: celle de la compassion d'un autre qui réchauffera leurs souvenirs.
A noter que des références à un cinéma mythique sont présentes: le périple commençant à Odessa, l'ombre d'Eisenstein plane sur le port et on imagine la silhouette du cuirassé parmi les innombrables bâtiments en partance...en effet, près du jeune émigrant passe un landau où pleure un nourrisson "Pour éloigner cette peine qu'il ne savait pas effacer, il suivait des yeux chaque personne qui passait; toutes offraient quelque trait capable de l'interesser: une gouvernante en uniforme soigné poussait sans entrain le landau d'où, dans une profusion de dentelles, émergeait un bébé grognon." (p 10). Il s'achève sur un clin d'oeil à Truffaut et son inoubliable Jules et Jim, une relation amoureuse dans laquelle le coeur d'une jeune femme a bien du mal à choisir.
Alors, si vous aimez les récits dignes de l'épopée, si vous aimez les nouvelles, si vous aimez les parfums de l'Amérique du Sud, si vous aimez le cinéma, vous ne pourrez que succomber à ce voyage au coeur de destins ordinaires de personnages sublimes!
Une belle découverte d'un auteur de grand talent grâce à Kenavo de Parfum de livres!





Nouvelles traduites de l'espagnol (Argentine) par Jean-Marie Saint-Lu

dimanche 2 novembre 2008

Le livre brisé

Le crû 2008 est arrivé dans toutes les bonnes librairies bretonnes (qui le distribuent à leurs clients) depuis quelques semaines et fut distribué gracieusement lors du dernier Festival Carhaisien.
Tout d'abord, la lecture m'a un peu déçue: pourtant le sujet à traiter "le livre brisé" était intéressant. Les premières nouvelles me semblaient vraiment convenues, les chutes étaient attendues, le rythme difficile à intégrer. Bref, la déception semblait de mise de la première à la dernière page, lorsque, soudain, un titre splendide se présenta "Le balcon spectral ou Jeune femme lisant" de Marc Nagels! Vous me direz que les titres alléchants cachent parfois de terribles déconvenues mais ce ne fut pas le cas ici....loin de là!!! D'emblée, la nouvelle plonge le lecteur dans l'univers du fantastique où la poésie n'a pas été oubliée. Le balcon est enchanteur, merveilleux, transpirant à l'envi de mystère et de descriptions d'une intense poésie. Il y a du Nerval caché entre les lignes, derrière les images et les mots. "Les pierres avalent de l'air. Les vents heurtent longtemps les hautes tours. Les pierres s'enivrent de vents et parfois se descellent. Dans le ventre spiralé du donjon, les parois suintent d'une liqueur de vents anciens.(...) Le donjon digère le temps. Les marches luisent comme un corps moite que traverse une vie souple. Elle retire ses souliers et écoute le baiser de ses pieds nus sur la pierre molle." (p 57)
"De moi, elle a appris à lire les livres, à les ouvrir délicatement en faisant glisser ses doigts de la couverture vers la profondeur douce des feuillets, puis à les suspendre au-dessus de ses yeux. Le livre ainsi déployé dans la largesse molle de ses pages conduit mieux les pulsations de l'émotion, le moindre tressaillement de la lecture; le clignement des yeux s'imprime dans la souplesse rythmée d'une matière graphique qui libère la toatlité de ses charmes. Tout objet réclame cette menue relation qui favorise le dynamisme incantatoiredu support et permet à l'esprit de verrouiller un contexte incohérent pour mieux saisir le sens dans ses plus faibles ouvertures. J'aime voir ses mains fuir la rigidité des reliures pour maintenir le livre par les pages, et voir son front prendre le tain capricieux des ciels et des cavales nuageuses." (p 62)
Une ode à la lecture des oeuvres anciennes mais aussi à venir, un chant presque désespéré de voir l'acte de lire et la sensualité des gestes du lecteur réduits à n'exister que dans un ultime vieux donjon, dernier refuge d'un imaginaire balayé par les vents du matériel et du concret. Le lecteur se perd avec délice dans la spirale des escaliers et des livres, ravi d'entendre souffler la tempête extérieure qui attise le plaisir de se retrouver en compagnie de vaisseaux prêts à commencer le voyage offert par les multitudes d'histoires. Cependant, l'écrin sombre de la bibliothèque apporte son lot d'incertitudes et de détresses....le thème ne peut souffler un éternel optimisme. Lentement, telle une Belle au Bois Dormant, la lecture s'endort....se réveillera-t-elle un jour? Le temps ne se laisse jamais compter ni dompter aussi tout espoir n'est-il jamais perdu et un jour viendra, où le baiser des pieds nus sur la pierre sombre et vivante de l'escalier menant à la bibliothèque, à l'imaginaire nourrissant et essentiel, sortira des limbes du sommeil une lecture ravivée.
Les nouvelles du recueil sont donc une variation sur le thème du "Livre brisé" et abordent la cassure avec plus ou moins de réussite. J'ai aimé le côté ironique de la dernière "Jakez Le Glas" de Philippe Dazy qui m'a rappelé une nouvelle du dernier recueil de Georges Flipo "Qui comme Ulysse": un auteur se voit passer une commande par une maison d'édition souhaitant éditer un recueil dont le sujet serait les personnages bretons célèbres. Ni une ni deux, voilà notre auteur parti collationner de bonnes histoires; et où peut-on être certain de trouver de belles figures emblématiques dignes d'être célèbres? Dans un typique café du port, pardi! L'auteur tombe sur Jakez Le Glas aux voyages autour du globe sur le bleu-vert des flots... Le conte dissimule parfois de décevantes contre-vérités, brisant le livre entre déception, rire et amertume.
Un recueil agréable, malgré quelques déceptions, et doté d'une diversité d'écriture intéressante jouant sur la gamme étendue des genres littéraires: chacun peut y trouver de quoi méditer, s'interroger et s'approprier l'espoir que derrière la brisure livresque transparaît l'essentiel besoin d'imaginaire.

samedi 1 novembre 2008

Huis-clos

Je guettais avec impatience sa sortie en poche pour me l'offrir et cerise sur le gâteau, le Blogoclub avait choisi comme lecture de Novembre, un autre roman de Paul Auster "Brooklyn Follies" que j'avais déjà lu. Comme "Dans le scriptorium" me tendait les bras depuis son achat, le choix ne fut guère difficile entre une relecture et la découverte du roman tant attendu!
Un vieil homme, Mr Blank, est dans une chambre, il est observé à son insu et on ne sait pas s'il est retenu contre son gré, simple patient ou pensionnaire d'une maison de retraite. On suppose qu'il perd la mémoire puisqu'il y a des petits papiers collés sur les différents meubles et objets de la chambre. Un texte est proposé à sa lecture sur son bureau, un calepin est à portée de sa main afin qu'il puisse y inscrire les noms qui lui reviennent. Que représentent-ils d'ailleurs ces noms: des personnes de son entourage proche, de sa famille, des collègues? Au fil du récit apparaissent des personnages, Anna l'infirmière (?), Patrick Flood l'ancien inspecteur, le médecin, Sophie une autre infirmière, apportent réconfort ou angoisse à Mr Blank qui se demande sans cesse, lorsqu'il s'en souvient, où se trouve la placard dont ils parlent et comment s'ouvre la porte de sa chambre. Est-elle fermée à clef, ouverte? On ne le sait pas. Je n'irai pas plus loin dans ma tentative de résumé du roman car je serai alors amenée à parler plus qu'il ne le faudrait de l'intrigue, échaffaudage passionnant d'une mise en abîme qui déroute le lecteur.
Paul Auster construit son roman comme une pièce de théâtre classique: unité de lieu (la chambre de Blank), unité de temps (une journée) et unité d'action (il n'y a pas d'intrigue secondaire: Blank est face à son texte et à ses interlocuteurs et doit démêler l'écheveau des questions). Il respecte ces trois unités essentielles du théâtre du 17è siècle et fait osciller le ton de son propos entre comédie et tragédie. En effet, l'humour pince sans rire est très présent et l'isolement de Blank cache une grande détresse. De plus, l'exigence de bienséance est menée avec brio de bout en bout: pas de scène heurtant la morale, pas de scènes de violence et les caractères des personnages sont cohérents tout au long du récit. Le lecteur perçoit le plaisir que l'auteur a éprouvé à écrire ce huis-clos, entre le conte édifiant et la farce...la chute est bien réussie et les indices parsemés avec une parcimonie bien étudiée. Auster joue avec son lecteur à un jeu de cache-cache doublé d'un jeu de piste: les indices sont épars et l'auteur parvient à maintenir l'illusion pendant une bonne partie du roman. Auster est au sommet de son art et manie la technique narrative avec un talent qui n'est plus à prouver.
Au-delà de l'aspect technique, Auster mène également une réflexion sur l'acte d'écriture, sur le rapport de l'écrivain avec ses personnages, la structure de son histoire, la solitude devant la page à écrire et son immersion dans le monde réel qui l'entoure: ainsi la politique, c'est à dire la vie de la cité et des hommes, ne peut être évincé de l'oeuvre littéraire. Auster effleure, avec subtilité grâce à sa construction en abîme, les racines d'une civilisation impériale, faisant apparaître les interrogations et les pistes pour que chacun puisse bâtir sa pensée. Cette chambre de Blank est une image de la machine angoissante où se créent les dérives inquiétantes de notre société moderne. Sans doute, le véritable travail (et objectif) de l'écrivain (ou de l'artiste) est-il de changer le regard de ses contemporains sur le monde dans lequel ils évoluent en changeant par quelques mots leur vision du cours de l'Histoire? La place de l'artiste dans la société est un débat passionnant doté de nouvelles perspective selon les époques: Auster est inscrit dans la société et en dresse un portrait sans concession.
"Dans le scriptorium" est un roman brillant, foisonnant où les interrogations s'emboîtent les unes dans les autres telles les Matriochkas !


Un véritable régal pour les lecteurs fidèles d'Auster et une belle découverte pour les néophytes.

Roman traduit de l'anglais (USA) par Christine Le Boeuf