mercredi 30 septembre 2015

La sieste, ton univers impitoyable....

C'est l'heure d'aller à la sieste!

Qui n'a jamais prononcé ces mots ne peut savoir l'effet produit sur l'enfant, ou les enfants, à qui ils s'adressent.
La sieste, moment de calme rejeté par les plus petits et espéré par les adultes. 
La sieste, un univers où l'angoisse se dispute avec le sommeil réparateur après une longue matinée à découvrir le monde.
La sieste, tabou s'il en est, pourtant essentiel au développement de l'enfant, en harmonie avec le monde.
La sieste commence toujours ainsi:

"D'abord, on n'a pas très envie de s'endormir: il y a tellement mieux à faire...."
Seulement, un bruit de vagues, appel à paresser sur la plage, se fait entendre, l'esprit s'envole pour écouter une histoire venue de loin, très loin, apportée par les vagues.

Ainsi commence le voyage au gré des histoires et berceuses racontées à travers le monde, par toutes les mamans à leur tout-petit bout de chou.
Ainsi commence l'aventure de l'imaginaire, celui qui aide à grandir, à se construire, à être ce que l'on est, ce que l'on deviendra.
Un fil conducteur... une sauterelle: de minuscule elle devient grande puis immense, elle est comme le rêve envahissant les limbes du monde proche et lointain. Elle bondit à travers le monde, elle survole des enfants, des adolescents endormis ou rêvassant, l'esprit libéré du poids de la réalité.

Le temps passe, l'esprit a voyagé, a appris, a vu mille et une jolies choses, a entendu mille et une belles histoires, a croisé mille et une personnes. Le bruit des vagues chuchotent "il est l'heure de se réveiller".
La petite fille s'éveille lentement, triste de quitter ce monde du rêve où tout est immense et à portée de main. La réalité reprend le dessus malgré la nostalgie de quitter l'état agréable du voyage immobile.
"Déjà? Il y a tellement d'histoires à rêver, allongé, bien reposé...Puis très vite, tout le monde finit par se lever: il y a tellement de choses à faire cet après-midi!"

Au quatre coins du monde, le même rituel se déroule sous des cieux et dans des langues différents. Au quatre coins du monde, l'enfance se construit au fil des sommeils remplis de rêves.

Un album court, servi par un texte très beau, poétique et drôle à la fois, et de très belles illustrations comme on les aime chez les Editions Rue du Monde.

dimanche 27 septembre 2015

samedi 26 septembre 2015

Et si...

L'uchronie est un domaine littéraire où il fait bon s'égarer de temps en temps. A quelques semaines de la diffusion en France de la série « Le maître du Haut Château » inspirée du roman éponyme de Philip K. Dick, j'ai lu ce dernier avec délectation. Osons ce terme, plus adapté à la dégustation d'un plat raffiné, pour la littérature.
Oui, je me suis délectée de cette histoire où les Alliés ne sortent pas vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale, où les forces de l'Axe dominent le monde.
Ce ne sont pas les Américains qui ont lâché la bombe atomique mais les Nazis. Les Etats Unis d'Amérique n'ont pas envoyé le premier homme sur la lune mais les Allemands sont partis à la conquête de l'espace, des missions sont envoyées vers Mars.
Les vols supersoniques mettent Los Angeles à deux heures de Berlin grâce aux avions fusées.
L'Allemagne n'est pas divisée en quatre secteurs mais les Etats Unis sont séparés en deux zones : à l'est, sous domination nazie, à l'ouest, sous domination japonaise, au centre une zone neutre où vit l'homme dict le maître du Haut Chateau

La Résistance s'organise, cahin caha, de part et d'autre de la zone neutre. A Los Angeles, Frank Frink est renvoyé de l'usine où il fabrique des imitations d'antiquités pour le marché japonais. Monsieur Takomi doit accueillir l'agent Rudolf Wegener et organiser la visite du couple héritier de l'Empire du Japon. Juliana Frink, ex épouse de Franck, a tout quitté pour rejoindre les Etats neutres des Rocheuses.
Les personnages se croisent, s'éloignent, parfois sans se connaître. Deux éléments les relient : un roman subversif « Le poids de la sauterelle », interdit dans les zones sous la domination nazie, parce qu'il décrit un monde où la Guerre n'a pas été perdue par les Alliés. Le deuxième élément est l'utilisation du « Livre des transformations », le Yi King, faite par les principaux héros du roman : Takomi, Frank, Juliana et un personnage inattendu.
Le Yi King revêt une grande importance : les baguettes sont lancées six fois pour créer un hexagramme que l'on interprète dans le "Livre des transformations". Lors des moments importants de la vie de chacun des héros, ces derniers font appel à cette pratique.
Ainsi Takomi pressent un malaise pesant sur les relations entre l'Allemagne nazie et le Japon, qui se confirmera lorsque l'agent allemand lui apprendra qu'une attaque allemande est prévue contre le Japon.

Le roman est prenant, au rythme bien enlevé : l'existence d'un roman dans le roman met en abyme l'histoire lue avec celle que l'on aimerait lire, celle du « Poids de la sauterelle » dont l'auteur, Hawthorne Abendsen, a la tête mise à prix par les Allemands.
Juliana, exilée volontaire dans les Rocheuses, rencontre un jeune italien avec lequel elle a une aventure sentimentale : il lui parle du livre interdit. Suite à l'élimination du jeune homme, agent nazi en mission pour tuer Abendsen, par elle-même, elle lit l'ouvrage interdit et comprend que l'auteur a découvert, par l'interprétation des hexagrammes, que la guerre a été, en réalité, remportée par les Alliés.

Au-delà de l'uchronie, qui s'appuie sur un fait historique réel à savoir la tentative d'assassinat de Roosevelt, en 1933, par Giuseppe Zangara, Dick met en place une logique de guerre froide entre les force de l'Axe ainsi que l'admiration de la culture japonaise chez de nombreux américains, tiraillés entre attirance, mépris et répulsion. L'harmonie du raffinement recherchée dans tous les domaines par les Japonais fascine de nombreux personnages.
Dick provoque aussi le lecteur qui, de mise en abyme en mise en abyme, est renvoyé à ses propres questionnements, notamment l'interrogation sur ce qu'est notre propre réalité. Le lecteur, comme les personnages du roman, lit un livre qui lui décrit un monde autre en lui expliquant que ce monde autre est la réalité. Le lecteur est pris dans le principe, propre à la lecture, de l'illusion romanesque.
Dick joue avec les miroirs et interroge la définition de la réalité, de sa frontière avec la fiction, de l'existence de chacun et de son incertitude (suis-je vraiment moi?). Ces jeux de miroirs amènent parfois à se demander sur quel terrain l'auteur souhaite nous emmener au point que l'on ne sait pas vraiment où il veut en venir. C'est ce qui fait tout le sel de la démarche: perdre le lecteur à l'envi pour qu'il se retrouve ou se perde définitivement.


J'ai regardé l'épisode pilote de la prochaine série. Les éléments importants sont présents et captent immédiatement l'intérêt du spectateur. Etant bon public, j'ai apprécié cette mise en bouche qui, à mon avis, ne dessert pas le roman.



jeudi 24 septembre 2015

La citation du jeudi # 6

Je commence la lecture de "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds" de Jòn Kalman Stefànsson. Univers très islandais et un long passage qui m'a interpellée.

"Nous revenons parfois à la souffrance, à nos regrets, à la nostalgie. Et nous remuons le couteau dans la plaie. Nous ne sommes pas très bien, la vie constitue un écheveau de plus en plus complexe, comme si l'homme peinait toujours à la cerner. Nous prenons des calmants, des excitants, des tranquillisants pour supporter le quotidien. Les années passent, le but de la vie demeure vague, nous ne comprenons presque plus rien, nous prenons du poids, nos nerfs s'usent puis se rompent et nous sommes constamment affligés par l'insatisfaction et les désirs inassouvis. Nous rêvons d'une solution, aspirons à l'azur et l'éther, mais n'ayant ni le temps ni la sérénité ni l'endurance qu'il faut pour les atteindre, nous avalons, reconnaissants, des solutions hâtives, les plats préparés, le sexe à la va-vite, tout ce qui nous procure une solution d'urgence, nous vivons à l'époque de l'instantané. Les manuels de développement personnel nous promettent une vie meilleures et un peu de profondeur dans nos existences: panoplie de dix conseils pour arrêter de boire, arrêter de grossir, de souffrir, d'avoir peur, dix conseils pour mieux vivre, ils sont rarement plus de dix, nous peinerions à en mémoriser plus, ils sont au nombre de dix comme les doigts, comme les Commandements."

(pages 17 et 18) in "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds"

mercredi 23 septembre 2015

Elle voit des souris partout

Septembre est le mois de la souris en classe. "Mic la souris" est une histoire, parue d'abord chez Pomme d'Api et ensuite éditée en livre chez Bayard jeunesse poche.
Mic, petite souris orpheline, quitte sa maison ravagée par les pièges pour trouver un nouveau logis. L'aventure commence et est loin d'être de tout repos.
En premier lieu, un soulier. C'est chouette les souliers, même sans lacets. Au moment où elle entre, Maligot l'escargot sort lui demandant si elle souhaite quelque chose. Raté pour le soulier qui a déjà un locataire.
Peu de temps après, elle tombe sur un cartable. C'est chouette les cartables, même vieux et usés. Elle entre pour visiter et fait une rencontre piquante: un hérisson en a fait son logis. Raté pour le cartable qui a aussi son locataire.
Mic commence à être dépitée.
Miracle! Une série de boîtes de conserves...inoccupées: le rêve. Enfin, cela aurait pu être le rêve, seulement aucune boîte ne convient, évidemment: trop petite est celle des sardines, trop collante celle du lait concentré, trop glissante celle des haricots; En plus, ça résonne quand on chante. Raté les conserves sans locataires.
Une merveille apparaît: une belle théière en porcelaine: c'est plus qu'un logis, c'est un palais! Mic s'approche, l'espérance brillant dans ses yeux, las! il y a une bonne odeur de soupe ce qui signifie qu'il y a déjà un locataire: une souris qui lui conseille d'essayer les tasses. 
Mic n'en peut plus et pleure toutes les larmes de son corps. C'est alors qu'un mulot pointe le bout de ses moustaches. Elle lui raconte ses déboires et il se met à rire en lui expliquant qu'elle souhaite trop de confort alors qu'elle a ses dents, ses pattes et ses griffes.
Oui cher mulot mais pour quoi faire, dites-nous tout!
Pas bégueule pour une graine de tournesol, le mulot, en deux temps trois mouvements creuse un trou dans lequel il disparaît. Mic le suit et découvre un habitat spacieux et confortable:
"Viens voir! Salon, salle à manger, chambre à coucher, logement à l'abri, tout ça entre des racines fraîches et parfumées. Ta maison, elle est au bout de tes pattes, ma jolie!"

L'histoire est simple, bien rythmée avec un fond de morale qui renvoie à certaines fables. La sensibilité de l'enfant est mise à l'épreuve à travers la descriptions des péripéties vécues par Mic. Son périple n'est pas négatif: après l'escargot inquisiteur, le hérisson grognon, la souris égoïste, elle rencontre le mulot qui lui ouvre le chemin de la liberté d'agir: il suffit de faire appel à son intelligence, à ses capacités, son imagination pour maîtriser ses émotions et résoudre les problèmes qui se posent à soi. On peut surmonter ainsi toutes les difficultés.

Lue et approuvée par les 24 loupiots de ma classe.

dimanche 20 septembre 2015

C'est dimanche jour de la photo # 5

Je vous emmène encore en balade au Moulin à fouler, à Plélo, où le goût des belles choses est visible tant côté jardin que côté brocante et décoration.
Une ancienne cuisinière retapée et accueillant les convives qui se délectent à l'idée de goûter la potée maison ou les galettes.
Je ne me lasse pas de relater ma Bretagne.

mercredi 16 septembre 2015

Les gastéropodes sont aussi des héros sans peur et sans reproche

"Le Chevalier de Ventre-à-terre" est un album surprenant par la nature du héros: un escargot. Ventre-à-terre lui sied à merveille tant par le clin d'oeil à l'expression "courir/aller ventre-à-terre" image de la rapidité extrême contrastant avec la vitesse d'escargot de l'escargot, que par la réalité physiologique du gastéropode dont le mode de déplacement s'effectue ventre-à-terre, au sens premier du terme.
Notre Chevalier vit dans un château, sur des terres merveilleuses, foisonnantes, il a une petite famille adorable et aimante. Comme tout Chevalier qui se respecte il a son ennemi contre lequel il guerroie sans cesse.
D'ailleurs, ce matin, son ennemi l'attend pour une bataille rangée dans le carré fraises. Pas de temps à perdre, le Chevalier de Ventre-à-terre doit se préparer. Attention, il se prépare dans les règles de l'art et cette préparation est un monument d'humour et de deuxième degré. L'image parle d'elle-même.




Enfin il est presque prêt: avant de partir ne pas oublier d'embrasser épouse et progéniture bien baveusement.



Un Chevalier ne peut se rendre au combat sans porter secours à une Princesse en détresse, sans mater quelques vilains mal embouchés. En cours de route, il s'octroie une pause pendant laquelle un pied de cèpe, bien rond, bien lisse, l'inspire au point qu'il dessine sa vie à la manière...de la Reine Mathilde tissant, elle, la "Tapisserie de Bayeux". Bien sûr, les enfants ne réagiront pas à ce rappel historique, mais l'adulte, lui, savourera cela et s'appliquera, selon l'âge de l'auditoire, à expliquer pourquoi le Chevalier de Ventre-à-terre ressemble à la Reine Mathilde.
Notre pourfendeur sans peur et sans reproche arrive sur le champ de bataille où l'attendent son armée et celle de son adversaire. Face à face plein de noblesse et d'intimidation. La bataille commencera à la page suivante, nous en sommes certains: la preuve ils sont tous sur le dos, bouche ouverte, armes éparpillées, ils sont mort! Peut-être que ce n'est qu'une illusion? Vous le saurez à la page suivante, page qui vous ravira.



C'est le soir, tout ce petit monde doit retourner chez soi et se fixe rendez-vous au lendemain, même endroit, même heure, pour batailler.
Notre héros revient chez lui en s'arrêtant beaucoup moins pour sauver gentes demoiselles et pauvres hères.


Le lendemain, le réveil sonne, le Chevalier s'étire, prend son frugal petit déjeuner, fait ses exercices, écrit son courrier, se prépare... la suite, nous la connaissons.

Les planches fourmillent de détails infimes qui enrichissent de non-dits le texte écrit, les dessins sont d'une finesse très agréable, simples et riches de détails que l'on s'amuse à observer longuement. Le texte est simple, certes, mais participe à l'ambiance riante et malicieuse de l'histoire: l'image et le texte se répondent avec un décalage humoristique, l'une contredisant l'autre avec facétie.

"Le Chevalier de Ventre-à-terre" est un petit bijou où la poésie des dessins s'imbrique dans leur humour. Mes élèves l'avaient apprécié et me sollicitaient souvent pour que je la leur lise.

dimanche 13 septembre 2015

L'odeur ineffable de l'iode

"Le goût de la mer", recueil d'extraits de textes en relations avec l'élément marin, édité chez Mercure de France, attendait depuis plusieurs années que je l'ouvre et que je le lise. 
Il faisait partie du colis SWAP que m'avait envoyé Mirontaine, juste avant ma traversée du désert et ma disparition de la blogosphère.
Il m'a accompagnée en fin d'année scolaire: il était ma respiration pendant la pause du midi, ma séance de relaxation. Moment privilégié où j'oubliais les contingences professionnelles, ma souffrance au travail: grâce aux mots des auteurs, connus, moins connus et parfois anonymes, l'évasion était garantie, le temps s'arrêtait le temps d'un chapitre. 
Pourquoi tout ce temps pour le chroniquer? Parce qu'il est resté tout l'été dans le tiroir de mon bureau et que j'en ai achevé la lecture la semaine dernière, en buvant un thé, seule, au calme, dans ma classe.

"Le goût de la mer" est un ouvrage idéal pour les pauses lecture, entre deux rendez-vous, entre deux cours, entre deux arrêts sur la route. 
On pourrait reprocher le côté "Reader Digest" de l'opuscule mais il n'en est rien, bien au contraire. C'est un véritable piège, non à guêpes, mais à livrovores: on redécouvre les classiques, on en découvre d'autres, les voyages rêvés ou immobiles sont à portée de main. Comme nous sommes sous le charme des "extraits", on ne se lasse pas d'en relire et de faire traîner en longueur le moment de refermer la page.
Résultat de la lecture une LAL conséquente.

J'ai aimé les chapeaux des thématiques:

- Depuis la terre
- En pleine mer
- Dans les profondeurs

Elles guident le lecteur vers une nage prometteuse où il fait bon barboter, s'élancer ou se mouvoir en apnée, yeux ouverts devant le spectacle sous marin. La plage, le bord de mer et enfin l'espace où l'on peut nager en toute liberté, sans avoir pied, le ventre parfois caressé par les algues, provoquant un soubresaut inquiet du nageur.
Je n'ai jamais lu "Vingt mille lieues sous les mers" ni "Moby Dick". Ce dernier est dans la liste du défi "10 romans pour 10 ans de mariage". Je me suis rendue compte que la plupart des romans ou recueils de poèmes dont sont extraits les passages, se trouvaient dans ma bibliothèque ou accessibles à la médiathèque. On passe souvent à côté de pépites, "Le goût de la mer" m'en a fait prendre conscience et donné l'envie de rattraper mon "retard".

J'ai également apprécié le petit plus ajouté en commentaire, à la fin de l'extrait reproduit: entre didactisme et pédagogie, il offre un argument supplémentaire pour décider de prendre en main le roman présenté.

La mer est chantée, maudite, crainte et aimée au fil des "morceaux choisis", le lecteur consomme, avec ravissement, cette mise en bouche, ouvrant son appétit pour les divers voyages que cette carte littéraire lui propose sans vergogne.

Lisez sans hésiter la carte de ce restaurant pas comme les autres: vous y reviendrez souvent, le temps d'épuiser ce "Goût de la mer" à travers les romans, plats proposés avec appellation alléchante: "L'appel du large" pour choisir "Moby Dick" de Herman Melville, "Quai ouest" pour se dire que, la prochaine fois, on prendra la route avec Céline et "Le voyage au bout de la nuit".

La marée n'attend pas, goûtez aux fruits marins, joliment écrits par des auteurs savoureux.

Extrait de la quatrième de couverture:

"Entre ouragans et tempêtes, leurs récits transportent le lecteur immobile à travers l'Atlantique, l'océan Indien, le Pacifique, la Mer de Chine, l'Antarctique, la multitude des mers intérieures, du pôle Nord au pôle Sud, et jusque dans leurs plus inaccessibles profondeurs. Mais la mer n'est pas seulement géographique, elle atteint aussi une dimension proprement métaphysique: mer des fantasmes, des ténèbres et de la folie, mais aussi mer du calme retrouvé, de l'aventure introspective et de la connaissance de soi." 

Embarquement immédiat pour Cythère? Oh bien plus que cela, bien plus loin... pour une longue croisière.

C'est dimanche jour de la photo # 4

Toujours au Moulin à Fouler, à Plélo, un lundi d'août ensoleillé, un potager de rêve, agencé artistiquement, fait saliver le futur convive: les légumes prévus au menu viennent de ce paradis miniature.
Je m'imagine, avec Bibliomane, sur cette table pour deux, savourant un livre en buvant une coupe de champagne frais.

jeudi 10 septembre 2015

La citation du jeudi # 5

Quand j'ai commencé "Le goût des pépins de pomme" et que j'ai lu ce passage, j'ai revécu, avec douleur, mon désert de lecture et d'écriture. Ce fut violent, j'en ai pleuré. C'était il y a un an: j'ai renoué avec la lecture, peu à peu je suis revenue sur mon blog, sans pour autant poster d'article. Ces phrases m'ont remuée et ont distillé, au fil des jours, l'envie de revenir ici. 

"J'écrivais encore des lettres à l'époque, je croyais encore à ce qui est écrit, à ce qui est imprimé, à ce qui peut être lu. Cela ne devait pas durer. Entre-temps, j'étais devenue bibliothécaire à l'université de Fribourg, je travaillais avec les livres, j'achetais des livres, il m'arrivait même d'en emprunter. Mais lire? Non. Autrefois, oui, et même plus qu'il n'eût fallu, je lisais tout le temps, au lit, en mangeant, à bicyclette aussi. Fini, terminé. Lire signifie collectionner, et collectionner signifie conserver, et conserver signifie se souvenir, et se souvenir signifie ne pas savoir exactement, et ne pas savoir exactement signifie avoir oublié, et oublier signifie tomber, et tomber doit être rayé du programme. [...] Mais je prenais plaisir à mon travail de bibliothécaire. Et pour les mêmes raisons, je ne prenais plus plaisir à lire." in "Le Goût des pépins de pomme" de Katharina Hagena (p 21 et 22)

mercredi 9 septembre 2015

Trotro et le chemin des écoliers

Septembre est une période propice pour lire et faire découvrir des albums jeunesse aux enfants. Aujourd'hui, je présente une aventure de l'inénarrable Trotro, paru l'an dernier.
"La rentrée de Trotro" est l'album idéal pour initier les jeunes enfants à leur "métier" d'élèves et ce de la Petite à la Grande section de Maternelle.
Depuis lundi, "La rentrée de Trotro" est une lecture "feuilleton" pour la classe. Chaque jour, je lis un chapitre consacré à un domaine particulier d'apprentissage. Sept jours pour se familiariser avec les activités qui scanderont les journées d'école.
Trotro est plus amusant que "Maîtresse" quand il présente ce qu'il apprendra à l'école... et on ne peut qu'acquiescer à ce postulat.

Ce matin, c'est la rentrée, Trotro se lève, se lave, s'habille, prend son petit déjeuner et en route pour l'école. 
Il est en avance et en profite pour regarder son livre d'école allongé dans l'herbe. Survient alors une fourmi qu'accompagne Trotro à l'école des fourmis.
Après les fourmis, ce sont les escargots, les oiseaux, les fleurs, les papillons, les chats et les souris: ce charmant bestiaire se rend à l'école et chaque école a sa spécificité.

Qu'apprend-t-on à l'école des fourmis? A compter, pardi!
Et à l'école des escargots? A reconnaître les formes et les grandeurs puis à dessiner un Trotro rigolo.
A l'école des oiseaux? A voler? Seulement quand Trotro aura des ailes, en attendant la gamme est chantée joyeusement.
A l'école des fleurs? A étendre son vocabulaire et apprendre le nom des fleurs les plus courantes. Ainsi au lieu de désigner la rose comme étant "une fleur", Trotro apprend à dire "une rose", c'est tellement plus poétique et joli.
A l'école des papillons? A connaître ses couleurs pour réaliser des peintures éclatantes!
A l'école des chats? Chasser les souris? Que nenni, les chats sont agiles, expressifs et actifs, aussi Trotro apprend-t-il à faire de la gymnastique et à exprimer ses sentiments. C'est important de savoir dire ce que l'on ressent en mettant des mots sur les émotions.
Et à l'école des souris? Manger du fromage avant de fuir les chats? Rien de cela. Chez les souris, on apprend l'alphabet et à reconnaître les lettres. C'est que l'an prochain, les Grands de Maternelle iront à la Grande Ecole.

J'ai craqué pour cet album aux apparences trompeuses: Trotro, trop "bébé" pour des enfants de 5 ans? Je ne serai pas affirmative car Trotro accompagne depuis longtemps les enfants au fil de ses aventures qui leur ressemblent.

Personne ne boude son plaisir que ce soit "Maîtresse" ou les élèves.

lundi 7 septembre 2015

Quand l'éternité se veut libre

Babylone et ses banquets, ses rites, sa démesure, sa vénération pour Alexandre. L'empire établi par le conquérant macédonien vit ses ultimes heures dans une fête continuelle.
Un temple, perché et perdu en Arie, loin de Babylone et ses fastes mortifères, abrite une jeune femme et son enfançon, Dryptéis, fille de Darius, héritière d'un empire déchu, veuve d'Hyphaistion, fidèle d'Alexandre. Elle s'y est réfugiée pour que l'Empire l'oublie, pour se fondre dans la solitude et l'anonymat, pour que l'Histoire des hommes ne la rattrape pas.
Les prêtres, silencieux, l'ont accueillie, elle assiste, chaque matin, au geste rituel de l'offrande safranée, celle qui apaise la faim des dieux, celle qui peut faire reculer la mort.

Un banquet, des chants, une grimace d'Alexandre, un malaise, une douleur qui le ronge : l'Empire vacille, l'Empire retient son souffle, l'Empire vit au rythme des pulsations du Macédonien jusqu'à ce que ce dernier réclame la présence de Dryptéis.
C'est alors que nul désert, nulle montagne ne peut arrêter la marche de l'Empire, la tenaille des hommes.
Le safran, épice ô combien précieuse, est dispersé pour apaiser les dieux et leur appétit féroce. Derrière la brume orangée, une troupe à cheval. Dryptéis sait qu'elle ne pourra, ne saura échapper à son destin.

Alexandre se meurt, Alexandre la réclame, Alexandre dialogue avec une tête posée dans un panier : la réponse de celui qui règne au-delà de l'Indus, à Pâtalipoutra.

L'Empire s'effrite : grande est l'ambition des généraux d'Alexandre, grande est leur envie de prendre sa place.
Alexandre ne veut pas rester enfermé dans un catafalque, Alexandre veut partir jusqu'au monde inconnu, si proche et si lointain.

Un chant triste, mélancolique et beau s'élève entre les trois âmes qui ne peuvent se quitter : Alexandre, Dryptéis et Ericleops, messager d'Alexandre auprès du Dhana Nanda. Un trio se parle, se construit, les voix s'éloignent puis se rejoignent, convergeant vers un unique but : rendre la liberté à l'âme d'Alexandre.
L'épopée se vit au gré des mots, des phrases magnifiques de Laurent Gaudé. Nous sommes Alexandre, dépecé par ses fidèles, nous sommes Dryptéis, reine des vaincus, pleureuse de celui qui a mis à genoux Darius, nous sommes Ericleops, fidèle messager affrontant une mort inévitable. D'au-delà de l'Indus jusqu'à Babylone, la marche funèbre est un chant du cygne sublime qu'accueille l'Arie et ses brumes safranées.

« Pour seul cortège » est un poème épique, en prose, chantant le dernier voyage des personnages, ivres d'une ultime chevauchée, celle qui les affranchira des chaînes de l'Histoire. L'Empire se disloque, ils demeurent dans le secret minéral de montagnes perdues.
Quelle magnifique épopée où la fidélité, l'amour et le devoir orchestrent une errance à couper le souffle des personnages historiques magnifiés par le regard de l'auteur.
« La mort du roi Tsongor » fut un monument, « Pour seul cortège » en est un autre, porté par le même souffle, celui d'une écriture qui aime s'offrir à l'autre, à l'inconnu qui tourne les pages, emporté par l'élan épique de la fin d'un homme qui changea la face du monde connu.

A qui appartient la dépouille d'Alexandre ? A sa mère ? A ses généraux ? A l'Empire ? Les pincées de safran, portées par la brise des dieux, sont l'ultime voile d'Alexandre dont l'âme, enfin libérée, murmure aux quatre vents :
« Je vois tout et je me disperse, mes ennemis n'y peuvent rien, je suis sur eux dorénavant. A qui appartiens-tu, Alexandre ? A vous, mes compagnons, qui me ressemblez, à vous mes rêves lointains que je n'ai pas réalisés mais qui m'ont porté. A toi, Dryptéis, qui ma sauvé de mon cercueil, qui a jeté sur chacun d'entre nous une poignée de poudre de safran pour que nous échappions à la voracité des dieux, à toi qui es maintenant, je le sens, dans le cœur heureux du temps où les secondes sont infinies, je souffle sur le Gange, oh comme il est doux d'être si loin, je dis vos noms Hyphaistion, Dryptéis, je dis vos noms Tarkilias, Chandragupta, vous avez fait de moi l'homme qui ne sait pas mourir, l'urne est cassée et le vent souffle, je suis là, à jamais, j'enveloppe tout du regard, écoute Dryptéis, les mondes inconnus, les fleuves interminables, les combats de demain, écoute. A qui appartiens-tu, Alexandre ? Tu leur diras, Dryptéis, toi qui fus la seule à voir l'armée des morts entrer en terre et les cinq cavaliers du Ghandhara périr en pleine course, tu leur diras, A qui appartiens-tu ? A mes compagnons lancés au galop dans la plaine et à l'éternité qui s'ouvre devant moi. »

On referme le livre à regrets, des images d'une beauté à couper le souffle dans la tête, un parfum de safran flottant autour de soi, le bout des doigts teintés d'orange, couleur sacrée s'il en est. On le referme puis on le rouvre pour feuilleter au gré du regard, les pages qui se révèlent sous un autre jour.


A qui appartiens-tu, épopée ? A celui qui s'est laissé emporter sans crainte, avide du vertige donné par une Histoire revisitée, ravi d'un voyage qui longtemps le portera, et ce sans crier gare, au détour d'un quotidien dont la platitude se pare de la beauté d'une écriture qui émeut sans que l'on s'en aperçoive.

dimanche 6 septembre 2015

C'est dimanche jour de la photo # 3

Souvenir d'une belle journée entre amis, au Moulin à Fouler, une ferme auberge, nichée dans la vallée du Leff, sur son bief plus exactement. Un cadre magnifique, un jardin extraordinaire que je vous dévoilerai au fil des dimanches, un art délicat de la décoration et de la mise en scène au coeur du potager.
La ferme auberge a aussi une brocante où chiner est un plaisir.

mercredi 2 septembre 2015

La rentrée de la Bibli des P'tits chats!

Hier, la classe reprenait après deux mois de vacances. Angoisse et appréhension de part et d'autre, quoi de plus normal après ces longues semaines où chacun a vécu selon un rythme différent: pas d'horaires, du moins... pas trop, matinées qui s'étirent, châteaux de sable, barbotages en bord de mer. 
Mardi, nous repartions pour une année d'apprentissages, de jeux, de découvertes et d'innombrables histoires.
J'ai choisi un album issu de la collection "Père Castor" pour inviter mes élèves à renouer avec le monde de l'école: "24 petites souris vont à l'école".

Veille de rentrée, les jouets doivent être remisés, les affaires d'école triées, les sacs à dos distribués et les nouveaux habits essayés.
C'est une joyeuse cohue, un brouhaha amusant, dans la maison. Mamie Albertine a tricoté des manteaux pour chacune des 24 petites souris. En fin de journée, un repas concocté avec amour par Maman souris, est servi puis c'est l'heure fatidique d'aller se coucher: demain, il y a école!
Les aînés ronchonnent et se cachent, les plus jeunes sont inquiets: la rentrée est un moment attendu et craint.
Maman souris, en maman qui se respecte, a tout prévu: une surprise attend ses petites souris... et quelle surprise! Un coeur en tissu brodé à leur initiale. Elle distribue, que dis-je! elle confie un coeur à chacun de ses enfant, un coeur de rouge et leur explique qu'en le gardant dans leur poche, il les rendra plus forts et plus sûrs d'eux.
Elle leur montre le sien, que Mamie Albertine avait cousu pour son entrée à l'école. Les petites souris, ravies, se couchent et s'endorment.
Le lendemain, sur le chemin de l'école, la crainte, l'appréhension se sont envolées: elles "n'ont plus peur de rien".

Le coeur en feutrine est le fil invisible unissant le monde intime, celui de la famille, et celui de l'école, ce monde social où pour un temps donné l'enfant n'est plus UN mais appartient à une communauté, à un groupe social.
Je vous laisse la joie de savourer la dernière image de l'album, elle fera remonter maints souvenirs chez les mamans lectrices.

Les enfants de ma classe ont apprécié cette lecture que nous travaillerons en réseau avec d'autres histoires "d'école".

Question de curieuse: votre rentrée s'est-elle bien déroulée?