vendredi 30 novembre 2007

Que voyez-vous?


Depuis peu, j'ai redécouvert grâce à Parfum de livres, les joies des illusions d'optique.


Mais qu'est-ce qu'une illusion d'optique?

"L'image formée au fond de l'oeil est analysée point par point puis transmise au cerveau sous forme de signaux codés. Ceci est en principe pareil pour tous. Ce sont les zones visuelles du cerveau qui analysent ces signaux et nous donnent une représentation de l'objet perçu. L'interprétation qu'en fait le cerveau peut parfois être ambiguë et ces erreurs d'interprétation provoquent parfois des illusions d'optique, qui ne sont pas perçues de la même façon par chacun d'entre nous (nous n'avons pas tous le même vécu ni les mêmes images en mémoire). Les illusions sont les témoins des mécanismes de la vision. Elles confirment que notre perception du monde est assez éloignée de la photographie. Elle est le résultat :
- d'une stimulation des photorécepteurs rétiniens, qui peuvent subir des phénomènes de fatigue.
- et surtout d'une construction mentale, à partir des messages nerveux reçus, parfois erronés. Le cerveau cherche à mettre du sens partout, même là où il n'y en a pas. Alors, il en fait trop, amplifiant les contrastes, créant contours, couleurs, perspectives, reliefs, mouvements, en fonction de ce qu'il connaît. En effet, malgré une organisation générale commune du cortex visuel, les apprentissages et le vécu diffèrent d'une personne à l'autre, d'où une sensibilité variable à certaines illusions."

Le degré de perception des illusions d'optique n'est pas le même selon selon les cultures:

"Les illusions d'optique dépendent d'une part de notre système visuel mais aussi de notre culture en général. En effet, les européens paraissent avoir une illusion de Müller-Lyer plus forte et une illusion du T renversé moins forte que d’autres groupes ethniques comme certains africains.
Nous les occidentaux, nous vivons dans un monde où il y a beaucoup de formes géométriques avec des angles droits (immeubles, murs verticaux, plafonds horizontaux...). Nous avons une très forte tendance à sur-estimer les angles aigus et à sous-estimer les angles obtus, de manière à les ramener à des angles droits. C’est pourquoi nous sommes plus sensibles à l’illusion de
Müller-Lyer.
Au contraire, nos ancêtres préhistoriques évoluaient dans un environnement dominé plus particulièrement par des lignes courbes. Ils n'auraient probablement pas été sensibles à des illusions comme celle du triangle de Kanisza. Dans les années 30, des scientifiques ont d'ailleurs réussi à prouver que certaines ethnies n'ayant jamais rien vu d'autre que la forêt n'étaient pas affectées par ce genre d'illusion.
En ce qui concerne l’illusion du
T renversé, une autre explication s’applique. Parceque certains peuples africains vivent dans la savane, un relief très plat, et que leur environnement est pratiquement dépourvu d’arbres, de maisons ou de poteaux, ils sont donc moins habitués que nous à juger des lignes verticales, c’est pourquoi ils ont une illusion du T renversé plus impressionnante."

Il existe 2 types d'illusions d'optiques:


les illusions géométriques
les illusions artistiques

J'ai choisi celle-ci car elle m'a beaucoup émue et surtout je l'ai trouvée très belle:


Que voyez-vous?


Une autre beaucoup plus difficile mais splendide (merci Sousmarin!)


Celle-ci me rappelle certaines images d'Epinal qui cachent personnages et animaux dans un paysage. Ici, il faut trouver des visages...Combien en comptez-vous?

jeudi 29 novembre 2007

Nostalgie quand tu nous tiens

Présentation de l'éditeur:


"Encore aujourd'hui, il m'arrive d'entendre, le soir, une voix qui m'appelle par mon prénom, dans la rue. Une voix rauque. Elle traîne un peu sur les syllabes et je la reconnais tout de suite : la voix de Louki. Je me retourne, mais il n'y a personne. Pas seulement le soir, mais au creux de ces après-midi d'été où vous ne savez plus très bien en quelle année vous êtes. Tout va recommencer comme avant. Les mêmes jours, les mêmes nuits, les mêmes lieux, les mêmes rencontres. L'Eternel Retour."




Cet extrait reflète l'atmosphère générale du roman: nostalgie, promenades parisiennes en Noir et Blanc forcément (on a du mal à imaginer ce roman en couleurs ou alors si couleurs il y a ce serait des couleurs passées, comme dans les vieux téléfilms des années 70). Ce Paris mystérieux, solitaire, les jours de pluie, en automne ou en hiver. Ces quartiers aux apparences désolées qui regorgent d'histoires banales et tristes à en pleurer.
Un café, "Le Condé" où se retrouvent des habitués bohêmes , un peu artistes, un peu hors normes et beaucoup en rupture de tout. Un jeune homme les observent, assis à une table isolée et en retrait. Il est acteur tout en étant spectateur...un Modiano en pleine jeunesse? Un étudiant presque en rupture de banc d'école?
Quatre narrateurs, quatre regards sur une femme, Louki, étoile filante dans la nuit nostalgique et pluvieuse. Louki, femme solitaire, meurtrie qui ne sait où se trouve sa place dans l'ici comme dans l'ailleurs. Eternel retour vers le sombre, vers l'oubli. Etrange enquête policière, mais en est-ce vraiment une....rien n'est moins sûr, qui mène le lecteur à arpenter les zones neutres parisiennes où l'enfermement offre une liberté: celle de le quitter pour se fondre définitivement dans l'anonymat. Louki qui épouse un homme ennuyeux à en mourir, un homme sans centre d'intérêt hormis son travail, un homme vivant dans un bel appartement sans âme....un mort vivant en quelque sorte, un reflet de ce que peut devenir l'être humain désséché par la mécanique de la réussite, désséché par le manque de vie intérieure, par le manque de vie tout court.
Une promenade parfois douloureuse dans le dédale des souvenirs qui nous appartiennent ou non. Une photographie devenue pâle d'une jeunesse qui jamais ne reviendra. Une pâleur du temps qui doucement nous éloigne de ce que nous avons été et qui se rapproche bizarrement lorsque nous jetons un regard par-dessus notre épaule.
Une saveur délicate de parfum d'autrefois, de fragance passée, une lumière tamisée des souvenirs qui reviennent, à la moindre allusion, à la plus petite illusion captée, à grands pas noyer les regards.
En lisant ce roman où rien ne se passe et où tout survient et ressurgit, je n'ai pu m'empêcher de fredonner cette chanson de Vincent Delerm "Le baiser Modiano".
Une langueur prend le lecteur et le fait voyager en compagnie de ses souvenirs. Une brume estompe les contours de l'ancien réel....oh! les belles photos d'autrefois...
Un agréable moment dont on sort la tête légèrement embrumée et les yeux remplis d'un liquide prêt à s'écouler (vous savez, ces petites larmes qui naissent au fil des souvenirs!).




Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés


mercredi 28 novembre 2007

Dents de lait? Vous avez dit dents de lait?!

Il existe une collection que j'aime beaucoup et dont Bellesahi parle beaucoup car elle est amusante et extraordinaire! Il s'agit des comptines sur de multiples sujets éditées par thème chez Actes Sud Junior.
J'ai acheté dernièrement "Comptines des dents de lait" et c'est une mine de poésies, comptines sur le thème des dents. On y apprend une multitude de choses en s'amusant avec les mots et leurs sonorités. Les illustrations sont de Emilie Chollat, les textes de Corinne Albaut qui réussit si bien à mettre des mots sur les sensibilités enfantines.


Celles que je préfère:


A pleines dents


J'ai vingt dents de lait,

Bien rangées autour de mon palais.

Des incisives pour couper,

Des canines pour arracher,

Des molaires pour mastiquer.

Et en plus de tout ceci,

J'ai un grand appétit.

Soyez prêtes, coquillettes,

Attention à ma fourchette!


Brosse et frotte


De haut en bas, pour le haut,

Pour le bas, de bas en haut,

Lave, lave tes quenottes,

Brosse, brosse, frotte et frotte.

En arrière et en avant,

En dehors et en dedans,

Mousse, mousse dentifrice,

Brosse, brosse, glisse et glisse.

Hum! C'est parfait,

Mes dents brillent et c'est tout frais!


Il y a des comptines pour les caries, pour les séances chez le dentiste, pour les appareils dentaires...bref des mots simples et doux pour dédramatiser et prévenir les soucis d'hygiène dentaire.

mardi 27 novembre 2007

Le chemin de la perdition

Nous sommes en 1919, la Grande Guerre est terminée mais pas son cortège de douleurs et de sang. Elle a laissé des traces plus profondes que les tranchées où se terraient les soldats, plus profondes que les cratères des obus, plus profondes que les blessures par balle, plus profondes que les sillons de l'enfer. Niska, une vieille indienne qui a conservé le mode de vie traditionnel des indiens Cree, femme-médecine ou chamane, attend le retour de son neveu.
En 1914, Xavier et Elijah s'engagent dans l'armée pour s'en aller combattre sur les champs de bataille de Belgique et du Nord de la France. Commence alors pour eux, une plongée dans l'enfer de l'inhumanité. Le premier se bat en relative harmonie (si tant est que l'harmonie puisse exister dans un tel contexte) avec ses croyances et ses convictions: il tue sans haine, pour se défendre, pour défendre sa vie et accompagne les âmes des soldats sur le chemin de leur autre vie. Le second bascule, peu à peu, dans la jouissance de donner la mort, dans la jouissance du sang, dans la jouissance du sentiment de puissance offert par une lunette sur un fusil, par l'habileté à saisir le moindre bruit pour détruire l'autre. Il rencontre aussi le pouvoir de la morphine, médecine qui fait tout oublier notamment la douleur et la peur, médecine qui peut faire déraper et franchir la frontière qui sépare l'humanité de la cruauté perverse.
Joseph Boyden et ses héros indiens Cree, Xavier, Elijah et Niska, entraînent le lecteur dans les récits croisés de trois destins forts et parfois tragiques.
Les souvenirs des traditions indiennes du Canada, le respect de la nature, l'écoute de cette dernière, alternent avec les récits des combats de la guerre des tranchées. Cette guerre qui brise, hache, biffe les hommes et leur âme jusqu'à en faire des dévoreurs, certes métaphoriques, de chair humaine. Les indiens, vivant dans des conditions extrêmes en hiver, savent combien il est facile de sombrer dans l'obscurité de la faim lorsque la famine menace et les beaux jours encore lointains. Niska en fit l'expérience, enfant, lorsque son père, homme-médecine du clan, fut contraint de soustraire du monde des vivants, une jeune femme (et le bébé qu'elle allaitait) qui trouvant son époux vaincu par le froid glacial le mangea pour survivre: elle était devenue, au yeux de la tribu, une windigo, une âme damnée car ayant goûté à la chair humaine. Xavier, aussi, plus tard, fut témoin de cela et comme son grand-père l'avait fait pour sa tante Niska, cette dernière, devenue à son tour hookimaw (femme-médecine), le laissa regarder la mise à mort d'un homme devenu windigo.
Cette expérience initiatique servira à Xavier lorsqu'il sera clair et évident que Elijah est devenu un windigo, a franchi la frontière qui sépare les êtres humains de l'innommable. Mais Xavier n'a pas terminé son long chemin vers son âme. La guerre lui a infligé une dépendance sournoise: la morphine. Xavier fait partie des six millions de mutilés de guerre: il a perdu une de ses jambes et gagné une immense culpabilité, la mort d'Elijah.
Xavier revient au pays avec son lourd fardeau et une envie de mourir qui inquiète Niska. Au cours des trois jours du voyage de retour vers les immenses forêts silencieuses de l'Ontario, Niska va maintenir la minuscule flamme de la vie dans l'âme de Xavier. Trois jours de voyage en canoë, trois jours de doses de morphine, trois jours d'angoisse, trois jours de récits des champs de bataille, trois jours de récits des jours anciens et heureux lorsque Xavier pistait l'orignal, courait les bois, apprenait à se déplacer sans bruit, à écouter le coeur palpitant de la Nature.
Au terme du voyage, Xavier pourra revivre délivré de son démon, libéré de sa culpabilité en libérant sur le chemin des âmes celle d'Elijah, trop longtemps perdue dans les brouillards de la guerre et de la folie meurtrière. Au terme du voyage, Niska saura que Xavier reprendra le flambeau de hookimaw.
Un premier roman d'une force romanesque étonnante et superbe, emportant tour à tour le lecteur au coeur des forêts enneigées et silencieuses, sanctuaires des traditions millénaires de la sagesse amérindienne et au milieu des hurlements et des déchaînements d'une guerre impitoyable et sanglante. Dès que le lecteur plonge dans le roman, il est aussitôt happé par la puissance du récit et l'extraordinaire vie des personnages (Xavier le taciturne, peu enclin à s'exprimer en anglais, peu désireux d'être assimilé et Elijah le lumineux indien, irréel de beauté et d'élocution facile - il parle anglais mieux que les officiers! - expansif et virevoltant), une vie proche de l'épopée, de l'héroïsme (au sens grec du terme).
Une aventure dont on revient enchanté malgré les horreurs approchées. Une écriture superbe, dynamique autant que poétique, rythmant le récit de longues respirations.



Roman traduit de l'anglais (canada) par Hugues Leroy





Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés


lundi 26 novembre 2007

Une photo

En attendant mon prochain billet sur "Le chemin des âmes" de Boyden.
Dame Nature, hier, a doté cette feuille de jolies gouttelettes de pluie....après plusieurs essais infructueux, le résultat étant flou au possible, je suis enfin parvenue à photographier cet agréable spectacle visuel.

samedi 24 novembre 2007

J'ai besoin d'amour!


Voilà un roman qu'il me tardait de lire: enfin, mon attente s'est achevée ces jours derniers.
Que dire de ce roman qui n'ait déjà été dit par celles et ceux qui n'avaient pas attendu sa sortie en édition de poche pour le dévorer à belles dents de livrovores, sinon qu'il est une mine de petits bonheurs au fil des pages.

"Myriam est un peu perdue, un peu fantaisiste et un peu rêveuse. Un beau jour, elle décide d'ouvrir son restaurant. A sa propre surprise, Chez moi devient vite le rendez-vous incontournable des habitants du quartier, le havre chaleureux où tout le monde se retrouve. Dans sa cantine, Myriam ouvre l'appétit et délie les esprits, avec l'instinct, la grâce et la sensualité des artistes aux fourneaux... " Telle est la mise en bouche offerte par l'éditeur.


Myriam décide de se lancer, sans formation hôtellière, sans diplôme, dans la restauration et d'ouvrir un petit restaurant "Chez moi". D'ailleurs, "Chez moi" est tellement discret qu'on ne l'identifie même pas de la rue comme étant un restaurant: pas d'enseigne ni de tableau annonçant la carte. "Chez moi" est aussi le chez soi de Myriam qui n'a pas assez d'argent pour vivre ailleurs que dans son restaurant: une banquette se transforme en lit la nuit, le bac à vaisselle de la cuisine en douche et en lavabo. Derrière l'amour de préparer à manger pour les autres, se cache une profonde blessure chez Myriam. Quelle est-elle? D'où vient-elle? La mise en oeuvre des petits plats amène la remontée des souvenirs, les meilleurs comme les plus sombres. Myriam a eu une vie autrefois, une vie de femme et de mère. Puis, un jour, tout s'est écroulé, tout s'est évaporé jusqu'à en devenir irréel, inexistant. Myriam atterri dans un cirque, le Santo Salto, où elle s'emploie à la cuisine telle une mère nourricière. La parenthèse enchantée hélas ne dure pas, le cirque est délogé, les artistes s'éparpillent sous les étoiles, reste Myriam et sa peine, Myriam et son envie de donner aux autres en égayant leur assiette.
Les étoiles en s'égayant n'abandonnent pas Myriam: les bonnes rencontres viennent sauver "Chez moi" du gouffre et le transformer en lieu rendez-vous matinal des gens du quartier qui viennent boire un café avant se de rendre au travail. Grâce à l'industrieux et discret Ben, "Chez moi" devient un restaurant reconnu et apprécié. Or, la blessure de Myriam est loin d'être guérie: le réalisme économique est de mise, il faut agrandir pour ne pas périr et cela fait peur, atrocement peur à Myriam....et si elle ne méritait vraiment pas de réussir? Et si le succès n'était pas fait pour elle? et si, et si...et si tout simplement, la peur de l'échec ne faisait-elle pas reculer Myriam et la pousser à abandonner le train en marche? D'ailleurs, ce train a-t-il encore besoin d'elle à ses commandes? Ben est un artiste de la cuisine et se révèle être un virtuose de la pâtisserie sans compter son sens aigu des affaires: il saura conduire la machine seul et continuer le voyage au pays des papilles. Il est temps de fermer sa valise, de quitter sur la pointe des pieds "Chez moi" pour partir vers un ailleurs "Toujours aussi dingue" mais résolument plus radieux une fois que les blessures cicatrisent.
Un roman amusant, délirant, dévoilant sous des apparences légères un filigrane sombre et douloureux. Les amoureux des bonnes et belles choses seront comblés: Agnès Desarthe régale son lecteur en l'étourdissant de senteurs, de saveurs, de couleurs et de textures plus affolantes et appétissantes les unes que les autres. Un art consommé de la description extraordinaire et de la mise en scène des gestes minutieux et chaleureux nécessaires à la réalisation d'un menu!
Agnès Desarthe sait trouver les mots justes pour faire vivre la vie d'une cuisine sur une page:
"Suis-je une menteuse? Non, car tout ce que je prétends savoir faire, je sais le faire. Je manie les spatules comme un jongleur ses massues; tel un contorsionniste j'actionne avec souplesse, et indépendamment, les différentes parties de mon corps: d'une main je lie une sauce tandis que, de l'autre, je sépare les blancs des jaunes et noue des aumônières." (p 9)
Elle parsème dans le plaisir de la lecture quelques assertions presque philosophiques sur la quintessence de l'art culinaire:
"Léquilibre est la clé et je ne crois pas que l'équilibre puisse naître de la préméditation. C'est une pensée dangereuse, mais si souvent mise à l'épreuve que je suis prête à prendre le pari. L'humain penche. Il ne le sait pas. Mais il penche. cela s'appelle une tendance, une inclination, une manie. Pour qu'un plat soit réussi, il faut que le rapport entre le tendre et le croquant, entre l'amer et le doux, entre le sucré et le piquant, entre l'humide et le sec existe et soit soumis à la tension de ces couples adverses. Personne n'est assez tolérant ni assez inventif pour respecter ls contraires, il convient donc de leur ouvrir la voie de la contrebande, de la clandestinité." (p 84)
Elle met en scène, en soignant l'atmosphère des décors, des moments clés de la préparation des plats:
"Je me redresse brusquement, écrase ma cigarette dans l'évier et me lave les mains jusqu'aux coudes. J'ai l'impression d'être un chirurgien au bloc, flanqué de son infirmière....En cuisine, comme en chirurgie, nous n'avons pas le droit au lapsus. Je dis sel et Ben répète le mot en me tendant l'objet. je dis beurre, il dit beurre. Je dis poivrons, il dit poivrons. Je dis six oeufs, il dit six oeufs. Il a compris sans que j'aie eu besoin de lui expliquer. il a constaté l'urgence dans ma voix, dans mes gestes. il anticipe, passe des coups d'éponge fréquents, envoie les épluchures au panier à mesure qu'elles s'accumulent, ouvre les feux, met le four à préchauffer. Nos bras se croisent, nos voix se chevauchent, il remet une de mes mèches en place, il sait combien cela m'agace d'avoir les cheveux dans es yeux quand je travaille. je glisse sur une épluchure de tomate, il me rattrape. Je lui tends les couteaux à rincer. il me fournit des cuillers, des spatules... Je lui montre comment fabriquer des dés de tomates, des lamelles de courgettes. Il dit "Ah, génial!" et m'imite. Ses talents en cuisine égalent ses talents en salle. Il esta droit, patient, minutieux, concentré et rapide. Il comprend la balance citron/sel, perçoit l'équilibre sucré/piquant. il a beaucoup d'instinct et, tandis que je lui transmets tout ce que je sais, j sens mon coeur s'alléger. Le poids de la connaissance me quitte, je ne pense à rien. Je gagne encore en rapidité. cela me fait sourire. C'est presque un numéro de cirque." (p 169 et 170)
Et ne lésine pas pour offrir des listes poétiques et colorées à l'imagination du lecteur subjugué par la peinture d'une malicieuse nature morte étalant les trésors d'une réussite en cuisine:
" Sous la fenêtre, il a pratiqué une ouverture et construit un garde-manger pourvu de clayettes en bambou. Des choux luxuriants, des poireaux goguenards, des bettes cambrées, des carottes terreuses, des patidoux à la peau d'ocelot, des potimarrons à bonnets de lutin, des sucrines en forme de calebasses, des navets ravissants...dans les seaux en bois, séparés du sol par des briques creuses, les haricots à oeil noir me regardent, les lentilles roses dorment, les soissons glissent, les pois chiches roulent." ( p 226 et 227)
Une lecture rendue jubilatoire par les multiples sensations et émotions secrétées tout au long de la narration fabuleuse de ce conte, parfois cruel, culinaire où l'héroïne ne pense qu'à crier au monde "aimez-moi". Une lecture truffée de références à "Alice au pays des merveilles" de Lewis Caroll (hummm la scène où Myriam vit la même aventure qu'Alice et son gâteau qui fait grandir ou rapetisser à volonté, est superbe).


Yueyin

vendredi 23 novembre 2007

Une journée à l'Arrière en 1917


Nous sommes dans une petite ville de province de l'arrière, en 1917 année terrible de cette guerre des tranchées qui abîme les âmes et les corps des soldats.
L'histoire, racontée de main de maître par Louis Guilloux, se déroule dans une unité de temps particulière, très théâtrale: l'espace temporel de la journée.
Le lecteur suit, presque heure par heure, le personnage principal , professeur de philiosophie au lycée, Monsieur Merlin dit "Cripure" (contraction de "Critique de la raison pure"). Cripure, contrefait, vieux, est la risée des élèves et de ses collègues, notamment de Nabucet. Cripure-Merlin est un homme doté d'une intelligence hors du commun, aussi miteusement habillé d'une vieille peau de bique qu'est élégamment vêtu Nabucet, l'odieux rival, le détestable personnage qui se cache sous des dehors respectables et raffinés. Qu'il lui est facile de ridiculiser le pauvre Cripure qui clopine à l'aide de sa canne, qui est un homme brisé par la colère et la haine qui grondent en lui, par la douleur d'un amour perdu, qui vit, lui le brillant intellectuel, avec l'inculte Maïa. Le lecteur assite à l'affrontement des deux hommes que tout sépare: personnalité, apparence, idées ou visions de la vie, charisme et intelligence. Car il ne fait pas l'ombre d'un doute que Cripure domine Nabucet. Nabucet qui d'emblée se rend détestable: il veut dénoncer Moka, un surveillant du lycée coupable d'écrire des vers subversifs, des vers dangereux pour le moral des troupes et des Français de l'Arrière. Nabucet et son sillage de perfidies joliment enrubannées par son goût exquis et sûr. Nabucet qui s'épanouit dans la dénonciation de ce qui contraire à l'idéologie du moment.
"Cripure avait déçu l'assemblée en parlant avec trop de flamme d'un écrivain étranger, un certain Ibsen dont il semblait tout féru. Même alors, et qu'eût-ce donc été aujourd'hui, cette exaltation d'un étranger leur avait semblé incongrue. Elle témoignait de sentiments hostiles à la culture française. Que diable, mais que diable avait-on besoin de tous ces Suédois et autres métèques?..." Grâce à Dieu, s'était écrié Nabucet, nous avons chez nous tout ce qu'il nous faut et nous nous passons fort bien de ces barbares qui n'ont rien à nous apprendre." Au contraire. Est-ce qu'en littérature comme en tout, ces gens-là n'étaient pas de plats imitateurs de la France? Est-ce que ce n'était pas toujours les Français qui inventaient et les autres qui tiraient profit de ces inventions? Quoi! Les marrons du feu! Il avait eu la lourdeur, ce Cripure, d'insister en parlant d'un certain Nietzsche - un Allemand - ce qui vait fait dresser l'oreille à M.Babinot, comme toujours quand on parlait devant lui de ces "zouaves-là". Bref, Cripure, venu là poussé par l'ennui sans doute plus intolérable ce jour-là que les autres, avait essuyé l'échec le plus sanglant sous l'oeil narquois de Nabucet qui l'avait laissé s'enferrer." (p 115 et 116)
Louis Guilloux dresse un portrait peu flatteur de la petite bourgeoisie provinciale, celle qui ergote dans les petites villes telles que celle qui l'a vu naître. Une bourgeoisie qui se veut cultivée et curieuse et qui n'est que mesquine, rasciste et étriquée! Il est évident que des personnages tels que Nabucet soient des plus courus dans ce type de société!
Au cours de cette journée de 1917, Louis Guilloux donne un aperçu des événements militaires: les mutineries et la condamnation, sans espoir de recours, des insurgés, le ras-le-bol des soldats qui ne supportent plus les adieux à leur famille, les écrits subversifs qui circulent sous le manteau... Personne n'est épargné par cela, pas même le proviseur dont le fils, mutiné, sera fusillé. Quant au censeur, engoncé dans sa frustration, il ne parviendra pas à retenir son fils, blessé puis démobilisé, qui fuit loin de sa famille étouffante, acerbe, sans chaleur et dénuée de tendresse. La description de la mère et de la soeur est d'antologie!
"Le sang noir" est aussi un roman qui va au-delà du message politique. C'est "un roman de l'humiliation et de la colère", celles d'un homme anti-conformiste en butte contre l'establishment du moment et qui lorsqu'enfin se sent le courage et le coeur de défendre son honneur en duel s'en retrouve privé! Que lui reste-t-il alors? Rien, rien que de choisir sa mort comme Turnier, sujet de sa thèse refusée. Le progrès humaniste est incompatible avec celui proposé par cette société qui ne véhicule qu'intolérance, exclusion, violence (Cripure est victime de vexations, de moqueries dangereuses: ses vélos ont été sabotés!), misère (la description d'un quartier pauvre de la ville - où se dressent encore des maisons à l'intérêt historique important: Nabucet espère bien qu' un jour cette population inélégante soit expédiée ailleurs - est saisissant) et l'hypocrisie. L'injustice des hommes est des plus difficiles à supporter et incite à ne plus croire en rien, que tout n'est que supercherie: l'avenir peut-il être vraiment meilleur si les hommes n'aiment pas mieux leur prochain?
"Le sang noir" (superbe alliance de mots contraires ou oxymore - j'adore ce terme! - ) de l'humanité, c'est à dire la guerre mais aussi le sang des soldats imprégnant la boue des tranchées et en devenant noir, met en lumière les travers d'une société: le sentiment national exacerbé, la délation, l'aveuglement et la peur et la haine de l'Autre.
Un roman sur la condition humaine où les uns et les autres ont leurs grandeurs et leurs lâchetés. Une lecture saisissante, porteuse d'espoir, dont on ne sort pas indemne.
En avril dernier, sur France 3, a été diffusée une adaptation télé de ce beau roman...et dire que je suis passée à côté!

mercredi 21 novembre 2007

Pour apprendre à compter


Il était une fois une chevrette, toute mignonne, toute belle avec sa houppelande et sa barbichette blanches. Elle s'ennuyait tellement qu'un jour.....elle se sauva par la fenêtre? Non!!!! Ce n'est pas une nouvelle version de "La chèvre de Monsieur Seguin" mais l'histoire d'une chevrette qui sait compter jusqu'à dix! Comme elle se mire dans une flaque d'eau, un veau, très curieux, s'approche d'elle et lui demande ce qu'elle fait. La petite chèvre lui répond: "Je compte!" et le veau de lui demander comment elle s'y prend. La chevrette, partageuse de son savoir, lui explique la démarche....seulement, voilà, elle n'a pas demandé la permission de compter le veau à Madame la vache! Commence alors une poursuite effrenée de la chevrette par les animaux qu'elle compte au fil des rencontres! Poursuite qui s'achève dans un bateau qui ne peut contenir que dix passagers! Malheur, coulera-t-il ou réussira-t-il à transporter tout ce petit monde bien agité?

Un album à compter qui ravira les enfants grâce à sa petite ritournelle "Alors, moi, ça fait un et le veau ça fait deux plus Madame la vache, trois...." La chevrette est vraiment adorable, les illustrations simples mais éloquantes et bondissantes, l'écriture amusante avec beaucoup de jeux de mots!

Quand je lis cette histoire en classe....le succès est garanti! Et puis pour une fois qu'une jolie petite chèvre blanche ne termine pas dans l'estomac d'un abominable loup....

La littérature non seulement enrichit le vocabulaire et la syntaxe mais aussi permet de compter en s'amusant!

La guerre jamais ne finit


Qu'il est difficile d'être Allemand en cet après-guerre des années 1950/1960 au royaume du Danemark. La haine est viscérale, la méchanceté de mise et surtout, on ne cherche pas plus loin que le bout de son nez! Certes, les circonstances sont atténuantes: on ne peut pas dire que la soldatesque d'Hitler ait été des plus arrangeantes dans les pays occupés. Certes, on ne peut oublier la soumission face au plus fort, certes on ne peut mettre au rencard les souffrances des privations et de la peur au ventre pendant l'Occupation. Certes, certes, certes...Mais pourquoi s'en prendre à un enfant qui n'a rien demandé à personne, qui n'y est absolument pour rien dans le fait que son père, Danois, soit tombé amoureux de sa mère, Allemande? L'amour ne connaît pas de frontière ni de raison, c'est bien connu!
Knud Romer puise dans ses souvenirs d'enfance matière à une histoire émouvante, terrible et cruelle. Une histoire qui amène un enfant à se terrer en lui-même, à accepter toutes les avanies en silence et avec fatalisme, afin de survivre parmi ses pairs. Que celui qui assure que l'enfant est un ange dénué de toute hypocrisie et cruauté sache qu'il ne sait absolument pas de quoi il parle et qu'il est un naïf des plus affligeants! Les cours d'école sont les pires jungles qui existent: le faible est vite repéré et si personne n'ose prendre sa défense, il n'a pas fini d'en être le souffre douleur. Le plus inacceptable, dans le récit de Romer, est l'attitude des adultes de l'école qui ferment les yeux devant les agaceries, parfois violentes, subies, en récréation, par le jeune narrateur. L'heure est loin d'être à la réconciliation...hélas!
Le jeune narrateur (Knud Romer?) retrace l'historique familial en un va-et-vient entre les époques, l'Allemagne et le Danemark. Chaque époque a son atmosphère, ses rites, ses préoccupations et ses ambiances.
La famille paternelle, danoise, vit au rythme de la tannerie, vit en marge de la société: le métier de tanneur est considéré comme dégradant, répugnant et malsain car proche de la mort et des chairs putrides...presque aux portes des Enfers. On est tanneur de père en fils sans espoir de quitter cette condition. Mais le grand-père du narrateur met un terme à la tradition et part faire fortune dans le tourisme! Hélas, cet homme aux mille et une idées innovantes et modernes est trop en avance sur son temps: le progrès ne s'arrête jamais à sa porte! Peu à peu la ruine frise l'indigence et la famille Jorgensen Romer ne vit bientôt que d'expédients. L'aîné de la famille, le père du narrateur, gravit un à un les échelons de son entreprise, une compagnie d'assurance. Il aide ses frère et soeur qui n'embarquent que dans les pires galères, il rembourse les dettes du premier et tente de se faire oublier le plus possible...pour vivre heureux, vivons cachés dans la petite ville de Nykobing Falster! Le père du narrateur est un maniaque de l'ordre: tout doit être à sa place (la cérémonie de la fermeture des portes et fenêtres est digne d'antologie, à mourir de rire si le contexte n'était pas aussi sombre!), immuablement.
La famille maternelle, allemande, paraît plus conformiste et a un statut social: "Papa Schneider" est un grand propriétaire terrien, possède de nombreux tableaux de maîtres. Personne, sauf son épouse, ne connaît son prénom et ce patriarche terrorrise tout le monde. Hildegarde, la mère du narrateur, est sa belle-fille. Cette dernière doit de battre pour gagner, mériter sa place dans la famille car elle n'a pas le sang dynastique à couler dans ses veines. Une telle pugnacité trempe un caractère et Hildegarde ne manque ni de courage ni de volonté d'airain. D'ailleurs, elle luttera contre les nazis et échappera de peu à la torture et à la mort. Knud Romer aborde un sujet peu connu: celui de la résistance allemande contre le nazisme. Hildegarde sait qui elle est mais cela ne lui suffit pas pour supporter les vexations de ses concitoyens danois: elle a besoin de sa vodka pour tenir tête haute aux rancoeurs et haines jetées à la figure. En effet, pourquoi tenter d'expliquer qui on est vraiment quand on sait que l'on ne sera ni écouté ni entendu?
Il y a, parmi les nuées sombres du récit, un moment de bonheur et de douceur, une éclaircie lumineuse et libératrice: la confection du goulasch familial dans une marmite vieille de cent ans où est gardé un morceau du goulasch précédent....on en a les papilles en délire!


"J'adorais la cuisine de ma grand-mère, son Wienerschitzel, son émincé de veau aux pommes de terre sautées et surtout son goulasch, que j'aimais par-dessus tout. Elle s'affairait à la cuisine parmi de vieilles cocottes et de grands couteaux, la viande et l'oignon crépitaient dans la poêle. L'air saturé d'épices, de paprika, de cannelle, de poivre chatouillait les narines; les vapeurs qui montaient de ses marmites répandaient des effluves incomparables. impossible de ne pas y tremper le bout du doigt, et lorsque enfin l'heure du repas arrivait et que le goulasch était servi, l'univers explosait en sensations gustatives qui pénétraient jusqu'aux tréfonds de l'être et s'y imprégnaient à jamais. On avait le sentiment d'avoir accompli un grand voyage, un périple de plusieurs années; puis on se retrouvait à nouveau dans la pièce, la tête en feu - et on prenait encore un morceau.
Le goulasch de ma grand-mère était irrésistible; l'ayant goûté une fois, on en redemandait encore et encore, on n'arrêtait plus de lécher son assiette. Puis venait le moment où grand-mère disait ça suffit, emportait la cocotte et la mettait au réfrigérateur, le torchon de cuisine autour du couvercle. mes pensées y revenaient constamment, je sentais grandir la faim. Dès que la porte se refermait sur mère et grand-mère sorties faire un tour en ville, je courais à la cuisine, ouvrais le réfrigérateur et inspectais la marmite. Il y avait une part de trop, je m'en emparais; le goulasch avait un goût encore plus exquis, il me transportait dans un passé de plus en plus lointain, jusqu'à l'arrière-grand-mère: Lydia Matthes, qui faisait revenir la viande et les oignons dans cette même marmite cent ans auparavant. Elle mettait le paprika, écrasait les tomates, ajoutait l'ail et les épices - gingembre, genièvre, cumin -, et quand le mélange commençait à frémir, elle y versait le vin rouge et le fond de boeuf. Elle construisait son goulasch lentement, le faisait mijoter plusieurs heures, jusqu'à ce que la viande se détache en filaments. Elle en prélevait un peu et se servait lors des préparations ultérieures de cetet substance qui se renforçait et s'enrichissait au fil des années. Ayant hérité de la cocotte, grand-mère utilisa la même méthode, veillant à ce qu'il reste toujours une petite quantité pour le goulasch suivant."
(p 35, 36 et 37)


Un splendide roman sur la bassesse et la cruauté humaine, sur le difficile passé à assumer, sur les frustrations d'une enfance terriblement solitaire et sombre où tout est "plombant" du départ en vacances aux visites chez l'oncle. Un roman qui dénonce et qui bouleverse.

Roman traduit du danois par Elena Balzamo


mardi 20 novembre 2007

Avez-vous un daemon?

"A la croisée des mondes" de Philip Pullman a une adaptation cinématographique qui sortira en Décembre.


A cette occasion, le site du film est en ligne avec un test amusant à faire. Je l'ai trouvé chez Agnès qui l'avait trouvé chez Lazy ! Comme je suis une fan de cette trilogie extraordinaire qu'est "A la croisée des mondes", je me suis piquée au jeu ICI .

Mon daemon est....



Félicitations chatperlipopette,Votre dæmon, Sereno, a pris sa forme finale et attend que vous l'emmeniez avec vous dans votre monde virtuel.Profitez bien de votre dæmon!
Votre profil révèle que vous êtes:
doux, arrangeant, sociable, modeste, timide. Vous êtes donc affiliée avec le daemon Sereno.
Quel est le vôtre?


lundi 19 novembre 2007

Secrets de famille


Il me semblait difficile de parler séparément des cinq romans composant la pentalogie du "Poids des secrets" d'Aki Shimazaki sans tomber dans la redondance...d'autant que je les ai lus les uns à la suite des autres.
Aki Shimazaki réussit le tour de force de ne pas lasser son lecteur au cours des cinq récits de son cycle: en effet, chaque tome apporte son lot de petites ou grandes révélations et éclaire les zones d'ombres qui pèsent sur la famille et les proches de Mariko ou de Yukiko.


"Tsubaki" commence le cycle du "Poids des secrets" avec Yukiko en personnage principal, celui qui va mettre le doigt sur une faille qui fera basculer son univers mais aussi revenir à la surface les secrets de famille dus au poids des traditions.
Yukiko a atteint l'âge mûr maintenant. Sa mère, survivante de la bombe de Nagasaki, se meurt. Elle a toujours été réticente à parler de la guerre, de la bombe, de son passé. Yukiko n'ose la presser de questions malgré son immense envie, le poids des traditions est là: on ne dérange pas un aîné par des questions inopportunes. Le fils de Yukiko, lui, n'a pas ce frein et ne cesse de questionner sa grand-mère, lui qui est issu d'un mariage mixte américano-japonais! Yukiko s'interroge et souffre de son ignorance, elle qui porte le même prénom que sa mère.
Cette dernière décède et son avocat transmet à Yukiko deux enveloppes: l'une lui est adressée, l'autre à quelqu'un qu'elle ne connaît pas. A la lecture de la lettre de sa mère, des voiles tombent: elle apprend ce qui pesait tant sur l'âme et la conscience de sa mère. Elle a commis un acte terrible...le parricide! Mais en est-ce vraiment un? Avait-elle une raison de haïr à ce point son père? C'est la question qui vient tout de suite à l'esprit du lecteur qui, éclairé par quelques pistes, ne peut juger durement la jeune Yukiko de Nagasaki qui aimait tant les tsubaki, les camélias rouges dont elle parsemait la mare avec les pétales. Tsubaki qui, sous la plume de Shimazaki, ont une grâce presque irréelle.

"Hamaguri" est le récit de Yukio, fils naturel de Monsieur Horibe, père de Yukiko. Au Japon, il est difficile d'être le fils de personne, de ne pas avoir de filiation: la question des origines est essentielle, voire existentielle. Yukio raconte les souffrances à la vue des larmes de sa mère, celles de la solitude, celles de ne rien partager avec autrui, celles de la séparation d'avec une petite fille qui accompagnait ses jeux au square. Cette petite fille qui lui apprit à jouer au jeu des hamaguri, palourdes dont les paires sont uniques ("chez les hamaguri, il n'y a que deux parties qui vont bien ensemble"). Une fois la paire reconstituée, si on y met de petits cailloux, elle produit une musique particulière lorsqu'on la secoue. Très vite, Yukio comprend que son père est le père de la petite fille, et que celui-ci n'a pas eu le courage de Mr Takahashi, l'époux de sa mère et son père adoptif, de ne pas respecter la volonté de ses parents.
La guerre est en filigrane: la cruauté des militaires enrôlant dans les usines les collégiens, lycéens et étudiants pour participer à l'effort de guerre est parfois insoutenable...d'autant plus qu'elle est vaine. Le bruissement des bambous, si particulier, succède aux fleurs rouges des tsubaki. Les bambous, pluie incessante d'émotions rythmant l'éveil à l'amour et à la sensualité de l'adolescence....même si le tabou de l'inceste assombrit cet éveil. Tabou qui ravagera Yukiko et la conduira au regret indicible.
Yukio a appelé sa dernière fille Tsubaki et Tsubaki ressemble étrangement à Yukiko, le premier amour interdit de Yukio. La vérité devient de plus en plus palpable, accompagnée par la douce musique des coquilles d'hamaguri, retrouvées enfin, exhumées du passé scellé par Mariko. L'intensité dramatique monte d'un cran: les révélations s'enrichissent de la perception de Yukio d'un même évenement. Un éclairage différent dévoilant les zones d'ombres laissées par le récit de Yukiko.



"Tsubame" rapproche le lecteur des racines des secrets douloureux de Yukiko et Yukio. Mariko, la mère de Yukio, relate son enfance, sa condition de jeune fille orpheline à la suite du tremblement de terre qui ravagea Tokyo. Mariko est coréenne, elle est donc d'"origine douteuse" et doit cacher cela: les Coréens du Japon se font massacrer par les soldats car rendus responsables de la catastrophe. Mariko devient, grâce à une femme japonaise, Mariko Kanazawa, ce qui la sauve de l'emprisonnement. Aki Shimazaki pointe de la plume le nationalisme exacerbé du Japon qui refuse l'assimilation des étrangers. Une partie de l'âme japonaise peu connue et bien loin des clichés habituels.
Tsubame est le surnom d'un prêtre qui s'occupe de l'orphelinat où se réfugie Mariko. Tsubame veut dire hirondelle, donc annonciatrice du printemps et de la belle saison à venir. Les hirondelles qui élèvent en couple, se répartissant les tâches, leurs nichées. Le prêtre se comporte comme un père envers Mariko: il lui obtient le fameux koseki, c'est à dire l'état civil qui l'établit comme étant une vraie japonaise...il lui offre une origine légale, une relative liberté et une identité!
Mariko n'avouera jamais son origine coréenne: elle en a honte et ne veut pas que cela rejaillisse sur sa famille qui ne serait alors pas mieux considérée que la nisei, la seconde génération des immigrants. La chappe de plomb est trop lourde pour s'en libérer: la société japonaise est trop intolérante vis à vis des étrangers, des zaïnichi.
Son passé surgit lors de la mise au jour des fosses communes des Coréens assassinés après le tremblement de terre. Mariko rencontre une vieille femme, Madame Kim, coréenne, qui lui redonnera le goût d'écouter, d'écrire et lire le coréen et lui fera oublier la honte de ne pas être japonaise...mais Mariko n'avouera pas pour autant cela à sa famille: les souffrances sont trop vives pour s'en libérer. Madame Kim lui offrira autre chose de précieux, en lui re-apprenant le coréen: sa filiation contenue dans le journal de sa mère.


"Wasurenagusa" raconte l'itinéraire de Monsieur Takahashi. Il est héritier d'une vieille et grande famille et doit en assurer la pérennité. Ses parents lui trouvent, par misaï, une épouse, de bonne famille, de bonne origine: Satoko. C'est l'échec car aucun enfant naît de cette union: Takahashi est stérile mais le regard social accuse Satoko. Takahashi sait qu'elle n'y est pour rien et décide de prendre son destin en main et de s'affranchir de son étouffante famille: il part travailler à Nagasaki. Satoko lui permet de se libérer de ses chaînes, de prendre son envol et lui donner la force d'épouser Mariko et d'adopter son fil Yukio.
Takahashi remonte le fil de ses souvenirs et il se souvient de sa nurse, Sono, qui fut comme une mère pour lui: elle sut arrêter ses peurs et ses pleurs nocturnes. Un seul souvenir: un signet représentant des myosotis, des wasurenagusa..."ne m'oublie pas". Les rêves et les présages tiennent une place importante dans ce roman: celui de la barque dans lequel se trouve un couple et son enfant. Qui sont-ils? Lui et sa famille (Mariko et Yukio)? Une filiation aussi solide qu'une filiation du sang. Takahashi n'est pas au bout de ses surprises: il apprend que son père était stérile, donc qu'il est un enfant adopté. Qui est sa mère? C'est alors que le signet lui ouvre les yeux: wasurenagusa, ne m'oublie pas.... Contrairement à Mariko, Takahashi n'est pas honteux de son "origine douteuse", il l'assume entièrement et en acquiert une grande sérénité. La question des origines, de la filiation ne doit pas être le moteur d'une société car elle la rend intolérante et obtuse.



"Hotaru" est l'ultime volet de la pentalogie, il est celui qui rend limpide ces secrets et il est porteur d'espoir. Le poids des secrets s'allège au fil du récit. Tsubaki, la petite fille de Mariko, écoute sa grand-mère, écoute ses souffrances et découvre combien peuvent peser les mots et les sentiments que l'on cache au plus profond de soi.
La mise en lumière des secrets n'est-elle pas faite pour que la jeune Tsubaki ne répète pas l'histoire ni le désespoir de sa grand-mère Mariko? Tsubaki est amoureuse d'un de ses professeurs, marié, et est tentée de céder à ses avances. Mais ne prend-t-elle pas le risque de n'être qu'une luciole, hotaru, attirée par l'eau sucrée des promesses de cet homme? N'est-il pas soumis aux codes sociaux de la société japonaise: un mariage de raison ne se défait pas? Ses promesses ne seraient-elles pas aussi mensongères que celles de Monsieur Horibe? Au pied du mur, quitterait-il sa femme pour partir avec elle? Rien n'est moins sûr.
La fuite en avant du malheur et des secrets s'achève avec Tsubaki qui ouvre les yeux et a la force de ne pas céder à la tentation: "Je lève la tête. Les cumulo-nimbus se sont transformés en cirrus. Je ferme les yeux. Mes grands-parents marchent sur les nuages montés haut dans le ciel limpide. Leurs mains sont toujours unies l'une à l'autre: j'appelle: "Obâchan!" elle s'arrête. L'air soucieux, elle tente de me dire quelque chose. Je luis dis aussitôt: "Ne t'inquiète pas! je ne tomberai pas dans l'eau sucrée!".
Ojîchan sourit "Tsubaki, tu rencontreras aussi quelqu'un de spécial dans ta vie."
Tsubaki
, au fil du récit de sa grand-mère Mariko, sait qu'elle ne sera pas une luciole attirée par le sucré du prestige social d'un homme et se laissant abusée par ses belles promesses. Elle se gardera de ce piège mortel. L'apaisement est là ainsi que la sérénité après tant de souffrances.

C'est avec émotion et regrets que l'on quitte la famille de Yukio. Aki Shimazaki a utilisé avec art et subtilité les symboliques du camelia, des bambous, des palourdes, des hirondelles, des myosotis et des lucioles. Chacun a apporté sa pierre à l'édifice de la pentalogie: ils représentent une petite partie, détestable, de la société japonaise et de son rapport avec l'Autre ou avec les sentiments et les émotions.
Une plongée dans le sensible, dans la poésie pure, dans les images douces-amères, dans une écriture subtile et aérienne où le quotidien devient épopée.
Loutarwen en parle puis hélène ici papillon Lhisbei frisette (sur la pentalogie) Bellesahi ici et pollanno Jules ici puis et encore Moustafette Tamara ici et je dois en oublier beaucoup d'autres ;-o
Les quatre derniers romans ont été lus dans le cadre du Cercle des Parfumés

dimanche 18 novembre 2007

Ces livres qui voyagent


La blogosphère est d'une richesse incroyable! Au fil des rencontres, des liens se tissent et des livres aimés, des livres coups de coeur, s'échangent, volent de mains en mains pour être lus par beaucoup.

C'est ce qui se passe avec les livres voyageurs, les cerfs-volants de Vanessa ou Le Cercle du forum littéraire Parfum de Livres.

Ainsi, les livres qui voyagent connaissent-ils bien des vies, bien des aventures, relais de papier et d'idées entre les lecteurs.

Il existe aussi des lectures qui ne bougent pas et qui pourtant sont à la source de belles pérégrinations: les lectures des clubs de lecture, celui des Bloggeuses et celui des Théières! Les avis fleurissent et s'épanouissent en même temps sur la Toile, fils argentés des histoires lues mutuellement enrichies des multiples points de vue.

Ce sont des dons de soi, des bouts de nous-mêmes qui voguent, s'envolent et virevoltent pour essaimer les mots, les idées, les sentiments, les images....la vie intérieure colorée de tous les imaginaires!


Les boutons:






Si quelqu'un a une belle et poétique idée de bouton pour les Cerfs-volants de Vanessa, je pense qu'elle sera la bienvenue. Et qu'en pensent les Théières pour leur club?

Chance à la japonaise



Takashi Aoki est cadre dans une grande entreprise nipponne. Comme beaucoup de cadres et d'employés, il travaille dur pour son entreprise, sa seconde famille. Aussi, quand il apprend qu'il va être muté en Europe, à Paris, est-il bien ennuyé car il se trouve à un moment clé de sa vie intime.
Takashi est célébataire et son célibat désespère sa mère et ses amis. Ils lui proposent souvent des rencontres arrangées, les miaï, mais Takashi n'aime pas cette tradition étouffante et sclérosante. Il rêve du grand et véritable amour....le coup de foudre en quelque sorte.
Dans son entreprise, à l'accueil, travaille une belle jeune femme....célibataire elle aussi. Elle s'appelle Yûko Tanase et attire le regard des hommes comme un pot de miel attire les mouches. Yûko est non seulement belle mais elle a de la classe, de la retenue et une grande féminité. Takashi en tombe très vite amoureux et n'ose guère l'aborder jusqu'au jour où il saute le pas et l'invite à boire un verre après le travail. Comble de bonheur, elle accepte l'invitation! Peu à peu, les deux jeunes gens s'apprécient et tissent des liens d'amitié et de complicité. Yûko n'aime pas non plus les mariages arrangés. De confidences en confidences, Takashi et Yûko vont s'avouer leur amour réciproque. Le bonheur est proche, tout proche surtout après une nuit passée à Kobe. Hélas, les traditions sont difficiles à vaincre et plus encore ardues à ignorer quand l'argent et le pouvoir s'en mêlent. Que deviennent alors les serments et les promesses de nos deux amoureux? Le café Mitsuba, trèfle en japonais, s'éloigne lentement dans les limbes des souvenirs, la vie passe et emmène nos amoureux loin l'un de l'autre: Québec et Paris. Mais il est dit que la vie sait jouer d'ironie quand elle décide de se moquer des tristes réalités humaines!
Aki Shimazaki offre une vision peu amène de la société japonaise qui en est encore à arranger les mariages de ses enfants. Le lecteur occidental a du mal à accepter la communion existant entre l'entreprise et ses employés qui s'y dévouent corps et âme. Shimazaki dénonce cela, à mots subtils, et montre du doigt l'habitude des hommes de rentrer tard chez eux. En effet, il est rare de voir un mari rentrer tôt chez lui profiter de la présence de sa famille. Il préfèrera aller boire un verre avec ses collègues dans un bar, un café où il contera fleurette aux hôtesses et chantera des karaokés. La place de la femme japonaise est tragique: cloîtrée dans son foyer où elle attend, patiemment, le retour de son seigneur et maître, en s'occupant du ménage, des enfants. Aussi, ai-je été émue par le personnage, atypique et sublime du coup, de l'ami de Takashi, Nobu. C'est le seul à rentrer chez lui à la sortie du travail, c'est le seul à exprimer clairement son rejet de cette détestable habitude....Nobu est chrétien, Nobu aime se retrouver en compagnie de son épouse et de ses enfants, Nobu est tout sauf un bon "shôsha-man", il est un "Asaïka", c'est à dire un homme qui se comporte correctement avec sa femme, qui la traite avec égards, et Nobu est détesté par son supérieur et nombre de ses collègues. Mais Nobu n'en a cure: il quittera sans regret l'entreprise pour créer une école privée! A homme d'affaires, homme d'affaires et demi...
En filigrane, Shimazaki aborde un sujet grave: le stress au travail pouvant conduire le cadre à la mort. Ainsi en alla-t-il pour le père de Takashi, éreinté par les voyages aux importants décalages horaires. Là aussi, l'auteure utilise une plume acérée mais subtile pour critiquer ce système inhumain qui broie sans relâche son combustible fait de chair et de sang. Le Japon est tout sauf un pays idyllique: tradition et modernité se côtoient, se mêlent pour faire avancer une idée de l'économie. Cette marche en avant forcée est le fruit de l'issue désastreuse de la Seconde Guerre mondiale: la pénurie, le dénuement extrême et l'humiliation sans compter le vacillement des principes de la monarchie impériale peuvent expliquer cette vision du monde.
Un roman tout en subtilité et douceur, à l'image d'une aquarelle, malgré la violence psychologiques de certaines situations. Un roman, écrit directement en français par cette auteure japonaise vivant au Québec, ayant la nationalité canadienne, aux senteurs du Japon et à la saveur douce-amère des reproches faits à quelqu'un que l'on aime tendrement.




Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés




samedi 17 novembre 2007

L'oiseau blanc et l'ombre du cheval

"Chaque année, quand le printemps s'éveille sur l'Ararat où a échoué l'Arche de Noé, les bergers viennent dès l'aube au bord du lac de Kup et jouent de la flûte, pour célébrer le Mont. Au coucher du soleil, un mystérieux oiseau blanc vient par trois fois toucher l'eau de son aile, et disparaît dans le ciel. Alors les bergers se retirent." Ainsi parle la légende.
Toute légende a ses racines dans un fait réel, toute légende se voit un jour revécue.
Un matin, un superbe cheval blanc, richement harnaché, attend devant la porte d'Ahmet le berger. A qui peut-il bien appartenir? A un puissant, c'est certain. Par trois fois, le père Sofi tente d'éloigner le cheval blanc, par trois fois ce dernier est revenu attendre devant la porte d'Ahmet le berger. La tradition veut qu'alors l'animal appartienne, définitivement et sans conteste, à celui qui a été choisi....Ahmet en l'occurrence. Ce qui n'est pas du tout du goût du pacha, de Mahmout pacha, cruel despote inféodé aux Ottomans à qui il doit son pouvoir.
Ainsi, le beau cheval blanc, va-t-il devenir la pomme de discorde entre le riche et le pauvre, entre le juste et l'injuste, entre le Bien et le Mal, entre le fort et le faible, entre la liberté et le despotisme. Mahmout pacha, ivre de pouvoir, de richesses, irascible despote, n'aura de cesse d'anéantir Ahmet le berger. Aussi, le fera-t-il emprisonner, après avoir mis aux fers ses proches, au mépris des promesses et du droit. Mais Ahmet ne plie ni ne rompt provoquant la colère du pacha. Colère décuplée quand ce dernier apprend que sa fille, Gulbahar, follement éprise d'Ahmet, a bravé tous les interdits pour lui appartenir. Mahmout pacha est seul, isolé dans sa haine, malgré les grondements sourds et inquiétant de l'Ararat, mont sacré aux terribles colères, mêlés à ceux de la foule descendue des montagnes pour soutenir Ahmet. En effet, Mahmout s'est mis à dos non seulement le menu peuple, attaché aux traditions et coutumes immémoriales, mais encore les personnalités religieuses et les beys.
Yachar Kemal raconte des histoires éternelles: la lutte entre le fort et le faible, l'amour impossible entre un berger et une princesse. Bien entendu, Mahmout pacha demandera l'impossible à Ahmet: se rendre au sommet de l'Ararat, là où les hommes un jour dérobèrent le feu, et d'en rapporter la preuve. S'il en revient vivant, muni de la preuve, il aura non seulement la vie sauve mais pourra épouser Gulbahar la Souriante. L'Ararat se laissera-t-il conquérir par l'amant désespéré? L'Ararat aura-t-il pitié des amours impossibles?

Avec des mots d'une intense poésie, Yachar Kemal, fait revivre une sublime légende, rappelant les amours de Tristan et Yseult, la transformation de la fée Mélusine et le vol du feu perpétré par Prométhée. Il emmène le lecteur aux confins de la montagne, aux confins des plaines turques, aux confins de l'imaginaire des hommes. Il permet un sublime voyage au pays de l'enfance, où les contes et légendes ensemencent l'imaginaire, cet imaginaire qui nourrit les hommes, cet imaginaire indispensable pour grandir et mûrir.
Une lecture qui laisse un sillage doux et rafraîchissant. Un auteur à découvrir et à apprécier.

La scène d'ouverture:

"Il est un lac sur le flanc du Mont Ararat, à quatre mille deux cents mètres d'altitude. On l'appelle le lac de Kup, le lac de la Jarre, car il est extrêmement profond, mais pas plus grand qu'une aire de battage. A vrai dire, c'est plus un puits qu'un lac. Il est entouré de toutes parts par des rochers rouges, étincelants, acérés comme la lame du couteau. Le seul chemin menant au lac est un sentier, creusé par les pas dans la terre battue, moelleuse, et qui descend, de plus en plus étroit, des rochers jusqu'à la rive. Des plaques de gazon vert s'étalent çà et là sur la terre couleur de cuivre. Puis commence le bleu du lac. Un bleu différent de tous les autres bleus; il n'en est pas de semblable au monde, on ne le retrouve dans aucune eau, dans aucun autre bleu. Un bleu marine moelleux, doux comme le velours.
A la fonte des neiges, chaque année, quand le printemps ouvre les yeux, quand une immense fraîcheur explose sur l'Ararat, les rives du lac et leur mince couche de neige se couvrent de petites fleurs au parfum pénétrant. Leurs couleurs sont éclatantes. Même la plus petite flamboie, bleue, rouge, jaune, violette; son éclat se voit de très loin. Les eaux bleues du lac, la terre couleur de cuivre répandent des parfums d'une violence enivrante. Des senteurs que l'on perçoit de très loin."
(p 9 et 10)


Roman traduit du turc par Munevver Andac


Le Bibliomane l'a lu aussi et a écrit un excellent commentaire.
Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés



vendredi 16 novembre 2007

Challenge ABC 2007

Voili voilà, je l'ai terminé en achevant hier soir la lecture de l'ultime lettre, le G comme Louis GUILLOUX, de mon challenge ABC.
Le commentaire de "Le sang noir" sera bientôt en ligne.

J'avoue être soulagée car je ne pensais pas pouvoir terminer en heure et temps vu le nombre incroyable de lectures venues se greffer, sauvagement (hum, hum...), à mes lectures du défi!

Ce fut un excellent moyen pour moi de me lancer dans la lecture d'auteurs que j'évitais depuis trop longtemps....Céline pour ne pas le nommer avec "Mort à crédit".

Mon horizon littéraire s'en est retrouvé élargi avec de belles découvertes telles que Louis Guilloux, Wallace Stegner, Arto Paasilinna, entre autres.

Des lectures m'attendent dans ma PAL....de quoi patienter avant de repartir pour un nouveau défi, celui de 2008!