lundi 29 juin 2020

Vous prendrez bien une tasse de thé?

Qu'est-ce qu'une femme remarquable dans l'Angleterre d'après guerre ? Une femme discrète dont la vertu est incontestable : modestie, qualité d'écoute au point de devenir le « deus ex machina » pour dénouer les pires situations, assister aux offices, prêter attention aux sermons des révérends, avoir une tasse de thé à proposer à toute heure.

Mildred Lathbury est une de ces femmes remarquables. Elle ne cesse d'être à la hauteur de son excès de vertu et oublie tout simplement de vivre sa vie.
Ohhh, elle n'est pas malheureuse, loin s'en faut, du moins en apparence. De temps à autre une pointe non pas de dépit mais de léger désappointement perce le quotidien terne de la demoiselle. C'est qu'entre le presbytère très fréquenté et le couple Napier, Mildred a de quoi mettre en pratique ses trésors de patience et de savoir-vivre.

Une femme remarquable peut-elle tomber amoureuse ? Certainement... mais que quel type d'homme ? D'un révérend ancré dans son célibat tel Julian Malory? D'un ancien officier beau parleur réputé mettre à l'aise les femmes officiers mal fagotée dans leurs uniformes blancs comme Rockingham Napier ? D'un anthopologue bourru toujours prêt à commettre un commentaire désagréable à l'image d'Everard Bone?
Une femme remarquable est-elle apte à repérer le goujat qui sommeille en chaque homme ? Sans aucun doute si elle s'appelle Mildred qui l'air de rien observe, analyse et ne s'en laisse pas compter.
Une femme remarquable est-elle vouée au célibat, à la vie morne, grise et insipide de la « vieille fille » typique de l'Angleterre des années Cinquante ? Est-elle destinée à n'être qu'une personne rendue invisible par les services qu'elle dispense aux autres ?
Une femme remarquable n'est-elle qu'une malheureuse cruche dont on abuse de la gentillesse ?
Beaucoup de questions et autant de réponses en suspend.

Mildred est sans conteste une de ces femmes remarquables or elle possède ce petit quelque chose qui la démarque de cette étiquette un peu trop facile à attribuer : elle voit très vite ce que cache le reflet étudié du miroir trop poli des uns et des autres.
Tout en proposant son éternelle tasse de thé, elle fait son miel, sans aucun jugement et avec un humour extraordinaire, des agissements ou questionnements d'autrui.
Au final, sa vie est tout sauf terne car il s'en passe des choses sous l'apparente uniformité du quotidien. Un peu comme dans un roman japonais où tout se déroule entre les lignes, dans les non-dits, dans les suggestions, dans la banalité d'un geste, dans un regard fugace, dans la description de l'environnement où vit la personne.

« Des femmes remarquables » est mon premier roman de Barbara Pym, auteure que je ne connaissais absolument pas. Ma rencontre fut une belle réussite : j'ai adoré suivre Mildred, trentenaire qui regarde ses contemporains avec recul et tendresse. Même si les gens qu'elle côtoie l'agacent un tantinet, elle les ménage toujours malgré quelques remarques d'un humour subtil et percutant. C'est ce trait de caractère qui fait sa force et son charme. D'ailleurs une de ses relations ne s'y trompe pas : Everard Bone, l'anthropologue passionné d'archéologie, derrière sa dérision apprécie Mildred. Se décidera-t-il à l'épouser ? Le lecteur ne peut que l'espérer même si Mildred ne semble pas en faire une priorité.

J'ai apprécié le côté suranné du roman qui est loin d'être ennuyeux. Le personnage de Mildred peut agacer parce qu'il est ordinaire, or justement il est reposant par sa manière de voir le monde sans s'agiter, sans partir illico au créneau à la moindre étincelle. Le temps s'écoule au rythme d'une société qui ne misait pas encore sur le coktail explosif de la rapidité, de la performance et du jetable. 
On prend son temps, on le savoure autour d'une tasse de thé. On le regarde passer avec ou sans regret. Il est l'ami et non l'ennemi car il fait ce que l'on est, ce que l'on devient.

L'avis de Pierre Ahnne  celui de Lou celui de  Jérôme

Lu dans le cadre du



2 commentaires:

rachel a dit…

Et bin une bien belle facon de connaitre cette auteure...oui didonc

Katell a dit…

J'avoue que le Mois Anglais m'a ouvert de nombreuses portes de lecture.