samedi 7 août 2021

Monsieur Han

 


Quand Monsieur Han décède, ses voisins s'aperçoivent qu'ils ne savaient rien de sa vie, notamment qu'il avait été médecin à Pyongyang, une famille qu'il dut laisser derrière lui dans le chaos aux abords du trente-huitième parallèle, frontière entre le nord et le sud de la Corée.

Monsieur Han arrive sans un sou vaillant à Séoul et se retrouve soupçonné d’être un espion à la solde des communistes du Nord. Il se retrouve confronté à un univers de corruption où tout s’achète et se revend sans état d’âme : il gère les opérations délicates d’une clinique dont les deux associés n’ont quasiment aucune connaissance médicale.

Sa nouvelle vie aurait pu bien se dérouler, il avait rencontré une jeune femme, mère d’un garçon, et pouvait se fondre dans la société très suspicieuse de la Corée du Sud où toute personne venant du nord du trente-huitième parallèle est un communiste déguisé en réfugié ; il avait retrouvé sa sœur et renouait avec un semblant de famille. Or, il commit l’erreur de s’attacher à la jeune femme rencontrée et de l’épouser alors qu’elle plaisait à un des associés de la clinique ce qui ne fit pas de lui son ami.

Un soir, l’un des associés prend en charge, lors d’une absence de Monsieur Han, un avortement alors qu’il n’en avait pas le droit. L’opération tourne à la boucherie au point que Han ne peut que constater les dégâts : il a fallu enlever l’utérus. C’est la dégringolade car Monsieur Han est le parfait coupable aux yeux de la police et de la justice sud-coréenne.

Son séjour en prison le brisera et fera de lui un homme mendiant du travail. Il en trouvera un : croque-mort, métier dont personne ne veut. L’oubli de ses idéaux et de ses espoirs perdus se fait dans l’alcool dont il se nourrit et dont il mourra.

 

Le destin de Monsieur Han est celui de milliers de Coréens ballotté dans les remous du conflit entre les deux Corées subissant l’influence soviétique pour l’une et l’influence nord-américaine pour l’autre.

Monsieur Han est l’anti-héros, refusant toutes les compromissions ou mensonges quitte à en subir les conséquences. Un poignant Candide malgré lui.

 

Sok-yong Hwang raconte l’histoire mouvementée et douloureuse d’un pays déchiré par une séparation inhumaine de son territoire en deux entités qui s’affrontent.

Il n’y a pas de pathos dans le roman, les faits sont relatés, sans en ajouter, ils se suffisent à eux-mêmes. On ne peut s’empêcher de penser aux nombreuses images du fameux « no man’s land », dite zone coréenne démilitarisée, au bord duquel les familles séparées accrochent des messages ou des prières, espérant qu’un jour la réunion des deux Corées se fera.

 

J’ai apprécié le ton du roman, le choix du personnage, brillant gynécologue, professeur à l’hôpital de Pyongyang, estimé et peu à peu mis sur la touche parce que ne montrant pas beaucoup de convictions communistes.

Par petites touches efficaces, l’auteur décortique le mécanisme de la machine infernale de l’Histoire qui broient les destins pour réduire les hommes en charpie tant physique que psychologique.

Un très beau roman sur une page tragique de l’histoire coréenne.

 

Traduit du coréen par Mi-Kyung Choi et Jean-Noël Juttet

 

Quelques avis :

Babelio  Sens critique La cause littéraire France inter  Une française dans la lune Critiques libres

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2 commentaires:

rachel a dit…

Je me demande si je l'ai dans ma PAL....je voulais le lire a un moment donne...tu me donnes plus envie

Katell a dit…

Rachel, c'est un roman qui vaut le détour et qui explique bien ce pan de l'histoire coréenne. Je n'en ai pas parlé dans mon billet, les camps de réfugiés sont évoqués, sans pathos également, lorsque la soeur de Monsieur Han le recherche.