mardi 19 juillet 2022

Madame la Colonelle

 


Pour la première fois j'ai ouvert un recueil de nouvelles de William Somerset Maugham, le plus francophile des écrivains anglais. J'ai choisi de lire le recueil intitulé « Madame la Colonelle » doté de vingt-quatre nouvelles toutes plus réjouissantes les unes que les autres.

C'est tout un univers pittoresque que nous propose l'auteur, écrivain voyageur s'il en est, lui qui a parcourut le monde pour assouvir sa soif de curiosité.

La nouvelle d'ouverture, éponyme du recueil, m'a entraînée à la suite de l'épouse d'un colonel, blasée de tout sauf de l'écriture. Le colonel voit cela d'un œil goguenard voire condescendant, lui qui ne prise absolument pas le monde de la culture, jusqu'au jour où un roman de son épouse est édité. La vie domestique du colonel bascule dans l'incroyable car le roman révèle une longue liaison de sa femme avec un homme plus jeune.

Il aura fallu la publication du roman en vers pour qu'il ouvre les yeux sur la personne de son épouse : elle a des idées, des envies, des émotions, elle est un être humain doté d'une richesse intérieure extraordinaire.

En quelques pages, Maugham griffe l'institution du mariage ainsi que la propension des maris à ne pas voir leurs épouses. Evie Peregrine en sort la tête haute, magnifique femme dans la plénitude de l'âge tandis que l'époux en sera réduit à célébrer les qualités créatrices d'Evie, histoire de ne pas sombrer plus profondément dans le ridicule.


Avec cette nouvelle, le ton est donné. Maugham au cours des vingt-trois nouvelles suivantes investit l'univers immuable de la campagne anglaise et l'ambiance particulière de la vie des Anglais à travers l'Empire, notamment en Inde et Malaisie.

Les personnages sont hauts en couleurs, pittoresques, les lieux sont empreints de la fin programmée des empires occidentaux, ils reflètent une époque conjuguée bientôt au passé au même titre que l'art de vivre colonial.

Chaque nouvelle a son lot de parvenus, de déprimés, de corrompus, de femmes suivant les lubies ou la tyrannie de leur époux. L'auteur lance ses piques à l'encontre du puritanisme, de la morgue anglaise qui se refuse à connaître les mœurs, coutumes et cultures des pays sous domination anglaise alors qu'il y a tant à recevoir de l'autre.

Il peint les passions des hommes avec une finesse d'observation extraordinaire, aussi ai-je lu lentement ce recueil afin de déguster chaque nouvelle dont la saveur est à chaque fois particulière.

Maugham ne fait pas dans le riant, les fins heureuses sont rarissimes mais quel art de la pique, quel art de la description du microcosme colonial où tout le monde épie son voisin, commente ses faits et gestes …. la vie étant si ennuyeuse malgré le cadre exotique. Le tout est servi par un humour dévastateur ce qui rend quelques nouvelles amusantes.


« Madame la Colonelle » est un régal à lire, je ne me suis absolument pas ennuyée bien au contraire : les voyages en Malaisie, les promenades dans la jungle bruissante et inquiétante, le suivi des exploitations de caoutchouc, les révoltes brisant les carrières les plus prometteuses, ont été autant de voyages appréciés.

Je ne peux qu'inviter à ouvrir un recueil de nouvelles de l'auteur pour entrer dans un monde délicieusement peint, avec un brin d'insolence, dans toute sa diversité.


Traduit par Jean-Claude Amalric, Joseph Dobrinsky et Jacky Martin


Quelques avis :

Babelio Sens critique

Lu dans le cadre

  




2 commentaires:

rachel a dit…

Des nouvelles et des chouettes...tu as pique ma curiosite....ouiii

Missycornish a dit…

Ce recueil tombe à pic. Je suis en train de préparer un podcast sur La passe dangereuse du même auteur. C'est la même thématique.