mercredi 10 août 2022

L'île des âmes

 


La Sardaigne, son identité bien ancrée, ses beautés paysagères, son soleil, son maquis sauvage, ses villages isolés et ses mystères.

Depuis des décennies, l'île est au cœur de meurtres rituels, sur des sites ancestraux d'une civilisation très ancienne, de jeunes filles dont personne ne réclame le corps. Qui sont-elles ? Pourquoi ce silence sur leur disparition ? Le mystère demeure total, les affaires classées sans suite. Jusqu'au jour où un nouveau meurtre, rituel, est commis. Les événements s'accélèrent d'autant plus qu'une nouvelle inspectrice, venue de Gênes, a débarqué, entourée d'un halo d'interrogations.


« L'île des âmes », roman de l'auteur sarde Piergiorgio Pulixi, m'a entraînée dans un voyage presque lyrique tant les descriptions des paysages sardes, des maquis éloignés de tout, évoquent des images enchanteresses et inquiétantes, tant des mots émanent les fragrances particulières d'un maquis sauvage et authentique.

Cependant le roman n'est pas qu'une contemplation extraordinaire de paysages sublimes et préservés, il est aussi l'histoire d'une enquête tumultueuse et une traversée d'un monde rural attaché à ses traditions et à sa culture nuragique. Un monde rural qui règle son devoir de protection et de prospérité à coup de tradition très violente.


Le roman suit deux événements, a priori sans lien entre eux : l'enquête du duo d'enquêtrices, Mara Rais, la sarde, et Eva Croce, la génoise, placardisées aux affaires criminelles non résolues du commissariat de Cagliari qu'elles doivent trier avant de les classer définitivement aux archives ; le quotidien d'une famille paysanne, vivant dans les montagnes de Barbagia, semble entretenir d'étranges relations avec la tradition millénaire nuragique. La jeune génération a soif d'émancipation et d'ouverture sur le monde extérieur au maquis de Bargagia. Elle est avide d'ailleurs à ses risques et périls.

Ces deux voies sardes donnent du corps à l'histoire policière et aux secrets de famille des uns et des autres.

Nos deux inspectrices seront confrontées à de nombreuses horreurs, à des situations dangereuses et sanglantes. Elles seront moquées, ridiculisées, vilipendées même, sans qu'elles baissent pavillon. Elles rebondiront de fausses pistes en aveux inattendus pour réussir à boucler une enquête des plus glauques.


Je ne souhaite pas divulgâcher l'essence de ce polar, aux accents ethnologiques, en parlant trop de l'intrigue, car se serait annihiler le plaisir de la découverte et de la lecture. L'auteur parle de sa Sardaigne à partir d'un prisme différent que celui utilisé par Milena Agus.

J'ai aimé le duo féminin dont la réussite, comme souvent dans les duos policiers, réside dans ses différences viscérales : la coquette très féminine et l'austérité presque garçonne et asexué, le feu et la glace, la pétillance et la froideur, le verbe haut et la pondération. Chaque héroïne dissimule des blessures sous la carapace qu'elles ont choisie. Ces deux femmes affrontent le machisme ambiant d'une Italie patriarcale qui a du mal à accepter l'émancipation féminine au cœur de la société moderne.

Et puis … il y a la sublime Sardaigne dont l'auteur dévoile, avec une lenteur majestueuse, l'histoire millénaire inscrite dans ses paysages somptueux. Piergiorgio Pulixi instille dans chaque mot une force d'évocation extraordinaire : ses descriptions sont tellement ciselées et belles que je ne pouvais qu'inspirer les senteurs salines sublimant les fragrances du maquis et des montagnes. En quelques mots, j'étais au pied des vestiges d'un nuraghe, monument funéraire dont la tour, en forme de cône, est tronquée, observant les allées et venues nocturnes de paysans sardes mutiques et fiers sous leurs masques rituels terrifiants. Une description suffit pour être transportée hors du temps et parcourir, en quelques battements de cils, des millénaires.


« L'île des âmes » est une lecture prenante et jubilatoire au cœur d'une atmosphère qui m'a happée dès les premières lignes.

Mille et un mercis aux éditions Gallmeister qui élargissent leur catalogue à la littérature italienne. J'espère que d'autres pays auront leur place.

Traduit de l'italien par Anatole Pons-Reumaux


Quelques avis :

Babelio  France Inter Critiques libres Sens critique Livraddict Polars pourpres Actu du noir

Lu dans le cadre

  



5 commentaires:

eimelle a dit…

cela donne très envie de le suivre en Sardaigne!

miriam a dit…

Moi aussi j ai été sensible aux chatmes de la Sardaignes et ses mythes. Ce livre m à servi aussi de guide de voyage

Katell a dit…

Ce fut une vraie belle découverte toute en sensations visuelles et olfactives. Que du bonheur.

rachel a dit…

Effectivement...tu nous donnes envie lala....pucha....tout un polar a connaitre....

dasola a dit…

Bonjour, je l'ai lu par hasard, car un polar sarde, ce n'est pas banal. J'ai énormément aimé et un deuxième tome vient de paraître que je manquerai pas de lire. Bonne journée.