lundi 17 janvier 2011

La voix de l'amnâ

Pierre Bordage est un de mes écrivains de SF préférés: son écriture, sa vision du monde, la mise en scène de ses personnages sont autant de petits bonheurs à lire et à partager. Sans utiliser d'effets stylistiques voire ultra-fantastiques, il repose son récit sur des principes de réalités et de bon sens qui ne peuvent que l'ancrer dans le "possible", dans le réel d'un futur qui ne dépasse pas l'imagination.
"La fraternité du Panca" est une pentalogie dans laquelle l'auteur renoue avec l'espace, les voyages intergalactiques et la dimension du merveilleux inscrite au coeur de la quête philosophique, fil conducteur de cette saga.

Ewen vit paisiblement sur Boréal, planète où il a élu domicile après quelques errances qui le menèrent à devenir un frère pencatvique: il a fondé une famille et s'apprête à vivre un hiver en reclus, entouré de son épouse enceinte et de sa petite fille Ynolde, les deux amours de sa vie lorsqu'il entend l'appel du Panca, appel qu'il pensait ne jamais avoir à entendre et dont il avait oublié l'existence. Un danger menace toutes les espèces vivantes de la Galaxie: la Quinte doit être impérativement reformée, Ewen est le cinquième frère et le premier à se mettre en route pour donner au quatrième frère son amnâ. Un voyage de quatre-vingt à cent ans est nécessaire pour rejoindre la lointaine planète Phaïstos, autant dire tout une vie, autant dire la fin d'un bonheur qu'il pensait éternel. Implacablement la voix du Panca emmène Ewen vers sa seule et unique mission: rejoindre le deuxième maillon de la Quinte pour sauver le monde et oublier que la vie paisible familiale puisse exister. Malgré l'envie d'ignorer l'appel, Ewen, sans laisser un seul mot d'explication à son épouse, quitte le nid douillet qu'il s'était construit pour rejoindre, dans la tempête hivernale, l'astroport qui l'emmènera vers son destin.

Commence alors, pour frère Ewen, un chemin parsemé d'embûches et de rencontres aussi inattendues que salvatrices: entre la course contre la montre mortifère qui s'engage avec l'étrange secte des sâtnagas (membres de la société secrète ennemie du Panca) et l'appel lancinant et immuable, Ewen avance chaque jour davantage vers son but ultime et découvre que chaque rencontre lui apporte détermination et courage pour continuer sa route dans le dédale des souterrains de la mégalopole de Boréal, dans les entrailles de la planète Hyem comme dans les couloirs du vaisseau intergalactique qui le conduira sur Phaïstos. La lutte entre le Bien et le Mal scande les étapes de l'itinéraire, quasiment mystique, d'Ewen, apportant son lot d'espoir et de chagrins inextinguibles, ces chagrins qui peuvent parfois, si on ne les accepte pas, mener aux cruels et mortels regrets.

Ewen croisera la route d'un jeune garçon, Olméo, et d'une jeune fille, Sayi, éléments essentiels du destin qui se tisse: leurs histoires, d'abord parallèles, se rejoingnent à bord du vaisseau qui les emmènera vers l'astroport des voyages intergalactiques au long cours. Olméo, la tête pleine de rêves et d'espoir d'un ailleurs, Sayi, la sérénité faite femme, s'aiment et seront contraints de transgresser le tabou de l'inceste après l'adoption de Sayi par la famille d'Olméo. Ils refuseront, tout comme Ewen, pour des raisons différentes, de prendre "l'herbe du sommeil", l'hyémale, lors du voyage vers Phaïstos: ils s'aimeront intensément et donneront naissance à une fillette, Ingani, qu'Ewen élèvera avec l'aide des andros du vaisseau pendant trois ans, temps nécessaire à Olméo d'accepter la mort en couches de Sayi. Ingani, enfant stellaire, enfant de l'amour infini entre un homme et une femme, enfant devenue jeune femme avant le terme du voyage, jeune disciple du Panca, initiée par Ewen qui accomplit ainsi une de ses tâches fondamentales, former un nouveau membre pour l'organisation pencatvique et perpétuer la chaîne.

Que décrire d'un voyage qui dure une vie humaine? Sinon qu'il réservera bien des surprises à nos héros et un choc indicible à Ewen lorsqu'il accomplira ce pour quoi il a tout quitté, son amour et son bonheur: implanter son amnâ dans le crâne du deuxième maillon de la Quinte...le destin, avec l'aide du merveilleux, se révèle être souvent ironique. Voyageant de planète en planète, rencontrant civilisations et cultures différentes, Ewen, Olméo et Sayi, laisseront leur ancienne peau derrière eux, abandonneront leurs déchirures, leurs blessures, pour se construire une nouvelle vie, pour donner de nouvelles vies, physiques commes spirituelles, dans un tissage fait de secrets, de regrets, d'espoirs, d'amour et d'amitié, éléments d'un socle invisible mais fondamental, celui qui forge la dimension de toute humanité.

"La fraternité du Panca: frère Ewen" est le premier envol, jubilatoire, vers un space-opéra qui promet moults rebondissements, moults petits trésors aux accents de merveilleux, moults récits dans le récit, façonnant tant l'histoire des personnages et du monde dans lequel ils évoluent, que le regard, qui a la liberté de se laisser emporter ou pas, du lecteur, subjugué par l'épopée orchestrée par les mythes et légendes d'une Dissémination aux confins de l'Univers. Les vents stellaires emportent les peines, les espoirs, les joies et les émotions intimes, au gré de l'apparition légendaire du fameux pentale que seuls certains pilotes au long cours, ceux qui ne font qu'un vol, celui de tout une vie, assurent "avoir vu (...) aussi grand que les vaisseaux stellaires. (...) disent son vol à la fois gracieux et majestueux, puissant et léger, admirable à tous égards. Celui qui l'a vu voler est à jamais métamorphosé, comme touché par une grâce aux dimensions de l'infini."

Lorsqu'on ouvre le roman, on est immédiatement happé par l'appel du récit épique qui se dessine dès les premières phrases, appel qui se précise au fil des exergues à chaque chapitre, petits précis pour comprendre la complexité d'une quête mythique. Ces exergues se dégustent, se savourent et se relisent avec un plaisir infini...parenthèses fructueuses, rails guidant le lecteur qui peut se perdre dans le cheminement chaotique de la quête d'Ewen.

Du grand Pierre Bordage....à ne pas manquer pour les amateurs de SF.

Les avis de ifisdead   yozone
Une interview ICI de Pierre Bordage
 
Un grand merci à Babelio et son opération Masse Critique SF!!


4 commentaires:

Isabelle a dit…

Alors je ne suis pas fan du tout! je ne sais pas si je m'y mettrai un jour...ça ne fait pas partie de mes priorités...alors...

rachel a dit…

oh ouiii j'adore aussi cette auteur...j'ai les guerriers du silence qui m'attendent!...;o)...il est aussi tres "religions" dans ces recits didonc...;o)
je note cette serie...;O

rachel a dit…

oups de chez oups...cet auteur...pauvre bordage..c pas pierrette!

Marie a dit…

Moi aussi j'aime beaucoup cet auteur de SF...