dimanche 15 juillet 2018

L'enfant qui lisait nos Livres


Quelque part en Europe après l'apocalypse, une jeune fille, Avril, et un enfant, le Kid, vivent isolés, dans une cabane perchée sur un arbre, en pleine forêt. Plus qu'ils ne vivent, ils survivent grâce à ce qu'ils prélèvent dans une capsule de survie.
Tout est mort, stérile après qu'une série de guerres effroyables ait dévasté la planète. Un groupuscule fait régner la terreur avec pour mot d'ordre d'établir un monde nouveau. Son nom : l'Etoile Noire.
Des îlots de vie humaine existent, ici ou là, rassemblant la misère du monde autour de campements délabrés, lieux de tous les trafics.

Avril et le Kid, frère et sœur, vivent en harmonie avec la nature, la première éduque comme elle peut le second, lui apprend à lire, du moins essaie, à parler, à reconnaître ce qui a été avant la catastrophe. Sirius sera celui qui viendra les chercher pour les conduire à la Montagne rejoindre leurs parents.
L'enfant a un don, celui de lire le Livre que chacun porte en soi, homme comme animal. Plus il l'affine, plus il perd le langage.

Un jour, le passé d'Avril surgit dans la forêt, dès lors leur refuge n'en est plus un, le danger les jette sur la route. C'est alors qu'une rencontre, incroyable, bouleverse tout : Sirius.
Un road-trip fabuleux emmène le lecteur à la suite des jeunes héros dotés d'un étrange compagnon à quatre pattes, le jeune cochon noir appelé Sirius par le Kid.
Leur voyage vers la Montagne sera parsemé d'embûches et de belles rencontres poignantes et émouvantes.
Madame Mô, Le Conteur et son âne Esope qui mène au gré de ses envie le duo sur les routes, l'ourse Artos, ange gardien ralentissant l'avancée du Garçon-mort, Darius, membre des Etoiles Noires, Rosa, la truie condamnée à la réclusion aspirant à recouvrer sa liberté même au prix le plus fort, celui de la mort. Une biche et un cerf apparaissent, ils se dirigent vers la Montagne comme beaucoup d'autres animaux. Un, le rat, l'ultime descendant de son espèce, les sauvera de la Ville assiégée par les crève-la-faim. Une réalité crue se déverse lorsque tombent ses murs : l'homme est devenu un prédateur de l'homme.
Cependant, au cœur de l'horreur, de la violence extrême, un espoir naît : suivre l'appel de la Constellation.
Dieu a choisi de punir les hommes en rendant le monde végétal et animal stérile, pourtant tout ne se meurt pas. Kid, l'élu ? L'enfant qui communique avec les « autres » êtres humains, animaux ou végétaux, est-il celui qui redonnera l'espoir au monde du vivant ?
L'enfant hyper sensible qu'est Kid est autant attendrissant qu'agaçant. Une fois dépassée cette réserve, le lecteur reçoit toute la richesse de l'enfance dont les représentations du monde vont au-delà des clivages. Chaque « régression » vers l'animalité est un pas supplémentaire vers la reconquête de son humanité.
Avril trouvera la paix et affrontera ses démons avec autant de peur que de courage. Accepter d'avoir été pire qu'une bête sera sa porte ouverte vers une nouvelle liberté contée, et comptée, à rebours (les chapitres sont en ordre décroissant) puisque la fin est un nouveau commencement.

« Sirius » est le premier roman de Stéphane Servant que je lis. Bien qu'adressé à un lectorat adolescent, les adultes peuvent apprécier le style agréable de l'auteur qui allie écriture poétique,onirique parfois et grande sensibilité.
L'argument littéraire est intéressant et tient la route. On ne s'ennuie pas une seconde au cours de la lecture, on a peur, on rit, on court, on se cache avec les héros. Le lecteur est invité à porter un regard différent sur le monde qui l'entoure : où s'arrête l'humanité, où commence la bestialité ? L'homme n'est-il qu'un animal plus cruel que les autres, lui qui n'hésite à dévorer femelle et descendance au mépris de la survie de l'espèce ? L'écoute de l'autre, des autres, de la faune et de la flore, n'est-elle l'amorce d'une humanité renonçant à son droit de vie ou de mort sur autrui ?
Toute apocalypse a sa lumière, se transforme en espoir d'un monde renouvelé, vierge de ses erreurs.

Un roman qui se lit d'une traite avec bonheur.

« Un jour peut-être, les hommes s’étaient crus différents. Parce que tout leur appartenait. Parce qu’ils avaient le pouvoir de vie et de mort sur les autres espèces. Mais à présent, à présent, ils étaient nus et grelottants, comme aux premiers jours du monde. A présent, ils étaient semblables, tous les cinq. Les hommes n’étaient pas différents du cochon.
- Ce cochon est plus mon frère que vous, souffla Avril. Nous ne partageons plus rien. »


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