lundi 30 juillet 2018

Romeo et Juliette, l'origine


« Gentilhomme vicentin, homme de lettres et soldat, Luigi Da Porto (1485-1529) est le premier qui donna ses lettres de noblesse à un thème à l'origine d'une tradition littéraire dont la tragédie de Shakespeare est la plus haute expression. C'est à lui que l'on doit en 1530, la forme moderne de l'intrigue, que l'on retrouvera dans une nouvelle de Bandello en 1554, puis dans la pièce de Shakespeare vers 1595. S'inspirant d'une légende siennoise dont Masuccio de Salerne tira l'argument d'un de ses contes en 1476, Luigi Da Porto transporte le lieu de l'action à Vérone et change les prénoms des malheureux amants : Gianozza et Mariotto deviennent sous sa plume Juliette et Roméo. L'intrigue est située au temps de Bartolomeo Della Scala, podestat de Venise de 1300 à 1304. L'antagonisme entre les familles des deux amoureux fait ici seul obstacle à leur union. Da Porto élabore un canevas sommaire, concentrant son attention sur la seule passion amoureuse : les quelques autres personnages apparaissant au fil de ces pages ne servent qu'à mettre en relief cette passion, en particulier l'amour pudique et intrépide de la jeune fille. » (France culture – 10 janvier 2009)

D'ordinaire j'élabore un commentaire le plus construit possible, or pourquoi paraphraser ce qui a été dit avec talent ?
J'ai découvert ce récit qui tient plus de la nouvelle que du roman, en flânant au salon du livre des Etonnants Voyageurs 2018. La curiosité m'a conduite à sortir mes euros pour acquérir le livre et connaître la genèse de l'histoire qui inspira une des plus belles tragédies de Shakespeare.
La trame est là, fraîche et prenante : le lecteur tombe, sans résistance, dans les rets du récit fait à dos de cheval par le narrateur. L'histoire étire le temps, comble l'ennui du voyage et attise la curiosité de l'auditeur invisible que nous sommes.
Le récit est intéressant dans le sens où l'auteur s'attache plus à mettre en valeur les subterfuges pour faire triompher l'Amour entre deux jeunes gens, les personnages gravitant autour de nos jeunes héros n'étant qu'à peine évoqués.
Nous ne pouvons qu'être émus lors du quiproquo final, loin de la grandiloquence théâtrale, et regretter que les jeunes amants ne se rejoignent que dans la mort.

Une lecture pour compléter celle de Shakespeare.

« Il y a quelques jours que je vous parlais du désir que j'ai d'écrire une Nouvelle dont l'action s'est passée à Vérone. Quoique je vous l'aie racontée, cependant je regarde comme un devoir de vous la mettre ici sur le papier. Par ce moyen, je fixerai plus sûrement mon récit dans votre mémoire, et d'ailleurs, étant moi-même malheureux, il me convient assez de parler de deux infortunés amants dont les aventures font le sujet de cette histoire. C'est à vous que j'en fais la dédicace, afin que vous puissiez voir dans quels dangers, à quelles infortunes inattendues et enfin à quelle mort cruelle sont entraînés la plupart des amants. Je vous adresse cette Nouvelle d'autant plus volontiers que ce sera sans doute le dernier essai de ce genre qui sortira de ma plume, et que je désire vous consacrer mon dernier travail. Vous êtes comme le port où tout ce qui a quelque mérite et quelque talent cherche à aborder ; aussi après avoir navigué si longtemps sur l'océan poétique, c'est à vos rives que je viens abriter et lier ma frêle barque.

Recevez donc ma Nouvelle, madame, et lisez-la avec bienveillance, tant à cause du sujet intéressant qu'elle renferme, qu'en raison des liens de parenté et d'amitié qui nous lient.

Quoique j'aie éprouvé bien des chagrins en ma vie, cependant le ciel ne m'a pas toujours été rigoureux, comme vous le savez, puisque, dans ma jeunesse, ayant pris le parti des armes et m'étant trouvé dans la compagnie d'hommes braves et recommandables, je fus employé quelque temps dans votre belle patrie, le Frioul. Là, j'allais, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, selon que mon devoir l'exigeait. J'avais alors à mon service, lorsque je voyageais à cheval, un archer de Véronne, âgé d'environ cinquante ans, brave de sa personne et parlant très agréablement comme tous les gens de son pays. Il se nommait Pellegrino. Cet homme courageux, soldat consommé, était assez droit de corps et de plus toujours amoureux, disposition qui ne s'accordait peut-être pas trop bien avec son âge, mais qui doublait sa vivacité dans l'occasion. Il prenait ordinairement un grand plaisir à raconter (ce qu'il faisait avec beaucoup d'art et de grâce) les plus belles et les meilleures nouvelles, et choisissait de préférence celles où il est question d'amour. » (p 11-13)


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