La première guerre punique, opposant Carthage à Rome touche à sa fin: les mercenaires achetés par Carthage pour faire face à la puissance romaine attendent leur solde promise dans les jardins d'Hamilcar. La luxuriance des mets, des vins, de la vaisselle, des meubles et des jardins exacerbent l'impatience des soldats, rendus oisifs par l'inactivité et sujets aux sautes d'humeurs....le drame lentement s'annonce, la sauvagerie des instincts primaires inexorablement chemine vers son paroxisme, chemine vers le dénouement qui voit un festin s'achever en massacre des jardins, des lions et des éléphants d'Hamilcar. C'est alors qu'apparaît, au milieu du déchaînement des passions, la sublime, la merveilleuse, la belle et sensuelle Salammbô, fille d'Hamilcar. Mâtho, un jeune mercenaire barbare, en tombe immédiatement amoureux et ne souhaite qu'une chose: la posséder! mais comment accéder aux doux délices de l'amour? Spendius, un esclave grec d'Hamilcar Barca, qui a choisi de s'affranchir seul du joug de la servitude, vouant une haine farouche aux richesses, à la culture, à la puissance carthaginoise, lui sussurre de dérober le voile de Tanit, déesse lunaire protectrice de Carthage, afin d'affaiblir et vaincre la ville abhorrée.
Les soldats barbares, lassés d'attendre le bon vouloir des Riches et des Suffètes de Carthage, décident d'assiéger la ville afin d'obtenir compensation. De ruses en promesses, les carthaginois parviennent à s'en débarasser mais pour peu de temps: la colère des barbares, exacerbée par la rouerie et l'hypocrisie, encouragés par le vol du voile de Tanit, la haine de Spendius et l'absence d'Hamilcar, les incite à revenir assiéger Carthage jusqu'à ce qu'elle rende gorge. Hannon, le vieux rival d'Hamilcar, se lance dans la bataille afin d'écarter les mercenaires assoiffés de sang et de vengeance. Las, l'attaque tourne court, échoue lamentablement par suffisance et mépris envers les barbares qui reprennent l'avantage et décuplent de furie. Carthage est à nouveau en danger....enfin arrive Hamilcar, Suffète et fin stratège aimé et détesté à la fois pour son charisme et ses capacités militaires. Une série de batailles commence, plus terrifiantes les unes que les autres, pendant lesquelles machines de guerre effroyables, sauvagerie, haine et déchaînement épuisent les hommes, misérables fétus au coeur d'un combat électrique.
Carthage est proche de l'abîme, Carthage sombre dans le désespoir: le voile de Tanit a disparu! Salammbô, sous la coupe du prêtre Schahabarim, se dévoue pour aller dans le camp des barbares, récupérer le précieux voile. Schahabarim la conditionne pour qu'elle se donne à Mâtho, ce qu'elle fait dans un état second, entre désir et haine, entre souffrance et plaisir intense. Au petit matin, Mâtho s'aperçoit de la fuite de Salammbô et de la disparition du voile. Une autre bataille s'engage, le vent tourne pour les troupes encerclées d'Hamilcar: la percée salvatrice s'opère, le retrait dans Carthage s'effectue mais Mâtho, enivré de désespoir et de haine passionnée, avec l'aide de Spendius, détruit une partie de l'aqueduc pourvoyeur d'eau: Carthage va-t-elle plier? C'est sans compter avec les prêtres du culte de Moloch qui estime nécessaire un sacrifice d'enfants carthaginois, notamment ceux des familles des Riches et des Suffètes (Oh, comme Hamilcar tremble pour son précieux Hannibal!), afin de faire tomber la pluie. Le sacrifice ayant apaisé le dieu, un regain d'espoir envahi la ville et Hamilcar décide, dans un ultime effort et une dernière ruse, de fourvoyer l'armée des barbares, afin de la réduire définitivement, dans une course mortifère à travers la plaine désertique et les montagnes.
Et Salammbô dans tout cela? Jeune fille d'une beauté à couper le souffle, symbole d'une féminité exacerbée, Salammbô est l'image sacrée du principe féminin, la clé du monde de l'inconscient, celui de tous les désirs, de toutes les passions. Elle est également une image de la contradiction: elle n'aime pas Mâtho, elle le hait même, et pourtant lorsqu'elle s'offre à lui elle ne peut que se laisser emporter par les vagues intenses du plaisir, la chair et ses mystères instillent un amour inconscient, celui de la féminité épanouie, fertile, qui ne supportera pas la mise à mort du barbare.
Comment résister à la première phrase du roman: "C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar". Flaubert a durement planché sur cette phrase d'ouverture pour atteindre une perfection de style et d'accroche: quelques mots et déjà tout un monde de couleurs, de saveurs, d'exotisme promis....Rien que pour cette phrase, Salammbô vaut le détour. Elle n'a l'air de rien comme ça mais lorsqu'on se la met bien en bouche, qu'on la lit et relit l'essence même du romanesque transpire des mots. Le premier chapitre est d'un baroque extraordinaire et l'apparition de Salammbô un chef d'oeuvre! La belle, la cultivée, la sublime au-dessus d'une mêlée avinée, avide d'or, de chair et de sang, la sauvagerie d'une soldatesque errante est palpable, la barbarie d'une tour de Babel militaire donne des frissons et attise l'envie de tourner les pages! On remarque d'emblée que l'altérité culturelle est pointée: autant de caractères et de coutumes mêlés par le grand hasard des conflits portés aux confins du monde. La mosaïque de peuples, de traditions, de modes de vie, du monde antique vue par le prisme d'un écrivain européen d'une grande culture, est un véritable tableau foisonnant et d'une sauvage beauté. Flaubert peint avec justesse la richesse espérée et les espoirs déçus: Carthage, la belle, est certes riche mais pas à l'envi; la détresse des habitants ne sachant comment agir sans provoquer la colère des troupes étrangères, ces Barbares que l'on ne comprend et qui ne comprennent pas Carthage. En peu de mots, Flaubert met en scène un spectacle étourdissant où les couleurs, les odeurs, les zones de lumières et d'ombre, les cris, la poussière, la chaleur étouffante, le bruit métallique des armes qui s'entrechoquent, ne peuvent que saisir le lecteur du XIXè comme celui du XXIè! On s'y croirait, on y est, on est au coeur des batailles, on entend les gémissements, les ahanements, les râles et les soupirs. Parfois d'ailleurs, le lecteur en a la tête qui tourne, proche de la nausée mais toujours fasciné par la beauté baroque et violente d'une Carthage violentée par les mercenaires.
Avec un sens évident du sensationnel, du grand spectacle, Flaubert décrit, avec un plaisir et une volupté évidents, les peuples composant les cohortes de barbares: c'est Babel qui vient à Carthage, c'est la multitude de l'altérité qui se déverse sur les peurs primaires d'une civilisation construite sur les ruines fumantes des peuples soumis. Entre réalisme et grotesque, le lecteur voit défiler sous ses yeux un monde antique venu des limites du connu et apportant les promesses d'un inconnu fascinant qui suscitera moult convoitises.
Salammbô est une oeuvre magistrale, fascinante tant par la beauté de l'écriture flaubertienne que par la violence qui s'en dégage à chaque mot: la guerre et son cortège d'horreurs et de souffrances sont décrits minutieusement, paysages déments d'une folie rougeoyante. C'est une débauche de couleurs raffinées, d'odeurs et de bruits. La scène de crucifiction des lions, symboles de la force militaire et du rayonnement culturel de Carthage, est un morceau d'anthologie, parmi beaucoup d'autres! Flaubert gorge son lecteur d'une myriade de sensations, de couleurs, de raffinements dans la cruauté jusqu'au plongeon écoeurant dans la noirceaur de l'âme humaine qu'il souhaitait montrer: la bassesse, l'avidité inextinguible des richesses de l'autre, la méchanceté, la vilenie, l'orgueil (le terrible orgueil d'Hannon qui failli perdre Carthage) ou la lâcheté. Tout l'éventail des pulsions humaines est exposé sous le soleil écrasant des plaines carthaginoises....un spectacle technicolor réalisé grâce au pouvoir évocateur des mots justement choisis et assemblés avec grand art!
Les soldats barbares, lassés d'attendre le bon vouloir des Riches et des Suffètes de Carthage, décident d'assiéger la ville afin d'obtenir compensation. De ruses en promesses, les carthaginois parviennent à s'en débarasser mais pour peu de temps: la colère des barbares, exacerbée par la rouerie et l'hypocrisie, encouragés par le vol du voile de Tanit, la haine de Spendius et l'absence d'Hamilcar, les incite à revenir assiéger Carthage jusqu'à ce qu'elle rende gorge. Hannon, le vieux rival d'Hamilcar, se lance dans la bataille afin d'écarter les mercenaires assoiffés de sang et de vengeance. Las, l'attaque tourne court, échoue lamentablement par suffisance et mépris envers les barbares qui reprennent l'avantage et décuplent de furie. Carthage est à nouveau en danger....enfin arrive Hamilcar, Suffète et fin stratège aimé et détesté à la fois pour son charisme et ses capacités militaires. Une série de batailles commence, plus terrifiantes les unes que les autres, pendant lesquelles machines de guerre effroyables, sauvagerie, haine et déchaînement épuisent les hommes, misérables fétus au coeur d'un combat électrique.
Carthage est proche de l'abîme, Carthage sombre dans le désespoir: le voile de Tanit a disparu! Salammbô, sous la coupe du prêtre Schahabarim, se dévoue pour aller dans le camp des barbares, récupérer le précieux voile. Schahabarim la conditionne pour qu'elle se donne à Mâtho, ce qu'elle fait dans un état second, entre désir et haine, entre souffrance et plaisir intense. Au petit matin, Mâtho s'aperçoit de la fuite de Salammbô et de la disparition du voile. Une autre bataille s'engage, le vent tourne pour les troupes encerclées d'Hamilcar: la percée salvatrice s'opère, le retrait dans Carthage s'effectue mais Mâtho, enivré de désespoir et de haine passionnée, avec l'aide de Spendius, détruit une partie de l'aqueduc pourvoyeur d'eau: Carthage va-t-elle plier? C'est sans compter avec les prêtres du culte de Moloch qui estime nécessaire un sacrifice d'enfants carthaginois, notamment ceux des familles des Riches et des Suffètes (Oh, comme Hamilcar tremble pour son précieux Hannibal!), afin de faire tomber la pluie. Le sacrifice ayant apaisé le dieu, un regain d'espoir envahi la ville et Hamilcar décide, dans un ultime effort et une dernière ruse, de fourvoyer l'armée des barbares, afin de la réduire définitivement, dans une course mortifère à travers la plaine désertique et les montagnes.
Et Salammbô dans tout cela? Jeune fille d'une beauté à couper le souffle, symbole d'une féminité exacerbée, Salammbô est l'image sacrée du principe féminin, la clé du monde de l'inconscient, celui de tous les désirs, de toutes les passions. Elle est également une image de la contradiction: elle n'aime pas Mâtho, elle le hait même, et pourtant lorsqu'elle s'offre à lui elle ne peut que se laisser emporter par les vagues intenses du plaisir, la chair et ses mystères instillent un amour inconscient, celui de la féminité épanouie, fertile, qui ne supportera pas la mise à mort du barbare.
Comment résister à la première phrase du roman: "C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar". Flaubert a durement planché sur cette phrase d'ouverture pour atteindre une perfection de style et d'accroche: quelques mots et déjà tout un monde de couleurs, de saveurs, d'exotisme promis....Rien que pour cette phrase, Salammbô vaut le détour. Elle n'a l'air de rien comme ça mais lorsqu'on se la met bien en bouche, qu'on la lit et relit l'essence même du romanesque transpire des mots. Le premier chapitre est d'un baroque extraordinaire et l'apparition de Salammbô un chef d'oeuvre! La belle, la cultivée, la sublime au-dessus d'une mêlée avinée, avide d'or, de chair et de sang, la sauvagerie d'une soldatesque errante est palpable, la barbarie d'une tour de Babel militaire donne des frissons et attise l'envie de tourner les pages! On remarque d'emblée que l'altérité culturelle est pointée: autant de caractères et de coutumes mêlés par le grand hasard des conflits portés aux confins du monde. La mosaïque de peuples, de traditions, de modes de vie, du monde antique vue par le prisme d'un écrivain européen d'une grande culture, est un véritable tableau foisonnant et d'une sauvage beauté. Flaubert peint avec justesse la richesse espérée et les espoirs déçus: Carthage, la belle, est certes riche mais pas à l'envi; la détresse des habitants ne sachant comment agir sans provoquer la colère des troupes étrangères, ces Barbares que l'on ne comprend et qui ne comprennent pas Carthage. En peu de mots, Flaubert met en scène un spectacle étourdissant où les couleurs, les odeurs, les zones de lumières et d'ombre, les cris, la poussière, la chaleur étouffante, le bruit métallique des armes qui s'entrechoquent, ne peuvent que saisir le lecteur du XIXè comme celui du XXIè! On s'y croirait, on y est, on est au coeur des batailles, on entend les gémissements, les ahanements, les râles et les soupirs. Parfois d'ailleurs, le lecteur en a la tête qui tourne, proche de la nausée mais toujours fasciné par la beauté baroque et violente d'une Carthage violentée par les mercenaires.
Avec un sens évident du sensationnel, du grand spectacle, Flaubert décrit, avec un plaisir et une volupté évidents, les peuples composant les cohortes de barbares: c'est Babel qui vient à Carthage, c'est la multitude de l'altérité qui se déverse sur les peurs primaires d'une civilisation construite sur les ruines fumantes des peuples soumis. Entre réalisme et grotesque, le lecteur voit défiler sous ses yeux un monde antique venu des limites du connu et apportant les promesses d'un inconnu fascinant qui suscitera moult convoitises.
Salammbô est une oeuvre magistrale, fascinante tant par la beauté de l'écriture flaubertienne que par la violence qui s'en dégage à chaque mot: la guerre et son cortège d'horreurs et de souffrances sont décrits minutieusement, paysages déments d'une folie rougeoyante. C'est une débauche de couleurs raffinées, d'odeurs et de bruits. La scène de crucifiction des lions, symboles de la force militaire et du rayonnement culturel de Carthage, est un morceau d'anthologie, parmi beaucoup d'autres! Flaubert gorge son lecteur d'une myriade de sensations, de couleurs, de raffinements dans la cruauté jusqu'au plongeon écoeurant dans la noirceaur de l'âme humaine qu'il souhaitait montrer: la bassesse, l'avidité inextinguible des richesses de l'autre, la méchanceté, la vilenie, l'orgueil (le terrible orgueil d'Hannon qui failli perdre Carthage) ou la lâcheté. Tout l'éventail des pulsions humaines est exposé sous le soleil écrasant des plaines carthaginoises....un spectacle technicolor réalisé grâce au pouvoir évocateur des mots justement choisis et assemblés avec grand art!
La critique de Sainte-Beuve ICI
Les avis de fahrenheit lafactory
Roman lu dans le cadre des lectures communes de Parfum de livres
8 commentaires:
Un superbe billet, très inspiré !
Jamais franchi le seuil de cette magnifique première phrase de Salammbô - tant de profusion effraie !
Votre billet enthousiaste y changera peut-être quelque chose. Merci pour l'article de Sainte-Beuve en prime.
Depuis que j'ai relu Madame Bovary, j'ai très envie de me lancer dans Salammbô qui a l'air beaucoup plus baroque. Ton billet est très tentant !
Ca fait des année que je meurs d'envie de le lire et que je recule! La faute à de mauvais souvenirs! Mais avec ton billet... A la rentrée, ce sera classique!
je l'ai lu deux fois, à deux âges très différents, une fois sur papier bible ce qui a ajouté au respect et à la lenteur de ma lecture pour une écriture si riche...
un souvenir éblouissant !!!
@cathulu: merci ;-) Je dois dire que la prose de Flaubert est extraordinaire: il n'y a pas à se forcer pour être admirative!
@tania: je comprends ta réticence; j'ai attendu cette année pour me lancer enfin dans cette riche lecture, jusqu'alors je n'avais lu que des extraits (et pourtant j'ai suivi des étude slittéraires!). Pourtant, je ne peux que t'encourager à franchir le pas!
@rose: J'espère t'aider à te lancer dans la lecture de roman flamboyant! Les classiques sont une valeur sûre ;-)
@chiffonnette: Moi aussi j'ai reculé pendant des année et cet été, hop j'ai franchi le pas et je ne le regrette pas!
@rennette: Tu as raison, une lecture éblouissante et d'une richesse lexicale incroyable. Les mots amènent sans effort les images et le lecteur a l'impression de se retrouver au cinéma! Quelles sensations extrordinaires devaient ressentir les lecteurs contemporains de Flaubert!
Ce livre est un chef d'oeuvre, c'est certain. Mais moi qui ne suis pas très BD, j'ai adoré la version toute personnelle en bande dessinnée de Druillet. La démesure du célèbre auteur de "Delirius" s'est associée avec bonheur à la magnifique prose de Flaubertpour nous offrir un album magnifique et totalement atypique.
Excellente critique, à laquelle je souscrit à cent pour cent: une oeuvre impressionnante à tous les points de vue!
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