mercredi 29 septembre 2010

Les enfants ont tous leur période...

"caca boudin" et Stéphanie Blake l'a bien illustré dans son album éponyme de la fameuse expression, scatologique, gravée dans les gènes de tout petit enfant digne de ce nom.
Cela commence comme un conte "Il était une fois un petit lapin qui ne savait dire qu'une seule chose:" Autant vous dire que l'auditoire est attentif et prêt à tout entendre...sauf la suite qui étonne d'abord avant de faire sourire puis carrément rire! Hé oui, le petit lapin ne sait dire qu'une chose: "Caca boudin". Comme c'est gouleyant en bouche, ces deux mots, sésame de la révolte et de l'affirmation de soi. Comme on aime les dire, les redire, sans se lasser une seule seconde.
Donc, notre héros aux longues oreilles, scande à longueur de temps son antienne "Caca boudin" pour répondre à toutes les sollicitations et questions parentales. Les parents du petit lapin en prennent leur parti tout en ne désarmant pas. Un jour, car il y a toujours un moment où la machine bien huilée connait quelques grincements, un jour donc, un loup (il fallait bien qu'il pointe le bout de son nez celui-là!), demande gentiment au petit lapin "Petit Lapin, je peux te manger?" Comme ce dernier lui répond son fameux "Caca boudin" (reprise en choeur assurée lors de la narration de l'histoire), le loup n'en fait qu'une bouchée et le petite lapin se retrouve dans l'estomac du loup. Lorsque celui-ci rentre chez lui et répond à la question de son épouse, c'est un "Caca boudin" qui est entendu. Comme la digestion est difficile (les loups ont une fâcheuse tendance à mal digérer!), on fait appel au médecin..un lapin.Quand le médecin lui demande de "dire aahhhh", il entend "Caca boudin". Ciel, c'est son petit lapin qui a été avalé: n'écoutant que son courage de père, le médecin extirpe son rejeton du ventre du loup et l'accueille par un ironique "Bonjour mon petit caca boudin". Et là, surprise, notre lapin  rétorque, dans une langue des plus soutenue, qu'il ne s'appelle pas "Caca boudin" mais Simon! De retour à la maison, la soupe de sa maman est "exquise" et il ne rechigne pas à la manger. Tout le monde se dit que la période "Caca boudin" est définitivement terminée...en effet, elle l'est bel et bien pour laisser place à une autre expression, bien connue de nos tout-petits..."Prout!".
Derrière les expressions dites "scatos" de nos chères têtes blondes, brunes ou rousses, Stephanie Blake met en scène la soif de liberté et d'autonomie du jeune enfant, son envie d'être indépendant et de faire ce qu'il veut. Cependant, défier l'autorité parentale, pour tester la tendresse, l'amour et les limites possibles à la transgression, amène forcément à des désagréments, que l'on doit assumer: l'entrée en scène du loup est là pour l'édification de nos jeunes révoltés. Un élément essentiel est également présent: lorsque l'on est danger, les parents sont toujours là pour protéger, sauver et aimer malgré la peur éprouvée et la colère.
"Caca boudin" est aussi un clin d'oeil au conte de Perrault "Le Petit Chaperon Rouge", à la peur de la dévoration inhérente à l'imaginaire du jeune enfant, fondamentale à vaincre, soit par les contes et leurs joyeux avatars, afin de grandir en toute sérénité. La peur du loup est un mal nécessaire qui permet à l'enfant d'assumer ses bêtises, de les conscientiser et d'aller au- delà de l'émotion première pour accéder au monde de l'abstraction et donc du raisonnement cartésien.
"Caca Boudin" est à lire sans retenue et je peux certifier le passage d'un moment d'intense complicité et de bonheur des mots partagés. D'autant plus que les illustrations, simples, minimalistes même, sont percutantes (la page noire où est écrit "Caca boudin" faisant référence au ventre du loup, à la noirceur de la peur et du mal, est bien amenée) et le vocabulaire à la portée du tout-petit.



(14/24)

Aucun commentaire: