dimanche 8 février 2009

Parenthèse clandestine


Asako, une brillante lycéenne, décide un jour de tout plaqué: elle ne va plus au lycée et vide sa chambre de tout ce qu'elle considère comme étant superflu et elle descend le tout à la cave de l'immeuble. Trônant parmi les objets voués au rebut, le vieil ordinateur, offert par son grand-père, qu'elle n'a jamais su faire fonctionner. Alors qu'elle se roule, avec une délectation sordide, dans les immondices jonchant le sol, Asako se trouve nez à nez avec un jeune garçon, Kazuyoshi, intrigué par son comportement plus qu'excentrique. Elle lui propose d'emporter son ordinateur et c'est ainsi que va commencer une étrange relation entre eux deux.
Wataya Risa entraîne son lecteur dans le sillage de deux jeunes japonais qui englués dans leur solitude vont flirter avec les émotions fortes offertes par internet, entre autres les discussions pornographiques sur des sites spécialisés. Asako et Kazuyoshi vont se glisser dans la fange des mensonges du monde virtuel, dans l'ivresse de devenir pour quelques heures une autre personne et de gagner, accessoirement, pas mal d'argent. Asako est l'archétype de la lycéenne pressurée par le travail scolaire et le couperet des examens, fil du rasoir décidant de l'avenir universitaire voire professionnel; Kazuyoshi un écolier qui s'ennuie, trop seul, dans une vie nouvelle et incertaine dont il peut s'échapper grâce au virtuel, grâce à l'anonymat du réseau internet. Ils vivent, chacun à leur manière, la solitude de l'enfance ressentie devant le monde des adultes aveugles et sourds aux besoins élémentaires d'une vie d'enfant, et face à l'avenir angoissant proposé par nos sociétés modernes.
Ce qui est inquiétant ou rassurant est de constater que les conversations lestes et crues que l'adolescente et l'écolier peuvent avoir avec des inconnus sont loin de les émoustiller: ce n'est qu'un jeu pour le jeune garçon, un dérivatif pour l'adolescente en manque de centre d'intérêt. La vraie vie n'est pas dans un dialogue mensonger derrière un écran, elle n'est pas vraiment non plus dans un bachotage effréné pour une éventuelle vie meilleure, elle est dans l'échange avec l'autre, dans le partage d'un moment. Hélas, il ne dure guère....l'interlude passé, ce moment jubilatoire de "faire du fric avec un ordinateur au rebut et un placard vide", tout rentre dans l'ordre, chacun rejoint sa solitude et retrouve sa raison.
Que dire sur ce roman? Il est frais, écrit par une jeune fille de 17 ans, qui depuis a reçu l'équivalent japonais du Prix Goncourt, sachant décrire, sans en faire des tonnes, ce qu'elle vit au quotidien, son monde d'interrogations devant l'âge adulte qui se profile et qui semble encore loin de ses préoccupations. Elle montre, sans remise en question, sans parti pris, la mentalité de la jeune génération japonaise: le souhait d'échapper pour quelques heures, quelques jours aux contingences scolaires et sociales, pour s'évader loin de la réalité. Elle fait aussi prendre conscience, l'air de rien, d'une particularité de nos temps modernes, plus ou moins exacerbée selon les pays et les sociétés, particularité qui ne cesse de m'étonner et surtout de m'angoisser: l'absence hallucinante des parents japonais happés par la spirale infernale du travail!
"Install", c'est certain, est l'oeuvre de jeunesse d'une auteure à suivre!

Roman traduit de japonais par Patrick Honnoré



8 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu en parles très bien en tous cas, je note le titre !

Anonyme a dit…

J'ai lu quelque chose d'elle (son premier roman il me semble) mais je ne ma rappelle plus le titre. C'était aussi une histoire de lycéenne et d'un lycéen obsédé par une chanteuse...

Katell a dit…

@cécile: merci. J'espère que tu auras l'occasion de lire ce court roman.
@loula: "install" est le prmeier roman que je lis de cette auteure ;-)
Elle a publié "Appel du pied".

Anonyme a dit…

Moi aussi je le note ! Ca a l'air si "japonais" ;-)

Anonyme a dit…

Je n'ai pas encore lu ce roman mais j'ai lu "Appel du pied", qui parle aussi du quotidien d'une lycéenne et qui a été couronné du prix Akutagawa (équivalent au Goncourt). Elle ne semble pas avoir écrit plus de deux romans.

Anonyme a dit…

Ta critique donne vraiment envie de lire ce roman, surtout que je suis en pleine période littérature japonaise! Je le note!

Anonyme a dit…

J'avais bien aimé son premier! Je suis curieuse de découvrir celui-ci!

Anonyme a dit…

Et bien, quel panorama de la littérature japonaise, cela donne envie de s'y essayer ! Merci, Clotilde