mardi 30 mars 2010

Un possible envers des contes

Dans le colis Swapôconte envoyé par ma binômette Praline, il y avait, entre autres alléchants albums, un roman jeunesse, un polar, "Romain Gallo contre Charles Perrault" de Gérard Moncomble. Un titre intriguant dont je n'avais jamais entendu parlé: ma curiosité fut satisfaite ce week-end puisque Praline et moi en avons fait une lecture commune.

L'argument est amusant: comment regarder, avec un autre oeil, l'univers des contes traditionnels qui bercent les oreilles des petits et des grands depuis des générations? Gérard Moncomble a pris le parti d'une série d'enquêtes menées par l'impayable détective, Romain Gallo, un rien gouailleur, un tantinet cabotin, à l'allure d'un Marlowe carburant au pom-coca avec un zeste de nonchalance et d'humour, peut-être de cour de récréation, qui fait mouche et fait sourire! Bien entendu, notre Gallo est la bête noire d'un certain commissaire Charles Perrault, bouffi de son importance et empreint de suffisance alors que l'évidence est invisible pour lui.

C'est ainsi que six figures, légendaires - si j'ose dire -, de contes célèbres sont passées à la moulinette d'une lorgnette bien iconoclaste. Le Petit Chaperon Rouge trempe, à l'insu de son plein gré, dans une sordide histoire de dévoration sanglante pour couvrir une banale escroquerie à l'assurance; tandis que le pauvre loup, loin d'être un méchant loup, est condamné à perpétuité pour un "croquage" en série qu'il n'a pas commis, lui le boucher végétarien! L'appétit du numéraire décuple l'imagination d'un bûcheron sensible aux charmes d'une mère célibataire qui hélas ne sait pas qu'une galette peut saper les plus beaux châteaux en Espagne. Puis vient le tour de Barbe Bleue, accusé, à tort, de se débarasser de ses épouses; pourtant, l'affaire semblait claire: des poils de barbe, bleus, éparpillés sur le lieux des crimes, d'énormes empreintes (pas trop profondes), une jeune et splendide épouse, bref tout accuse le pauvre homme. Heureusement, notre Gallo, n'écoutant que ses intuitions et sachant observer son monde, parvient à éclairer la lanterne du commissaire, prompt à tomber dans le panneau le plus grossier, qui ne voyait pas (venir) que le chevalier servant de Mme Pot-Bouillon, répondant au doux nom de Sir Hanne, était l'amant de cette dernière qui ne pouvait espérer qu'une pauvre pension alimentaire...Mr Pot-Bouillon étant friand de chair fraîche mais au figuré (ah, les malheurs de l'inconstance!). Donc, une seule solution s'imposait à elle: se débarrasser de son encombrant époux volage.
Ensuite, notre Gallo a maille à partir avec un coiffeur très couru, doté d'un chat médium: un industriel soupçonnant son épouse d'adultère confie la filature de cette dernière à notre célèbre détective, sans peur et sans reproche, qui le mène dans un salon de coiffure so fashion où disparaît la belle. Ni une ni deux, Gallo trouve un étrange escalier et tombe en pleine séance d'hypnose. Le virtuose des coupes, Kid Carabas, tient sous sa coupe de belles et grandes fortunes grâce à son chat qui fait de lui le gourou des salons huppés de la ville. Bien entendu, le médium sera évincé et tout rentrera dans l'ordre.
Après, Cendrillon et la Belle au bois dormant ont leur image légèrement écornées: quand l'une est croqueuse de célibataires au bas de laine bien garni, l'autre est victime des ambitions démesurées de son père, scientifique aux principes bien vermoulus.
Pour finir, la cerise sur le gâteau: le Petit Poucet, sous les traits d'un nain psychopathe, parrain sans scrupules et sanguinaire. Un vrai régal cette ultime enquête! Entre les cailloux utilisés non seulement comme repères mais aussi comme boules destressantes, et les six frères obtus et gros bras, le pauvre Gallo se trouve maintes fois en très mauvaise posture. Il fallait y penser: transformer le gentil Petit Poucet en sombre hystérique à la gachette facile.
J'ai pris un immense plaisir à lire ces détournements de contes d'autant plus que l'auteur les implique dans des affaires criminelles modernes: détournement de fonds, danger des sectes et pouvoir des gourous sur les âmes en mal de croyance, marché douteux de drogues, meurtres passionnels, escroqueries à l'assurance. Le personnage du détective est amusant, attachant, joyeusement désabusé sur ses contemporains, comme tout bon détective, et prenant à coeur à regarder au-delà des simples apparences, lui dont l'officine est située en pleine ZUP dans un immeuble bien délabré,, même si cela lui coûte un séjour en prison!

Une très agréable parodie de contes traditionnels, connus et moins connus (Barbe Bleue) que l'on déguste tranquillement accompagné des souenirs de lectures d'enfance, d'après-midi passés en compagnie d'une Mamie (ce fut mon cas) racontant, sans se lasser, à ses petits-enfants l'éternel "Petit Chaperon rouge"!!!
Merci Praline pour cette plongée, aux saveurs contemporaines, dans une littérature qui m'a toujours enchantée.

Les avis de Lalivrophile   Praline  
 

9 commentaires:

rachel a dit…

ooh excellent..le theme et ta facon de le critiquer donne vraiment envie de le lire!

Unknown a dit…

J'ai remarqué ce titre avec le swapôcontes, je pense que je vais essayer bientôt :)

VanessaV a dit…

Très, très tentant, cela redonne envie de lire les contes originaux et de voir quelles sont les exactes différences. Sait-on jamais le petit poucet est peut-être un petit malfrat!

Anonyme a dit…

Ah, comme je disais à Praline, honte à moi, je ne l'ai toujours pas lu...
J'adore l'illustration en fin de billet, excellente :))

Praline a dit…

Ravie qu'il t'ait plu autant qu'à moi ! Et j'aime bien ce principe de lectures communes, ce sera à refaire :)

Katell a dit…

@rachel:Merci beaucoup et j'espère que tu auras l'occasion de vérifier tes impressions positives.
@kikine: Et je t'assure une bonne lecture :-)
@vanessa: Il est vrai que cette parodie donne envie de se replonger dans l'univers des contes. J'aime l'idée de malmener un peu, beaucoup, les icônes de nos contes traditionnels, cela donne un peu de piment dans les relectures :-)
@Emmyne: Mais ce sera pour bientôt, n'est-ce pas ? ;-)
J'ai craqué pour cette photo très "écrivain" du loup: le net regorge de trouvailles à faire.
Praline: C'est moi qui te remercie pour cette découverte drôle et iconoclaste!!! Comme toi, le principe de la lecture commune me plaît beaucoup...on pourra "remettre le couvert" :-)

chiffonnette a dit…

Aïe! Dommage que je ne lise guère de polar parce que pour le coup l'argument me plaît bien! Je suis en pleine période contes détournés!

cess a dit…

Dans le même genre, j'ai lu "Comptines assassines" de Pierre Dubois. J'ai trouvé sa prose séduisante et les nouvelles bien ficelées. Par contre, les contes sont beaucoup moins simple à identifier!

Karine:) a dit…

J'adore ce genre de détournements! C'est certain que je note!!! ;)))