Un squelette est exhumé sur Okinawa:il s'avère être celui d'une jeune femme, que l'on suppose avoir été enterrée vivante, sacrifiée, au XIIè siècle. Cette trouvaille archéologique met en ébullition le microcosme du village où se situent les vestiges du gùk, ancienne place forte médiévale, dans lequel le squelette est resté enfoui des siècles durant. En effet, dans cette île japonaise, fort éloignée de Tokyo, le chamanisme a laissé de vivace traces dans l'esprit des habitants...notamment dans le coeur d'un aubergiste et de sa fille qui se disent descendre de haute lignée et être des descendants de la jeune femme sacrifiée.
Un jeune homme,Meitetsu, professeur de grammaire japonaise dans un établissement privé, décide de quitter son lycée, après avoir été "arnaqué" financièrement par un de ses collègues. En lisant un article dans un vieux journal, il apprend les remous provoqués par la découverte du mystérieux squelette, l'occasion lui est donnée de partir vers un ailleurs moins gris. Il débarque dans le village, se lie avec Kotono, la jeune archéologue (qui s'avère avoir fréquenter le même lycée que lui....tout comme Sayoko, la fille de l'aubergiste).
L'identité du squelette provoque interrogations et fantasmes parmi les habitants: Kotono pense que la jeune femme a été suppliciée par les gens du gùk qui n'étaient que des pirates, Sayoto estime que la jeune femme était issue des rangs de la noblesse. Quant à Meitetsu, celui-ci se laisse à rêver qu'elle a été séduite par un prince alors qu'elle était prêtresse, vouée à la virginité et que son manquement lui valut d'être enterrée vivante.
Autour des trois personnages principaux (qui tissent entre eux des liens d'amour et de jalousie), gravitent le chef de chantier, un tantinet paresseux et lubrique, deux employées âgées scandant, au gré de leurs sarcasmes ou remarques impromtues, les étapes du récit, l'ex mari de Sayoko, un acteur en mal de rôle,ainsi que l'aubergiste oscillant entre ivrognerie et duplicité.
"Histoire d'un squelette" peut sembler un roman étonnant, dans le sens inhabituel, pour un lecteur de Kawabata, Oé, Mishima ou Murakami (Haruki et Ryu), Yoshimura et Ogawa: pas d'atmosphère insaisissable, pas d'ambiance sombre, poétique, oppressante ou immergée dans un imaginaire subtil; pas de personnages tordus, en souffrance, à la recherche d'un ailleurs contemplatif mais des personnages dont la drôlerie se révèle à tout instant. Cela tient sans doute à l'insularité particulière d'Okinawa qui resta longtemps sous domination chinoise avant d'être annexée par le Japon. Une particularité insulaire étonnante vu que le Japon est un archipel. Okinawa et ses traditions sont très éloignées d'une "métropole" où règne la tromperie aux yeux du héros, natif d'Okinawa. Les relations entre Tokyo et Okinawa semblent être identiques à celles entretenues entre l'Outre-Mer et la France Métropolitaine.
L'initiation du lecteur, par l'auteur, aux diverses traditions d'Okinawa (île rattachée au Japon au début du XVIIè puis occupée par les Etats-Unis entre 1945 et 1972) ) apparaît parfois (voire souvent selon le regard posé sur le récit) longuette à la limite de l'inutile, du coup, la lecture peut devenir laborieuse et ennuyeuse. Cependant, la cocasserie de la création du musée du squelette, pierre angulaire de la reconnaissance de la noblesse familiale de Sayoko, efface les inconvénients du didactisme de l'auteur. Autour de l'idée de musée, gravitent aussi bien l'indifférence de la plupart des habitants du district, peu enclins à subir les discours illuminés d'une jeune femme en quête d'ancêtres nobles, que le lobbying d'associations protégeant les vestiges de la seconde guerre mondiale: Okinawa fut le terrain de sanglants combats héroïques et la bataille qui sonna le glas de l'armée impériale. Quant à l'idée de l'ex mari de Sayoko, de mettre en scène la vie imaginée du squelette, elle apporte une dimension encore plus loufoque à la situation du héros qui se retrouve embarqué dans un engrenage dont l'issue semble risquée.
La chute du récit est à la hauteur des romans japonais: abrupte et subtile à la fois...le lecteur se surprend à sourire et à éprouver une relative compassion pour le héros.
"Histoire d'un squelette" est une lecture originale par son atmosphère et malgré tout porteuse d'un imaginaire du bout du monde où la solitude et le désert joutent entre les lignes.
Roman traduit du japonais par Patrick Honnoré
(2/6)
1 commentaire:
hé bien nous sommes donc deux à avoir tenté l'aventure à Okinawa.. j'avoue que j'ai beaucoup aimé le défilé des farfelus qui essayent de tirer la couverture à eux lors de la création du musée.. entre la nana qui en veut pas entendre parler d'autre chose que de la bataille d'Okinawa et ne s'intéresse qu'à la potentielle trace de combat sur le mur, et l'édile local qui vient faire sa campagne, un des meilleurs moments du bouquin... Bon, il n'y a plus qu'à trouver un Roman sur Hokkaido maintenant , histoire de faire le tour de l'archipel.
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