Un petit garçon, le narrateur, raconte ses moments heureux et malheureux, entre la séparation de ses parents, la complicité avec sa soeur, ses aventures scolaires et surtout son amour pour sa terre, sa maison perdue au milieu la savane!
Il a cinq ans, a une tignasse rousse, aime follement grimper aux arbres et porte "des chaussettes jaunes bien remontée sur son pantalon rouge": un lutin épris de liberté regardant le monde mouvant des adultes et "le fantôme fou de son père".
Il n'est pas un petit garçon, il est un tigre qui pourrait, s'il le voulait, balayer ce monde, trop souvent incompréhensible, d'un coup de patte. Sa soeur n'est pas une petite fille mais un chat un tantinet sauvage.
Antonio Ungar dans ce roman court met en scène un jeune garçon qui préfère être un tigre plutôt qu'un être humain, stupide, ne comprenant rien à rien au monde qui l'entoure. Entre le manque d'amour de la grand-mère, les pleurs de sa mère, la folie de son père, l'étrangeté de son grand-père et la saveur de la liberté offerte par la savane ou la jungle, il a choisi: ce sera être un tigre libre, sans entrave, sans peur avec pour seul horizon l'espace infini des paysages. Les chapitres sont les impressions, fragments épars, de cet enfant, haut comme trois pommes et à l'imaginaire fabuleux: le lecteur le suit, sautillant, crachant, tapant, cognant (comme la scène de la bagarre dans la cour d'école est extraordinaire et poignante à la fois!), rêvant, se transformant en tigre au gré des envies. Ce petit garçon, derrière sa carapace de tigre, souffre de la folie des adultes, de celle de son père, de la violence de son monde d'où l'on peut disparaître à jamais, sans laisser une seule trace. Il aime aussi: sa mère et ses pleurs, l'odeur sensuelle et maternelle de sa cousine, un monde où il souhaiterait se perdre à jamais, tigron ronronnant comme un chaton, les senteurs inoubliables de la savane, la fragance musquée des arbres, ses arbres du haut desquels le monde lui paraît moins sordide.
"Les oreilles du loup" est un roman de l'enfance, celle qui rêve, celle qui rue contre les contraintes, celle qui ne pense qu'à être libre, celle qui voudrait que l'harmonie dure toujours. Or, cette dernière s'est brisée lors de la séparation de ses parents et il est bien difficile d'admettre qu'elle ne reviendra plus, même si "le gros homme" apporte avec lui une harmonie qui ressemble à celle du passé. Ce roman est aussi celui de l'enfance qui quitte peu à peu ses berges pour entrer dans le monde des plus grands, des grands puis des adultes....le tigre se cache alors derrière un masque de loup, un tigre qui danse et qui ne mange personne.
"Les oreilles du loup" a la beauté sauvage de la savane colombienne si bien rendue dans le récit, l'obscurité de la jungle, l'âpreté des hauts plateaux balayés par le vent, le soleil ou le froid. La langue extraordinaire de ce roman provoque d'intenses émotions au lecteur et l'accompagne dans un voyage au coeur d'un imaginaire d'une richesse extraordinaire.
Un très beau roman édité chez "Les allusifs", excellente maison d'édition qui se démarque par l'originalité de ses auteurs. A lire!
Il a cinq ans, a une tignasse rousse, aime follement grimper aux arbres et porte "des chaussettes jaunes bien remontée sur son pantalon rouge": un lutin épris de liberté regardant le monde mouvant des adultes et "le fantôme fou de son père".
Il n'est pas un petit garçon, il est un tigre qui pourrait, s'il le voulait, balayer ce monde, trop souvent incompréhensible, d'un coup de patte. Sa soeur n'est pas une petite fille mais un chat un tantinet sauvage.
Antonio Ungar dans ce roman court met en scène un jeune garçon qui préfère être un tigre plutôt qu'un être humain, stupide, ne comprenant rien à rien au monde qui l'entoure. Entre le manque d'amour de la grand-mère, les pleurs de sa mère, la folie de son père, l'étrangeté de son grand-père et la saveur de la liberté offerte par la savane ou la jungle, il a choisi: ce sera être un tigre libre, sans entrave, sans peur avec pour seul horizon l'espace infini des paysages. Les chapitres sont les impressions, fragments épars, de cet enfant, haut comme trois pommes et à l'imaginaire fabuleux: le lecteur le suit, sautillant, crachant, tapant, cognant (comme la scène de la bagarre dans la cour d'école est extraordinaire et poignante à la fois!), rêvant, se transformant en tigre au gré des envies. Ce petit garçon, derrière sa carapace de tigre, souffre de la folie des adultes, de celle de son père, de la violence de son monde d'où l'on peut disparaître à jamais, sans laisser une seule trace. Il aime aussi: sa mère et ses pleurs, l'odeur sensuelle et maternelle de sa cousine, un monde où il souhaiterait se perdre à jamais, tigron ronronnant comme un chaton, les senteurs inoubliables de la savane, la fragance musquée des arbres, ses arbres du haut desquels le monde lui paraît moins sordide.
"Les oreilles du loup" est un roman de l'enfance, celle qui rêve, celle qui rue contre les contraintes, celle qui ne pense qu'à être libre, celle qui voudrait que l'harmonie dure toujours. Or, cette dernière s'est brisée lors de la séparation de ses parents et il est bien difficile d'admettre qu'elle ne reviendra plus, même si "le gros homme" apporte avec lui une harmonie qui ressemble à celle du passé. Ce roman est aussi celui de l'enfance qui quitte peu à peu ses berges pour entrer dans le monde des plus grands, des grands puis des adultes....le tigre se cache alors derrière un masque de loup, un tigre qui danse et qui ne mange personne.
"Les oreilles du loup" a la beauté sauvage de la savane colombienne si bien rendue dans le récit, l'obscurité de la jungle, l'âpreté des hauts plateaux balayés par le vent, le soleil ou le froid. La langue extraordinaire de ce roman provoque d'intenses émotions au lecteur et l'accompagne dans un voyage au coeur d'un imaginaire d'une richesse extraordinaire.
Un très beau roman édité chez "Les allusifs", excellente maison d'édition qui se démarque par l'originalité de ses auteurs. A lire!
Quelques extraits:
"Celui que je suis marche vers les buissons, s'approche d'un immense eucalyptus, regarde les feuilles bleutées qui se balancent au vent de la savane. Il les observe et grimpe facilement, comme si ses muscles se mettaient en mouvement, sans aucun effort, j'imagine, plantant ses griffes dans l'écorce. Une fois en haut, toujours absent, il refuse de regarder le jardin et les enfants bien habillés et les éclats de rire et l'agave inutile. Il leur tourne le dos. Il regarde, je regarde de l'autre côté de la grille, sous le soleil, la ville infinie qui s'étend à mes pieds. Et je m'enferme. En moi-même, dans mon corps de grand tigre, dans mon silence, dans la ville qui existe malgré moi, très loin et vaste dans la savane. Et comme un grand tigre je pose ma grosse tête sur mes avant-bras et attends que les autres, comme le gros, comme la ville et le vent froid, se taisent aussi." (15 et 16)
"Arrivé en haut, après le chemin rouge, les mûres, les orties et les chiens sauvages, les deux canaux à sec que je franchis les yeux fermés, arrivé à la cime de ma montagne, je ne fais rien. Je grimpe à un autre arbre, un autre qui n'est pas le poivrier, ni le noyer, ni l'un de ces saules qui veulent mourir. Je grimpe sur un arbre élevé et maigre, bossu, un arbre timide qui se cache toujours au fond, derrière les autres, derrière les pierres, encore plus derrière. Un arbre ébouriffé et timide. Et grimpé là, je ne fais rien. Je sens la branche de l'arbre sous mes jambes, je sens que l'arbre regarde d'un autre côté encore, mais nous sommes là. Je réussis à serrer entre mes bras la branche, je pose ma tête sur l'écorce et je ne suis plus un tigre, un grand et lourd tigre qui regarde le monde. Je suis un autre tigre, différent. Un tigre de papier. Léger, transparent, vide d'air. Vide de la maison, qui n'a pas été emportée par un vent violent mais qui en revanche a disparu ; vide de la terre que je connais déjà ; vide de cet incendie du ciel si lointain qui n'est pas à moi ; vide de tout ce qui s'est passé dans la maison. Rien que de l'air dans un tigre de papier, rien, l'odeur de cet eucalyptus qui ne me regarde pas." (p 46)
"Arrivé en haut, après le chemin rouge, les mûres, les orties et les chiens sauvages, les deux canaux à sec que je franchis les yeux fermés, arrivé à la cime de ma montagne, je ne fais rien. Je grimpe à un autre arbre, un autre qui n'est pas le poivrier, ni le noyer, ni l'un de ces saules qui veulent mourir. Je grimpe sur un arbre élevé et maigre, bossu, un arbre timide qui se cache toujours au fond, derrière les autres, derrière les pierres, encore plus derrière. Un arbre ébouriffé et timide. Et grimpé là, je ne fais rien. Je sens la branche de l'arbre sous mes jambes, je sens que l'arbre regarde d'un autre côté encore, mais nous sommes là. Je réussis à serrer entre mes bras la branche, je pose ma tête sur l'écorce et je ne suis plus un tigre, un grand et lourd tigre qui regarde le monde. Je suis un autre tigre, différent. Un tigre de papier. Léger, transparent, vide d'air. Vide de la maison, qui n'a pas été emportée par un vent violent mais qui en revanche a disparu ; vide de la terre que je connais déjà ; vide de cet incendie du ciel si lointain qui n'est pas à moi ; vide de tout ce qui s'est passé dans la maison. Rien que de l'air dans un tigre de papier, rien, l'odeur de cet eucalyptus qui ne me regarde pas." (p 46)
Roman traduit de l'espagnol (Colombie) par Robert Amutio
Les avis de sylire antigone malice lily maijo
Une interview de l'auteur ICI et LA
8 commentaires:
Oui, c'est une jolie lecture. Je m'en vais de ce pas lire l'interview de l'auteur. Merci pour ce lien.
Oui katell encore une lecture en commun et un livre qui se démarque de ce que l'on peut lire habituellement ! Tu en parles très bien.
Les Allusifs décidément ne déçoivent pas !
Bonjour, je me permets un petit commentaire sur "Les Allusifs", maison d'édition canadienne que je propose en permanence à la librairie. Chez eux, je vous recommande plus particulièrement "Le jour des Corneilles" de Beauchemin : c'est un bijou d'originalité et de force.
Voilà une lecture qui me tente bien! Je vais essayer de mettrel a main dessus!
@sylire: j'ai lu aussi que tu l'avais apprécié :-)
@malice: merci malice :-) J'ai eu l'impression de ne pas lui rendre justice dans mon commentaire.
@cathulu: on dirait bien...c'est le deuxième roman de chez cet éditeur que je lis et ma foi, bonne pioche à chaque lecture!
@hélène camus: les clients de votre librairie ont bien de la chance :-) J'ai déjà repéré "Le jour des corneilles" et je compte bien le lire un de ces jours! Votre avis ne fait que conforter mon envie.
@chiffonnette: Tu ne seras pas déçue :-)
Comme Cathulu, je trouve que Les Allusifs est une excellente maison d'édition. Beaucoup de ses livres me donnent envie.
Je l'ai également lu dans le cadre de l'opération Masse Critique et j'ai adoré ce livre original, sortant des sentiers battus pour décrire l'enfance, ses peurs, ses angoisses, ses joies, ses espoirs. Un très beau livre, très poétique et - parfois - très dur. Très bel article, Katell.
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