Un livre, "La ligne d'ombre", à la couverture parsemée de morceaux de ciment, arrive sur le bureau du narrateur, Argentin vivant en Angleterre, remplaçant de la destinataire, Bluma Lennon, professeur de littérature à l'université de Cambridge. Cela l'intrigue et il part à Buenos Aires à la recherche de l'expéditeur, Carlos Brauer.
Qui est cet homme? Comment Bluma l'a-t-elle connu? Que s'est-il passé entre eux?
Carlos Maria Dominguez, à pas feutrés, fait de cette interrogation et de cette recherche une agréable enquête policière, à la limite du fantastique, au cours de laquelle le détective amateur qu'est ce professeur argentin va à la rencontre d'un étrange personnage et d'une étonnante folie. Le lecteur suit le périple du narrateur, ouvre de grands yeux et demeure fasciné par l'univers si particulier des bibliophiles.
Carlos Brauer était un collectionneur d'éditions espagnoles, de livres d'art et de romans français et russes du XIXè: sa maison était envahie par les livres, à tel point que sa femme et ses enfants l'ont quitté, rangés sans l'être dans un enchevêtrement inouï! "Il les gardait n'importe comment, car il n'avait pas les moyens de préserver son oeuvre impressionnante...Bauer a toujours été un lecteur compulsif. Tout son argent finissait dans les livres. Dès que j'ai fait sa connaissance il y a des années chez les bouquinistes du marché de Tristan Narvaja, j'ai su que son obsession était incurable. Cela se voit à la peau légèrement parcheminée de ceux qui sont atteints de cette maladie." (p 45 et 46). Carlos n'avait plus de système de rangement consigné sur fiches, hormis celui de ne pas faire se côtoyer certains auteurs. " Le pire de tout, ce qui me donne le plus de travail, c'est le problème des rapports affectifs...à éviter de réunir sur un même rayon deux auteurs qui ne s'entendaient pas. Il n'osait pas , par exemple, placer un livre de Borgès à côté d'un volume de Garcia Lorca, que l'Argentin avait traité d'"Andalou professionnel"...Il m'a expliqué qu'il travaillait sur un système de fractales suffisamment ouvert pour permettre un déplacement des livres sur les rayons en fonction de critères dynamiques, en aucun cas fondé sur de simples conjectures (...) Il a prôné la mort du fichier thématique avec une telle véhémence que pendant quelques jours il a réussi à me donner le change (...) il insistait sur le fait que les livres présentant des affinités méritaient d'être regroupés dans un autre ordre que l'ordre vulgairement thématique." (p 58, 59 et 60). Au fil de ses recherches, le narrateur apprend que Carlos a sombré, doucement, lentement mais sûrement dans la folie: il dîne en compagnie d'un livre, traité comme un invité. Il a ses marottes: quand il lit un roman du XIXè, il le lit à la bougie puisqu'à cette époque l'électricité n'existait pas. Un soir, il s'est endormi sans souffler la bougie et la catastrophe arriva: l'incendie ravageur qui engloutit ses archives où étaient consignées les références de ses ouvrages facilitant leur recherche! Certes les livres n'avaient pas trop souffert mais Carlos sombra dans un délire incompréhensible: il partit sur les bord d'une lagune perdue, léchée par les vagues de l'océan, et s'y fit construire une cahute avec ses livres! Dans ce lieu perdu où rien ne se passe, rien n'arrête le regard, Carlos s'est retiré avant qu'un nouvel éclat de folie l'amène à détruire sa cahute pour en récupérer un livre, La ligne d'ombre de Conrad. Pourquoi Carlos a-t-il détruit son ultime havre de paix pour ce livre? La réponse peut décevoir comme être enthousiasmante... elle m'a étonnée, fait sourire et finalement enchantée car j'ai trouvé qu'elle remettait tout à sa place.
Que dire de ce roman sinon qu'il est un hymne à l'amour des livres, aux lecteurs compulsifs qui achètent romans, essais ou revues à en faire craquer les murs de leur maison. "La maison en papier" peint avec justesse, et juste ce qu'il faut d'humour et de gravité, la vie d'un collectionneur averti, irrécupérable, que la douleur d'avoir perdu ce qui lui permettait de trouver ses chers ouvrages a fait sombrer dans une folie destructrice. Le danger de la littérature et de l'amour des livres est là, il défile sous les yeux du narrateur et de son lecteur, il est tapi dans l'ombre des rayonnages des bibliothèques et est prêt à saisir l'âme si l'on n'y prend garde. O, doux et terrible danger qu'on craint certes mais qu'on ignore avec méthode. On ne regarde plus les poissons d'argent du même oeil: ces insignifiantes créatures seraient d'insatiables ogresses mangeuses de pages jaunies, au délicat craquement lorsqu'on les tourne.
"La maison en papier" est une délicieuse fable, aux effluves sulfureuses du danger qui guette tout un chacun: les livres peuvent dévorer celui leur offre une trop belle et grande place; c'est leur taille et non leur contenu qui perd Carlos Brauer! On y est bercé par la beauté, la richesse, la grande culture du récit, on y rencontre pour mieux les retrouver Conrad, Borgès, Lorca, Tolstoï et les autres au détour de chaque page.
Qui est cet homme? Comment Bluma l'a-t-elle connu? Que s'est-il passé entre eux?
Carlos Maria Dominguez, à pas feutrés, fait de cette interrogation et de cette recherche une agréable enquête policière, à la limite du fantastique, au cours de laquelle le détective amateur qu'est ce professeur argentin va à la rencontre d'un étrange personnage et d'une étonnante folie. Le lecteur suit le périple du narrateur, ouvre de grands yeux et demeure fasciné par l'univers si particulier des bibliophiles.
Carlos Brauer était un collectionneur d'éditions espagnoles, de livres d'art et de romans français et russes du XIXè: sa maison était envahie par les livres, à tel point que sa femme et ses enfants l'ont quitté, rangés sans l'être dans un enchevêtrement inouï! "Il les gardait n'importe comment, car il n'avait pas les moyens de préserver son oeuvre impressionnante...Bauer a toujours été un lecteur compulsif. Tout son argent finissait dans les livres. Dès que j'ai fait sa connaissance il y a des années chez les bouquinistes du marché de Tristan Narvaja, j'ai su que son obsession était incurable. Cela se voit à la peau légèrement parcheminée de ceux qui sont atteints de cette maladie." (p 45 et 46). Carlos n'avait plus de système de rangement consigné sur fiches, hormis celui de ne pas faire se côtoyer certains auteurs. " Le pire de tout, ce qui me donne le plus de travail, c'est le problème des rapports affectifs...à éviter de réunir sur un même rayon deux auteurs qui ne s'entendaient pas. Il n'osait pas , par exemple, placer un livre de Borgès à côté d'un volume de Garcia Lorca, que l'Argentin avait traité d'"Andalou professionnel"...Il m'a expliqué qu'il travaillait sur un système de fractales suffisamment ouvert pour permettre un déplacement des livres sur les rayons en fonction de critères dynamiques, en aucun cas fondé sur de simples conjectures (...) Il a prôné la mort du fichier thématique avec une telle véhémence que pendant quelques jours il a réussi à me donner le change (...) il insistait sur le fait que les livres présentant des affinités méritaient d'être regroupés dans un autre ordre que l'ordre vulgairement thématique." (p 58, 59 et 60). Au fil de ses recherches, le narrateur apprend que Carlos a sombré, doucement, lentement mais sûrement dans la folie: il dîne en compagnie d'un livre, traité comme un invité. Il a ses marottes: quand il lit un roman du XIXè, il le lit à la bougie puisqu'à cette époque l'électricité n'existait pas. Un soir, il s'est endormi sans souffler la bougie et la catastrophe arriva: l'incendie ravageur qui engloutit ses archives où étaient consignées les références de ses ouvrages facilitant leur recherche! Certes les livres n'avaient pas trop souffert mais Carlos sombra dans un délire incompréhensible: il partit sur les bord d'une lagune perdue, léchée par les vagues de l'océan, et s'y fit construire une cahute avec ses livres! Dans ce lieu perdu où rien ne se passe, rien n'arrête le regard, Carlos s'est retiré avant qu'un nouvel éclat de folie l'amène à détruire sa cahute pour en récupérer un livre, La ligne d'ombre de Conrad. Pourquoi Carlos a-t-il détruit son ultime havre de paix pour ce livre? La réponse peut décevoir comme être enthousiasmante... elle m'a étonnée, fait sourire et finalement enchantée car j'ai trouvé qu'elle remettait tout à sa place.
Que dire de ce roman sinon qu'il est un hymne à l'amour des livres, aux lecteurs compulsifs qui achètent romans, essais ou revues à en faire craquer les murs de leur maison. "La maison en papier" peint avec justesse, et juste ce qu'il faut d'humour et de gravité, la vie d'un collectionneur averti, irrécupérable, que la douleur d'avoir perdu ce qui lui permettait de trouver ses chers ouvrages a fait sombrer dans une folie destructrice. Le danger de la littérature et de l'amour des livres est là, il défile sous les yeux du narrateur et de son lecteur, il est tapi dans l'ombre des rayonnages des bibliothèques et est prêt à saisir l'âme si l'on n'y prend garde. O, doux et terrible danger qu'on craint certes mais qu'on ignore avec méthode. On ne regarde plus les poissons d'argent du même oeil: ces insignifiantes créatures seraient d'insatiables ogresses mangeuses de pages jaunies, au délicat craquement lorsqu'on les tourne.
"La maison en papier" est une délicieuse fable, aux effluves sulfureuses du danger qui guette tout un chacun: les livres peuvent dévorer celui leur offre une trop belle et grande place; c'est leur taille et non leur contenu qui perd Carlos Brauer! On y est bercé par la beauté, la richesse, la grande culture du récit, on y rencontre pour mieux les retrouver Conrad, Borgès, Lorca, Tolstoï et les autres au détour de chaque page.
Oui, la littérature peut être dangereuse car plus on lit et plus on sait que c'est infini! Oui, les livres sont dangereux car ils n'étanchent pas la soif du lecteur mais l'alimentent sans cesse.
Oui, lire "La maison en papier" est dangereux parce qu'on en sort avec une seule envie: lire et relire les auteurs rencontrés, caresser, palper, respirer les livres de sa bibliothèque et du coup d'en ressortir un pour s'y plonger!
Merci encore à Bladelor de faire voyager ce roman et de propager la lecture compulsive!
Roman traduit de l'espagnol (Argentine) par Geneviève Leibrich
13 commentaires:
Pas encore lu mais c'est vrai qu'il a l'air intéressant!
Intéressant, je le note dans mes petits carnets ! Bon dimanche !
Une idée qui m'a ravie !
J'ai longtemps tourné autour de ce livre,ton article me le fait noter pour une sortie en poche.
Il me tente beaucoup.. Bladelor le fait tourner ?
Katell, très joli blog, ça donne envie de lire !
A +
www.gwendal-rioual.net
@fleur: ce roman se lit d'une traite si on ne refreine pas son avidité de lecture ;-) J'ai adoré!
@flo: oui, il est à noter!
@cathulu: cette maison en papier est étonnante et l'histoire aussi m'a totalement charmée.
@moustafette: Je pense que je l'achèterai lorsqu'il sortira en poche!
@gambadou: oui, Bladelor le fait tourner. je pense que tu peux lui demander de faire partie des étapes via son blog.
@gwendal: coucou Gwen! Merci pour ce gentil compliment...il y a des idées lecture pour les parcours en train ;-)
a galon (je fais des progrès!!)
Contente que tu aies aimé. C'est vrai que parfois le pouvoir des livres va jusqu'à m'effrayer un peu ! ;-)
Je l'ai lu début 2008 mais j'ai trouvé qu'il lui manquait un petit quelque chose. Je n'ai pas été complètement convaincue.
Comme si je n'étais pas déjà suffisamment tentée par les livres ... en voilà un qui nous conforte dans notre addiction :)
@bladelor: merci encore pour cette très belle découverte :-D
@anjelica: je me suis laissée embarquée dans la quête du narrateur avec un total abandon!
@joelle: hé oui!!! Parfois ce roman a des côtés effrayants ;-)
Il est difficile de résister quand on lit cette présentation. Je ne vais même pas le noter, je vais l'acheter. Et même le lire. Merci pour ce billet.
@georges f.: c'est Bladelor qui va être contente!!! Son livre voyageur donne envie de plonger dans l'histoire de cette maison de papier ;-) Je compte l'acheter aussi car cette histoire m'a vraiment enchantée!!
Bonne future lecture :-D
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