jeudi 28 mai 2009

La mort lente


Un jeune homme a décidé de quitter son village natal pour revêtir l'uniforme avant l'heure et partir affronter le désert et les chek-points. dans son sillage ses souvenirs et un ami.
Le rêve du combat, du jeu de guerre, devient rapidement une désillusion: la peur, l'étrange atmosphère d'une guerilla. Il a quitté un village de "morts-vivants" pour rencontrer des vivants qui lentement se meurent. Le narrateur fait la connaissance de Conti, un sergent, un soldat paradoxe vivant: ce dernier ne rêve pas de conquêtes victorieuses mais aspire à la gloire de la défaite; un sentiment mortifère qui complète la pulsion de mort du narrateur. La vie sous les drapeaux se passe sans possibilité de rempiler...notre narrateur regagne son village perdu, amputé de la présence de son ami, jeune victime offerte en sacrifice aux dieux de la guerre.
Les senteurs de la garrigue s'insinuent dans le récit, l'immobilité du chasseur en plein affût lorsque le soir tombe dans l'oliveraie, un fusil qui ne vise rien, la solitude d'un soldat que le néant des illusions perdues rend muet. Les fragances d'un été adolescent lui font regarder vers l'autrefois, le temps de l'innocence, de temps des douces et jeunes amours. Elle s'appelle Magali, ils sont assis au bord de la fontaine où chante un filet d'eau, fraîcheur des soirs après la plage. La ronde des baisers fait tourner la tête et le coeur, l'amour est éternel au rythme des vacances d'été. La vie ne déroule pas son fil comme on le souhaiterait: Magali suit le cours de ses études pour devenir une Diane chasseresse des temps modernes, celle qui flaire les têtes à débaucher pour garnir les entreprises qui louent ses services. Services également mortifères, services désenchantés d'un quotidien où l'esprit de camaraderie est de mise. Retrouvailles des corps, des sueurs, des rêves l'espace d'un instant, l'espace d'une trève, éphémère.
La mort d'un soldat qui se voulait guerrier et, en tant que guerrier ne pas partir seul au Walhalla....le destrier n'a pas de sabot, seulement une truffe humide, quatre pattes, une touffe de poils soyeux et un regard rempli d'amour pour celui qui le ramassa au bord du chemin.
La musique de ce roman dense, en images et en reminiscences d'un certain 11 septembre 2001 qui changea la donne sur l'échiquier géo-politique du monde, est d'une noirceur parfois glaçante, souvent désespérée et toujours dérangeante: elle accompagne la marche d'un monde que Dieu semble avoir déserté, lassé des excès des hommes. Les repères ne sont plus ceux qui jalonnaient les générations précédentes, le manichéisme de façade cache des blessures et des interrogations existentielles: l'homme est-il à l'origine du mal qui ronge le monde? Ou est-ce une interprétation religieuse?
Le mode du "Tu" interpelle le lecteur qui se laisse aller dans le sillage du narrateur ou qui choisit de rester en retrait, observateur d'un mal-être provoquant son malaise face à une intériorité d'une grande désespérance. Ce "Tu" participe à la noirceur du récit et génère une angoisse en filigrane....l'aliénation d'un quotidien frisant parfois le non-sens.
Le parti pris de l'auteur, passant d'un souvenir à l'autre sans transition dans la relation, m'a beaucoup déroutée, retardant mon entrée dans l'histoire de ce jeune homme étouffant sous le poids des illusions perdues. Cependant, la force de la narration est telle que l'on ne peut qu'aller jusqu'au bout de cette histoire, celle de jeunes gens perdus dans un monde qui s'emballe, celle d'un monde qui perd de plus en plus ses racines mais aussi son avenir. Une histoire qui interpelle et offre un autre regard sur le notre monde qui souvent ne tourne plus rond! Une histoire sombre, très sombre et extrêmement touchante.








5 commentaires:

sylire a dit…

Il est vrai que l'on a un peu de mal à rentrer dans l'histoire. C'est une des raisons qui m'ont poussée à le lire 2 fois. La deuxième fois, je savais où on allait, j'ai donc pu me concentrer sur l'essentiel.

Mr Kiki a dit…

Bonjour Madame Katell,
J'ai lu chez Madame YueYin que vous étiez jalouse de son zani-mot, alors j'en ai fait un rien que pour vous. Il vous attend au Kikimundo. J'espère qu'il vous plaira.
A bientôt.

Florinette a dit…

J'en ai pris note, mais pour plus tard...Bon week-end Katell ! :-)

Flo a dit…

Ce roman semble très fort et touchant. Je le note pour plus tard !

Léthée a dit…

Bravo pour cet excellent commentaire ! Avais-tu lu mon billet ? J'aimerais avoir ton avis. Il y a un lien sur la première page de mon blog puisque j'y fais un rappel grâce au prix Landerneau (quel bonheur que ce soit Jérôme Ferrari qui l'obtienne !).
A bientôt