Je guettais avec impatience sa sortie en poche pour me l'offrir et cerise sur le gâteau, le Blogoclub avait choisi comme lecture de Novembre, un autre roman de Paul Auster "Brooklyn Follies" que j'avais déjà lu. Comme "Dans le scriptorium" me tendait les bras depuis son achat, le choix ne fut guère difficile entre une relecture et la découverte du roman tant attendu!
Un vieil homme, Mr Blank, est dans une chambre, il est observé à son insu et on ne sait pas s'il est retenu contre son gré, simple patient ou pensionnaire d'une maison de retraite. On suppose qu'il perd la mémoire puisqu'il y a des petits papiers collés sur les différents meubles et objets de la chambre. Un texte est proposé à sa lecture sur son bureau, un calepin est à portée de sa main afin qu'il puisse y inscrire les noms qui lui reviennent. Que représentent-ils d'ailleurs ces noms: des personnes de son entourage proche, de sa famille, des collègues? Au fil du récit apparaissent des personnages, Anna l'infirmière (?), Patrick Flood l'ancien inspecteur, le médecin, Sophie une autre infirmière, apportent réconfort ou angoisse à Mr Blank qui se demande sans cesse, lorsqu'il s'en souvient, où se trouve la placard dont ils parlent et comment s'ouvre la porte de sa chambre. Est-elle fermée à clef, ouverte? On ne le sait pas. Je n'irai pas plus loin dans ma tentative de résumé du roman car je serai alors amenée à parler plus qu'il ne le faudrait de l'intrigue, échaffaudage passionnant d'une mise en abîme qui déroute le lecteur.
Paul Auster construit son roman comme une pièce de théâtre classique: unité de lieu (la chambre de Blank), unité de temps (une journée) et unité d'action (il n'y a pas d'intrigue secondaire: Blank est face à son texte et à ses interlocuteurs et doit démêler l'écheveau des questions). Il respecte ces trois unités essentielles du théâtre du 17è siècle et fait osciller le ton de son propos entre comédie et tragédie. En effet, l'humour pince sans rire est très présent et l'isolement de Blank cache une grande détresse. De plus, l'exigence de bienséance est menée avec brio de bout en bout: pas de scène heurtant la morale, pas de scènes de violence et les caractères des personnages sont cohérents tout au long du récit. Le lecteur perçoit le plaisir que l'auteur a éprouvé à écrire ce huis-clos, entre le conte édifiant et la farce...la chute est bien réussie et les indices parsemés avec une parcimonie bien étudiée. Auster joue avec son lecteur à un jeu de cache-cache doublé d'un jeu de piste: les indices sont épars et l'auteur parvient à maintenir l'illusion pendant une bonne partie du roman. Auster est au sommet de son art et manie la technique narrative avec un talent qui n'est plus à prouver.
Au-delà de l'aspect technique, Auster mène également une réflexion sur l'acte d'écriture, sur le rapport de l'écrivain avec ses personnages, la structure de son histoire, la solitude devant la page à écrire et son immersion dans le monde réel qui l'entoure: ainsi la politique, c'est à dire la vie de la cité et des hommes, ne peut être évincé de l'oeuvre littéraire. Auster effleure, avec subtilité grâce à sa construction en abîme, les racines d'une civilisation impériale, faisant apparaître les interrogations et les pistes pour que chacun puisse bâtir sa pensée. Cette chambre de Blank est une image de la machine angoissante où se créent les dérives inquiétantes de notre société moderne. Sans doute, le véritable travail (et objectif) de l'écrivain (ou de l'artiste) est-il de changer le regard de ses contemporains sur le monde dans lequel ils évoluent en changeant par quelques mots leur vision du cours de l'Histoire? La place de l'artiste dans la société est un débat passionnant doté de nouvelles perspective selon les époques: Auster est inscrit dans la société et en dresse un portrait sans concession.
"Dans le scriptorium" est un roman brillant, foisonnant où les interrogations s'emboîtent les unes dans les autres telles les Matriochkas !
Un vieil homme, Mr Blank, est dans une chambre, il est observé à son insu et on ne sait pas s'il est retenu contre son gré, simple patient ou pensionnaire d'une maison de retraite. On suppose qu'il perd la mémoire puisqu'il y a des petits papiers collés sur les différents meubles et objets de la chambre. Un texte est proposé à sa lecture sur son bureau, un calepin est à portée de sa main afin qu'il puisse y inscrire les noms qui lui reviennent. Que représentent-ils d'ailleurs ces noms: des personnes de son entourage proche, de sa famille, des collègues? Au fil du récit apparaissent des personnages, Anna l'infirmière (?), Patrick Flood l'ancien inspecteur, le médecin, Sophie une autre infirmière, apportent réconfort ou angoisse à Mr Blank qui se demande sans cesse, lorsqu'il s'en souvient, où se trouve la placard dont ils parlent et comment s'ouvre la porte de sa chambre. Est-elle fermée à clef, ouverte? On ne le sait pas. Je n'irai pas plus loin dans ma tentative de résumé du roman car je serai alors amenée à parler plus qu'il ne le faudrait de l'intrigue, échaffaudage passionnant d'une mise en abîme qui déroute le lecteur.
Paul Auster construit son roman comme une pièce de théâtre classique: unité de lieu (la chambre de Blank), unité de temps (une journée) et unité d'action (il n'y a pas d'intrigue secondaire: Blank est face à son texte et à ses interlocuteurs et doit démêler l'écheveau des questions). Il respecte ces trois unités essentielles du théâtre du 17è siècle et fait osciller le ton de son propos entre comédie et tragédie. En effet, l'humour pince sans rire est très présent et l'isolement de Blank cache une grande détresse. De plus, l'exigence de bienséance est menée avec brio de bout en bout: pas de scène heurtant la morale, pas de scènes de violence et les caractères des personnages sont cohérents tout au long du récit. Le lecteur perçoit le plaisir que l'auteur a éprouvé à écrire ce huis-clos, entre le conte édifiant et la farce...la chute est bien réussie et les indices parsemés avec une parcimonie bien étudiée. Auster joue avec son lecteur à un jeu de cache-cache doublé d'un jeu de piste: les indices sont épars et l'auteur parvient à maintenir l'illusion pendant une bonne partie du roman. Auster est au sommet de son art et manie la technique narrative avec un talent qui n'est plus à prouver.
Au-delà de l'aspect technique, Auster mène également une réflexion sur l'acte d'écriture, sur le rapport de l'écrivain avec ses personnages, la structure de son histoire, la solitude devant la page à écrire et son immersion dans le monde réel qui l'entoure: ainsi la politique, c'est à dire la vie de la cité et des hommes, ne peut être évincé de l'oeuvre littéraire. Auster effleure, avec subtilité grâce à sa construction en abîme, les racines d'une civilisation impériale, faisant apparaître les interrogations et les pistes pour que chacun puisse bâtir sa pensée. Cette chambre de Blank est une image de la machine angoissante où se créent les dérives inquiétantes de notre société moderne. Sans doute, le véritable travail (et objectif) de l'écrivain (ou de l'artiste) est-il de changer le regard de ses contemporains sur le monde dans lequel ils évoluent en changeant par quelques mots leur vision du cours de l'Histoire? La place de l'artiste dans la société est un débat passionnant doté de nouvelles perspective selon les époques: Auster est inscrit dans la société et en dresse un portrait sans concession.
"Dans le scriptorium" est un roman brillant, foisonnant où les interrogations s'emboîtent les unes dans les autres telles les Matriochkas !
Un véritable régal pour les lecteurs fidèles d'Auster et une belle découverte pour les néophytes.
Roman traduit de l'anglais (USA) par Christine Le Boeuf
22 commentaires:
Cela donne envie de le lire. Mais j'ai ouï dire qu'il vaut mieux avoir lu assez d'autres romans de Paul Auster avant d'aborder celui ci si on veut saisir toutes les références à ses ouvrages ?
Je pense bien le lire un jour celui-ci !
Tu me rappelles à quel point j'avais aimé ce roman et toutes les questions qu'il suggère au lecteur !
ooooooooh non lala...ouf ouf il me le faut...c sur!!!..;o)...
Je pars cette après-midi voir si je peux tous les trouver en seconde main! Je n'ai lu aucun mauvais commentaire sur cet auteur!!
Je suis comme Papillon : je me souviens en te lisant combien j'avais adoré ce roman. Lu trop vite ;) A relire, sans aucun doute... dès que j'ai fini le dernier PA "Man in the dark" qui est très politique, une tendance que semble prendre de plus en plus l'écrivain (d'un autre côté, vu les deux présidences Bush, on peut comprendre que cela soit une source d'inspiration et de questionnement ...).
J'ai trouvé ton article très intéressant et, si je lis le roman, je pense que je le relirai une fois de plus pour réfléchir à la construction et aux thématiques développées. Cela dit comme Keisha j'avais compris qu'il fallait lire les précédents pour arriver à celui-ci et, même si j'aime bien Paul Auster, je pense qu'il me faudra 10 ou 15 ans avant de lire toute son oeuvre, à moins d'être soudain prise d'une fièvre austerienne compulsive.
@keisha: il est vrai que les allusions aux précédents romans dispersés dans le récit ne sont évidentes que pour celui qui a lu une bonne partie de l'oeuvre de Paul Auster. Il en savoure que mieux ce roman. Il n'empêche que l'on peut apprécier sa prose en se lançant dans cette lecture...du moins est-ce mon avis ;-)
@antigone: et tu te régaleras :-)
@papillon: Ce roman est foisonnant et superbe!!! Un vrai bonheur de lire!Ravie d'avoir ravivé d'agréables souvenirs de lecture
:-)
@rachel: si tu aimes Auster...ouiiii il te le faut!!!!
@jules: Auster est une valeur sûre de la littérature contemporaine mondiale!!! J'espère que tu trouveras ton bonheur!!
@flo: tu l'as lu en anglais? Dire qu'il me faudra être patiente....mais le plaisir de lire n'en est que plus intense :-)
@lou: ce serait dommage d'attendre si longtemps pour le lire ;-) je n'ai pas tout lu de Paul Auster, seulement les incontournables...et j'ai goûté toutes les saveurs de son roman!
J'en garde encore un excellent souvenir !!
Bon dimanche Katell ! :-)
Je pense que je vais attendre d'avoir lu d'autres livres d'Auster avant de lire celui-ci... mais ce que tu en dis est très, très alléchant!! Et surtout très très intrigant!
J'ai grâce a ton avis, et à ma récente lecture, encore plus envie de connaître Paul Auster et de lire pour cela, toutes ses oeuvres...
Merci
Ouah quel billet et quelle analyse développée ! C'est un des rares Auster que je n'ai pas encore lu et que je ne devrais pas tarder à acheter. En tout cas, ton billet donne très envie de le lire !
Je préfère "avancer" encore un peu dans l'oeuvre de Paul Auster avant de me lancer dans la lecture de celui-ci, qui me semble plus compliquer.
je veux dire "compliqué".
Pour cette lecture du blogoclub, j'ai choisi "Léviathan", mais j'ai encore "Dans le scriptorium" dans ma PAL et c'est une bonne nouvelle, non ?
Je ne suis pas encore une fidèle de Paul Auster (un roman et demi de lu, cela ne suffit pas !) mais il y a de fortes chances que je le devienne :) Et je note ce titre dans ce but ! mdr !
J'ai beaucoup aimé ce livre. J'aime cet auteur.
Joli billet mais je ne sais pas si ce genre de roman est fait pour moi.
Par contre, j'ai beaucoup aimé la lecture de Brooklyn follies.
ayant parrècié broklin folies, je note celui-ci, le résumé me tente bien
tu me donnes envie de continuer à découvrir Paul Auster par la lecture de ce roman. :-)
Pour répondre à ta question (oui) mais la VF de "Man in the dark" sort en janvier en France :)
Sinon, oui on peut lire "Dans le scriptorium" sans avoir lu l'oeuvre d'Auster mais on rate l'essentiel des clins d'oeil. Perso je trouve ça dommage mais après c'est chacun qui voit. Pour moi, le côté jubilatoire du livre vient justement de la possibilité de voir les clins d'oeil. Lire tout Auster n'est pas nécessaire mais avec la trilogie, Anna Blume et Moon palace on a déjà de bonnes bases pour apprécier le scriptorium.
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