samedi 21 mars 2009

Gladiateurs


J'en connais qui vont ricaner à la lecture de ce billet! Quoi! Katell se lance dans la lecture de polar, pardon de thriller, sur le foot alors qu'elle peste chaque semaine lorsqu'il y a match (de D2 je précise) à Guingamp parce que la vie s'arrête à cause du ballon rond! On aura tout vu sur cette terre, c'est limite un rêve surréaliste! Et bien non! Je me suis lancée dans cette lecture, proposée par un service de presse, parce que la couverture et le titre m'ont intriguée et attirée. Voilà, je vois vos yeux s'arrondir d'étonnement incrédule, votre bouche s'ouvrir d'incompréhension puis s'étirer en un sourire limite sardonique.
Pour tout vous dire, j'ai baigné pendant ma jeunesse et mon adolescence dans le football: avec un père qui a pratiqué et qui est supporter invétéré de Rennes et un frère qui a tapé pas mal dans le ballon, forcément il est difficile d'y échapper. Je sais, ce n'est pas une excuse....d'autant que j'ai suivi avec ferveur l'épopée des Verts (Platini, Rocheteau, Curcovic et les autres....ah ce match de finale aller-retour en Coupe de l'UEFA qui a coûté le trophée aux Verts!!!), je me suis levée à 4h du matin pour voir en famille (sauf ma mère restée au lit...pas folle, elle!!!) les matches de la Coupe du Monde en Argentine, j'ai eu des suées terribles lors de la finale de Coupe d'Europe remportée par les Bleus en 1984 face à l'Espagne. J'avoue aussi avoir regardé la Coupe du Monde 1998 avec les yeux de Chimène pour les Bleus (depuis les chauves ne sont plus regardés de la même manière...d'ailleurs j'en ai épousé un!). Euh...je crois que je suis en train d'écrire un coming-out, non?
Mais revenons à nos moutons ou plus excatement à nos crampons.
"Tu ne marcheras jamais seul" est l'histoire terrible et sordide des gladiateurs modernes que sont devenus les joueurs de foot professionnels. D'ailleurs, la scène d'ouverture est saisissante de surréalisme (pour une LCA accro aux livres mais aussi à la culture): une immense star du foot français vient de mourir et ses cendres sont acheminées, sous les yeux émerveillés de la France, au Panthéon avec à la clé un discours larmoyant du Président de la République en exercice (un qui aime le clinquant et qui n'a pas lu La Princesse de Clèves). J'aurai pu fermer le roman à l'issue de cette scène grotesque et provocatrice en me disant que les auteurs ont fumé la moquette car il faut oser penser la venue des cendres du Capitaine (suivez mon regard vers ces yeux verts à tomber au sourire énigmatique) aux côtés de Jean Moulin! De qui se moque-t-on! Finalement, j'ai continué la lecture car je voulais savoir si le récit tombait de Charybde en Scylla.
L'argument du polar est qu'il y aurait quelque chose de pourri dans le monde du football professionnel: des joueurs sont assassinés sauvagement, leur tête réduite en bouillie comme si elle avait servi de ballon au tueur. Qui peut en vouloir à ce point aux joueurs? Est-ce l'oeuvre d'un déséquilibré? Une orchestration savamment dirigée? D'autant qu'un groupe d'investissement étranger, dirigé par un Russe, vient de racheter le Stade de France, épine financière dans le pied du gouvernement! Cette opération titille la curiosité d'un reporter, Alexis Santangelo, footballeur amateur, et celle plus technique d'une ex- juge de la brigade financière, Eve Delesterre, diligentée par son cabinet de renseignement économique que la FFF emploie pour vérifier la probité de l'acheteur. Alexis est d'autant plus soupçonneux que son meilleur ami, agent de joueurs, angoissé a demandé à le rencontrer à Londres....où Alexis le retrouve agonisant, portant la marque du tueur fou. A partir de là, tout s'accélère: entre Londres, Paris, St-Pétersbourg et Moscou, le lecteur va suivre les pérégrinations sanglantes de nos enquêteurs, louvoyant parmi le luxe, le stupre et la luxure, découvrant les sordides addictions des stars du ballon rond soignées dans une clinique londonienne pas vraiment catholique, se retrouvant en plein coeur d'une manipulation allant au-delà du sordide et dans un monde où tous les coups sont permis pourvu que cela rapporte des milliards!
Oui, quelque chose est pourri dans le royaume du ballon rond: les stades sont devenus autant de Colisées modernes, les équipes autant de gladiateurs prêts à tout pour survivre. Bien entendu, le chemin de nos héros croise celui d'une passionaria anti-corruption russe en lutte à mort contre la nomenclatura post-soviétique aux mains et à la botte de la mafia. Bien entendu les mafieux sont d'une cruauté inhumaine, digne des pires stalags ou goulags, la vie humaine est méprisée, la morale inexistante. Et bien entendu, le lecteur se trouve confronté à la mégalomanie terrifiante d'un homme, avide de pouvoir, qui utilise les technologies biologiques les plus modernes et un savant fou pour créer une armée de guerriers à crampons.
"Tu ne marcheras jamais seul" est un roman qui se lit certes bien, qui m'a fait passer, sans plus, un bon moment mais qui m'a cependant gênée: non seulement le monde de luxe et de dépravation dans lequel se roule avec délectation tout ce petit monde (même notre Alexis vit dans un luxe étonnant) est vraiment dérangeant mais encore le manque de moralité de la fin est, à mon avis, profondément immoral! Les héros quittent une soirée orchestrée par la passionaria où les travers dénoncés tout au long de l'enquête sont toujours en place sans que cela les émeuve outre mesure. Ce n'est pas un happy end que j'aurais souhaité voir mais j'aurais aimé moins de fatalisme....mais peut-être n'ai-je rien compris au film!
Le plus terrifiant et le plus dérangeant est de se dire que le trait est à peine forcé, que le monde du football professionnel est surtout celui des pires requins, est un opium pour faire oublier tout ce qui ne fonctionne pas dans la société, un immense Colisée où l'on distribue du pain et des jeux pour maintenir la cécité des foules. Car aujourd'hui, alors que les plus grands clubs sont côté en bourse, on peut être en droit de s'interroger sur les valeurs humaines et sportives véhiculées par le football professionnel.

NB: pour les profanes "Tu ne marcheras jamais seul" est une des phrases de l'hymne chanté par le supporters de Liverpool lors des rencontres..."You'll never walk alone" .

3 commentaires:

Nanne a dit…

C'est un livre qui frôle la réalité des grands clubs de foot avec des joueurs payés des ponts d'or et des dirigeants qui ne sont pas tous très honnêtes ! C'est plutôt proche de ce qui se fait dans les clubs anglais ou espagnols qui achètent les meilleurs joueurs pour la joie des supporters ... Où est le sport dans ce contexte ?! On peut se poser la question !!

Anonyme a dit…

Je suis complètement allergique au foot et au monde qui l'entour, alors ce n'est vraiment pas pour moi.

Katell a dit…

@nanne: je ne pense pas que les clubs français soient si éloignés que cela de cette triste réalité (ils ne sont pas cotés en bourse mais bon...).
Cette lecture fut déconcertante et bizarrement j'ai eu beaucoup de difficultés à écrire la totalité de mon ressenti. La construction est bien faite, le rythme excellent, les effets un peu outrés mais dans le cadre du thriller. J'ai ressenti une gêne tout au long du roman sans pouvoir y mettre les mots adéquats. D'ailleurs mon malaise se ressent sur la "note" qui est la consquence de mon malaise pas celle de la construction du récit!
@aifelle: je ne suis pas totalement allergique au foot mais l'atmosphère d'arène autour du foot me donne des nausées!
Avec ce roman les allergiques camperont fièrement sur leurs positions ;-)