lundi 4 janvier 2010

Albert Camus


Il y a cinquante ans, le 4 janvier  1960, une voiture et un arbre s'enlaçaient dans une mortelle étreinte pour le conducteur: les Parques en avaient décidé du destin d'un célèbre écrivain, il s'appelait Albert Camus.
Pour commémorer la mémoire de cet écrivain hors du commun, j'ai choisi de relire "L'étranger". En attendant de lire mon billet de demain, je vous propose un passage du roman qui m'a fait frémir comme lorsque j'étais lycéenne

"Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile: "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier.
L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et rentrerai demain soir. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content. je lui ai même dit: "Ce n'est pas ma faute." Il n'a pas répondu. J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J'ai pris l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit: "On n'a qu'une mère." Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.
J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c'est à cause de tout cela sans doute, ajoutés aux cahots, à l'odeur d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a demandé si je venais de loin. J'ai dit "oui" pour n'avoir plus à parler."
Ce passage est la scène d'ouverture du roman, où Meursault apparaît tel qu'il est...indifférent, prêt à prendre conscience de l'absurde... un incipit qui m'étreint toujours autant la gorge, après toutes ces années.

Merci à Denis pour cette journée d'hommage.

5 commentaires:

Marie a dit…

Je n'ai encore jamais lu L'étranger de Camus et j'ai l'impression qu'il faut que je remédie très vite à ça !
Pour l'instant, mes préférés de lui sont La peste et Caligula.
J'ai profité de l'initiative de Denis pour lire La chute...

bladelor a dit…

Très beau passage. C'est fou, L'étranger est le seul roman que j'ai lu de Camus (au lycée) mais je n'ai aucun souvenir de l'histoire, simplement que j'avais beaucoup aimé...

mammig a dit…

voilà un livre qui rappelle a bcp les années lycée, après ce roman j'ai enchainé la lecture de bcp de ses autres romans. ça ne m'avait pas fait le même effet à la découverte de Duras ;-)

sylire a dit…

J'ai choisi comme toi de relire l'étranger. Ce sera à l'occasion du défi classique de fin de mois.

denis a dit…

merci pour ce bel article sur Camus
un auteur essentiel qui n'a jamais eu d'éclipse littéraire
amitiés
Denis