Une jeune femme apprend que son frère est gravement malade et n'a plus que quelques mois à vivre. Elle est subjuguée par la propreté et la blancheur de la chambre où tout est net, à sa place et bien rangé. Pourquoi tant d'émerveillement face à la blancheur? Leur mère a sombré dans la démence suite à la perte progressive de la mémoire: la maison peu à peu fut envahie de nourritures avariées, de détritus et autre désordre.
Chaque jour, elle vient lui tenir compagnie, le faire manger, le regarder s'apaiser, dormir; chaque jour, elle ramasse les restes de pommes, de raisins, de repas et les met, méticuleusement, dans un sac et le dépose dans le local poubelle. Hantise des "corps organiques" qui se flétrissent et se détériorent dans les odeurs nauséabondes, souillures insupportables.
Elle regarde son frère devenir chaque jour plus transparent, diaphane et regarde le médecin qui le soigne avec les yeux d'une femme émue par la perfection de ses épaules de nageur, qu'elle imagine perlées d'eau. La mort et l'amour se côtoient inlassablement: le dernier aide à trouver la force de supporter la première et permet de tenir jusqu'au bout le rôle d'accompagnateur auprès des proches qui s'en vont. D'ailleurs, la scène au cours de laquelle la jeune femme demande au médecin de pouvoir se serrer contre son torse de nageur est d'une farouche beauté oscillant entre la sensualité et la froideur clinique d'un remède.
La chambre du malade apparaît comme le lieu de la pureté originelle, un cocon, une matrice où le frère et la soeur s'unissent dans une complicité fraternelle. C'est aussi un passage: celui de la vie vers la mort.
"La désagrégation du papillon" est la deuxième nouvelle du recueil. Une jeune fille est contrainte de confier sa grand-mère dans une maison de retraite médicalisée. La narratrice, élevée par sa grand-mère, se retrouve confrontée à l'absence et à la culpabilité: elle a l'impression d'avoir abandonné sa grand-mère, atteinte de démence sénile. Pourtant, le directeur de l'établissement a tout mis en oeuvre pour rassurer et rendre moins difficile la séparation.
La jeune fille se lance alors dans une introspection où le rapport à la normalité est interrogation. En effet, le point d'ancrage de la jeune fille était la présence de sa grand-mère. Une fois cette dernière partie, l'absence amène la perte des repères affectifs. La jeune fille ressent les premiers symptômes de la grossesse: réelle ou imaginaire? Toujours est-il qu'elle lui permet de se construire de nouveaux repères où la vie qui éclot est un élément permettant d'accepter l'effacement du visage de la grand-mère. L'atmosphère de cette nouvelle est particulièrement étrange: on navigue entre réalité et rêve, dans des ambiances dérangeantes et un peu angoissantes. La séparation est loin d'être paisible du fait d'un sentiment de culpabilité omniprésent de la part de la narratrice.
Ces deux nouvelles abordent le thème, douloureux, de l'accompagnement de la fin de vie et la perte de l'être aime, du proche, enfin elles soulignent la difficulté pour ceux qui restent de continuer à vivre avec le poids de l'absence.
Ogawa derrière son écriture lisse et presque anodine, présente au lecteur des récits percutants où la douleur suinte sous les mots du quotidien et les douces images du temps qui passe.
J'ai préféré "Une parfaite chambre de malade", récit plus serein, plus paisible et moins angoissant. Sans doute parce que "La désagrégation du papillon" renvoie à la situation des personnes âgées dans nos sociétés modernes où la solitude, médicalisée, semble être de mise et est vécue comme un abandon par la famille.
Chaque jour, elle vient lui tenir compagnie, le faire manger, le regarder s'apaiser, dormir; chaque jour, elle ramasse les restes de pommes, de raisins, de repas et les met, méticuleusement, dans un sac et le dépose dans le local poubelle. Hantise des "corps organiques" qui se flétrissent et se détériorent dans les odeurs nauséabondes, souillures insupportables.
Elle regarde son frère devenir chaque jour plus transparent, diaphane et regarde le médecin qui le soigne avec les yeux d'une femme émue par la perfection de ses épaules de nageur, qu'elle imagine perlées d'eau. La mort et l'amour se côtoient inlassablement: le dernier aide à trouver la force de supporter la première et permet de tenir jusqu'au bout le rôle d'accompagnateur auprès des proches qui s'en vont. D'ailleurs, la scène au cours de laquelle la jeune femme demande au médecin de pouvoir se serrer contre son torse de nageur est d'une farouche beauté oscillant entre la sensualité et la froideur clinique d'un remède.
La chambre du malade apparaît comme le lieu de la pureté originelle, un cocon, une matrice où le frère et la soeur s'unissent dans une complicité fraternelle. C'est aussi un passage: celui de la vie vers la mort.
"La désagrégation du papillon" est la deuxième nouvelle du recueil. Une jeune fille est contrainte de confier sa grand-mère dans une maison de retraite médicalisée. La narratrice, élevée par sa grand-mère, se retrouve confrontée à l'absence et à la culpabilité: elle a l'impression d'avoir abandonné sa grand-mère, atteinte de démence sénile. Pourtant, le directeur de l'établissement a tout mis en oeuvre pour rassurer et rendre moins difficile la séparation.
La jeune fille se lance alors dans une introspection où le rapport à la normalité est interrogation. En effet, le point d'ancrage de la jeune fille était la présence de sa grand-mère. Une fois cette dernière partie, l'absence amène la perte des repères affectifs. La jeune fille ressent les premiers symptômes de la grossesse: réelle ou imaginaire? Toujours est-il qu'elle lui permet de se construire de nouveaux repères où la vie qui éclot est un élément permettant d'accepter l'effacement du visage de la grand-mère. L'atmosphère de cette nouvelle est particulièrement étrange: on navigue entre réalité et rêve, dans des ambiances dérangeantes et un peu angoissantes. La séparation est loin d'être paisible du fait d'un sentiment de culpabilité omniprésent de la part de la narratrice.
Ces deux nouvelles abordent le thème, douloureux, de l'accompagnement de la fin de vie et la perte de l'être aime, du proche, enfin elles soulignent la difficulté pour ceux qui restent de continuer à vivre avec le poids de l'absence.
Ogawa derrière son écriture lisse et presque anodine, présente au lecteur des récits percutants où la douleur suinte sous les mots du quotidien et les douces images du temps qui passe.
J'ai préféré "Une parfaite chambre de malade", récit plus serein, plus paisible et moins angoissant. Sans doute parce que "La désagrégation du papillon" renvoie à la situation des personnes âgées dans nos sociétés modernes où la solitude, médicalisée, semble être de mise et est vécue comme un abandon par la famille.
Nouvelles traduites du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
13 commentaires:
Cela doit être très beau mais je n'ai pas très envie de cette tristesse....
Merci pour ce beau billet bien intéressant !
Noter, pas noter,j'hésite bcp. J'attendrai le poche,ça me laisse le temps de réfléchir ... ça me fait un peu peur !
@gambadou: il est certain que le récit ne respire pas le joie de vivre! Mais il est très beau ;-)
@malice: de rien. J'espère que tu auras l'occasion de lire ce recueil d'Ogawa.
@moustafette: Disons que le thème est tout sauf gai et facile. De plus, le style d'Ogawa peut heurter le lecteur qui n'y est pas habitué: les images sont parfois très spéciales mais ces nouvelles valent le coup d'être lues. On ne sait jamais, ta bibliothèque le possède peut-être ;-)
En ce moment, tu pourrais choisir des lectures un peu plus gaies....
carpounette
Je ne l'ai pas encore lu malgré mon intérêt pour Ogawa. Merci pour cette belle présentation. Ces thématiques sont effectivement récurrentes chez cet auteur même si j'apprécie tout particulièrement ses livres sombres comme "L'annulaire".
Ca fait un moment que je me dis qu'il va falloir que je me repenche sur les nouvelles d'Ogawa! Mais c'est vrai qu'il faut être assez en forme! On ne sort pas indemne de la lecture de ses oeuvres!
la déprime totale !! ces japonais sont si ambigus quoique la veillesse soit un thème éternel ! quant à Mme propre (excuse moi je n'ai pas pu m'empêcher) ca me déprime totalement..
je vais attendre d'avoir le moral au top pour le découvrir...
J'ai lu "l'annulaire" et j'ai eu bien dû mal à entrer dans l'univers de cette auteure. Ce n'était peut être pas le bon moment !!
Il faut définitivement que je découvre Ogawa!! C'est une auteure qui me tente énormément. Je crois que je commencerais plutôt par un roman, par contre!
@carpounette: je sais mais ce sont les hasards des emprunts ;-)
@lou: "L'annulaire" est le premier roman que j'ai lu d'Ogawa....le début d'une découverte d'un univers très particlier certes mais fascinant!
@chiffonnette: il est vrai que le moral doit être solide au moment de la découverte de son univers. Mais on s'y habitue très vite ;-)
@rennette: :-D Madame propre, excellent!!! C'est vrai que l'obsession de la proprété est maladive chez l'héroïne de "Une parfaite chambre de malade"!!
@flo: Ogawa a un style et un univers très particulier, on aime ou on n'aime pas, on accroche ou pas. Je te conseillerai plutôt "La formule préférée du professeur" beaucoup plus agréable à lire :-D
@karine: je te conseillerai "la formule préférée du professeur"!!!
Je vais le noter, même si en ce moment j'ai besoin de lecture plus gaie, ça doit venir de cette grisaille qui persiste !
J'aime vraiment beaucoup Ogawa, je ne connaissais pas ce recueil, je le note donc :-))
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