« Si Momoko n'ouvre son coeur qu'à sa chatte Lala, son père n'a d'yeux que pour la belle et pulpeuse Chinatsu, au grand dam de la jeune fille au pair: trois habitants d'une même maison dans le Japon d'après-guerre vivent dans un calme apparent, ignorants d'une vérité cachée qui les pousse inexorablement vers la tragédie... »
Ces premières lignes de la quatrième de couverture emportent d'emblée mon adhésion de lectrice de polars, de littérature japonaise et d'amoureuse des chats! Et je ne peux m'empêcher de d'écrire: mille mercis Moustafette pour avoir, une fois de plus, sut deviner mes terribles penchants!
L'atmosphère est celle des lointains souvenirs, est celle des clichés aux couleurs passées que l'on feuillette dans un album. Une grande maison, une petite fille, un champ de blé que l'on aimerait peindre inlassablement, une jeune fille artiste en devenir, un homme, jeune, beau, artiste et professeur d'université, subjugué par la culture américaine, une jeune femme, sculpturale et d'une beauté époustoufflante, une chatte blanche, aérienne et d'une douceur de velours; le lecteur sait que tout n'est que façade, que ce tableau sera terni par le malheur.
Hariu est engagée comme professeur particulier par Gôro, artiste et professeur d'université, pour tenir compagnie à sa petite fille Momoko. Cette dernière est réservée, secrète, solitaire depuis la disparition de sa mère. Son unique amie et confidente: Lala, une adorable chatte blanche, sociable, belle, qui la suit partout et passe son temps à jouer avec elle. Une complicité, une symbiose, qui parfois peut irriter le lecteur car un peu contre nature (mais pour un féru des félin, cela ne pose pas problème). En effet, la fusion entre la fillette et la chatte est telle que la première considère la seconde comme le substitut maternel et que la seconde câline et rassure, telle une mère, la première. Leur relation est observée par Hariu, oeil extérieur mais oeil désireux d'entrer dans ce cercle intime et rassurant. Momoko ne laisse rien transparaître de ses sentiments, des ses états d'âme sur son visage, lisse miroir pur. Les émotions se devinent derrière les mots, derrière les gestes, sous certains soupirs doucement exhalés.
Par une nuit d'orage, Hairu entend Momoko sangloter sa peur et la perte de sa mère. Hairu aurait pu ignorer les pleurs et rater cette infime ouverture du monde intime de Momokochan (j'aime cette particule affectueuse « diminutif » japonaise). Elle entre dans la chambre et va partager la tendresse maternelle de Lala et comprendre son importance dans la vie et le bonheur de Momoko. Plus rien ne sera pareil pour Hairu: elle partage les jeux et les promenades dans le champ de blé, tableau zen derrière la maison, elle découvrira l'existence d'un puits oublié, ombre muette égarée dans la blondeur champêtre.
La vie coule, douce, sous la couleur sépia des souvenirs. Mais, parce qu'il y a toujours un mais, l'harmonie fragile va se fendiller avant de sombrer le chaos. Chinatsu, sublime jeune femme, apparaît dans la vie de Gôro puis dans celle de Momoko et Hairu. Chinatsu qui fait tout pour plaire voire complaire à Momoko. Chinatsu qui offre à tout instant un visage lisse, transparent où les émotions les plus infimes sont ensevelies. Mais Momoko reste hermétique aux tentatives de rapprochement, aux efforts pathétiques car sonnant toujours faux de Chinatsu. Elle qui conquiert sans cesse les coeurs, se heurte à une muraille imprenable. Une silhouette blanche et délicate éloigne les désirs de Chinatsu: elle ne parvient pas à aimer Lala qui le lui rend bien par son indifférence d'abord puis sa violence ensuite (la scène du coup de griffe est d'une délicate beauté sauvage...à la japonaise). Dès lors, Lala devient un sérieux obstacle pour l'acceptation par Momoko de la présence définitive (un mariage est en projet) de Chinatsu: Momoko n'a-t-elle pas lancé à cette dernière que Lala était sa mère et donc qu'elle n'avait pas besoin d'une autre... Lala, écharpe de fourrure blanche qui danse dans les blés, telle un lutin facétieux.
Le lecteur s'interroge quant à l'approche du chaos pressenti depuis le début, une légère impatience le gagne, mais il se rappelle très vite que l'écriture japonaise aime l'attente, la montée en crescendo de l'angoisse et de la peur.
La saison change, c'est l'automne, son vent, son froid, ses feuilles qui s'envolent. Un après-midi, Lala est retrouvée inerte dans le bassin aux nénuphars, abandonné depuis la mort de Yuriko, la mère de Momoko. Hariu a vu Chinatsu noyer Lala mais choisit de se taire. C'est la consternation, les larmes inextinguibles de Momoko, la tristesse dans la maisonnée.
Gôro et Chinatsu arrêtent leur décision de mariage: c'est ce qui déclenche l'aveu de Hariu, une pointe douloureuse de jalousie dans le coeur, à Momoko qui voue alors une haine immense envers Chinatsu.
Le temps passe, l'automne s'en va et laisse sa place à l'hiver. L'hiver et ses flocons, sa neige ouatée et pure. Cette neige qui efface toute trace, même celles qui vont jusqu'au puits oublié, sous le regard incrédule et impuissant de Hairu. Un deuxième drame ébranle la maisonnée: Chinatsu s'est disloquée lors de sa chute dans le puits fatal, un bonhomme de neige inachevé veille et Hairu apprend que Yuriko n'était pas la mère biologique de Momoko...
Un roman noir d'autant plus oppressant que l'angoisse monte au fil du récit. Une question s'impose à l'issu de la lecture: doit-on tout cacher aux enfants, notamment ce qui les touche au plus profond d'eux-mêmes? Il est des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, mais il en est d'autres qu'il ne faut surtout pas céler sous peine de déclencher le pire des chaos.
Le rôle du chat dans tout cela? Une allégorie de la mort, de ce qui n'est plus, de la perte (de l'innocence, de l'enfance..)? La couleur du deuil, au Japon comme en Chine, est le blanc, Lala est blanche et ondule telle une étole endeuillée.... Le chat occupe une place importante dans l'imaginaire nippon: chaque maison japonaise possède son chat porte-bonheur ou Maneki Neko. Aussi, Lala, chatte blanche, ne peut-elle être porteuse de bonheur mais le grain de sable tragique. Lala, victime et clé inattendus de ce roman noir.
A lire si on aime et les romans à suspense et les chats!
Gôro et Chinatsu arrêtent leur décision de mariage: c'est ce qui déclenche l'aveu de Hariu, une pointe douloureuse de jalousie dans le coeur, à Momoko qui voue alors une haine immense envers Chinatsu.
Le temps passe, l'automne s'en va et laisse sa place à l'hiver. L'hiver et ses flocons, sa neige ouatée et pure. Cette neige qui efface toute trace, même celles qui vont jusqu'au puits oublié, sous le regard incrédule et impuissant de Hairu. Un deuxième drame ébranle la maisonnée: Chinatsu s'est disloquée lors de sa chute dans le puits fatal, un bonhomme de neige inachevé veille et Hairu apprend que Yuriko n'était pas la mère biologique de Momoko...
Un roman noir d'autant plus oppressant que l'angoisse monte au fil du récit. Une question s'impose à l'issu de la lecture: doit-on tout cacher aux enfants, notamment ce qui les touche au plus profond d'eux-mêmes? Il est des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, mais il en est d'autres qu'il ne faut surtout pas céler sous peine de déclencher le pire des chaos.
Le rôle du chat dans tout cela? Une allégorie de la mort, de ce qui n'est plus, de la perte (de l'innocence, de l'enfance..)? La couleur du deuil, au Japon comme en Chine, est le blanc, Lala est blanche et ondule telle une étole endeuillée.... Le chat occupe une place importante dans l'imaginaire nippon: chaque maison japonaise possède son chat porte-bonheur ou Maneki Neko. Aussi, Lala, chatte blanche, ne peut-elle être porteuse de bonheur mais le grain de sable tragique. Lala, victime et clé inattendus de ce roman noir.
A lire si on aime et les romans à suspense et les chats!
Roman traduit du japonais par Karine Chesneau
Un bonus ici
16 commentaires:
Je n'aime pas particulièrement les romans à suspense ne les chats mais tu m'as convaincue! J'avais déjà noté ce titre après un passage en librairie, il ne me reste plus quà remettre la main dessus!
@chiffonnette: ;-) tu m'en vois ravie.
J'aime les chats mais je ne sais pas si ce roman me plairait.
Je le note tout de suite, mais ça va me rendre triste, je le sens ! Et en plus il y a des secrets de famille... parfait!
Contente que tu aies aimé, tu en parle magnifiquement. Merci Katell
Très chouette blog qui me donnerait presque envie de me remettre à la lecture !
Ces petits chats sont devenus, hélas, les accessoires trop faciles des faux restaus jap...
Bien cordialement et bonne continuation.
j'aime les chats, les romans, le suspens et la littérature japonaise, ce serait quand même un comble si cela ne me plaisait pas... jolie lecture merci katell !
J'avais beaucoup aimé ce romn dont j'avais oublié le titre ! Merci d'en avoir si bien parlé !
Pas trop tentée, mais je voulais te dire combien ton texte m'a plu.
@moustafette: merci encore pour cette belle lecture :-D Je rougis sous tes compliments ;-)
@réfractaire à la lecture...: merci d'être passé ;-) Comme je vais rarement dans les restaus japonais je n'ai pas eu à subir la montée en puissance des petits chats en question ;-) J'espère vous avoir donné envie d'ouvrir à nouveau un livre :-)
@bellesahi: il y a une ambiance angoissante qui peut oppresser le lecteur. Tout dépend de ton état d'esprit au moment de la lecture
;-)
@yueyin: alors vite lance-toi dans cette histoire étonnante :-D
@cathulu: merci, je suis toute rouge :-)
@anne: c'est gentil tout plein ce que tu écris :-)
Alors il est préférable que j'évite. Le paquet devarit partir aujourd'hui aussi. Bonne journée !
Je ne sais pas si j'aimerais mais il est inscrit à mon challenge ABC 2008 spécial littérature asiatique.
Tu en parles fort bien en tout cas !
Je l'ai lu il y a quelques années et il m'avait mise particulièrement mal à l'aise...
Ton article me donne très envie, mais le dernier commentaire de Papillon me fait douter ! Je note pourtant, et la lecture viendra sans doute en son temps....
@bellesahi: super :_)
@flo: je ne peux que te souhaiter une bonne lecture. Merci pour le compliment ;-)
@papillon: je comprends qu'il puisse mettre mal à l'aise!
@gachucha: je le pense aussi ;-)
Je n'ai pas lu, mais ce qui est sûr, lorsque l'on voit cette couverture, c'est que tu n'avais aucune chance d'y résister. Tu étais obligée de le prendre puis de le lire. Un peu comme si tu tombais sur le bouquin que je lie à ma signature.(ce qui t'est peut-être déjà arrivé, d'ailleurs).
Nous sommes influençables!..
;-)
@sibylline: tu ne crois pas si bien dire ;-D
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