mercredi 8 août 2007

Voyage au long cours

Voici un roman suédois qui n'est pas policier et semble fort peu connu en France. Il ressemble à un road movie exotique et maritime: luxuriance et exubérance digne d'un Paasilinna au sommet de sa forme.
Un Jésuite en rupture de ban et trois singes embarquent clandestinement à bord d'une draisine et s'enfuient du Congo belge pour commencer une aventure extraordinaire qui les mènera au Brésil.
Tout commence sur un chantier ferroviaire au Congo belge: il y a les ouvriers Wallons, les ouvriers Flamands, les ouvriers indigènes, le prêtre jésuite et l'ingénieur Dittel, inventeur de la draisine. Le chantier doit s'interrompre à la saison des pluies. Un jour, trois singes s'approchent de la draisine, fascinés par la machine, et se mêlent aux ouvriers. Très vite, le Jésuite, féru de sciences et convaincu des théories évolutionistes de Darwin, s'intéresse aux singes qu'il trouve différents des chimpanzés et gorilles: Jacob, Paul et Mathilde paraissent avoir des traits plus humains que simiesques, se tiennent facilement debout, n'émettent pas de cris, semblent tout comprendre. S'agirait-il d'une preuve de l'existence du fameux « chaînon manquant »? Le jésuite pense aussi aux légendes des indigènes relatant des combats et les alliances entre hommes et singes.
L'arrivée de Turner, un colporteur, va précipiter les événements: il se rend compte que ces singes sont particuliers et très intéressants. Il leur montre des images de la catastrophe du Titanic, des images de trains à vapeur londoniens...en quelque sorte, il les invite au voyage.
Un soir, le jésuite, Henry Moulin (ou Henry Meulen), trouve Jean Dittel inanimé près de la draisine: il porte des traces de strangulation sur la gorge. Qui a perpétré un tel geste? Henry soupçonne Paul, un des singes, très attaché à la draisine. Henry décide de fuir avec ses trois protégés à bord de la draisine. La saison des pluies a commencé, les ouvriers du chantier attendent le jour pour regagner la ville à son bord. Le temps d'embarquer eau et vivres, voilà le prêtre, qui décide de se défroquer par la même occasion, et les singes en route pour de nouveaux horizons. Ces derniers pensent qu'Henry les emmène à Londres. En réalité, une tout autre idée a germé dans l'esprit du jésuite scientifique: il désire brûler les étapes de l'évolution en allant avec les singes s'installer hors d'Afrique, dans les territoires encore vierges d'Amérique du Sud. Henry est persuadé qu'il peut les faire évoluer vers la condition humaine. D'autant que Mathilde est enceinte...
C'est le début d'un long périple maritime qui les fera s'arrêter à Sainte-Hélène quelques semaines. Ils stationneront dans l'ancienne maison-prison de Napoléon avant de reprendre la mer pour les côtes brésiliennes. En chemin, la guerre ayant été déclarée, ils sont arraisonnés par un sousmarin allemand. Le commandant de bord remarque aussi la particularité des singes.
De fil en aiguille, ils accostent au Brésil et partent avec les émigrants venant de tous les horizons européens vers les terres vierges du pays. Henry rencontre un propriétaire terrien...suédois qui lui ouvre grand les portes de sa demeure. D'ailleurs, c'est chez lui que Mathilde met au monde son enfant, un garçon prénommé Bertrand. Bertrand qui est presque humain! Un détail, relançant le doute, l'espoir du « chaînon manquant » est distillé: Mathilde et Bertrand subissent de la part de Paul et Jacob le tabou de la naissance. En effet, les deux mâles adultes ne veulent avoir aucun contact avec la jeune mère et son bébé. Tabou que l'on retrouve dans les sociétés primitives.
Un jour, les quatre singes s'enfuient et le jésuite part à leur recherche. Il rencontrera une secte, les Jérémites. Elle semble abriter Bertrand, le plus humain des quatre: Bertrand deviendra-t-il un homme au sein de cette communauté religieuse archaïque?
Ce roman foisonnant, époustouflant, déroutant, luxuriant pose nombre de questions sans jamais y répondre et c'est ce qui en fait tout son intérêt et son sel.
Le lecteur y trouve tout ce qui fait un excellent roman: la tendresse, la folie, l'humanisme des héros et le picaresque des événements qui se succèdent à un rythme endiablé. Pas d'ennui, pas de lenteur même lors des « pauses » dans l'action: la draisine à voile (et à roues) voguant sur l'océan confère au récit la magesté hauturière d'une immense aventure maritime et humaine!
Ce livre, publié pour la première fois en 1982 en Suède (en 1986 en France), est un hymne aux thèses darwiniennes et les Créationistes n'ont qu'à bien se tenir!



Roman traduit du suédois par Philippe Bouquet


8 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout cela semble fort original !

Katell a dit…

@cathulu: pour être original, ce roman l'est! Il vaut le détour :-)

Anonyme a dit…

Tu me tentes!

Katell a dit…

@maijo: chouette ;-) c'est un roman vraiment intéressant et picaresque!

Anonyme a dit…

Après un tel commentaire, je ne peux que faire un peu plus de mal à ma LAL! Hop, voilà, il est noté!

Katell a dit…

@chiffonnette: ravie d'avoir tenté une lectrice potentielle supplémentaire pour ce superbe roman :-D

Anonyme a dit…

Je l'ai ajouté à ma LAL. Je suis certaine que j'aimerais ce roman! Merci pour cette belle critique d'un roman plutôt méconnu!

Katell a dit…

@allie: merci d'avoir noté ce roman que j'essaie de promouvoir au mieux ;-)