"Aujourd'hui encore, au sommet des monts d'Arrée, un vieux calvaire de granit domine un paysage de malédiction. Pour quelques anciens, il invite au recueillement et au souvenir. Trop de destins se sont croisés là, pour le pire, dans le chaos du printemps 1944..." (Quatrième de couverture)
Jaouen plante le décor d'une Bretagne occupée par le Reich où les indépendantistes jouent sur la méfiance voire la haine de certains envers la République Française, centralisatrice et castratrice de l'identité bretonne pour embarquer dans une aventure sanglante et désespérée de jeunes hommes, parfois incultes, sous la houlette de prêtres peu recommandables; et où les résistants, "pen du" (tête noire= têtu) peuvent prendre de catastrophiques initiatives.
1969, un homme sort de la prison de Quimper pour recouvrer une liberté perdue depuis 25 ans. Il a ruminé un quart de siècle une vengeance aux senteurs d'ajonc et de bruyère, au parfum de prairie et de champs labourés.
1944, la famille Kermarrec de Kermanac'h se déchire entre le frère aîné, Corentin, qui reste neutre, le cadet Blaise, qui rejoint les "Breiz atao" et le benjamin Mathias qui rallie la Résistance. Naïg, la seule fille de la famille, revenue, enceinte d'un soldat allemand, de Cahraix où elle servait un vieux couple juif, les Jacob, tailleurs de leur état, compte les points et essaie de se faire oublier en espérant le retour de son amoureux.
Les personnages qui gravitent autour de la famille Kermarrec sont hauts en couleurs: l'abbé Castric, recteur collaborateur et ayant ses entrées à la Gestapo, "breiz atao" de la première heure et dépositaire de moult secrets de ses ouailles; le colonel SS, emphatique admirateur de la culture celte, frisant le ridicule parfois, esthète et tortionnaire; l'employée des Postes, oeil de la Résistance, Suzanne, la trop belle et trop jeune épouse d'un ancien combattant de 14/18, maîtresse de l'envié Corentin Kermarrec, le couple Jacob qui accepte, usé par le temps et l'Histoire, son triste sort et qui a aimé Naïg comme sa propre fille, le proxénète parisien, rusé et fin connaisseur de la bassesse humaine pour savoir en jouer à la perfection.
Le lecteur est convié à la plongée au coeur de la mémoire d'un homme mais aussi d'une région: la vengeance est un plat qui se mange froid, certes, mais le Temps ne s'occupe-t-il pas, lui-même, de juger et punir pour les actes injustes et impardonnables? C'est la question à laquelle se retrouve confronté Corentin à sa sortie de prison, peu de temps avant 25ème anniversaire de la Libération et de la chute du IIIè Reich.
Hervé Jaouen aborde le sujet douloureux des égarements idéologiques du mouvement indépendantiste breton avec beaucoup de pudeur et de recul, loin de toute polémique. L'histoire de cette famille déchirée prend une force romanesque encore plus importante tout en demeurant dans le domaine de l'intime et du privé: les soubresauts de l'Histoire ont mis à mal beaucoup de familles et l'Occupant a su déstabiliser par des promesses mirifiques les mouvements qui revendiquaient une reconnaissance culturelle et linguistique souvent refusée....les frustrations percent et répandent leurs humeurs putrides dans les moments extrêmes, au coeur de l'agitation, faisant leur miel des haines et rancoeurs personnelles qui n'attendent que l'anonymat du chaos pour s'exprimer.
Hervé Jaouen situe l'action à Huelgoat et ses environs: le lecteur est emmené dans une belle histoire familiale, au souffle de la saga, où les jalousies, la rudesse émotionnelle (les Bretons sont plutôt du genre "taiseux" côté sentiments et marques de tendresse), la pénibilité du travail de la terre et les profits que l'on en tire sont entre les mains, justes et loyales, mais convoitées, de l'aîné, se disputent avec les petites et grandes bassesses d'un village où tout le monde s'épie, se jalouse et se connaît. Les rochers mystérieux et fascinants de la forêt de Huelgoat scandent merveilleusement bien le chaos intime et historique vécu par les personnages.
"Au-dessous du calvaire" est le premier roman d'Hervé Jaouen, auteur breton connu et reconnu pour son talent et son attachement à la terre bretonne, que je lis et je dois reconnaître que cette lecture m'a conquise. Le plaisir de lire fut le même de bout en bout: le passé et le présent se questionnent et se répondent au fil de la trame de l'enquête aux allures policières menée par Corentin, l'homme et le frère spolié de sa liberté en raison de la folie des hommes.
Jaouen plante le décor d'une Bretagne occupée par le Reich où les indépendantistes jouent sur la méfiance voire la haine de certains envers la République Française, centralisatrice et castratrice de l'identité bretonne pour embarquer dans une aventure sanglante et désespérée de jeunes hommes, parfois incultes, sous la houlette de prêtres peu recommandables; et où les résistants, "pen du" (tête noire= têtu) peuvent prendre de catastrophiques initiatives.
1969, un homme sort de la prison de Quimper pour recouvrer une liberté perdue depuis 25 ans. Il a ruminé un quart de siècle une vengeance aux senteurs d'ajonc et de bruyère, au parfum de prairie et de champs labourés.
1944, la famille Kermarrec de Kermanac'h se déchire entre le frère aîné, Corentin, qui reste neutre, le cadet Blaise, qui rejoint les "Breiz atao" et le benjamin Mathias qui rallie la Résistance. Naïg, la seule fille de la famille, revenue, enceinte d'un soldat allemand, de Cahraix où elle servait un vieux couple juif, les Jacob, tailleurs de leur état, compte les points et essaie de se faire oublier en espérant le retour de son amoureux.
Les personnages qui gravitent autour de la famille Kermarrec sont hauts en couleurs: l'abbé Castric, recteur collaborateur et ayant ses entrées à la Gestapo, "breiz atao" de la première heure et dépositaire de moult secrets de ses ouailles; le colonel SS, emphatique admirateur de la culture celte, frisant le ridicule parfois, esthète et tortionnaire; l'employée des Postes, oeil de la Résistance, Suzanne, la trop belle et trop jeune épouse d'un ancien combattant de 14/18, maîtresse de l'envié Corentin Kermarrec, le couple Jacob qui accepte, usé par le temps et l'Histoire, son triste sort et qui a aimé Naïg comme sa propre fille, le proxénète parisien, rusé et fin connaisseur de la bassesse humaine pour savoir en jouer à la perfection.
Le lecteur est convié à la plongée au coeur de la mémoire d'un homme mais aussi d'une région: la vengeance est un plat qui se mange froid, certes, mais le Temps ne s'occupe-t-il pas, lui-même, de juger et punir pour les actes injustes et impardonnables? C'est la question à laquelle se retrouve confronté Corentin à sa sortie de prison, peu de temps avant 25ème anniversaire de la Libération et de la chute du IIIè Reich.
Hervé Jaouen aborde le sujet douloureux des égarements idéologiques du mouvement indépendantiste breton avec beaucoup de pudeur et de recul, loin de toute polémique. L'histoire de cette famille déchirée prend une force romanesque encore plus importante tout en demeurant dans le domaine de l'intime et du privé: les soubresauts de l'Histoire ont mis à mal beaucoup de familles et l'Occupant a su déstabiliser par des promesses mirifiques les mouvements qui revendiquaient une reconnaissance culturelle et linguistique souvent refusée....les frustrations percent et répandent leurs humeurs putrides dans les moments extrêmes, au coeur de l'agitation, faisant leur miel des haines et rancoeurs personnelles qui n'attendent que l'anonymat du chaos pour s'exprimer.
Hervé Jaouen situe l'action à Huelgoat et ses environs: le lecteur est emmené dans une belle histoire familiale, au souffle de la saga, où les jalousies, la rudesse émotionnelle (les Bretons sont plutôt du genre "taiseux" côté sentiments et marques de tendresse), la pénibilité du travail de la terre et les profits que l'on en tire sont entre les mains, justes et loyales, mais convoitées, de l'aîné, se disputent avec les petites et grandes bassesses d'un village où tout le monde s'épie, se jalouse et se connaît. Les rochers mystérieux et fascinants de la forêt de Huelgoat scandent merveilleusement bien le chaos intime et historique vécu par les personnages.
"Au-dessous du calvaire" est le premier roman d'Hervé Jaouen, auteur breton connu et reconnu pour son talent et son attachement à la terre bretonne, que je lis et je dois reconnaître que cette lecture m'a conquise. Le plaisir de lire fut le même de bout en bout: le passé et le présent se questionnent et se répondent au fil de la trame de l'enquête aux allures policières menée par Corentin, l'homme et le frère spolié de sa liberté en raison de la folie des hommes.
Merci à Sylire de m'avoir prêté ce roman passionnant et Yvon pour sa connaissance pointue de la littérature bretonne contemporaine!
Pascal l'a lu aussi
4 commentaires:
Va-t-on voir une recrudescence des romans d'Hervé Jaouen sur les blogs bretons, tout ceci grâce à Yvon ? ;)
Je suis ravie que ce roman t'ait plu ! Je ne sais pas si c'est ton cas, mais j'avais très envie en refermant le livre, d'aller me promener du côté de St Herbot et Huelgoat (ce n'est pas très loin de chez moi.
Ta photo d'hier va bien avec le livre ! Des calvaires on en a partout par chez nous mais c'est vrai qu'il est rare de les voir côtoyer des éoliennes !
Oui les auteurs bretons sont à découvrir ! Je compte bien continuer à m'y plonger. Il n'y a qu'à faire son marché chez Yvon !
@joelle: on peut se poser la question ;-) Il faut dire que la blogosphère a un ambassadeur de choc pour la littérature bretonne en la personne d'Yvon!
@sylire: oh que oui, j'ai eu envie d'aller refaire un tour de ce côté-là!
En ce qui concerne la photo, je n'ai pas vu tout de suite que le calvaire se trouvait dans l'alignement des éoliennes...en visionnant les photos, j'ai trouvé que le hasard peut parfois être plein d'humour!
Merci à toutes les trois, et pardon pour le retard.
Bises.
Yvon
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