"(...) Un thé neuf pour chaque dimanche. Tu en pratiques les langueurs fruitées, les arômes subtils de bois, de fleurs, d'amandes. En toi, le temps s'infuse dans le chant du thé: cette prière, cette révolte de l'eau qui transmet aux feuilles éclatées la mémoire de leur vie dans le ciel flou, les pieds au plus profond de la terre.
Le maître dose ses paroles comme ses silences. il sait répondre quand il le faut, se taire quand les questions méritent la réponse dont la vie seule connaît la réponse. Derrière lui s'alignent une centaine de pièces de collection, les théières à mémoire, celles qu'on ne lave pas, laissant pour toujours l'empreinte unique d'une essence de thé à leur nuit de porcelaine. Entre deux lampées d'ambre clair, tu bois ses paroles, goûtes ses silences de cristal. Quatre-vingts ans vous séparent, vous lient. Il faut dix ans pour faire un arbre, cent ans pour faire un homme.
(...) Chaque dimanche, le Camellia Sin te réserve ce qu'il faut pour t'enseigner les rudiments du thé, ce délicieux prétexte à la conversation. Il t'apprend la mouvance des choses, te montre à ne pas te noyer dans la salade de fruits du marché de Cholon. Captifs, les dragons brouten les nuages."
(p 34 et 35)
in "La route des petits matins" de Gilles Jobidon
5 commentaires:
Très belle citation! Bon week end Katell!
La cinquième au fond, si tu la frottes, le génie sort...
;-)
C'est en lisant cet extrait que l'on comprend toute la subtilité de la préparation du thé ... Merci pour ce très beau morceau choisi, Katell et bon week end à toi !!
@mimienco: je ne pouvais absolument pas y résister :-)
@sibylline: plutôt le dragon des rêves, non? Je n'ai pas encore essayer mais j'y pense, histoire que le dragon réveillé ainsi avale l'eau du Trieux qui s'écoule tumultueusement en ce moment, flirtant avec l'inondation ;-o
@nanne: de rien Nanne, cet extrait m'a vraiment touchée et fait voyager avec ravissement.
@toutes: bon week-end....je prie pour qu'il n'y ait pas d'inondation!
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