Le récit éponyme du recueil, qui compte deux nouvelles, de Nosaka a inspiré le film "Le tombeau des lucioles" d'Isao Takahata. Nous sommes à Tokyo en 1945, Seita est prostré de faim sur un trottoir, il en est réduit à ne plus pouvoir se déplacer. Seita, 14 ans, se meurt dans ce Japon vaincu qui panse lentement ses horribles blessures. Peu à peu ses forces l'abandonne....Seita ferme doucement ses yeux pour l'éternité. Lorsque l'on découvre son corps, on jette une petite boîte qui s'ouvre et laisse échapper une myriade poussiéreuse rappelant un envol de lucioles.
Nosaka commence alors le récit de deux enfants livrés à eux-mêmes à la mort de leur mère. La fin de la guerre est proche, le dénuement de la population est total et le désarroi des orphelins intense. La guerre a pris l'avenir de ces jeunes enfants: leur père, officier de la Marine, est porté disparu, leur mère a succombé à ses blessures lors d'un raid de B29. Une tante les héberge quelques temps mais très vite, Seita comprend qu'ils sont de trop chez elle. Il y a des scènes très difficiles, notamment lorsque la tante spolie Seita et Setsuko de leur nourriture. Alors, Seita décide de quitter ce foyer inhospitalier pour se refugier dans une grotte, à l'écart de la ville. Ils vivent d'expédients divers, se partagent le peu que grapille Seita, la nuit. Setsuko, lentement dépérit, lentement s'étiole, serrant encore sa poupée contre son coeur et admirant le vol des lucioles, lumières papillonnantes dans le noir de la grotte. Ces lumières vivantes sont fragiles...si on les serre trop au creux de sa main, elles s'éteignent telles les allumettes de la petite marchande d'Andersen.
Les jours défilent, plus douloureux les uns que les autres: Setsuko n'est plus que l'ombre d'elle-même, usée par les assauts des parasites dans sa chevelure. Un jour, elle s'éteint, petite luciole pâle: la faim a eu raison de sa volonté. Seita, après lui avoir rendu les ultimes hommages, part à Tokyo tenter sa chance....mais il rend les armes quelques heures avant que le gouvernement japonais ne promulgue une loi en faveur des orphelins de guerre.
Une histoire poignante servie par une plume qui sait, très sobrement, en une seule phrase concentrer les odeurs, les couleurs et des dialogues. Nosaka suscite avec des mots percutant, parfois triviaux, des images d'une tendresse infinie entre un frère et une soeur qui errent entre les incendies et les ravages de la guerre, tenaillés par la faim, cette faim qui lentement tue. Les expressions et les mots d'argot transfigurent le texte et le rendent encore plus poignant: certaines images sont insoutenables et d'une immense charge émotive (les lucioles ensevelies par Setsuko, les rapines découvertes de Seita qui se fait tabasser (il n'y a pas d'autres mots) par des adultes, des adultes aveuglés par la faim, la peur et le désarroi, l'agonie de Seita sur le trottoir ou encore la manière dont on se débarasse de la pauvre dépouille. La guerre rend les hommes aveugles et sourds aux détresses d'autrui....surtout lorsque la débâcle balaie toutes les certitudes de puissance et de suprématie.
Nosaka commence alors le récit de deux enfants livrés à eux-mêmes à la mort de leur mère. La fin de la guerre est proche, le dénuement de la population est total et le désarroi des orphelins intense. La guerre a pris l'avenir de ces jeunes enfants: leur père, officier de la Marine, est porté disparu, leur mère a succombé à ses blessures lors d'un raid de B29. Une tante les héberge quelques temps mais très vite, Seita comprend qu'ils sont de trop chez elle. Il y a des scènes très difficiles, notamment lorsque la tante spolie Seita et Setsuko de leur nourriture. Alors, Seita décide de quitter ce foyer inhospitalier pour se refugier dans une grotte, à l'écart de la ville. Ils vivent d'expédients divers, se partagent le peu que grapille Seita, la nuit. Setsuko, lentement dépérit, lentement s'étiole, serrant encore sa poupée contre son coeur et admirant le vol des lucioles, lumières papillonnantes dans le noir de la grotte. Ces lumières vivantes sont fragiles...si on les serre trop au creux de sa main, elles s'éteignent telles les allumettes de la petite marchande d'Andersen.
Les jours défilent, plus douloureux les uns que les autres: Setsuko n'est plus que l'ombre d'elle-même, usée par les assauts des parasites dans sa chevelure. Un jour, elle s'éteint, petite luciole pâle: la faim a eu raison de sa volonté. Seita, après lui avoir rendu les ultimes hommages, part à Tokyo tenter sa chance....mais il rend les armes quelques heures avant que le gouvernement japonais ne promulgue une loi en faveur des orphelins de guerre.
Une histoire poignante servie par une plume qui sait, très sobrement, en une seule phrase concentrer les odeurs, les couleurs et des dialogues. Nosaka suscite avec des mots percutant, parfois triviaux, des images d'une tendresse infinie entre un frère et une soeur qui errent entre les incendies et les ravages de la guerre, tenaillés par la faim, cette faim qui lentement tue. Les expressions et les mots d'argot transfigurent le texte et le rendent encore plus poignant: certaines images sont insoutenables et d'une immense charge émotive (les lucioles ensevelies par Setsuko, les rapines découvertes de Seita qui se fait tabasser (il n'y a pas d'autres mots) par des adultes, des adultes aveuglés par la faim, la peur et le désarroi, l'agonie de Seita sur le trottoir ou encore la manière dont on se débarasse de la pauvre dépouille. La guerre rend les hommes aveugles et sourds aux détresses d'autrui....surtout lorsque la débâcle balaie toutes les certitudes de puissance et de suprématie.
"Les algues d'Amérique" est un récit en apparence plus léger: il y a de la dérision, du rire dans cette famille japonaise dont l'épouse admire l'Amérique. Cependant, très vite, le vernis de la rigolade se fissure pour montrer le traumatisme vécu par les jeunes japonais suite à la défaite de leur pays puis à son occupation par les forces américaines. Toshio est incapable de s'exprimer en anglais devant un Américain tout en étant fasciné par l'Amérique: les mots ne sortent pas. Aussi lorsque sa femme Kyokô lui annonce l'arrivée chez eux d'un couple d'Américains, les Higgins, rencontrés à Hawaï, c'est un peu la panique et c'est un regard tourné vers un passé qu'il aimerait oublier.
Le lecteur vit l'arrivée des troupes américaines au Japon, les GI's jetant tablettes de chocolat et de chewing-gum aux japonais affamés, leur installation dans le pays et leurs relations avec les jeunes filles et jeunes femmes japonaises qui se vendaient pour ne pas mourir de faim. Il suit Toshio récupérant un des colis parachutés, l'ouvrant et découvrant qu'il ne contient que des tablettes de chewing-gum (ça ne cale que provisoirement la faim) et une étrange denrée aux allures d'algues. On a beau la cuire, l'eau devient rougeâtre ou marron, mais cette algue demeure toujours aussi dure. Il s'avère que cette étrange chose est du thé, consommé d'une manière plus qu'exotique pour un Japonais!
Les souvenirs de Toshio amène le lecteur dans les salles de classe, pendant la guerre, où des cours d'auto-défense et d'anglais sont donnés....un moment où on ne peut s'empêcher de sourire: Toshio se rend compte, a posteriori de l'énorme différence de taille entre les japonais et les américains (qui sont en moyenne 20 cm plus grands!) et ironise en pensant que de ce fait le Japon ne pouvait être vainqueur! Le traumatisme fait surface d'une manière poignante et inattendue lors d'une séance de voyeurisme organisée dans une maison de plaisirs où un couple japonais célèbre pour ses exhibitions pornographiques (l'homme est connu pour avoir un sexe de belle taille) se produit. Seulement, l'homme est de la même génération que Toshio et devant Higgins, il ne parvient pas à assurer le spectacle!
"Tous ces souvenirs le submergeant comme s'ils dataient de la veille, il y avait de quoi vous rendre impuissant, mais ça, Higgins ne le comprendra jamais! Il n'y a que les Japonais de ma génération qui peuvent comprendre....Tous les autres, ceux qui savent discuter posément avec des Américains, ces types qui ne perdent pas la tête en se retrouvant au milieu d'eux une fois là-bas, ceux qui ne se mettent pas sur la défensive dès qu'il y en a un qui entre dans leur champ de vision, qui n'ont as honte de leur anglais, tous ceux qui peuvent les dénigrer, ou les porter aux nues....ceux-là ne peuvent pas comprendre l'Amérique de Kitchan, c'est à dire l'Amérique qui est en moi." (p 138)
Ce qui peut sembler être drôle n'est que triste ironie du sort! L'apothéose est atteinte lorsque Higgins prétexte un rendez-vous à l'ambasse américaine pour ne pas partager un plantureux repas avec Toshio et Kyokô qui se retrouvent seuls à manger....jusqu'à la nausée. Les algues d'Amérique sont bien difficile à avaler.
Nosaka peint le menu peuple, les faibles, les laissés pour compte, les insignifiants afin de mieux ironiser sur la bonne société japonaise. Il est le chantre de la culture des opprimés, des petites gens, des petites et grandes frustrations de la vie quotidienne. Pour cela, il utilise un langage familier, parfois vulgaire, des tournures argotiques ou des images un peu lestes (il est l'auteur de "Les Pornographes") pour magnifier les splendeurs et misères du menu peuple et tourner en dérision les élites.
Récits traduits du japonais par Patrick De Vos et Anne Gossot
13 commentaires:
Je n'ai pas lu le livre. Par contre, j'ai vu le film qui m'avait beaucoup émue.
Je n'ai pas lu le livre non plus. Je garde une profonde blessure due au film. Je l'avais regardé avec mes yeux de maman de jeunes enfants, et ce désespoir et cette noirceur m'avaient ébranlée.
Hou la, pas joyeux, tout ça ! Je note ... mais pour plus tard ! Je ne me sens pas vraiment de lire une histoire aussi triste en ce moment !
Que j'ai envie, j'ai le film (quelque part) et je ne le connais pas encore..mais le livre me semble très attirant malgré l'histoire ou justement par son traitement.
Pas pour l'instant mais je note quand même
@naina: le livre est vraiment très percutant...moi, je n'ai pas vu le film ;-)
@maijo: je comprends qu'en tant que mère le film, comme le texte, doivent être difficiles à vivre. Moi qui ne suis pas mère, j'ai été plus que que secouée!
@joelle: non, pas très...vaut mieux réserver cette lecture pour plus tard ;-)
@vanessa: je n'ai lu que le livre. Le film, je n'en ai vu que des extraits...bouleversants.
@cathulu: mieux vaut le lire quand on est vraiment bien, paradoxalement ;-)
J'ai vu le film avec des élèves il y a longtemps : on était tous en larmes à la fin de la séance... Je note ce titre, je ne savais pas que c'était adapté d'une nouvelle...
Il ya un certain temps que je me dis que je vais lire ces nouvelles! Mais j'avais tellement pleuré en regardant le film d'animation que j'hésite encore et toujours!
@fashion victime: le texte est superbe et d'une intense émotion!
@chiffonnette: je crois qu'il vaut mieux le lire quand on est bien...de toute façon, c'est tellement btragique que les larmes ne peuvent être contenues!
Et si je ne devais lire qu'un livre de littérature japonaise, lequel me conseillerais-tu?
à voir à lire , merci katell; par contre c'est vrai qu'en ce moment, chez toi, si on te suit, on a intérêt à préparer les mouchoirs...
@naniela: La pentalogie du "Poids des secrets" de Shimazaki, en attente de chronique, est idéal pour commencer une aventure littéraire japonaise. Sinon, il y Kawabata ou Sôseki ;-)
@sylvie: c'est vrai qu'en ce moment mes lectures ne pas très gaies...mais elles sont belle ;-)
Merci Katell!
Enregistrer un commentaire