Voilà un roman qu'il me tardait de lire: enfin, mon attente s'est achevée ces jours derniers.
Que dire de ce roman qui n'ait déjà été dit par celles et ceux qui n'avaient pas attendu sa sortie en édition de poche pour le dévorer à belles dents de livrovores, sinon qu'il est une mine de petits bonheurs au fil des pages.
"Myriam est un peu perdue, un peu fantaisiste et un peu rêveuse. Un beau jour, elle décide d'ouvrir son restaurant. A sa propre surprise, Chez moi devient vite le rendez-vous incontournable des habitants du quartier, le havre chaleureux où tout le monde se retrouve. Dans sa cantine, Myriam ouvre l'appétit et délie les esprits, avec l'instinct, la grâce et la sensualité des artistes aux fourneaux... " Telle est la mise en bouche offerte par l'éditeur.
Que dire de ce roman qui n'ait déjà été dit par celles et ceux qui n'avaient pas attendu sa sortie en édition de poche pour le dévorer à belles dents de livrovores, sinon qu'il est une mine de petits bonheurs au fil des pages.
"Myriam est un peu perdue, un peu fantaisiste et un peu rêveuse. Un beau jour, elle décide d'ouvrir son restaurant. A sa propre surprise, Chez moi devient vite le rendez-vous incontournable des habitants du quartier, le havre chaleureux où tout le monde se retrouve. Dans sa cantine, Myriam ouvre l'appétit et délie les esprits, avec l'instinct, la grâce et la sensualité des artistes aux fourneaux... " Telle est la mise en bouche offerte par l'éditeur.
Myriam décide de se lancer, sans formation hôtellière, sans diplôme, dans la restauration et d'ouvrir un petit restaurant "Chez moi". D'ailleurs, "Chez moi" est tellement discret qu'on ne l'identifie même pas de la rue comme étant un restaurant: pas d'enseigne ni de tableau annonçant la carte. "Chez moi" est aussi le chez soi de Myriam qui n'a pas assez d'argent pour vivre ailleurs que dans son restaurant: une banquette se transforme en lit la nuit, le bac à vaisselle de la cuisine en douche et en lavabo. Derrière l'amour de préparer à manger pour les autres, se cache une profonde blessure chez Myriam. Quelle est-elle? D'où vient-elle? La mise en oeuvre des petits plats amène la remontée des souvenirs, les meilleurs comme les plus sombres. Myriam a eu une vie autrefois, une vie de femme et de mère. Puis, un jour, tout s'est écroulé, tout s'est évaporé jusqu'à en devenir irréel, inexistant. Myriam atterri dans un cirque, le Santo Salto, où elle s'emploie à la cuisine telle une mère nourricière. La parenthèse enchantée hélas ne dure pas, le cirque est délogé, les artistes s'éparpillent sous les étoiles, reste Myriam et sa peine, Myriam et son envie de donner aux autres en égayant leur assiette.
Les étoiles en s'égayant n'abandonnent pas Myriam: les bonnes rencontres viennent sauver "Chez moi" du gouffre et le transformer en lieu rendez-vous matinal des gens du quartier qui viennent boire un café avant se de rendre au travail. Grâce à l'industrieux et discret Ben, "Chez moi" devient un restaurant reconnu et apprécié. Or, la blessure de Myriam est loin d'être guérie: le réalisme économique est de mise, il faut agrandir pour ne pas périr et cela fait peur, atrocement peur à Myriam....et si elle ne méritait vraiment pas de réussir? Et si le succès n'était pas fait pour elle? et si, et si...et si tout simplement, la peur de l'échec ne faisait-elle pas reculer Myriam et la pousser à abandonner le train en marche? D'ailleurs, ce train a-t-il encore besoin d'elle à ses commandes? Ben est un artiste de la cuisine et se révèle être un virtuose de la pâtisserie sans compter son sens aigu des affaires: il saura conduire la machine seul et continuer le voyage au pays des papilles. Il est temps de fermer sa valise, de quitter sur la pointe des pieds "Chez moi" pour partir vers un ailleurs "Toujours aussi dingue" mais résolument plus radieux une fois que les blessures cicatrisent.
Un roman amusant, délirant, dévoilant sous des apparences légères un filigrane sombre et douloureux. Les amoureux des bonnes et belles choses seront comblés: Agnès Desarthe régale son lecteur en l'étourdissant de senteurs, de saveurs, de couleurs et de textures plus affolantes et appétissantes les unes que les autres. Un art consommé de la description extraordinaire et de la mise en scène des gestes minutieux et chaleureux nécessaires à la réalisation d'un menu!
Agnès Desarthe sait trouver les mots justes pour faire vivre la vie d'une cuisine sur une page:
"Suis-je une menteuse? Non, car tout ce que je prétends savoir faire, je sais le faire. Je manie les spatules comme un jongleur ses massues; tel un contorsionniste j'actionne avec souplesse, et indépendamment, les différentes parties de mon corps: d'une main je lie une sauce tandis que, de l'autre, je sépare les blancs des jaunes et noue des aumônières." (p 9)
Elle parsème dans le plaisir de la lecture quelques assertions presque philosophiques sur la quintessence de l'art culinaire:
"Léquilibre est la clé et je ne crois pas que l'équilibre puisse naître de la préméditation. C'est une pensée dangereuse, mais si souvent mise à l'épreuve que je suis prête à prendre le pari. L'humain penche. Il ne le sait pas. Mais il penche. cela s'appelle une tendance, une inclination, une manie. Pour qu'un plat soit réussi, il faut que le rapport entre le tendre et le croquant, entre l'amer et le doux, entre le sucré et le piquant, entre l'humide et le sec existe et soit soumis à la tension de ces couples adverses. Personne n'est assez tolérant ni assez inventif pour respecter ls contraires, il convient donc de leur ouvrir la voie de la contrebande, de la clandestinité." (p 84)
Elle met en scène, en soignant l'atmosphère des décors, des moments clés de la préparation des plats:
"Je me redresse brusquement, écrase ma cigarette dans l'évier et me lave les mains jusqu'aux coudes. J'ai l'impression d'être un chirurgien au bloc, flanqué de son infirmière....En cuisine, comme en chirurgie, nous n'avons pas le droit au lapsus. Je dis sel et Ben répète le mot en me tendant l'objet. je dis beurre, il dit beurre. Je dis poivrons, il dit poivrons. Je dis six oeufs, il dit six oeufs. Il a compris sans que j'aie eu besoin de lui expliquer. il a constaté l'urgence dans ma voix, dans mes gestes. il anticipe, passe des coups d'éponge fréquents, envoie les épluchures au panier à mesure qu'elles s'accumulent, ouvre les feux, met le four à préchauffer. Nos bras se croisent, nos voix se chevauchent, il remet une de mes mèches en place, il sait combien cela m'agace d'avoir les cheveux dans es yeux quand je travaille. je glisse sur une épluchure de tomate, il me rattrape. Je lui tends les couteaux à rincer. il me fournit des cuillers, des spatules... Je lui montre comment fabriquer des dés de tomates, des lamelles de courgettes. Il dit "Ah, génial!" et m'imite. Ses talents en cuisine égalent ses talents en salle. Il esta droit, patient, minutieux, concentré et rapide. Il comprend la balance citron/sel, perçoit l'équilibre sucré/piquant. il a beaucoup d'instinct et, tandis que je lui transmets tout ce que je sais, j sens mon coeur s'alléger. Le poids de la connaissance me quitte, je ne pense à rien. Je gagne encore en rapidité. cela me fait sourire. C'est presque un numéro de cirque." (p 169 et 170)
Et ne lésine pas pour offrir des listes poétiques et colorées à l'imagination du lecteur subjugué par la peinture d'une malicieuse nature morte étalant les trésors d'une réussite en cuisine:
" Sous la fenêtre, il a pratiqué une ouverture et construit un garde-manger pourvu de clayettes en bambou. Des choux luxuriants, des poireaux goguenards, des bettes cambrées, des carottes terreuses, des patidoux à la peau d'ocelot, des potimarrons à bonnets de lutin, des sucrines en forme de calebasses, des navets ravissants...dans les seaux en bois, séparés du sol par des briques creuses, les haricots à oeil noir me regardent, les lentilles roses dorment, les soissons glissent, les pois chiches roulent." ( p 226 et 227)
Une lecture rendue jubilatoire par les multiples sensations et émotions secrétées tout au long de la narration fabuleuse de ce conte, parfois cruel, culinaire où l'héroïne ne pense qu'à crier au monde "aimez-moi". Une lecture truffée de références à "Alice au pays des merveilles" de Lewis Caroll (hummm la scène où Myriam vit la même aventure qu'Alice et son gâteau qui fait grandir ou rapetisser à volonté, est superbe).
Ils l'ont aussi dévoré: rennette majanissa Jules gambadou emjy valdebaz anne flo clarabel sylire Mme Patch florinette véro papillon elfique chiffonnette emeraude amy
Yueyin
31 commentaires:
Et bien je suis une des rares à ne pas avoir aimé plus que ça ce livre !
Non pas plus que ça !
Et moi je crois être l'une des seules à ne pas l'avoir lu... à ne pas même l'avoir vu en librairie, en fait! Je ne sais pas pourquoi, mais j'hésite quand même à m'y mettre, malgré toutes les critiques positives!
Au vu des extraits, j'hésite à me lancer dans cette lecture (alors que j'avais ce livre sur ma LAL). Je ne raffole pas de la cuisine et les descriptions d'aliments ou des moments de confection de plats m'attirent peu. J'ai bien peur de m'ennuyer un peu !
Oui, c'est un excellent souvenir de lecture pour moi, et le premier livre commenté sur mon blog !
Et j'aime bien cuisiner, tout autant manger d'ailleurs !
J'aime beaucoup la manière dont tu en parle et les extraits que tu as choisis!!
Comme à Bellesahi, ce livre ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. J'ai pris plaisir à le lire, mais je suis rapidement passée à autre chose.
Comme je l'ai écrit chez d'autres, j'ai adoré et dévoré, j'aimerais que ce resto existe et m'installé et dégusté.
Comme dit chiffonnette, j'aime beaucoup ton billet sur ce plat-heu-livre!
j'ai adoré ce livre, c'est un de mes coups de coeur 2007.
Je suis contente qu'il t'ait plu !
@Bellashi : non tu n'es pas la seule, au dernier club des théières, beaucoup ont dit ne pas avoir tant aimé...
ce que tu écris donne vien envie d'aller y jeter un coup d'oeil. Alors je le note pour un prochaine emprunt!
Ta critique est excellente, j'aime beaucoup les passages que tu as choisi...
Un roman savoureux et juste.
Je survole ton article car il est en attente de lecture...
ta critique exprime exactement ce que j'ai ressenti...ce livre m'a énormément plu et j'adorerais manger dans un tel restaurant!!!
J'ai adoré ce livre, je l'ai dévoré. Il est vrai que "Chez moi" est un restaurant qu'on a envie de découvrir... Ce livre m'a donné des idées quant à mon avenir...
Un très beau livre à déguster.
ça y est, je l'ai moi aussi (emrunté !)... bref plus qu'à le lire, depuis le temps que j'attends ça :-)
Une collègue me l'a recommandé également...mais je ne suis pas vraiment tentée...A voir
@bellesahi: ;-) les sensibilités sont multiples et variées et heureusement!
@karine: mais non, je suis certaine qu'il y a beaucoup d'autres lecteurs qui ne l'ont pas lu!
@joelle: pourtant, il est vraiment bien ce roman...à croquer ;-)
@sylire: je rejoins les enthousiastes de ce roman.
@chiffonnette: merci chiffonnette.
@maijo: c'est amusant, toi qui aimes tant cuisiner ;-)
@lamia: merci ;-) Le restau "Chez moi" m'a fait rêver et me fait encore rêver!
@emeraude: il fera partie de mes coups de ceour de l'année aussi!
@goelen: et je pense que tu ne regretteras pas.
@jules: merci jules :-)
@cathulu: je ne te le fais pas dire.
@moustafette: ;-) j'attends ton avis avec impatience.
@jumy: :-) Moi aussi j'aimerais trouver un restaurant tel que celui de Myriam.
@laurenceV: tu nous tiens au courant pour le changement de carrière! Mmmm je réserve d'emblée une table de deux couverts ;-)
@yueyin: ahhh quelle patience tu as eu! J'espère que tu vas apprécier le roman! Bonne lecture alors :-D
@flo: parfois l'engouement pour un roman peut être à double tranchant...trop de recommandations tuent l'envie d'y voir de plus près. Il y aura certainement une occasion à se présenter un jour ;-)
WAouh ça c'est du post !
Merci
Mama de Sirpriz
Ben zut, alors ! Moi, ce livre m'est tombé des mains...
@anonyme: merci :-)
@turquoise: tu n'es pas la seule a ne pas avoir accroché à ce roman
;-)
C'est bien qu'après en avoir tant entendu parler tu n'ais, quand même,pas été déçue!
@anne: j'avoue que j'avais cette crainte: ne pas apprécier plus que cela. Ouf, ce ne fut pas le cas.
je n'ai pas encore cédée aux sirènes de la tentation alors qu'il est dans mon challenge 2007 !
Ah oui ! j'en garde un excellent soouvenir ! Je suis devant une pauvre petite soupe de tomates... et ta critique me fait saliver !
@anjelica: c'est carrément de l'abnégation ou la crainte d'être déçue...au choix ;-)
@valdebaz: c'est sûr, lire et se souvenir de "Mongez moi" devant une pauvre soupe de tomates...c'est de la torture ;-)
Bonne journée val!
En fait, j'ai un peu de mal quand quelque chose fait un peu trop l'hunanimité ! C'est grave DR ?
@anjelica: :-D je ne le pense pas! Qu'est-ce que tu me fais rire en écrivant cela! Bonne journée à toi et merci pour ce petit mot pétillant d'humour!
J'ai dévoré ce livre ! J'ai beaucoup aimé cette histoire de femmme, pourtant il est vrai que cette lecture ne laissera peut-être pas autant de traces que cela dans ma mémoire !
Le l'ai dans ma bibliothèque. Il fait partie de mes futures lectures...
@antigone: je verrai cela dans quelques temps: gardé en mémoire ou perdu? Mais toujours est-il que la lecture de ce roman m'a enchantée!
@cyrielle: belle et bonne lecture au fil de ce restau pas comme les autres :-D
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