samedi 26 janvier 2008

Blé noir, beurre salé et marée!

Karine Fougeray est malouine, bretonne donc et diantre....cela scande délicieusement les nouvelles de son recueil "Elle fait les galettes, c'est toute sa vie"!
Comment en parler sans en déflorer la saveur et en faire un inventaire à la Prévert (avec ou sans raton laveur)?
Tout d'abord, le Breton ne pourra que reconnaître des proches ou lui-même en lisant ces nouvelles: les mauvaises blagues teintées d'ironie féroce faites aux "étrangers" (vous savez, ce sont tous d'affreux Parisiens!) au sujet des horaires de marée ou des coins de pêche à pieds, le parfum particulier de la cérémonie de la bilig sur laquelle des mains expertes étalent la pâte à krampouz (quand j'étais petite, le vendredi était le jour des galettes et des crèpes), les vacances en bord de mer qui peuvent tourner au cauchemar lorsque l'on perd de vue, le temps d'une sieste sur la plage, les enfants et que l'on constate que la marée commence à être bien haute, les doigts sauvagement pincés par les plus abominables des crustacés...les étrilles!
Karine Fougeray sait évoquer les émotions les plus cachées, les plus fortes: le sentiment de culpabilité d'être parti ailleurs, l'attachement à ses racines, à son "pays", la fascination exercée par la mer qui fait que parfois on quitte terre pour la rejoindre ou on s'en détourne, le ventre noué pour vivre une vie de famille.
Elle offre, aussi, au lecteur des nouvelles touchant à l'universalité de l'être humain: l'amour avec "Comment ne pas perdre la tête", nouvelle qui m'a émue au plus haut point. Une très belle histoire d'amour naissant autour d'un feu de la St-Jean et sombrant, en raison d'une chute sur le sentier des douaniers, dans la solitude de deux coeurs qui ne peuvent oublier. Madeleine, dite "Madelon", et Jean dont l'amour reste gravé sur du granit "Jean attend Madelon", exhumé de l'oubli par des jeunes en goguette sur la falaise. Puis la dureté de la vie qui ferme les coeurs avec "Les bonnes": trois soeurs, trois destins parallèles qui ne se rencontreront jamais. Les petites paysannes pauvres bretonnes se retrouvant dans les maisons bourgeoises, parfois elles réussissent, parfois elles sombrent, en silence et en serrant les dents.
Enfin, qui dit Bretagne dit pâtés sur la plage et stage de voile! On se régale avec "A la vase de chocolat" à la saveur étonnante de l'enfance, un été en bord de mer: on entend le ressac en bruit de fond et les petits bruits des pelles sur un monticule détrempé de sable iodé. Image éternellement magique malgré sa terrible banalité...mais chaque enfance est particulière même si les monticules de sable gorgé d'eau de mer se suivent et se ressemblent! On rit jaune en lisant "Stage de voile" ou comment un séjour vivifiant peut se transformer en douloureux désastre! La mer se montre parfois d'une cruauté sans nom avec ceux qui la déteste.
"Elle fait les galettes, c'est toute sa vie" est une bien jolie balade mêlant les senteurs iodées aux parfums particuliers des galettes de blé noir agrémentées de belles noisettes de beurre...salé bien sûr! Le sentier des douaniers recèle autant de chausse-trappes que de superbes vues et fait partie intégrante du cheminement de conteuse de Karine de Fougeray. Une très belle découverte....Merci Sylire de me l'avoir prêté!

19 commentaires:

Anonyme a dit…

Je note ! Mmmm, ça sent les crêpes !

Anonyme a dit…

J'ai bien aimé ce livre ! La grand-mère qui fait les crêpes...un ptit moment de bonheur !

Anonyme a dit…

Je n'ai pas trouvé dans ce recueil la Bretagne de mon enfance (il me semble qu'il s'agit plus ici de la Bretagne vue par les touristes), mais je garde de ce recueil un souvenir agréable.

Anonyme a dit…

Et son nouveau roman, Ker Violette, sort le mois prochain chez Delphine Montalant ...

Katell a dit…

@bladelor: surtout la deuxième nouvelle!
@bellesahi: cette nouvelle est une vraie réussite :-)
@sylire: ;-)...je suis née dans la partie non bretonnante des Côtes d'Armor et j'ai vraiment revécu, en lisant ce recueil, les sensations de mon enfance :-)
@laure: merci Laure pour cette info.

Anonyme a dit…

AhAh, on va encore se régamler donc ! Dommage que la couverture en poche soit si moche !

Katell a dit…

@cathulu: touristique la couvrture de la collection Poche? Si peu ;-)

Anonyme a dit…

Ca fait envie !

Anonyme a dit…

Je garde un très bon souvenir de lecture avec ce livre,particulièrement la nouvelle qui évoque le couple;)

Anonyme a dit…

Oui, je comprends Katell ! Moi je suis née dans la Bretagne profonde. La langue maternelle de ma mère était le breton. Il y avait plusieurs Bretagne à l'époque. C'est peut-être moins vrai aujourd'hui.

Katell a dit…

@moustafette: :-)
@mirontaine: c'est une de mes préférées!!!
@sylire: les différents "pays" bretons ont leur paysages particuliers. Les différences tendent à s'estomper aujourd'hui. ;-)

Anonyme a dit…

Miam, on en mangerait, après le savoureux livre café-café de Joëlle Tiano, je veux bien essayer les galettes !! ;-o)

Anonyme a dit…

très tentantes ces petites nouvelles

Anonyme a dit…

Bonsoir,
La couverture de la version poche n'est pas une réussite, c'est vrai. Je suis de l'avis de Sylire, c'est bien, mais il manque le petit quelque chose qui aurait donné de l'authenticité à ces nouvelles. Mais une lecture agréable.
Dommage.
A bientôt.
Yvon

Anonyme a dit…

La bretonne que je suis a tres envie de lire ce recueil... merci de me l'avoir fait connaitre !

Katell a dit…

@florinette: les galettes sont toujours appétissantes! J'ai passé un bon moment avec les nouvelles de Karine Fougeray.
@goelen: je confirme ;-)
@yvon: j'ai vu la couverture de la version brochée....il n'y a pas photo, elle est vraiment plus belle que celle de la version poche (très caricaturale en fait). J'ai revécu des émotions de petite fille en lisant ces nouvelles...mais je viens de la Bretagne patoisante et non bretonnante (ceci expliquerait-il cela?). Je vais guetter cependant la sortie de son prochain livre.
@gaelleinbgk: j'espère qu'il te tombera entre les mains. Ce serait intéressant de comparer les ressentis de lecture des lecteurs bretons ;-)

Anonyme a dit…

Bonsoir Katell,
Je ne pense pas que ce soit la notion de Bretagne bretonnante ou pas qui rentre en ligne de compte.
Je pense que c'est plutôt l'époque ; (dans mon cas) mes souvenirs datent d'entre les années 1950/1960, donc les voitures, la plaisance (à l'époque aller en mer pour le plaisir, c'était un coup à passer à l'eau!) un autre exemple, un plateau de fruits de mer, c'était pour nous inconcevable, on mangeait des crevettes, mais les grises pêchées du matin, un crabe parfois.
La nouvelle "Les bonnes" elle me parle, j'ai connu des amies de ma mère qui étaient dans certaines familles, souvent hors de la Bretagne. Les temps changent, il y a 16 ans entre ma naissance et celle de l'auteur, ceci expliquant cela.
Yvon

Katell a dit…

@yvon: j'ai bien compris ce que tu voulais dire ;-) Merci pour tout Yvon...j'aime beaucoup quand les échanges sont positifs et fructueux! Bises!

Joelle a dit…

Je l'avais noté chez Sylire malgré un léger bémol de sa part ! Et je pense que mon homme risque de s'y retrouver fort aussi, étant plus ou moins du même coin que l'auteure ... c'est vrai que ce n'est pas tout à fait la Bretagne profonde !