Deux jeunes ex-taulards, Perry et Dick, assassinent, une nuit, une famille bien paisible de Holcomb, Kansas.
Lorsque les enquêteurs arrivent sur place, le spectacle est des plus épouvantables, et rien ne semble indiquer pourquoi un tel massacre a-t-il eu lieu. La famille Clutter est respectable qui ne se connaît aucun ennemi. De plus, chacun sait que Mr Clutter ne garde jamais de grosses sommes d'argent chez lui.
La peur et la méfiance commencent à gagner cette bourgade où tout le monde se connaît: on verrouille les portes à la nuit tombée, on épie le moindre mouvement de l'autre...l'auteur du crime pourrait être un des habitants du comté. La police est sur les dents, le temps passe et aucune piste à suivre. Un maigre indice: une empreinte de botte qu'un cliché fait apparaître alors qu'à l'oeil nu elle était indécelable.
La force du roman et le brio de Truman Capote résident dans la manière de raconter cet horrible fait divers, sa réécriture romanesque qui tient le lecteur en haleine de bout en bout.
Truman Capote met remarquablement en place l'intensité dramatique du récit: il relate les derniers jours des victimes et dresse le portrait des membres de la famille. Famille américaine modèle: une grande famille influente dans le comté, Mr Clutter a des relations et un certain pouvoir moral sur ses concitoyens, il est connu pour son courage, sa pratique religieuse et son intégrité Mme Clutter est l'élément instable de la famille (elle subit une profonde dépression), les petits derniers, Keynon et Nancy, sont des collégiens modèles, participant aux oeuvres de charité, aux activités paroissiales, aux activités culturelles de leur établissement scolaire. Nancy est une amie, une fille et une petite amie parfaite, elle sait participer aux diverses tâches ménagères et est un vrai cordon bleu! Cela étant dit, le crime n'en devient que plus sordide, sauvage, incompréhensible et odieux.
Capote insère, de temps à autre, des instantanés où les meurtriers vaquent à leurs préparatifs, où le lecteur apprend par bribes des aspects de leur vie ce qui permet de se faire une idée de leur caractère, de leurs motivations et de leur vision du monde...une envie de posséder de l'argent pour vivre une vie idyllique au Mexique et s'y faire oublier. Mais c'est aussi une envie de posséder vite et sans effort « Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l'argent dans son porte-billets: un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert. ».
Perry et Dick donnent l'impression d'être des jeunes gens sans histoire mais au fil du récit, leur insensibilité devient de plus en plus frappante et déviante. Le Bien ne paraît plus peser dans la balance face au Mal qui ronge et développe une haine insidieuse vis à vis de la société qui les rejette. L'exécution de la famille Clutter a été orchestrée par leur folie meurtrière les faisant déraper et sombrer dans une violence inouïe. La compassion leur est inconnue, aussi vont-ils jusqu'au bout de leurs actes.
Leur équipée sauvage va les mener jusqu'au Mexique puis en Floride avant de les ramener au Kansas où les événements les précipiteront dans les rets de la justice.
Là encore, Perry et Dick demeurent un mystère pour la société: Dick est issu d'une famille pauvre mais intégrée socialement; Perry, malgré des déboires familiaux, passe pour un jeune homme calme et serviable. Comment une société peut-elle engendrer de tels monstres? Eternelle interrogation que se pose chaque société, chaque génération, sans jamais trouver une réponse satisfaisante. Certes, ils seront punis de mort pour leurs actes épouvantables mais cela laisse une sombre amertume.
Truman Capote n'écrit pas un roman manichéen, bien au contraire: il a écrit un sublime polar, noir à souhait, où les frontières sont si indistinctes, si brumeuses qu'elles peuvent être franchies sans qu'on y prenne garde. Il n'est pas dupe: la société américaine, sous des aspects lisses, religieux, bien-pensants, proprets et transparents, cache une noirceur, régal des auteurs de romans noirs. C'est ce qui fait la force de son roman policier....un de ses romans les plus aboutis et les plus brillants.
Par ailleurs, j'ai retrouvé avec un réel plaisir l'amour de la terre, du terroir, de Capote pour le Sud (ici, sous les traits des terres à blé du Kansas) inoubliable. L'attachement à des racines, à des traditions, à des paysages façonnant les hommes qui y vivent et y travaille la terre. La description du verger des Clutter est absolument magnifique et lorsqu'il est à l'abandon suite au massacre, le lecteur sent combien Capote est touché par cette désolation de la nature. On y retrouve, notamment, les accents d' « Un été indien ».
Une lecture qui m'a enthousiasmée, enchantée par son brio, sa maestria d'écriture dotant les personnages d'une épaisseur psychologique subtile et suffisamment complexe pour ne pas sombrer dans le manichéisme le plus méprisable. Les héros sont des anti héros, des paumés, des âmes, certes en détresse, sombres et parfois sans foi ni loi...or, si on ne les plaint pas, on ne peut totalement les détester. Une balade sanglante dans l'incompréhension du mécanisme régissant la nature humaine, écrite de main de maître!
Lorsque les enquêteurs arrivent sur place, le spectacle est des plus épouvantables, et rien ne semble indiquer pourquoi un tel massacre a-t-il eu lieu. La famille Clutter est respectable qui ne se connaît aucun ennemi. De plus, chacun sait que Mr Clutter ne garde jamais de grosses sommes d'argent chez lui.
La peur et la méfiance commencent à gagner cette bourgade où tout le monde se connaît: on verrouille les portes à la nuit tombée, on épie le moindre mouvement de l'autre...l'auteur du crime pourrait être un des habitants du comté. La police est sur les dents, le temps passe et aucune piste à suivre. Un maigre indice: une empreinte de botte qu'un cliché fait apparaître alors qu'à l'oeil nu elle était indécelable.
La force du roman et le brio de Truman Capote résident dans la manière de raconter cet horrible fait divers, sa réécriture romanesque qui tient le lecteur en haleine de bout en bout.
Truman Capote met remarquablement en place l'intensité dramatique du récit: il relate les derniers jours des victimes et dresse le portrait des membres de la famille. Famille américaine modèle: une grande famille influente dans le comté, Mr Clutter a des relations et un certain pouvoir moral sur ses concitoyens, il est connu pour son courage, sa pratique religieuse et son intégrité Mme Clutter est l'élément instable de la famille (elle subit une profonde dépression), les petits derniers, Keynon et Nancy, sont des collégiens modèles, participant aux oeuvres de charité, aux activités paroissiales, aux activités culturelles de leur établissement scolaire. Nancy est une amie, une fille et une petite amie parfaite, elle sait participer aux diverses tâches ménagères et est un vrai cordon bleu! Cela étant dit, le crime n'en devient que plus sordide, sauvage, incompréhensible et odieux.
Capote insère, de temps à autre, des instantanés où les meurtriers vaquent à leurs préparatifs, où le lecteur apprend par bribes des aspects de leur vie ce qui permet de se faire une idée de leur caractère, de leurs motivations et de leur vision du monde...une envie de posséder de l'argent pour vivre une vie idyllique au Mexique et s'y faire oublier. Mais c'est aussi une envie de posséder vite et sans effort « Ils attendaient un voyageur solitaire dans une voiture convenable et avec de l'argent dans son porte-billets: un étranger à voler, étrangler et abandonner dans le désert. ».
Perry et Dick donnent l'impression d'être des jeunes gens sans histoire mais au fil du récit, leur insensibilité devient de plus en plus frappante et déviante. Le Bien ne paraît plus peser dans la balance face au Mal qui ronge et développe une haine insidieuse vis à vis de la société qui les rejette. L'exécution de la famille Clutter a été orchestrée par leur folie meurtrière les faisant déraper et sombrer dans une violence inouïe. La compassion leur est inconnue, aussi vont-ils jusqu'au bout de leurs actes.
Leur équipée sauvage va les mener jusqu'au Mexique puis en Floride avant de les ramener au Kansas où les événements les précipiteront dans les rets de la justice.
Là encore, Perry et Dick demeurent un mystère pour la société: Dick est issu d'une famille pauvre mais intégrée socialement; Perry, malgré des déboires familiaux, passe pour un jeune homme calme et serviable. Comment une société peut-elle engendrer de tels monstres? Eternelle interrogation que se pose chaque société, chaque génération, sans jamais trouver une réponse satisfaisante. Certes, ils seront punis de mort pour leurs actes épouvantables mais cela laisse une sombre amertume.
Truman Capote n'écrit pas un roman manichéen, bien au contraire: il a écrit un sublime polar, noir à souhait, où les frontières sont si indistinctes, si brumeuses qu'elles peuvent être franchies sans qu'on y prenne garde. Il n'est pas dupe: la société américaine, sous des aspects lisses, religieux, bien-pensants, proprets et transparents, cache une noirceur, régal des auteurs de romans noirs. C'est ce qui fait la force de son roman policier....un de ses romans les plus aboutis et les plus brillants.
Par ailleurs, j'ai retrouvé avec un réel plaisir l'amour de la terre, du terroir, de Capote pour le Sud (ici, sous les traits des terres à blé du Kansas) inoubliable. L'attachement à des racines, à des traditions, à des paysages façonnant les hommes qui y vivent et y travaille la terre. La description du verger des Clutter est absolument magnifique et lorsqu'il est à l'abandon suite au massacre, le lecteur sent combien Capote est touché par cette désolation de la nature. On y retrouve, notamment, les accents d' « Un été indien ».
Une lecture qui m'a enthousiasmée, enchantée par son brio, sa maestria d'écriture dotant les personnages d'une épaisseur psychologique subtile et suffisamment complexe pour ne pas sombrer dans le manichéisme le plus méprisable. Les héros sont des anti héros, des paumés, des âmes, certes en détresse, sombres et parfois sans foi ni loi...or, si on ne les plaint pas, on ne peut totalement les détester. Une balade sanglante dans l'incompréhension du mécanisme régissant la nature humaine, écrite de main de maître!
Les avis de Lisa Louis sur son île déserte clarinette Le grimoire
Roman traduit de l'anglais (USA) par Raymond Girard
Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés
10 commentaires:
Je l'ai lu il y a si longtemps que de lire ton billet me donne envie de m'y replonger dedans comme si c'était la première fois !
je sopie sur Joëlle mais je n'ai pas le temps de le relire vu ma PAL! :)
Je l'ai lu il y a quelques mois, et je l'avais adoré. Je trouve toujours magistral de la part d'un écrivain d'arriver à nous captiver sur plusieurs centaines de pages alors que le crime et les coupables sont connus dès les premières pages.
Je passe mon tour ! Les polars ne me tentent pas !
J'ai moi aussi adoré ce livre (qui, en passant, a donné son nom à mon blog) parce que justement il tient plus du roman sociétal que du polar. Alors Bellesahi, tu peux y plonger sans appréhension ;o)
@joelle: je n'ose pas te dire cours-y vite car ta PAL doit être bien haute ;-)
@cathulu: hihihihi, je te comprends :-D
@lisa:Tu as entièrement raison! Il sait captiver alors que tout est connu dès le départ. Ce sont ses interrogations et la mise en crescendo du drame qui donnent tout son sel au récit!
@bellesahi: coucou du mercredi Belle ;-)
@incoldblog: il est plus sociétal que policier pur jus. Une vraie réussite!!!
Je suis tentée par ce roman, et je voulais également voir le film qui n'a jamais été l'affiche par chez moi ! :-(
Un livre lu et relu il y a longtemps, avant les blogs.
Un livre toujours gardé et conservé, au fil des déménagements et changements de bibliothèque.
Un souvenir très fort.
Ton billet et le film récent avec Philip Seymour Hoffman, donnent envie de s'y replonger.
deux films sont sortis récemment, celui avec Philip Seymour Hoffman, et un autre avec sandra bullock (dans le rôle de Nel Harper Lee).
Le 2è était moins bon, à mon goût.
Pour ma part, j'ai lu le livre à la suite du premier film. J'ai trouvé ça très intéressant la façon dont Truman Capote "sacrifie" 5 ans de sa vie pour un fait divers.
C'est vrai qu'il raconte ici avec brio ce "petit fait divers", vu dans un journal un peu par hasard.
Mais quand on connaît le personnage de l'écrivain (grâce au film), ça donne encore plus de frissons dans le dos, je trouve!
J'ai découvert Capote avec ce roman/essai qui m'a subjuguée, par son écriture, son questionnement sans juger.
Ensuite, j'ai vu le film Capote et j'ai vriament été déçue.
Bellesahi: ce livre n'est pas un polar, c'est plutôt une enquête, un besoin de comprendre pourquoi des gens peuvent tuer, gratuitement ou presque.
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