"Tueur d'Aborigènes":
C'est une histoire à trois voix: celles du tueur en série et des deux policiers Aborigènes Lisa et Gary.
A ces trois récits répond l'enquête menée par les policiers de la cellule « Abo » sur les meurtres commis à l'encontre de femmes Aborigènes.
Gary forme un couple mixte avec son épouse: il est bien inséré dans la société australienne blanche, il a été bien éduqué et est cultivé. Le modèle d'une certaine réussite sociale. Son récit est celui de son enfance, de ses rapports avec son père, se sa prédilection pour les sports. Il a pratiqué le cricket, la boxe, la natation. Au cricket, il est le meilleur élément de l'équipe mais lors d'une rencontre il réagit violemment aux insultes racistes répétées. Insultes qui sont mollement endiguées par l'entraîneur de l'équipe adverse: que ne faut-il pas accepter pour destabiliser le pilier d'une équipe et espérer remporter la victoire. Triste et vaine option morale. Finalement, Gary ne rejouera plus jamais au cricket, dégoûté et désabusé. Quand il se met à la boxe, c'est pour faire plaisir à son père afin que ce dernier le regarde et soit fier de lui. Mais là encore, les insultes racistes mesquines auront raison de lui. Le sport et les émotions exacerbées qu'il draine ne sont que choses vaines dépourvues de sens. Le racisme ordinaire sillonne sans relâche les gradins des stades.
Lisa est jeune et a épousé un homme de couleur. On sent d'emblée que le couple est en bout de course. Son récit est celui d'une déchirure: la séparation d'avec sa mère sauvagement organisée par le gouvernement. Elle n'avait que 5 ans et était arrachée au cocon familial sous prétexte d'offrir une éducation aux filles aborigènes. Elle va intégrer un pensionnat de jeunes filles où elle s'avère être une brillante élève (ce qui va à l'encontre de certaines idées reçues selon lesquelles les « natifs », les Aborigènes seraient génétiquement inaptes à apprendre, à être intelligents!). Peu à peu, une autre déchirure est évoquée: elle est physique et morale et prend l'apparence d'un professeur un peu trop entreprenant. En quelques mots, l'auteur parvient, avec finesse et délicatesse, à décrire, dans le non-dit, toute l'horreur de la perte de l'innocence. Et le lecteur ne peut s'empêcher d'être sidéré par la politique d'arrachement culturel opérée sur les enfants, notamment les filles, aborigènes. L'auteur ne développe pas le pourquoi de cette politique mais son lecteur décèle la dénionciation d'un système politique désirant éradiquer une partie essentielle de l'histoire australienne. Une assimilation destrucrice qui très rapidement atteint les limites de l'acceptable.
Peter Simpson, le tueur en série, voix croisée du troisième récit, est un abîmé de la vie, lui aussi. Au fil de ses interventions, on apprend les conditions de vie affective et humaine déplorables qu'il a eu. Violence paternelle, violences sexuelles subies et tues, alccolisme parental et j'en passe! Le maëlstrom affectif dans lequel il se débat, le conduit à la fascination de l'Autre, des Aborigènes, notamment des femmes. L'attirance aimantée vers la féminité exacerbée, aux yeux du mâle blanc, de la femme de couleur. L'amour violent pour un pays dont il est étranger, où c'est lui l'immigré malgré les apparences, mène au meurtre irrationnel. Au début du roman, le lecteur le déteste, et peu à peu, à mesure qu'apparaissent des pans cruciaux de sa vie, ne l'absout pas mais le comprend.
Entre ces trois récits, l'enquête des deux inspecteurs qui sont contraints de se battre contre les préjugés raciaux de leurs collègues. Ils sont confrontés aux diverses contingences matérielles, administratives et humaines qui ralentissent les investigations. Puis, lorsque le tueur commet un meurtre sur une jeune femme blanche, la machine s'emballe et l'auteur pointe, avec une ironie désabusée, le fait qu'une blanche assassinée mérite une enquête plus diligente et la mise en route d'une machine de guerre performante.
Ce polar, bien écrit, bien construit, m'a permis d'être confrontée avec un pays méconnu, malgré tout: l'Australie et ses contradictions, ses affrontements culturels, son histoire récente, ses rêves et ses espoirs. Un polar à découvrir avec à la clé un vrai plaisir de lecture.
Gary forme un couple mixte avec son épouse: il est bien inséré dans la société australienne blanche, il a été bien éduqué et est cultivé. Le modèle d'une certaine réussite sociale. Son récit est celui de son enfance, de ses rapports avec son père, se sa prédilection pour les sports. Il a pratiqué le cricket, la boxe, la natation. Au cricket, il est le meilleur élément de l'équipe mais lors d'une rencontre il réagit violemment aux insultes racistes répétées. Insultes qui sont mollement endiguées par l'entraîneur de l'équipe adverse: que ne faut-il pas accepter pour destabiliser le pilier d'une équipe et espérer remporter la victoire. Triste et vaine option morale. Finalement, Gary ne rejouera plus jamais au cricket, dégoûté et désabusé. Quand il se met à la boxe, c'est pour faire plaisir à son père afin que ce dernier le regarde et soit fier de lui. Mais là encore, les insultes racistes mesquines auront raison de lui. Le sport et les émotions exacerbées qu'il draine ne sont que choses vaines dépourvues de sens. Le racisme ordinaire sillonne sans relâche les gradins des stades.
Lisa est jeune et a épousé un homme de couleur. On sent d'emblée que le couple est en bout de course. Son récit est celui d'une déchirure: la séparation d'avec sa mère sauvagement organisée par le gouvernement. Elle n'avait que 5 ans et était arrachée au cocon familial sous prétexte d'offrir une éducation aux filles aborigènes. Elle va intégrer un pensionnat de jeunes filles où elle s'avère être une brillante élève (ce qui va à l'encontre de certaines idées reçues selon lesquelles les « natifs », les Aborigènes seraient génétiquement inaptes à apprendre, à être intelligents!). Peu à peu, une autre déchirure est évoquée: elle est physique et morale et prend l'apparence d'un professeur un peu trop entreprenant. En quelques mots, l'auteur parvient, avec finesse et délicatesse, à décrire, dans le non-dit, toute l'horreur de la perte de l'innocence. Et le lecteur ne peut s'empêcher d'être sidéré par la politique d'arrachement culturel opérée sur les enfants, notamment les filles, aborigènes. L'auteur ne développe pas le pourquoi de cette politique mais son lecteur décèle la dénionciation d'un système politique désirant éradiquer une partie essentielle de l'histoire australienne. Une assimilation destrucrice qui très rapidement atteint les limites de l'acceptable.
Peter Simpson, le tueur en série, voix croisée du troisième récit, est un abîmé de la vie, lui aussi. Au fil de ses interventions, on apprend les conditions de vie affective et humaine déplorables qu'il a eu. Violence paternelle, violences sexuelles subies et tues, alccolisme parental et j'en passe! Le maëlstrom affectif dans lequel il se débat, le conduit à la fascination de l'Autre, des Aborigènes, notamment des femmes. L'attirance aimantée vers la féminité exacerbée, aux yeux du mâle blanc, de la femme de couleur. L'amour violent pour un pays dont il est étranger, où c'est lui l'immigré malgré les apparences, mène au meurtre irrationnel. Au début du roman, le lecteur le déteste, et peu à peu, à mesure qu'apparaissent des pans cruciaux de sa vie, ne l'absout pas mais le comprend.
Entre ces trois récits, l'enquête des deux inspecteurs qui sont contraints de se battre contre les préjugés raciaux de leurs collègues. Ils sont confrontés aux diverses contingences matérielles, administratives et humaines qui ralentissent les investigations. Puis, lorsque le tueur commet un meurtre sur une jeune femme blanche, la machine s'emballe et l'auteur pointe, avec une ironie désabusée, le fait qu'une blanche assassinée mérite une enquête plus diligente et la mise en route d'une machine de guerre performante.
Ce polar, bien écrit, bien construit, m'a permis d'être confrontée avec un pays méconnu, malgré tout: l'Australie et ses contradictions, ses affrontements culturels, son histoire récente, ses rêves et ses espoirs. Un polar à découvrir avec à la clé un vrai plaisir de lecture.
Roman traduit de l'anglais (Australie) par François Thomazeau
6 commentaires:
Tiens ça me plairait bien ce polar ! Je viens de finir un roman australien (le post demain sur mon blog) et je m'étais régalée aussi bien avec "Cul de sac" de D. Kennedy qu'avec les polars d'Arthur Upfield.
Je passe ! Mais je te souhaite une bonne soirée et une bonne nuit ! Bises !
Je le note d'abord parce que j'aime bien les polars et ensuite c'est bien de se confronter à un monde où un pays que l'on ne connait pas.
Bonne semaine Chaperlipopette !
Dis donc,ça a l'air sombre de chez sombre. "L'homme chauve-souris" de Nesbo aborde aussi ce problème de l'Australie, mais d'une façon plus light.
@cathe: je suis en train de découvrir la littérature australienne. Je suis preneuse d'idées lectures! Je retiens celles que tu viens de me donner.
@bellesahi: bonne nuit et à très bientôt. bises bretonnes.
@anjelica: coucou et bonne semaine à toi aussi ;-)
@moustafette: l'ambiance n'est pas trsè gaie mais le réalisme est prenant. A découvrir cependant. je note le Nesbo ;-)
Comme je dois aler en Australie, pour la 2ème fois, en juillet et que ce pays me fascine, ce livre m'intéresse. Je note.
Si tu veux des idées d'auteurs australiens: il y a Chloe Hopper (un vrai crime pour livre d'enfants, roman que j'ai détesté, en fait je n'y ai rien compris!), mais aussi Richard Flanagan(Dispersés par le vent, tout sauf gai), Nikki Gemmell dont j'ai plusieurs bouquins mais ne le sai pas encore lus.
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