jeudi 20 décembre 2007

Entre conjugaison et lecture....la vie s'apprend


Quatrième de couverture:


" Il ne faut pas faire ce que je fais quand mon institutrice inscrit sur le tableau : racontez une soirée d'automne. Il ne faut pas écrire : La nuit qui tombe à cinq heures. Le bruit de la Cocotte-minute, le bruit du mixer, la chaise vide de ma sœur, la louche pour servir la soupe, le lait que mon demi-frère verse dans la soupe pour la refroidir, le silence autour de la table. Il ne faut pas écrire : Celle qui n'est pas ma mère assise en face de moi. Le début de fou rire qui nous envahit, mon demi-frère et moi, et notre détresse qui grandit en même temps que le jour diminue. Il ne faut pas confondre l'énoncé des rédactions avec de vraies questions. Je dois inventer un monde spécialement pour le raconter à mon institutrice. J'apprends qu'on ne peut pas tout dire. "


Brigitte Giraud livre ses souvenirs d'enfance, ses souvenirs d'écolière d'avant mai 68: les filles étaient séparées des garçons, elles portaient des pantis en dentelles qui dépassaient de leurs jupes courtes, des chaussettes blanches et hautes et de jolies chaussures à lanières ou des bottes aux pieds. Le corps professoral se déclinait au féminin avec ses grandeurs et ses petitesses, ses tendresses et ses cruautés. Les salles de classe étaient silencieuses et dociles...seuls les bourdonnements de la tondeuse ou de la circulation se faisaient entendre.
C'était le temps des rédactions, des leçons de grammaire et de conjugaison, des dictées, des lignes d'écriture et des anonnements collectifs. C'était le temps des premières machines à laver, des premiers robots ménagers délivrance des ménagères. C'était le temps des programmes uniques à la télévision, des premiers appartements au confort moderne, des HLM où tout le monde se connaît et discute, potine devant les boîtes aux lettres et où les caves ont une réputation sulfureuse. C'était le temps de l'insouciance de l'enfance et du début des émois amoureux. C'était la fin des années soixante, le début des années soixante-dix, âge d'or des lecteurs actuellement quadragénaires: le moral de la société était au beau fixe, l'emploi ne manquait pas, l'école ne sombrait pas et était auréolée de la gloire de la IIIè République, les fillettes allaient à la gymnastique ou à la danse, les garçons au foot ou à la piscine, les culottes courtes n'étaient pas ridicules et les bonbons avaient le goût du paradis.
Nadia appartient à ce monde, vit son enfance et sa scolarité dans l'intériorité, dans la solitude au sein de sa famille. Nadia, n'est pas née en France et n'est pas la fille de la femme de son père. Elle est née de l'autre côté de la Méditerranée et c'est le temps des "évènements d'Algérie" puis celui de la Guerre d'Algérie. Nadia est brune, Nadia est différente, Nadia entend des choses déplaisantes dans le brouhaha des conversations d'adultes: Patricia a subi d'étranges choses dans les caves, il y a des gens qui ont reçu des coups de matraques dans les rues.
Au fil des leçons de français, de mathématiques, de géographie, d'histoire, Nadia comprend l'hypocrisie du monde des adultes, comprend sa cruauté perverse et apprend qu'elle ne peut pas tout dire mais surtout qu'elle peut dire non, sans cri et sans haine, aux adultes, à la maîtresse qui aime humilier et exercer son pouvoir sur son souffre-douleur....Nadia apprend la honte de ne pas avoir la force de se lever et de dire stop à ces exactions et s'exerce à la résistance et la rébellion silencieuse.
Nadia a une soeur qui navigue entre la maison et une institution, Nadia a une petit frère turbulent et adorable mais Nadia n'a pas sa mère, elle n'a que "celle qui n'est pas ma mère". L'absente est une présence de chaque instant et un mystère douloureux.
Entre deux extraits de poèmes, récitations, bouts de leçons qui renvoie le lecteur sur les bancs de sa classe, Brigitte Giraud peint l'enfance qui se construit entre l'école et la famille et mûrit au fil des grappillages de l'Histoire et des adultes, une enfance un brin nostalgique mais avec une plume trempée dans l'encre de la réalité difficile d'une époque aux conflits larvés. Les chagrins d'école sont nombreux et douloureux malgré la douceur des conjugaisons, des règles de grammaire ou des poèmes.
Un roman qui décline tout ce qu'une enfant peut apprendre sur le fonctionnement du monde mais surtout un roman qui exprime la frustration d'une enfant qui ne connaît ses origines.


9 commentaires:

Anonyme a dit…

je l'ai acheté en poche il y a quelques temps: il m'attend sagement sur mes étagères.

Anonyme a dit…

L'extrait est superbe, et grâce à anne je sais qu'il existe en poche... je vais me précipiter dessus!!!

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup lire cet auteur que j'ai découverte il y a peu. Et j'ai lu ce livre : http://antigone.blog4ever.com/blog/lirarticle-52635-479382.html
Ce fut un grand plaisir que de suivre le quotidien de cette petite fille...
Je vois que tu as lu "le libraire", un de mes coups de coeur, j'attends ton article avec impatience !

Michel a dit…

Bonnes vacances ;-)

Lyvie a dit…

illet, je ne connais pas mais je note. j'avais _ ans en 70, ça doit coller côté nostalgie et souvenirs...

Anonyme a dit…

Ca m'a l'air d'être un joli livre!
je note merci! :o)

Anonyme a dit…

Je note aussi, ça semble très bien et c'est un sujet qui m'intéresse!!

BelleSahi a dit…

Je note aussi...en poche !

Katell a dit…

@anne: je te souhaite une belle lecture ;-)
@gambadou: alors, si tu croises le chemin de ce roman, lis-le!
@antigone: j'ai mis ton avis en lien (j'aime quand on peut confronter plusieurs sensibilités!). "Le libraire" m'a beaucoup plu ;-) Le commentaire sera en ligne à mon retour du Maroc.
@michel: merci :-)
@sylvie: je le pense aussi :-)
@choupynette: bonne future lecture!
@karine: je suis contente d'inciter à la découverte de ce roman :-D
@bellesahi: comme il existe en poche, cela freine moins! Bonne furure lecture isabelle!