lundi 10 décembre 2007

L'Amérique, l'Amérique..... de Hoover

quatrième de couverture:

" Edgar aimait le pouvoir mais il en détestait les aléas. Il aurait trouvé humiliant de devoir le remettre en jeu à intervalles réguliers devant des électeurs qui n'avaient pas le millième de sa capacité à raisonner. Et il n'admettait pas non plus que les hommes élus par ce troupeau sans éducation ni classe puissent menacer sa position qui devait être stable dans l'intérêt même du pays. Il était devenu à sa façon consul à vie. Il avait su créer le lien direct avec le Président qui le rendait incontournable. Aucun ministre de la Justice ne pourrait désormais se comporter à son endroit en supérieur hiérarchique direct. Il devenait l'unique mesure de la pertinence morale et politique. "
John Edgar Hoover, à la tête du FBI pendant près d'un demi-siècle, a imposé son ombre à tous les dirigeants américains. De 1924 à 1972, les plus grands personnages de L'histoire des Etats-Unis seront traqués jusque dans leur intimité par celui qui s'est érigé en garant de la morale. Ce roman les fait revivre à travers les dialogues, les comptes rendus d'écoute et les fiches de renseignement que dévoilent sans réserve des Mémoires attribués à Clyde Tolson, adjoint mais surtout amant d'Edgar. A croire que si tous sont morts aujourd'hui, aucun ne s'appartenait vraiment de son vivant.


Un exercice guère facile que celui de la biographie romancée, surtout lorsque le sujet est un personnage historique et politique controversé et inquiétant! Marc Dugain s'attaque donc au mythe d'Edgar Hoover, le chef du FIB pendant plusieurs décennies. Hoover, un homme qui fit trembler les hommes politiques américains et les stars, celui qui engendra le McCarthysme avec une effroyable poigne de fer, celui qui minimisa le rôle de la Mafia tant qu'il fut à la tête du FBI, c'est à dire jusqu'à sa mort.
Marc Dugain met en scène un éditeur de La Nouvelle Orléans rachetant, à bon prix, les mémoires d'un des proches d'Edgar Hoover, Clyde Tolson, à un éditeur New Yorkais, bien content de s'en débarasser. Grâce à ces vraies fausses mémoires de Tolson, Dugain plonge son lecteur dans un pan édifiant et sombre de l'histoire récente américaine. Edgar Hoover, le grand méchant loup des dessous de la politique, l'ogre Barbe Bleue qui peut signer l'arrêt de mort politique de celui qui ose se mettre en travers de son chemin, celui de la fidélité sans faille à son pays, celui de la haine viscérale du communisme, des déviances et des droits civiques pour les Noirs.
Tolson relate les cinquante ans de règne de Hoover sur la politique intérieure, voire extérieure, des Etats-Unis: la mise en place d'écoutes, illégales mais chevilles ouvrières d'un genre de chantage exercé sur les gouvernants et décideurs, toile tentaculaire au centre de laquelle trône Hoover, gonflé de sa puissance, puissance qui aime tout sauf la lumière! D'ailleurs, Hoover refusera un poste de ministre et déclinera l'invitation à se présenter aux élections présidentielles: pour vivre heureux de son pouvoir occulte, vivons cachés...devise qui sied à merveille à Edgar Hoover, lui qui jusqu'au bout cachera son homosexualité, sa déviance qu'il considère comme une tache, une impureté (la scène de sa rencontre avec le psychanalyste est excellente: à la fois risible et poignante!). Le lecteur en arriverait presque à éprouver de la compassion envers la souffrance latente de cet homme qui, parce qu'il est un homme issu d'une société rigoriste et puritaine, ne peut être totalement épanoui et libre.
Hoover est-il plus détestable que les hommes politiques qu'il côtoie et tient sous sa houlette? On peut se poser la question en lisant les frasques du clan Kennedy, les compromissions et autres perversions des uns et des autres. Ce qui le rend ignoble et écoeurant c'est son aversion viscérale pour les Noirs, les catholiques, les juifs et les communistes. A tel point que sa haine obscurcit un peu son jugement: pourquoi avoir nié jusqu'au bout la gangrène mafieuse pour uniquement se focaliser sur une menace communiste (l'antenne FBI de New York a compté jusqu'à 400 agents employés à prévenir une invasion communiste et à surveiller la population soupçonnée d'accointance communiste....et seulement une dizaine d'agents employés à chasser les membres de la Mafia!) ? Son entêtement me faisait penser à l'attitude de l'administration Bush vis à vis du terrorisme "irakien" suite au 11 Septembre 2001: matraquer l'opinion par des diatribes stressantes et provoquer ainsi un état d'urgence permanent dans les esprits. Et le lecteur frissonne en sachant comment cet homme de l'ombre avait réussi à manipuler la vie politique américaine. A tel point que l'on en arrive à se demander si la politique et la morale peuvent faire bon ménage...rien n'est moins sûr!
Une biographie romancée qui tient en haleine le lecteur par son rythme endiablé, ses révélations qui semblent véridiques en même temps qu'inventées de toute pièce. Un talent de l'intrigue et de l'enquête qui comble l'appétit du lecteur et lui procure un excellent moment de lecture!


Les avis de woland Anne Mois MEL Isabelle (l'arbre à palabres) Incoldblog

10 commentaires:

In Cold Blog a dit…

Effectivement, ça ne donne pas une image reluisante du monde politique, mais ne le savait-on pas déjà avant de lire cet excellent roman ? ;o)

Anonyme a dit…

Mmm j'ai toujours eu envie de le lire... Ca me donne envie.
Mais j'ai toujours cette question qui me reste quand je lis ce genre de bio romancée : est-ce que c'est vrai ? pour chaque anecdote....

Katell a dit…

@incoldblog: pour l'essentiel...on le savait déjà ;-) il n'empêche que ça fait toujours frissonner les âmes sensibles de mon acabit!
@eugenie: beaucoup de choses sont vraies mais de là à ce qu'elles soient toutes véridiques...c'est ce qui fait la force romanesque de ce type de biographie. Ce roman est à lire et à ne pas rater!

Anonyme a dit…

J'ai lu il y a très longtemps un livre sur les manipulations mentales utilisées par la CIA dans les années 50, j'en frissonne encore quand j'y repense car ça doit tjs être d'actualité malheureusement notamment à Guantanamo par exemple. Alors je le note,mais pour plus tard...

Anonyme a dit…

Hum; j'hésite je n'aime pas trop ne pas savoir si c'est réel ou pas !

Joelle a dit…

J'avais peur que ce soit un peu barbant mais là, tu me donnes envie de le lire !

Katell a dit…

@moustafette: d'ailleurs, il y a une allusion à cette expérience de la CIA dans le roman. Un roman à lire, vraiment...même plus tard ;-)
@cathulu: il se lit très bien et est très réussi! Je me répète, mais il est vraiment à lire ;-)
@joelle: alors dès que tu en as l'occasion...dévore-le :-D

Flo a dit…

Il est dans ma PAL et je ne comprends pas comment il n'est pas encore passé à la casserole ! :p Bon ce ne sera pas pour cette année car mon programme de lecture jusqu'au 31 décembre est plus que chargé mais je ne laisse pas passer 2008 sans le lire !!!

Katell a dit…

@flo: ce serait dommage de l'abandonner en bas d'une PAL ;-) Allez, j'attends ta critique pour 2008!

Anonyme a dit…

La cia à l'oeuvre
http://www.rfi/actufr/articles/096/article_60170.asp