Dès les premières lignes, les senteurs du Caire et sa magie assaillent le lecteur....surtout s'il a lu la trilogie de Naguib Mahfouz (« Impasse des deux palais », « Le palais des désirs » et « Le jardin du passé »)!
Mais ce qui est surprenant c'est le parti pris de l'auteur: le héros, Yossef Alfondari, est tout sauf sympathique. Il est absolument odieux et est un monstre d'égoïsme. Il n'est que paradoxe et de ce fait le lecteur éprouve d'énormes difficultés à le cerner: Yossef vit sans cesse décalé et est un être de contradictions. Il est juif et hait les arabes mais est féru de musique arabe et ne jure que par Le Caire.
Ron Barkaï entraîne son lecteur dans l'Egypte des années 20, nous fait vivre la création et la construction de l'état d'Israël. Il lui fait vivre ces premières années cruciales d'un Isarël sans concessions, les antagonismes entre les sionistes et les communistes pro-arabes.
Yossef, son héros détestable, est un juif séfarade méprisant les juifs ashkénazes qu'il considère comme détenteurs de privilèges. C'est un vrai fléau pour sa famille: il méprise son épouse, ses enfants, ses soeurs et sa mère....sans compter son frère mort pour Israël. Il n'aime que le pocker et la musique arabe, respecte plus ses amis que son entourage familial. Au fil des chapitres, le dégoût inspiré par ce personnage est tel que j'ai eu une furieuse envie de le gifler. Cependant, paradoxe encore, je me surprenais à éprouver un début de compassion à son égard: Yossef n'a pas eu la vie facile. Battu par son père, il s'enfuit du Caire pour rejoindre Alexandrie, où il vit dans la misère, avant d'émigrer vers le nouvel état d'Israël. Néanmoins, l'agacement puis l'antipathie reprennent vite le dessus: comment peut-on être aussi abject envers ses proches, avec ses enfants (il les torture, littéralement!), comment peut-on être aussi inculte, frustre, « affreux, bête et méchant »?
Les anti héros sont rares et dérangeants car le lecteur n'a pas du tout envie de s'y identifier une seule seconde, mais permettent de prendre conscience des contradictions et des paradoxes de l'être humain et du monde. Si Yossef Alfondari avait été un personnage positif ou trop lisse, Ron Barkaï aurait-il pu narrer les doutes, les heurts de ce jeune état juif? Car Yossef est un peu un morceau d'histoire israëlienne: attirance et répulsion, amour et haine, envers le peuple cousin.
Les contradictions d'hier sont encore celles d'aujourd'hui: Barkaï les raconte avec la truculence des couleurs du Moyen Orient et la chaleur de la musique arabe.
Un premier roman déroutant où le héros fait l'unanimité contre lui, où il aura une fin à la mesure de sa vie....Yossef serait-il une métaphore de ce Moyen Orient déchiré? Peut-être, peut-être pas, mais il en a quelques images.
L'avis du bibliomane.
4 commentaires:
Je vais en sélectionner 5 dans la liste. Je suis donc avec intérêt tes compte-rendus ! Ce livre m'intrigue assez. Je pense le lire car le sujet m'intéresse. Ne trouves-tu pas la sélection de cette année étonnante par rapport à celle des autres années (peu d'auteurs connus et des livres un peu atypiques)?
Oui, je suis très surprise par l'écclectisme de cette sélection. Mais, elle permet aussi de sortir des sentiers battus et de mettre en avant des romans qui n'ont pas été beaucoup remarqués par la presse.
Nous irons certainement écouter, et voir, Orsenna en Mai à Morlaix.
Connais-tu la date ?
Le 3 mai à 12h, Brit Air, aéroport Morlaix...je serai en classe et donc ne pourrai pas y assister: j'enrage!
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