mercredi 21 mars 2007

Il était une fois l'Amérique



C'est mon premier Updike et à peine la lecture commencée, j'ai été étreinte par une peur irrationnelle: celle de fermer le livre avant la fin! Dès la page 16, je baillais, je cherchais un mot, une phrase pour me raccrocher au récit! Puis, je me suis rappelée qu'il fallait au moins patienter jusqu'à la page 50 avant de penser à « jeter l'éponge ».
En effet, la mise en situation de la saga familiale s'ouvre sur un pasteur qui perd la foi. Comme je ne suis pas états-unienne ni protestante, je me suis trouvée devant des considérations philosophico-religieuses très complexes à mes yeux, à la limite de l'abscons!
Mais, ô miracle!, à la fin de la première partie, Updike et ses personnages m'avaient conquise... ouf!
Que dire de cette saga américaine sinon qu'elle nous fait vivre le rêve américain, elle nous retrace l'histoire des Etas-Unis de 1910 à 1990....presque un siècle!
Updike nous promène dans ce siècle de tous les possibles en compagnie de quatre membres de la famille Wilmot: Clarence, le pasteur patriarche, Teddy, le fils cadet, Essie, la petite-fille et Clark, l'arrière petit-fils. Quatre volets de l'Histoire récente des Etats-Unis d'Amérique.
1910, Clarence Wilmot perd la foi et refuse le compromis de l'hypocrisie: continuer son sacerdoce. Son courage n'a d'égal que son athéisme conforté par l'émergence d'un art nouveau: le cinéma muet! L'ancien pasteur, devenu représentant d'une encyclopédie américaine (concurrent de l'Encyclopédia Britanica), faisant du porte à porte stérile tant chez les bourgeois que chez les prolétaires, entre oublier ses déboires et son désespoir dans les salles obscures. Il y a parfois des accents austériens dans la descriptions des scènes muettes qui rappellent « Le livre des illusions ». 1910 et la décennie suivante: la Grande Guerre et la Dépression qui meurtriront dans leurs chairs les soldats et les ouvriers. L'Amérique fait toujours rêver mais à quel prix! Le cinéma est là pour faire oublier mais aussi pour garder en mémoire, burlesque et tragique (merci Charlot), les heures sombres de la mondialisation (déjà!!) de l'économie. Dieu semble avoir abandonné les hommes et tourné le dos à ce triste et vain spectacle. Clarence s'éteindra, seul dans sa chambre, et son fils Teddy reprendra le flambeau de l'apostasie paternelle.
1929, Teddy, marqué par la défaite spirituelle de son père, ne jure que par la tranquilité d'une vie sans autre ambition que celle de ne pas se faire remarquer: surtout ne pas mettre en avant ses capacités intellectuelles...pour vivre heureux, vivons cachés! Et la bonne cachette: devenir facteur. Il refusera même de devenir Receveur des Postes: les luttes de pouvoir et les ambitions mesquines ne l'intéressent absolument pas. Il cultive, sans bruit, son jardin intérieur, et développe une immense tolérance envers l'être humain...tant qu'il n'empiète pas sur la liberté d'autrui! La famille Wilmot traverse, sereinement, les années de la Prohibition et de la seconde guerre mondiale, dans leur ville provinciale de Basingstoke, Delaware.
Années 40/60, Essie, la fille de Teddy, reprend le flambeau familial de l'amour du cinéma: son rêve, devenir actrice. Elle n'aura de cesse de quitter son Delaware natal pour New-York puis la Californie et Hollywood. Grandeur et décadence des Majors, des grands studios: le cinéma scintille mais meurtrit aussi les hommes. Elle sait jouer de son corps, de son charme, elle jouera avec les plus grands mais ne sera qu'une Maryline de second ordre....c'est ce qui la sauvera sans doute. Peu à peu, la télévision detrône le cinéma: plus proche des gens, moins chère. La publicité est le nouveau court métrage, les téléfilms les nouvelles productions. La jeunesse prime: dès qu'une ride apparaît, c'est l'oubli assuré. Essie luttera contre la « chasse aux sorcières » responsable du déclin du grand cinéma...déjà trop politiquement incorrect? L'imagination n'est plus au pouvoir, l'uniformisation des goût en route. On ne peut oublier ces stars glamour à souhait...Maryline, Rita, Audrey, Ingrid...la sensualité suave s'évanouit dans les nouveaux codes de l'industrie cinématographique.
Années 80/90, Clark, le fils unique d'Essie, pur produit californien, se traîne dans la vie comme dans la société impitoyable adorant celui qui réussit, brûlant celui qui végète. Les remugles du désastre du Vietnam sont encore brûlants, braises sur lesquelles les gourous peuvent souffler. La désespérance efface les repères des âmes faibles, broyées par ce système individualiste. Dieu prend d'étranges apparences, Dieu est interprêté de manière surprenante et déstabilisante. Dans une société trépidante, omnibulée par la vitesse et l'argent facile, les religions parallèles font florès. Clark, rencontre, dans une station de ski des Rocheuses, Jesse Smith, un gourou, vétéran du Vietnam, chef spirituel d'une secte. Le lecteur ne peut que se souvenir de l'épisode sanglant de Waco: la rencontre explosive d'une Amérique hautement technologique et d' une Amérique obscurantiste scandant la Bible et attendant l'Apocalypse. La folie égocentrique du gourou met le doigt sur une faille spirituelle: l'absence d'humanité dans notre société moderne.
Les Etats-Unis dansent follement sous la plume agile et ironique d'Updike qui démystifie, quelque peu, le rêve américain.

10 commentaires:

Jules a dit…

J'ai fait une tentative Updike pour le Challenge 2007 et je suis à la recherche d'un autre auteur pour le "U"... je n'ai pas pu finir le livre! :(

Katell a dit…

Je me suis accrochée mais j'ai bien failli arrêter. c'est permis le jeté d'éponge!
Par contre, je ne connais pas d'autres auteurs pour la lettre U :-(

Anonyme a dit…

Tiens ça m'intéresse les avis sur cet auteur qui a été tant choisi pour le challenge et qui ne me tentait pas. Peut-être que je tenterai ce livre à l'occasion car j'aime bien les sagas familiales du moment que cela ne prend pas trois tomes ;)
Pour mon challenge, j'ai choisi Jane Urquhart. C'est le prochain livre sur ma liste donc cela donnera peut-être des idées à d'autres challengeurs !

Katell, je voulais surtout t'entretenir de chants en maternelle. Je suis en pratique accompagnée jusqu'à demain en mat pour préparer mon stage de mai et je me rends compte que je suis une bille en références musicales pour les petits !! (à part les grands classiques et encore !!). Bref, si tu as des références à me communiquer, je suis preneuse ! (paroles + enregistrement ou paroles + partitions) D'avance merci !

Anonyme a dit…

Je note ce titre parce qu'il y a longtemps que je veux lire Updike.

Jules : pourquoi n'essaie-tu pas Brady Updall ?

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup la littérature américaine et les grandes sagas qui s'y passent...
J'aime aussi beaucoup le rapport à la religion des américains et les livres qui en traitent (je pense à Bethlehem, texas de Christopher Cook entre autres...)
Alors je note ce livre, je crois que ça me plairait!

Anonyme a dit…

Encore un américain que je n'ai pas lu...
Tiens comme Papillon je voulais proposer à Jules d'essayer Udall pour son challenge (il est dans ma LAL)

Katell a dit…

@flo: c'est noté...je t'envoie un mot sur ta boîte courriel.
@papillon et gachucha: début difficile mais après on se laisse emporter par l'histoire.
@allie: il devrait vraiment te plaire :-)

Anonyme a dit…

Merci beaucoup !!

Anonyme a dit…

Espérons que la lecture de l'Updike de mon ABC 2007 soit moins laborieuse au début :o)

Katell a dit…

J'espère aussi lou ;-)