mardi 24 juillet 2007

L'Ouest sauvage

Un vieil universitaire, Lyman Ward, professeur d'histoire à la retraite, unijambiste, ronchon et condamné au fauteuil roulant, se plonge dans le passé de pionnier de des grands-parents. Il épluche, classe, met en mots, recopie les lettres que sa grand-mère adressait à ses amis Thomas et Augusta Hudson, patriciens newyorkais restés dans l'Est.
Oliver Ward est un jeune ingénieur inventif et aventurier qui se lance à corps perdu dans la construction de l'Ouest américain encore sauvage. Il participe à la construction, à la consolidation de mines aurifères ou d'argent, perdues aux frontières montagneuses du monde civilisé: dans le Colorado, le souvenir de Custer face aux Indiens est encore vivace et frais, les hommes sont frustres, peu éduqués, paillards, sans foi ni loi. La dure loi de l'Ouest sauvage règne, les appétits des investisseurs insatiables, l'apport de la civilisation héroïque. Susan Burling Ward, jeune fille de l'Est des années 1860 éduquée par la littérature et les bonnes manières d'une société américaine encore très victorienne (on se croirait parfois au coeur de Londres bien que l'on soit à New York!) et étudiante aux Beaux Arts, suit son époux dans ces contrées encore brutes et sauvages. Elle rêve d'un avenir radieux de réussite et de reconnaissance professionnelle pour son Oliver, hélas toujours en avance sur son temps. En effet, la vie rêvée de succès et d'établissement stable et durable fait long feu: Susan suit la vie errante de son ingénieur de mari, ses angoisses, ses échecs, ses éternels recommencements dans des territoires toujours en devenir. Cependant, en femme déterminée et talentueuse, elle profite de ses pérégrinations de pionnière pour croquer cet Ouest en construction, pour rédiger une correspondance abondante, détaillée et émaillée des menus comme des grands faits de son quotidien. Elle est la reporter privilégiée de ce monde neuf qui se bâtit à la sueur des hommes et des femmes qui ont tout laissé derrière eux. Elle envoie dessins, croquis et textes à diverses revues de l'Est et sans doute offre ainsi à ceux qui demeurent au coeur de la civilisation des frissons d'aventure!
Le lecteur part à la découverte des bâtisseurs de civilisation, de villes, d'états, d'insfrastructures. Il suit, sous la plume épistolaire de Susan et l'oeil fasciné de Stegner, la progression du chemin de fer, la conquête des cols des Rocheuses à la sueur et la mort des animaux de bâts qui crèvent de fièvres et de froid: les chevaux, les ânes et les mules sont les véhicules précieux annonçant la venue du cheval de fer, les chevaux, le chapeau et les pistolets sont les accessoires vitaux de ces pionniers frustres, vivant à la dure et violents.
Stegner, par les yeux et les mots de Susan, peint l'avidité brutale des humains assoiffés de gloire et de richesses: rien ne les fait reculer, pas même la tromperie ni le meurtre, pour accaparer les concessions! Le mythe américain de tous les possibles est à nouveau sur les rails. A travers le regard de son héroïne, si victorienne si est des Etats-Unis, il nous parle de ces rêves qui font avancer et vivre certains bien que le monde tente, sans relâche, de leur mettre les bâtons dans les roues pour qu'ils ne réalisent pas: Oliver est l'icône de l'idéaliste qui ne pense en aucun cas à son enrichissement mais toujours à l'avancée du progrès et de la civilisation (pour transformer, grâce à la construction d'un canal, un désert en champs fertiles). On se demande comment fait Oliver pour survivre à la lente destruction de ses rêves alors que le monde neuf et sauvage n'est que merveilles et richesses! Sans doute Oliver est-il un homme qui ne pense qu'au bien-être d'autrui et à celui de l'Humanité? C'est à dire, un homme qui ne fera jamais fortune sonnante et trébuchante et qui sera, aux yeux des pionniers, assoiffés de gloire et d'or, figure de « raté » alors que ce qui l'intéresse est la richesse intérieure que procure la satisfaction d'un travail bien fait avec honnêteté! Un extra-terrestre en quelque sorte!
Wallace Stegner fait partie des écrivains de l'école du Montana et est considéré par Jim Harisson et Thomas Mcguane « comme leur initiateur à une certaine vision du monde ».
Il a reçu le prix Pulitzer pour « Angle d'équilibre » en 1972 et quelques romans sont publiés en français:
« Angle d'équilibre » « La vie obstinée » « Vue cavalière » (un autre avis dans Lire ici) et « L'Amérique redécouverte » (recueil de textes de Wallace et de photographies d'Eliot Porter).
Un écrivain à découvrir avec enchantement et une lecture jubilatoire de bout en bout! Je ne peux que vous recommander chaudement de tenter l'aventure littéraire Stegner.


Tatiana en parle aussi.





Roman traduit de l'anglais (USA) par Eric Chédaille

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Katell, tu me fais envie avec ce livre! J'Adore tout ce qui traite des premiers bâtisseurs et de l'Ouest américain...

Je note :D

Katell a dit…

@allie: je suis super contente de donner envie de lire ce formidable auteur américain trop méconnu en France. Peu de romans traduits en français mais il me semble que les traductions sont en cours :-)