dimanche 15 avril 2007
Nouvelles indiennes
Je continue mon voyage au pays de la littérature indienne. Après un polar et trois romans, j'ai opté pour un recueil de nouvelles d'un auteur que je ne connaissais pas du tout Khushwant Singh. Il est composé de 10 nouvelles dont un autoportrait de l'auteur.
« Une épouse pour le sahib », la première nouvelle du recueil éponyme, est saisissante: l'incompréhension de deux jeunes époux séparés par le gouffre culturel. L'homme est empreint de culture anglaise, la femme issue d'une famille traditionnelle. Lui mange avec couteau et fourchette des plats occidentaux, elle mange avec ses doigts des plats indiens traditionnel. Lui ne ressent que dégoût et répugnance vis à vis d'elle, elle n'est que silence et souffrance jusqu'au suicide. A cette lecture, on saisit le mur invisible qui s'est construit en silence en Inde sous l'autorité britannique. Cependant si la détresse de la jeune épouse est visible, palpable, celle du jeune homme est réelle sans appraître: son côté snob, imbu de lui-même, le mène à une tour d'ivoire et une impasse, un chemin qu'il regrette amèrement devant le dénouement fatal de sa lune de miel.
« Rebellion » est la plus ironique du recueil: elle met en scène les chiens des rues, notamment l'idylle annuelle d'une chienne Rani, nourrie par un hindou, et d'un chien Moti, appartenant à un musulman. Après une nuit d'émeute sanglante entre musulmans et hindous, suite à une bataille canine, la ville est à feu et à sang. La scène finale est le couple mixte formé par Rani et Moti heureux parents d'une portée de chiots métisses! Et si les hommes se conduisaient de façon plus absurde que les animaux?
« Karma », un récit qui montre combien l'éducation anglaise acquise n'est d'aucune utilité dans un monde qui n'est pas encore prêt à l'émancipation des colonies. Sir Mohan Lal, haut fonctionnaire, arrogant au plus haut point, méprisant son pays et sa culture, méprisant son épouse et ses feuilles de bethel, va être victime du racisme ordinaire de soldats anglais: il se retrouvera jeté sur le quai de la gare tel un paquet de linge sale, sans que son éducation anglaise lui ait été utile. On ne peut s'empêcher de penser qu'il a mérité un tel sort.
« Portrait d'une dame », la nouvelle qui m'a le plus touchée: un hymne d'amour pour sa grand-mère, vieille dame digne et empreinte de traditions d'une Inde qui disparaît lentement. L'image finale des oiseaux s'envolant pour accompagner l'âme de la grand-mère est d'une poésie sublime et d'une grande beauté.
« La voix de dieu » ou la peinture d'une campagne électorale dans une Inde qui marche vers l'indépendance: pots de vin, népotisme, pouvoir de l'argent et un candidat, solitaire qui sillonne la région à cheval, tel un don Quichotte de la politique honnête. Un pèlerin de l'utopie égaré dans l'étrange monde qu'est la politique.
« Kusum » où l'héroïne est une jeune fille bien sous tout rapport et qui est persuadée que seule l'intelligence peut suffire à séduire....jusqu'au jour où elle se rend compte qu'aucun homme ne la regarde car elle n'offre qu'une image revêche d'elle-même. Un marchand de fruit lui révèlera sa beauté ignorée: « une fille attirante aux yeux noirs, avec une masse de cheveux sombres en désordre ornés d'un bouton de rose... ». Etre femme de tête doit-il rimer avec sobriété et morosité? Etre femme cultivée est-il incompatible avec féminité et charme? Loin s'en faut, il me semble!
« Vint la mort pour Daulat Ram » ou comment une famille se retrouve réunie pour les ultimes instants du père, avec un personnage de mendiant des plus surprenants.
« L'homme à la conscience tranquille » ou le parcours d'un homme tolérant détestant violence gratuite et racisme.
« Fleur noire de jasmin » parle en filigrane de la peur du sexe éprouvée par l'auteur. Une rencontre sensuelle estudiantine ressurgit au crépuscule de sa vie. L'histoire peut-elle bégayer ou alors s'affranchir d'une ancienne peur?
« Sur moi-même », l'autoportrait objectif de l'auteur. Avec ses qualités et ses manques, avec ses errances et ses forces. Tout ce qui l'a construit en tant qu'homme de lettres.
J'avoue avoir été un peu déçue par ce recueil qui ne m'a pas vraiment transportée. Pourtant, l'écriture est agréable à lire et les personnages intéressants du fait de leurs tristes arrangements avec la vie, de leurs lâchetés et de leurs mensonges. Leur bonheur est gâché par les maladresses accumulées. Mais sans doute est-ce cela l'essence humaine: l'art de la maladresse, porte ouverte au grand gâchis?
L'avis plus enthousiaste de Cathe
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7 commentaires:
Dommage, j'aurais été tentée de l'acheté pour sa couverture...
Ouch! trop tôt pour écrire des commentaires!! "l'acheter"
Jules, tu peux peut-être l'emprunter à la bibliothèque. C'est ce que j'ai fait et c'est ce que j'essaie toujours de faire.
Merci pour le lien :-) et pour ton passage sur mon blog.
Je l'ai lu après avoir lu de nombreux livres de littérature indienne et j'ai été heureusement surprise par le ton ironique et cruel qu'avait cet Indien pour ses semblables. C'est très différent de tout ce que j'avais lu auparavant (l'Inde, son histoire, la place des femmes, ...). C'est peut-être pour cela qu'il m'a plu. Pris tout seul, il peut en effet peut-être décevoir.
Ah! moi aussi je suis dans la littérature indienne! je lis La Vingtième épouse de Jesaisplusqui :o) je n'en suis qu'au début, mais j'aprécie le dépaysement!
J'attends ton avis avec impatience afin de poursuivre mon aventure indienne.Super sympa ton animation avec musique pour annoncer tes prochaines lectures!
Pour l'instant, je n'ai pas eu le temps d'en lire beaucoup, mais je me régale!
merci! je fait ce que je peux pour rendre le blog un peu plus vivant! :o))
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