mercredi 4 juillet 2007

Cumulus, nimbus, stratus, cirrus et Cie

Voilà un roman qui a fait beaucoup couler d'encre sur les blogs! « La théorie des nuages » faisait partie de la sélection du Prix des Lecteurs du Télégramme 2006 et quand on connaît le bon goût littéraire du comité de lecture du prix, on se dit que l'on va passer un excellent moment de lecture....et on ne se trompe pas!!!
Virginie Latour, détachée de la bibliothèque où elle exerce, est amenée à travailler avec le célèbre couturier japonais Akira Kumo afin de référencer tous les ouvrages de sa bibliothèque. Akira Kumo est un collectionneur particulier: il glane tous les ouvrages possibles et imaginables consacrés aux nuages et à la météorologie.
A mesure que les jours passent, Virginie et Kumo s'apprivoisent, Virginie écoute Kumo lui raconter les nuages, leur histoire, les hommes de science comme les artistes qui les ont observés ou peints. Leurs conversations entraînent le lecteur au gré des nuées, au fil des tableaux de classification de Luke Howard, au coeur des peintures de Carmichael, au fil des écrits de Goethe et des « rapports du temps » élaborés par des anonymes. Une pièce maîtresse manque à la collection de Kumo: le protocole de Richard Abercrombie, ouvrage qui réservera bien des surprises.
Les nuages ne sont pas anodins et peuvent avoir une longue emprise sur les saisons partout dans le monde: l'explosion du Krakatoa en 1883 fera longtemps tournoyer dans l'atmosphère ses particules tout comme l'explosion sur Hiroshima lancera dans le ciel un nuage d'une mortifère beauté.
Stéphane Audeguy dans une écriture tantôt poétique, tantôt sensuelle, nous emmène dans le monde aérien des nuées, des nuages dans lesquels le rêveur, allongé dans l'herbe, aime trouver animaux, continents, visages ou allégories. Le lecteur lit avec ravissement ces noms presque communs aux accents de voyages interminables: cumulus, nimbus, stratus, cirrus et autres cumulo-cirro-stratus. Il suit avec délice les pérégrinations de ces hommes du dix-neuxième siècle aux regards tournés vers les cieux, la rencontre imaginée par Kumo entre Luke Howard et Goethe à Shaffhausen, en Suisse (près des chutes du Rhin), moment d'une nostalgie poétique digne d'un paysage romantique.
Ce roman, aux formes multiples, ose une rencontre d'une sensualité parfois dérangeante entre les nuages et les sexes féminins: aussi protéiformes les uns que les autres, aussi sensuels et aussi imprévisibles. Une nouvelle cartographie du Tendre mêlant le spirituel à l'émotionnel? Une belle histoire contée avec adresse et vivacité, tenant constamment en haleine le lecteur et réussissant avec brio à rendre digeste les descriptions scientifiques de la goutte d'eau de pluie ou de la constitution d'un nuage!


J'ai aimé ces passages:


« Car le soleil, lui, ignore la couleur en soi, la lumière qu'il émet n'en possède pas, ou les possède toutes. Le soleil se contente de bombarder l'atmosphère de la terre de toutes ses longueurs d'onde, de toutes ses forces de soleil, qui vont du pas tout à fait rouge à l'au-delà du violet. » (p 74)


« Rien au monde n'est plus fascinant que les nuages, sinon l'océan; mais là est le danger. Car rien n'est plus vain, plus trompeur, plus stupéfiant que cette matière toujours changeante, toujours renouvelée; et l'on eput si aisément s'épuiser à vouloir décrire, comprendre, dominer. » (p 280)


« Elle songe qu'une partie des cendres d'Akira Kumo va probablement rester là, à nourrir les arbre de la lande; tandis que l'autre partie, projetée si brusquement dans les plus hautes couches de l'atmosphère, ne va pas redescendre de sitôt. Virginie songe qu'avec un peu de chance ces cendres emprunteront l'un de ces courants de haute altitude qui nous survole sans cesse, à plus de quatre cents kilomètres à l'heure, et qui sont en fait les véritables artisans du temps qu'il fait, beaucoup plus bas, sur terre. Elle songe qu'une partie de ces poussières peut venir croiser, dans son périple autour du globe, les derniers grains de poussière du grand volcan Krakatoa; ou bien même les ultimes traces vitrifiées, affreusement radioactives, d'une petite fille vaporisée au bord de la rivière Ota, près de la ville d'Hiroshima. » (p 290)


D'autres impressions de lecture, qui m'ont donné envie de lire ce très beau roman, ici, , encore ici, puis ...et j'en oublie certainement.
Et un bonus pour illustrer le monde des nuages: un diaporama de quelques tableaux de Carmichael glanés sur le net:


8 commentaires:

BelleSahi a dit…

Je l'avais noté ici ou là et je le surligne chez toi. Bonnejournée sous les trèsgrisusquipleuvus !!!!!

Katell a dit…

@bellesahi: j'imagine que tu en as plus qu'assez des nuages en ce moment ;-) Mais le roman est très très beau et il est sorti en poche.

Anonyme a dit…

Hihi, le soleil est revenu , chouette ! Et même sous le soleil, il faut découvrir ce roman!

Anonyme a dit…

Ici aussi le soleil est revenu mais il joue à cach-cache avec les nuages qui défilent à une vitesse incroyable à cause du vent, joli spectacle qui m'a aidé à supporter les bouchons.

Anonyme a dit…

J'ai très envie de lire ce roman! Je l'avais déjà noté eh bien j'ai encore plus envie de le lire maintenant :)

BelleSahi a dit…

Oui le solei est revenu en début d'après-midi. Si en plus il est en poche...

Anonyme a dit…

Ton commentaire, ajouté à ceux de Pascal et de Moustafette, m'ont fait ressortir ce livre de sa pile. Je l'avais mis de côté après avoir lu l'excellent "Fils unique" du même auteur.

Katell a dit…

@cathulu: même sous la pluie, il est super à lire ;-)
@moustafette: ce roman nous fait regarder le ciel de manière plus attentive :-D
@allie: et nous attendons ton avis avec impatience!
@bellesahi: ouf, tu dois avoir le sourire avec le soleil qui pointe son nez! Il ne te manque plus que "La théorie des nuages"!
@cathe: là, je doute que tu puisses reculer le moment de t'y plonger ;-P