vendredi 27 avril 2007

Rencontre avec Dominique Manotti


Dans le cadre du Prix des Lecteurs du Télégramme, des rencontres avec les auteurs sélectionnés sont programmées. Jeudi 19 Avril dernier, je me suis rendue à la Bibliothèque Municipale de St-Brieuc (Côtes d'Armor) pour écouter, et voir, l'écrivaine de romans noirs Dominique Manotti dont le dernier roman « Lorraine connection » fait partie de la sélection 2007. A noter: je n'avais pas encore lu son livre et j'espérais que la rencontre n'en dévoilerait pas trop .
Un libraire de St-Brieuc accueille les participants avec un étal de titres de l'auteure, fort alléchant ma foi (comme je m'en doutais, je n'avais pas pris mon porte-monnaie afin de ne pas craquer.). Deux journalistes sont également présents, interviewant les auditeurs-lecteurs participant au prix (une dame vient spécialement de Pontivy, dans le Morbihan: elle a lu le roman!) et l'auteure. L'ambiance est chaleureuse et conviviale: les gens échangent leurs impressions de lectures et parlent de leurs préférences. Nous ne sommes, hélas, pas nombreux dans la salle mais nous sommes tous motivés par le goût de lire et l'envie de mieux connaître la romancière.
La rencontre commence et mes craintes s'envolent: l'animatrice a le tact de ne pas déflorer le sujet de « Lorraine connection » que beaucoup d'entre nous n'ont pas encore lu!
Dominique Manotti, ancienne prof d'histoire à l'université, entre en littérature « noire » en 1993: elle vient d'avoir 50 ans et a eu l'envie irrépressible d'écrire des romans noirs après la lecture de « L.A Confidentials » de James Ellroy. « Si on arrive à exprimer des choses aussi fortes en écrivant des romans noirs, pourquoi pas? Ça vaut le coup d'essayer. »
En 1995 est publié son premier roman « Sombre sentier ». Le quartier du sentier est le personnage principal du roman et est à lui tout seul un roman noir: c'est un lieu hors la loi, avec ses propres règles.
Dominique Manotti est d'une génération très politisée, marquée par la guerre d'Algérie. Ce fut un choc que d'apprendre les horreurs de cette guerre: un abime s'ouvre entre l'identité de la grande nation des droits de l'homme et les réalités sordides de la guerre. Son engagement syndical et politique en est issu. L'écriture l'aide à vivre les années difficiles des années 1980 (élection de F.Mitterand et les affaires qui ont suivi), à avoir de nouveau le goût d'entreprendre, d'avancer: « un essai historique se démode très vite. Il n'y a rien de plus fugace que la pensée historique » alors que « le roman touche beaucoup plus profondément, il touche la sensibilité, les sensations, il va au coeur, à l'ensemble de la personnalité du lecteur », « le roman est plus près de la vérité historique que l'essai historique ».
Plusieurs romans, noirs toujours, suivent: « Le corps noir » (le plus personnel) « Kop » (milieu footballistique), « A nos chevaux! » (monde des courses), « Nos fantastiques années fric » (l'immobilier). Ces trois derniers romans explorent les grandes et scandaleuses affaires financières des années Mitterand pour en donner une réalité la plus proche possible d'une réalité complexe, certes vision très noire mais jamais schématique, sans manichéisme. D'où la multiplication des personnages afin de rendre compte d'une réalité multiple et diverse.
Pour Dominique Manotti, le rythme est la première chose dans l'écriture et elle utilise souvent la rupture d'énonciation, influence cinématographique qui amène à écrire avec des images. Elle essaie de casser la convention d'écriture de la pensée intérieure, homogène et continue....le cinéma a cassé une certaine forme du roman balzacien.
Par ailleurs, elle essaie d'être sobre dans la description des scènes de meurtres: elle ne veut pas s'apesantir sur le sordide, le « gore » du crime.
Un auditeur lui a alors demandé ce qui la faisait courir, du point de vue littéraire. Dominique Manotti aimerait dresser le portrait de sa génération, celle de la guerre d'Algérie, celle qui traverse les années Mitterand....une envie très balzacienne!
J'ai aimé cette rencontre, très intéressante et très enrichissante, car l'auteure non seulement a parlé d'elle, de ce qui a fait d'elle une écrivaine de polar, mais aussi de son travail d'écrivain (la documentation importante, le souvenir, les souvenirs, les accumulations de faits d'actualité et comment s'en servir à bon escient...): elle tient des listes de ce qui doit être gardé et s'oblige à les insérer dans l'histoire.
J'ai été attendrie quand j'ai appris qu'elle avait un mal fou à trouver les noms de ses personnages, qu'il n'était pas facile de quitter un roman, quand on le lâche, quand il est édité, il n'appartient plus à l'auteur mais au lecteur. Aussi ce passage est-il difficile pour un auteur. Un petit « secret »: pour passer ce cap difficile de la dépossession, Dominique Manotti a un truc, elle change les noms des personnages à la dernière minute!
Autre petit secret: elle n'arrive pas à écrire sans dater....en raison de sa formation d'historienne?

7 commentaires:

BelleSahi a dit…

Je ne suis pas du tout un fan de polar.
Rencontrer un auteur est toujours très intéressant. Avec les enfants de la lecture nous en avons rencontré une en novembre et les enfants ont beaucoup aimé aussi. Regarde c'est ici.
http://dlivresetdchamps.canalblog.com/archives/2006/11/08/3114442.html#comments

Anonyme a dit…

J'ai beaucoup de mal avec les romans noirs qui me font trop peur !!!! mais j'apprécie les rencontres avec les auteurs qui apportent toujours beaucoup.

Katell a dit…

@bellesahi: j'y suis allée et le reportage est vraiment parlant. Le plaisir de rencontrer un auteur est toujours grand.
@gambadou: je dois avouer que Dominique Manotti écrit plus du polar social que gore...et c'est tant mieux.

Anonyme a dit…

Voilà le type de polar que je suis capable de lire. Les histoires sanglantes ce n'est pas pour pour moi non plus.Intéressante cette rencontre ! Comme toi j'adore cela.

Katell a dit…

@sylire: si tout va bien côté emploi du temps, je devrais participer à la rencontre avec Ron Barkaï à Brest le 23 mais prochain.

Anonyme a dit…

C'est vrai ?
Je l'ai noté sur mon agenda mais je ne suis pas certaine d'y aller. Si je me décide, je te le dis, qu'on se fasse un petit coucou !

Katell a dit…

@sylire: oh oui! ce serait super sympa!